Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi demande au Parlement de déléguer sa compétence pour autoriser le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnances, à une modification importante du dispositif de collecte et de redistribution de la PEEC.
Sur le fond, l’objectif est commun aux acteurs du dispositif. Ensemble, ils ont engagé d’importants changements dans leur édifice de gouvernance, dans un souci de rationalisation, d’économie et de transparence. Aujourd’hui, c’est le souci d’aller vers toujours plus d’efficience qui appelle la modification envisagée.
Pour autant, si nous souscrivons évidemment à cette démarche, le texte n’est pas exempt de zones à éclaircir ni de difficultés à surmonter.
Tout d’abord, le Parlement ne peut pas passer sous silence le caractère regrettable de la méthode employée ; mes différents collègues se sont exprimés sur ce point. L’habitude prise de recourir aux ordonnances s’ajoute à celle d’engager la procédure accélérée, ce qui est nature à contraindre trop largement l’expression du Parlement.
Je rappelle par ailleurs que l’urgence faisait déjà partie de l’argumentation en faveur du recours aux ordonnances dans le cadre de la loi ALUR à propos des logements intermédiaires. On sait ce qu’il en a été par la suite : l’ordonnance a été publiée un an et demi après l’adoption du texte en urgence !
J’en viens au fond. Ma principale préoccupation porte sur la prise en compte des problématiques et des spécificités locales, dans la refonte d’un dispositif dont la présentation apparaît particulièrement recentrée au niveau de l’État et des régions. C’est là que ressurgissent des inquiétudes que vous reconnaîtrez : la place des autres collectivités ; la prise en compte de la ruralité et des zones périphériques, c’est-à-dire de l’aménagement du territoire.
Il me paraît important d’insister sur la nécessité d’éviter que la répartition de la PEEC collectée ne se concentre sur les zones tendues. Il faut éviter de nourrir un cercle vicieux conduisant à toujours plus de désertification humaine et économique dans certains bassins de nos territoires.
Madame la ministre, pour apaiser une telle crainte, vous avez, je crois, invoqué la création, par l’Assemblée nationale, du comité consultatif. Il semblerait en effet que la présence des territoires soit désormais prévue au sein du comité, afin de garantir aux territoires l’expression de leurs spécificités et de leurs besoins.
Quelle forme cette structure prendra-t-elle ? Quelle forme prendra la participation des collectivités ? Quelle sera la nature réelle de son influence ? Autant de points sur lesquels il faudra apporter le plus possible de précisions, dès à présent, mais aussi tout au long de l’élaboration de l’ordonnance.
À mon sens, de telles précisions seront bien plus précieuses dans la détermination de notre choix quant à l’adoption de ce texte que la référence à l’éventuelle possibilité de ne pas ratifier les ordonnances. Soyons dès maintenant clairs et précis : nous lèverons les obstacles et nous gagnerons du temps.
Le contrôle par les collectivités territoriales est d’autant plus important que deux raisons le soutiennent.
D’une part, le contrôle de l’État prévu aujourd’hui par le texte ne saurait suffire, d’autant que ses difficultés financières le conduisent à faire porter sur d’autres la charge de politiques publiques qu’il entend pourtant continuer à déterminer. Je peux faire référence aisément aux transferts de compétences aux collectivités locales sans les moyens correspondants.
D’autre part, ce contrôle complète le dispositif des CRAL. Certes, celui-ci, qui repose sur la conclusion de conventions-cadres, doit aussi permettre l’identification des besoins des territoires. Seulement, il semble que ces conventions seront conclues par les régions et les EPCI. Aussi, le comité consultatif doit donner l’occasion à d’autres collectivités de pouvoir exprimer leurs besoins en logements ou en financement de logements.
En somme, il apparaîtrait donc que ce texte contient de réels avantages, simplifiant, comme on le prétend, un dispositif qui pourrait visiblement réaliser de nouvelles économies.
Il semblerait par ailleurs que vous entendiez donner une place aux collectivités territoriales dans le dispositif proposé, madame la ministre. Cette place est évidemment essentielle. Les collectivités locales jouent un rôle fondamental en matière de logement et elles sont tenues à certaines obligations dans ce domaine.
Ces précisions et ces engagements sont des éléments qui jouent incontestablement en faveur de l’adoption du texte. Pour autant, il ne peut pas y avoir d’ambiguïté.
Le cas échéant, cette adoption reposerait sur d’importantes réserves. Pour beaucoup d’entre nous, ces réserves sont jugées fondamentales et seront déterminantes dans les suites données à l’acceptation par le Parlement des ordonnances, sur la base de l’engagement évoqué précédemment. Il ne suffit pas d’une participation des collectivités territoriales au dispositif ; il faut que cette participation permette effectivement de défendre les besoins des territoires.
Madame la ministre, les rôles et les responsabilités sont distribués. Je vous remercie d’en prendre acte.