Madame la ministre, après ces premières interventions, vous aurez compris combien le texte présenté par le Gouvernement soulève des difficultés au sein de l’ensemble des groupes politiques de notre assemblée. Le logement en général et son financement font partie des préoccupations majeures du Sénat.
Avant toute chose, je tiens naturellement à saluer le travail de Mme la rapporteur Valérie Létard. Elle est, avec d’autres, une excellente spécialiste de la question. Le logement et la famille étant des sujets très proches, il est logique que les sénatrices s’y investissent particulièrement.
Mme la rapporteur a su prendre la mesure des propositions et, surtout, attirer notre attention et celle du Gouvernement sur les difficultés soulevées par ces réformes. Je compte bien évidemment sur elle pour être notre vigie quant à la publication et au contenu des ordonnances.
Je souhaite faire deux remarques de forme sur le présent projet de loi.
La première concerne évidemment le fait de solliciter une habilitation pour légiférer par ordonnances.
Par définition, proposer ce genre de texte, c’est demander aux parlementaires de se dessaisir de leur pouvoir de législateurs. Certes, nous votons l’habilitation et la ratification, mais les débats de fond sur les mesures législatives n’ont pas lieu. C’est largement regrettable, d’autant que ce n’est pas la première fois que ce gouvernement recourt à cette procédure dans le domaine du logement. La dernière fois, c’était en 2013. Il s’agissait d’accélérer les projets de construction. Je ne suis pas sûr que les ordonnances aient vraiment eu l’effet escompté !
Je comprends l’urgence à agir, étant donné que la fin de la législature approche, mais je suis convaincu qu’un débat serein et constructif dans les deux chambres aurait été possible dans les mêmes délais. Je me réjouis d’ailleurs que nos collègues députés aient réduit de trois mois le délai de publication des ordonnances ; cela devrait être largement suffisant.
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer le calendrier de publication et de ratification des ordonnances ? La censure du Conseil constitutionnel est déjà ancienne, mais je comprends que vous vouliez imprimer votre marque au texte. En tout cas, je suis intimement convaincu que nous pourrions en reparler lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui comprend aussi un volet consacré au logement.
Ma deuxième critique de forme tient à l’accumulation et au morcellement des réformes relatives au logement depuis quatre ans.
Nous avons examiné à deux reprises la loi Duflot, puis nous avons été saisis de la loi ALUR, qui a été retouchée dans la loi Macron. Et voici que, après les ordonnances déjà évoquées, un nouveau texte vient réorganiser totalement Action logement, avant que la discussion d’une réforme importante du logement social dans le titre II du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Avec les membres de mon groupe, je regrette que ces différentes réformes soient étudiées au coup par coup, sans vision globale.
Notre assemblée a toujours abordé ces différents textes avec beaucoup d’ouverture et de volonté. Néanmoins, un tel morcellement nuit à la compréhension des législateurs que nous sommes, mais aussi des Français eux-mêmes et de l’ensemble des acteurs publics ou privés du secteur. J’ose espérer que le découpage ne résulte pas d’une volonté délibérée du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, madame la ministre, nous aimerions qu’un vrai bilan de l’ensemble de ces réformes puisse être présenté, tant elles ont bouleversé le paysage du secteur.
J’en viens désormais au fond du projet de loi d’habilitation.
Comme Mme la rapporteur l’a souligné, le réseau Action logement connaît aujourd’hui des difficultés de fonctionnement et les partenaires sociaux sont tombés d’accord pour lancer des changements profonds d’organisation, qui constituent le fond même du cadre des ordonnances proposées. L’examen de ce texte nous donne l’occasion de reposer un certain nombre de questions sur le logement social, en particulier sur le financement et sur l’organisation des acteurs opérationnels.
La nouvelle organisation proposée doit pouvoir améliorer le service rendu aux entreprises et aux salariés, tout en limitant les coûts et la concurrence. L’objectif est bien de faire progresser l’efficacité du « 1 % logement », mais cette efficacité ne peut être obtenue au détriment de l’équité entre les habitants et entre les territoires.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, la principale interrogation de notre Haute Assemblée concerne la prise en compte équilibrée de tous les territoires.
Ma première inquiétude tient au fait que l’on recentralise et que l’on reconcentre Action logement pour que l’argent collecté soit « mieux » piloté, c’est-à-dire piloté par l’État ! Je n’émets pas de doute sur cette gestion, mais je vous mets en garde. Cet argent doit bien être dirigé vers le logement social, et non vers d’autres secteurs qui ne seraient pas suffisamment dotés. À l’heure actuelle, les tentations sont grandes !
Par ailleurs, la recentralisation ne doit pas s’effectuer au détriment des territoires. La réforme ne doit pas accentuer encore les écarts entre les secteurs urbains ou périurbains et les secteurs ruraux, voire « hyper-ruraux » comme dirait notre collègue Alain Bertrand. Vous le savez, ces territoires connaissent des problématiques souvent similaires ; ils ne peuvent pas souffrir qu’on leur apporte des solutions différentes ou qu’on ne les prenne pas en considération.
L’un des enjeux des ordonnances sera de garantir une répartition équitable de la PEEC. Auparavant, les collectivités locales assuraient un rôle important dans les choix réalisés et la prise en compte des besoins spécifiques de leur territoire. Comment la structure faîtière pourra-t-elle garantir demain cette prise en compte, qui demande de la finesse d’analyse et une connaissance du terrain ?
Les territoires doivent être entendus. Or, alors que la désertification menace, les bourgs-centres et les villes moyennes ont le sentiment de ne pas l’être. Pourtant, ils ont plus que jamais besoin d’être accompagnés dans leurs mutations. C’est un enjeu important et le Sénat doit s’engager sur ce dossier.
En outre, le texte prévoit de mettre en place des prêts pour recapitaliser un certain nombre d’organismes. Il envisage la création d’une foncière qui prendra des participations dans de grosses sociétés de niveau national. Je ne souhaite pas que ces possibilités soient seulement accordées aux « gros » établissements et que l’État soit le seul à piloter une politique où son engagement financer est de plus en plus faible !
Le groupe UDI-UC suivra la position de Mme la rapporteur et votera en faveur du projet de loi. Néanmoins, madame la ministre, nous serons extrêmement attentifs à vos réponses et vigilants quant au contenu des ordonnances prévues.