Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, créée en 1953 à la suite de plusieurs expérimentations locales, la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, qu’on appelle communément « 1 % logement » est une contribution versée par les employeurs du secteur privé d’au moins vingt salariés. Cette contribution est fixée à 0, 45 % des rémunérations versées. Le réseau Action logement collecte cette contribution et la redistribue.
Malgré plusieurs réformes, le réseau Action logement connaît un certain nombre de difficultés de fonctionnement. Tout d’abord, l’émergence de collecteurs de taille significative pose la question de leur statut associatif. Ensuite, les collecteurs continuent de se livrer à une concurrence stérile pour attirer les « grands comptes ». Enfin, ils rencontrent des difficultés pour poursuivre la baisse de leurs coûts opérationnels et leurs résultats sont quelquefois décevants en matière de services rendus aux entreprises et aux salariés.
Les partenaires sociaux, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, ont donc décidé d’engager une réforme en profondeur d’Action logement. Ils ont ainsi proposé une nouvelle organisation du réseau comprenant cinq structures.
La première structure est la structure faîtière. Celle-ci demeurera un organisme paritaire et sera chargée de définir les orientations générales du dispositif. Elle sera également chargée de piloter et de contrôler les différentes structures mises en place.
La deuxième structure remplacera les collecteurs et sera chargée de la collecte et de la distribution de la PEEC.
Une troisième structure sera chargée de recueillir les titres détenus par les organismes collecteurs. Elle pourra acquérir des titres émis par des sociétés immobilières.
L’Association pour l’accès aux garanties locatives, l’APAGL, et l’Association foncière logement, l’AFL, verront leurs compétences respectives confortées. Leur champ de compétence sera cependant modifié. Il s’agit pour l’APAGL de prévoir le pilotage du nouveau dispositif de sécurisation des loyers, VISALE. L’AFL sera, quant à elle, autorisée à diversifier ses programmes de construction en vendant des logements neufs en accession à la propriété.
Enfin, un comité régional Action logement, le CRAL, représentera Action logement dans chaque région et aura vocation à identifier les besoins dans les territoires.
Le projet de loi qui nous est soumis prévoit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de traduire sur le plan juridique la nouvelle organisation voulue par les partenaires sociaux.
Je ne vous cache pas, madame la ministre, que nous aurions forcément préféré modifier directement le droit en vigueur. Certains de mes collègues ont d’ailleurs critiqué la méthode consistant à réformer la politique du logement par ordonnances et par paquets successifs, sans explications sur la cohérence d’ensemble des réformes proposées !
La réforme envisagée d’Action logement qui s’inscrit dans le prolongement des efforts de rationalisation précédemment entrepris présente d’indéniables avantages.
Ainsi, cette nouvelle organisation devrait permettre d’offrir un meilleur service aux entreprises, et donc aux salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle devrait favoriser aussi une plus grande transparence dans les critères de distribution et la répartition effective de la collecte.
Sur le plan financier, la réforme proposée a le mérite de mettre fin à une concurrence inutile et coûteuse entre les collecteurs. Cette centralisation de la collecte permettra, en outre, de poursuivre la baisse de 10 % des coûts de fonctionnement à laquelle s’est engagée Action logement dans la convention quinquennale.
Par ailleurs, la réforme proposée donnera à Action logement une meilleure visibilité. Les partenaires dans les territoires auront désormais un seul interlocuteur régional clairement identifié avec qui discuter et négocier les conventions régionales.
Plusieurs interrogations, inéluctables en cas de recours à une ordonnance, ont été formulées quant aux effets de cette réforme sur les organismes d’HLM et quant à la répartition territoriale de la PEEC.
Les organismes d’HLM avaient plusieurs sujets d’inquiétude portant sur la répartition de la PEEC entre les organismes d’HLM, sur la possibilité d’utiliser la PEEC pour acquérir des participations dans des organismes d’HLM et enfin sur le respect de la clause d’agrément applicable dans certaines sociétés d’HLM.
Des réponses ont été apportées, qui sont susceptibles de les satisfaire. L’ordonnance devrait ainsi comporter des règles spécifiques pour garantir l’absence de discrimination entre les organismes d’HLM. Elle devrait également inscrire dans le code le principe de distribution maîtrisée des dotations en fonds propres. Enfin, elle devrait comprendre des mesures permettant à l’État de contrôler la distribution des fonds entre organismes d’HLM et de s’opposer à des augmentations de capital, comme vous venez de le rappeler, madame la ministre.
J’en viens maintenant à la question de la redistribution territoriale de la PEEC, sur laquelle de fortes inquiétudes se sont exprimées en commission. Vous y avez également fait référence, madame la ministre.
Le principe de mutualisation des fonds entre les territoires, qui existe déjà dans l’organisation actuelle, devrait être maintenu. La répartition de la PEEC devrait être établie en fonction des besoins des territoires identifiés par les structures locales d’Action logement et en application des objectifs fixés par la convention quinquennale.
La commission s’est cependant interrogée sur la répartition effective de la PEEC. Quelle part restera à l’échelon national pour financer les politiques publiques de l’habitat et quelle part « redescendra » dans les territoires pour financer les aides aux personnes physiques et aux organismes d’HLM ? Quels critères seront retenus pour la répartition de la collecte entre les territoires ? S’agira-t-il, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, d’une application stricte de ce qui aura été décidé à l’échelon national ? Des souplesses et des adaptations aux spécificités territoriales seront-elles possibles ? Comment éviter une concentration des moyens sur les seules zones tendues ? Il s’agit d’empêcher que les constructions neuves ne se fassent uniquement sur les zones tendues et les réhabilitations sur les zones non tendues. Évitons les règles d’application unilatérales et uniformes, qui ne tiennent pas compte des réalités territoriales.
S’agissant de l’organisation territoriale d’Action logement, la réforme prévoit le maintien d’un ancrage territorial avec la mise en place des comités régionaux Action logement, les CRAL. Ainsi, dans chaque région, Action logement sera clairement identifiée, soit au niveau politique avec les CRAL, soit au niveau technique avec des délégations régionales.
Ces CRAL auront notamment pour mission de recueillir et de synthétiser les besoins des entreprises et des salariés dans les principaux bassins d’emploi de la région, ainsi que de conclure des conventions avec les conseils régionaux et les établissements publics de coopération intercommunale représentatifs des principaux bassins d’emploi de la région.
Toutefois, la commission s’est interrogée sur la répartition des rôles entre les CRAL et les délégations régionales. Quelle sera la marge de manœuvre des CRAL par rapport aux délégations régionales ? Devront-ils appliquer de façon uniforme les orientations de la structure faîtière ou bénéficieront-ils d’une marge d’appréciation ? Il ne faudrait pas que la centralisation de la collecte conduise une nouvelle fois à uniformiser la distribution des emplois dans les territoires et à gommer toute possibilité d’adaptation !
Au niveau national, le comité des partenaires devra jouer un rôle de vigie quant aux orientations et à la distribution de la PEEC entre les territoires. Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, des représentants des collectivités territoriales devraient siéger au sein de ce comité, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Enfin, l’ANCOLS, qui contrôle Action logement, jouera un rôle essentiel en nous permettant de connaître le montant des sommes collectées, ainsi que leur redistribution entre les organismes d’HLM et les territoires. Il est essentiel que cette agence ait les moyens de mener à bien cette mission.
En conclusion, je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez nous apporter des éléments de réponse de nature à nous rassurer, et à convaincre ainsi les plus réticents d’entre nous d’adopter le projet de loi sans modification.
Nous serons extrêmement vigilants sur les dispositions de l’ordonnance afin d’éviter, d’une part, que la concurrence entre CIL ne se transforme en concurrence entre organismes sous actionnariat d’Action logement et organismes sans actionnariat d’Action logement et, d’autre part, que certains territoires ne soient oubliés par cette nouvelle organisation.
Nous n’hésiterons pas à procéder aux corrections que nous estimerions nécessaires lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances si nous constations un décalage entre vos engagements et le contenu des ordonnances.