Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 19 mai 2016 à 10h30
Participation des employeurs à l'effort de construction — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

C’est la raison pour laquelle, tout en m’étonnant quelque peu de la méthode, je ne m’opposais pas radicalement au principe, ceci jusqu’à ce que le Président de la République fasse une très bonne proposition : les fameux « prêts de haut de bilan » accordés par la Caisse des dépôts et consignations, dans lesquels Action logement jouera d’ailleurs un rôle.

Dès lors que de tels prêts sont disponibles pour tous les opérateurs, et en particulier les ESH liées à Action logement, la capitalisation n’est plus ni nécessaire ni légitime d’un point de vue opérationnel.

Pour ma part, je souhaite donc que les engagements pris soient honorés – l’État ne saurait évidemment changer tout d’un coup de philosophie –, mais que nous allions au bout de ces dispositifs de capitalisation, jusqu’à leur extinction progressive, au profit d’autres solutions plus justes, plus équitables, et sans doute tout aussi opérationnelles. La tendance récente est d’ailleurs celle, précisément, d’une baisse régulière de la part capitalisée par rapport à la part redistribuée.

Je me félicite en tout cas que le Gouvernement soit intervenu pour garantir que les fonds ne soient pas inutilement « mis de côté » au détriment de l’action, et que certains opérateurs ne soient pas favorisés au détriment des autres.

Deuxième point important : la territorialisation. Mme la rapporteur a très bien exprimé les inquiétudes liées à la concurrence des objectifs. Le même débat a d’ailleurs lieu sur l’utilisation des fonds publics : l’obsession des zones tendues est légitime, puisque c’est là que les besoins sont les plus importants ; en même temps, l’erreur serait de négliger les besoins des zones non tendues.

Le débat que nous avons eu en commission l’a bien montré : dans certains secteurs ruraux, la mutation des espaces et l’aménagement du territoire requièrent des efforts en termes de traitement de l’ancien. Il s’agit notamment de rénover un parc HLM désuet, qui ne correspond plus aux besoins des jeunes générations.

La crainte est que la centralisation ne fasse oublier, au motif d’un « grand » intérêt général, de plus petits intérêts, lesquels sont pourtant tout aussi généraux. Il y va en effet de la capacité de la France à rester un territoire équilibré entre ses grandes métropoles, ses petits villages et ses villes intermédiaires.

Ce souci est légitime : l’histoire nous enseigne en effet, par exemple, que le monde industriel – y compris les nouvelles industries – se trouve rarement dans les métropoles. Nous devons donc éviter la situation où des territoires ne bénéficieraient pas de la richesse qu’ils produisent pourtant. Nous aurions beau jeu, ensuite, de déplorer leur « éloignement » ou leur « disqualification » ! Nous nous sommes compris, madame la ministre : ce point est déterminant.

Concernant la clause d’agrément, il faut préciser que les partenaires sociaux, quelles que soient les structures, ne sont pas nécessairement les mêmes localement et nationalement. Les partenaires locaux étaient habitués à être parties prenantes des choix effectués sur leurs territoires : ils participaient aux conseils d’administration de certaines ESH. Ils redoutent désormais – cette inquiétude est partagée par les syndicats et par le MEDEF – que le niveau national décide de désigner, depuis Paris, d’autres représentants, au motif que l’actionnariat qui était local est désormais géré par la structure faîtière. On craint donc que les « technocrates parisiens » ne prennent le pas dans les arbitrages des sociétés.

Je souhaite, madame la ministre, que l’État fasse preuve de vigilance sur ce sujet. Nous devons construire des structures de médiation – tout n’a pas à figurer dans la loi – qui permettent d’éviter une centralisation excessive, laquelle irait à contre-courant de nos orientations collectives. À défaut, en cas de désaccord de fond entre, d’une part, les partenaires sociaux d’un territoire, en l’occurrence le comité interprofessionnel du logement, ou CIL, local, et, d’autre part, la structure faîtière nationale, le risque sera celui d’un rapport de forces perpétuel.

Enfin, vous avez bien dit que le rôle et le fonctionnement des CRAL, ainsi que la marge de manœuvre dont ils disposeront au niveau local, devaient être davantage précisés. Ce qui me pose problème, c’est la complexité des modes de contractualisation. Entre les plans locaux d’urbanisme, les programmes locaux de l’habitat, les contrats qui seront signés avec les CRAL, ceux qui le seront avec les organismes d’HLM, sans parler de l’ANAH, il me semble nécessaire d’instaurer une cohérence d’ensemble.

Simplifier, unifier, rendre plus opérationnelle l’intervention de la puissance publique et des acteurs locaux : ces points seront sans doute à l’ordre du jour des prochains débats relatifs aux politiques de l’habitat et de la ville.

En tout cas, madame la ministre, nous voterons en faveur de ce projet de loi, tout en restant vigilants, comme beaucoup de groupes du Sénat, quant au respect du mot d’ordre « égalité et territorialisation ».

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