Intervention de Éliane Houlette

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 mai 2016 à 9h46
Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales — Audition de Mme éliane Houlette avocat général à la cour de cassation procureur de la république financier près le tribunal de grande instance de paris

Éliane Houlette, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris :

Justement, sur les Panama Papers, nous avons déterminé des cibles. Dès lors qu'il s'agit de personnes physiques, nous savons faire, mais l'enjeu, pour nous, est d'essayer, au-delà, de comprendre comment ce système a pu se mettre en place, et donc de nous attaquer aux intermédiaires, aux facilitateurs. C'est l'objet principal de notre enquête, et c'est une volonté partagée par l'administration fiscale.

Pour éviter l'extension du phénomène de fraude à la TVA, l'une des solutions serait, pour moi, que l'administration fiscale nous saisisse dès qu'elle a des éléments, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, pour nous permettre d'intervenir le plus en amont possible. C'est ce que nous plaidons au sein de la task force dédiée à la TVA, et cela nous a permis de démarrer plusieurs enquêtes préliminaires, comme par exemple sur le dossier automobile avec l'Espagne.

Sur le Delaware, je ne puis guère vous éclairer puisque, comme je l'ai dit, il n'y a pas de demandes d'entraide avec les États-Unis.

La proportion de nos dossiers à l'international ? Presque tous nos dossiers de fraude fiscale font l'objet de demandes d'entraide internationale. Cela est moins fréquent en matière d'atteinte à la probité, mais sur quelques dossiers touchant au domaine boursier, nous travaillons en coopération avec nos collègues britanniques.

S'agissant du bilan des procédures achevées, je précise d'emblée qu'en matière économique et financière, il faut trois ou quatre ans pour qu'un dossier arrive à maturité, sachant que le temps d'enquête est au moins de deux ans. Dès le départ, je me suis donné pour priorité la répression en matière fiscale : les délits fiscaux portent une atteinte intolérable au pacte républicain. Nous avons porté pour l'heure trois dossiers devant le tribunal correctionnel, issus de la « liste HSBC » transmise par Hervé Falciani. Dans le premier, nous avions requis quatre ans d'emprisonnement dont deux ans ferme et un million d'euros d'amende ; il a été prononcé une peine d'emprisonnement de trente mois avec sursis et un million et demi d'euros d'amende ; nous aurions fait appel, mais la personne condamnée s'en est chargée... L'affaire sera donc rejugée devant la cour d'appel. Dans le deuxième, la peine requise était de deux ans, dont un an ferme, et un million et demi d'amende ; le prononcé a été de dix-huit mois avec sursis et 100 000 euros d'amende : le parquet a fait appel. Dans le troisième, l'affaire Nina Ricci, la peine prononcée était proche de celle que nous avions requise : trois ans d'emprisonnement dont un ferme, confiscation de biens, et surtout condamnation de l'avocat ayant facilité l'évasion fiscale à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende. Les personnes en cause ont bien sûr fait appel, comme cela est le cas de tous les dossiers que nous suivons.

Sur les Panama Papers, nul doute que face à l'ampleur de la tâche, nous manquons de moyens, mais si nous arrivons à comprendre, en travaillant étroitement avec l'administration fiscale et les services d'enquête, comment de telles ficelles ont pu se mettre en place, en s'attaquant aux facilitateurs, nous aurons déjà avancé, et nous serons peut-être alors en mesure de soumettre nos conclusions à la représentation nationale. Sachez bien que notre volonté et notre détermination sont extrêmement fermes.

Il y a, en effet, des améliorations à apporter pour assurer l'information du parquet national financier. En matière de fraude fiscale à caractère international, la remontée d'information devrait être obligatoire. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, et cela est dommageable à l'homogénéité de l'action publique et de la politique pénale en ce domaine.

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