Intervention de Éliane Houlette

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 mai 2016 à 9h46
Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales — Audition de Mme éliane Houlette avocat général à la cour de cassation procureur de la république financier près le tribunal de grande instance de paris

Éliane Houlette, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris :

Non. Pas pour le moment. Les schémas sont devenus très complexes. La fraude fiscale a énormément évolué avec la mondialisation et la révolution numérique. Autrefois, il suffisait d'ouvrir un compte numéroté en Suisse dont on était le seul titulaire sous-jacent ; aujourd'hui on passe aujourd'hui par des sociétés offshore dans plusieurs pays, en s'appuyant sur des moyens technologiques très sophistiqués. C'est bien pourquoi nous nous attachons à développer la coopération internationale, en n'hésitant pas à nous rendre sur place. Dans un important dossier de fraude à la TVA financière en matière automobile que nous avons mis au jour, nous avons organisé des perquisitions simultanées en France et en Espagne et notre collègue Emmanuel Chirat ici présent, qui, comme ancien enquêteur de la douane judiciaire sait fort bien mener des enquêtes de terrain, s'est rendu en Espagne lors des opérations, et sa connaissance du dossier a aidé à la saisie de nombreux documents. D'autres collègues se sont rendus en Russie, au Qatar. Nous essayons, chaque fois que possible, d'aller sur le terrain pour appuyer nos demandes d'entraide ou relancer les pays qui ne répondent pas.

Qu'en est-il de la coopération avec l'administration fiscale ? Je n'ai encore qu'un recul de deux années, mais je puis vous dire que notre volonté est bien de travailler avec tous nos partenaires institutionnels. Avec l'administration fiscale, nous avons créé des liens confiants et fluides, tant avec Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal, avec lequel je suis en contact régulier, qu'avec la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) et la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). Nous participons depuis l'origine à la task force de lutte contre les fraudes à la TVA, créée il y a quelques années à Bercy et pilotée par la direction générale des finances publiques. Ses réunions, mensuelles, permettent aux enquêteurs de la police judiciaire, des douanes, de l'administration fiscale de se rencontrer et d'échanger. Plus d'une vingtaine de dossiers sont issus de ces réunions. Lorsque nous procédons à l'analyse des plaintes que nous recevons, nous ne manquons pas de prendre contact avec le service susceptible de nous éclairer. Bref, nos échanges sont confiants.

S'agissant du « verrou de Bercy », depuis 2013, nous avons constaté une diversification des plaintes, et si j'en juge par la dimension de certaines des personnes morales ou la qualité de certaines des personnes physiques concernées, je puis dire que rien n'est caché. Les types d'impôts visés se diversifient également : tant la fiscalité personnelle que la fiscalité professionnelle sont concernées, puisque nous avons aussi à connaître de questions touchant aux prix de transfert ou à la notion d'établissement physique stable en France.

Le rôle de « filtre » assuré par la commission des infractions fiscales (CIF) est une bonne chose, dans la mesure où il faut être pragmatique : nous serions dans l'incapacité de traiter l'ensemble des plaintes. Il est une chose, cependant, que nous regrettons, c'est de n'être pas associés en amont de la saisine de la CIF, car notre participation aiguiserait peut-être la pertinence des choix.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion