Surtout, une proposition de résolution ne peut faire l’objet d’amendement.
Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris d’apprendre que le groupe socialiste et républicain s’abstiendra.
Cela dit, la filiation de cette idée, qui remonte au XVIIIe siècle, peut aussi bien être revendiquée par la gauche que par la droite.
Je ne pense pas que l’on doive fermer le débat comme le fait Mme Duranton en parlant d’assistance généralisée. Je pourrais tout aussi bien me tourner vers les membres néolibéraux de la majorité sénatoriale et leur rappeler que le revenu de base universel pourrait constituer une bonne affaire en ce qu’il permet de solder tous les comptes de la protection sociale à laquelle nous sommes tous, les uns et les autres, très attachés. Ce serait aussi une façon de clore le débat.
À cet égard, on voit bien les difficultés – à la fois financières et techniques – rencontrées par M. Cameron, dont les idées penchent plutôt à droite.
Tâchons d’éviter tout procès a priori. Le groupe socialiste et républicain a choisi de s’abstenir afin de ne pas fermer la discussion, conformément au vœu de l’ensemble des groupes politiques de la Haute Assemblée.
Il faut être rationnel. J’ai regardé les derniers travaux, notamment le fameux rapport de janvier 2016 – les dates sont importantes – du Conseil national du numérique, que je connais bien par ailleurs. Que propose ce dernier ? Une série de mesures visant à conférer à ce revenu universel une vocation multi-cibles : lutter contre la précarité et la pauvreté, pallier les ruptures de la vie professionnelle, répondre au travail caché lié à la numérisation…
Il propose aussi des modes de financement variables : un surcroît de fiscalité, un surcroît de CSG, une cotisation employeur, une taxe sur les transactions financières… Bref, il s’agit bien d’une mesure multi-cibles qui ne me semble pas relever d’un travail sérieux. Cette question n’occupe d’ailleurs que six pages d’un rapport qui en compte deux cents et qui traite de bien d’autres sujets.
Autre thème, celui de l’intermittence des parcours. France Stratégie, qui s’est également penchée sur cette question, propose de bâtir un cadre adapté aux indépendants et aux salariés précaires. Son option la plus ambitieuse consiste dans l’instauration d’un statut de l’actif qui s’articulerait avec un CPA, ou compte personnel d’activité, maximum.
Le Gouvernement n’avait pas retenu cette recommandation de France Stratégie, préférant démarrer plus modestement et donner toutes ses chances de réussite au volet formation, comme nous le verrons lors de l’examen du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
La Garantie jeunes, qui est plutôt un succès, devrait ainsi bientôt avoir une portée universelle. Il est important de souligner qu’un revenu est associé à ce dispositif.
La proposition de France Stratégie rejoint les travaux de Terra Nova qui imagine que le compte personnel d’activité, à l’horizon 2030, pourrait recueillir l’ensemble des droits et des minima sociaux. Cette voie me semble plus intéressante que celle qui nous est ici proposée en ce qu’elle se rattache à la valeur travail. Comme M. Vanlerenberghe, je partage l’idée selon laquelle le travail est une valeur cardinale de notre société contemporaine. Je refuse d’abandonner cette idée en cours de route – nous aurons l’occasion d’en discuter.
Le Mouvement français pour un revenu de base est parti, dans sa réflexion, des limites du RSA, notamment en termes de difficultés d’accès.
Ce mouvement, qui a le mérite de proposer un scénario progressif, étalé dans le temps, pose comme préalable le principe de l’individualisation, c’est-à-dire rien moins qu’une révolution fiscale ! L’individualisation – nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle avec Jean Desessard – suppose une révolution du financement de la protection sociale. Or, quand je vois les difficultés à mettre en place la retenue à la source de l’impôt sur le revenu, je m’interroge sur la faisabilité d’un tel dispositif.
J’ai beaucoup travaillé depuis le mois de mars. J’ai reçu tout ce petit monde, et la réflexion la plus aboutie en faveur de l’instauration d’un revenu universel me semble être celle de l’AIRE qui propose LIBER. Pour faire court – les animateurs ont mis leur réflexion à l’ordre du jour et mènent un travail de persuasion auprès des autorités politiques –, ces associations proposent de s’en tenir, pour le prochain quinquennat, au scénario trois.
Il s’agit du scénario le plus ambitieux, développé par le député Christophe Sirugue – par ailleurs rapporteur, à l’Assemblée nationale, du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs – dans le rapport fort important qu’il a remis au Premier ministre le 18 avril dernier.
Notre collègue recommande, comme l’ont fait les Allemands avec les accords Hartz, de fusionner les dix minima sociaux existants en une couverture socle d’un montant d’environ 400 euros dont bénéficierait, à l’horizon 2020, tout individu âgé de dix-huit ans.
Cette couverture socle serait ensuite complétée par une allocation d’insertion versée par les départements – vous savez que le Premier ministre est en discussion, voire en négociation, avec l’Assemblée des départements de France pour recentraliser une partie du RSA – d’un montant de 100 euros – soit un total de 500 euros – et par une allocation de soutien aux personnes handicapées et aux personnes âgées pour atteindre un montant d’environ 800 euros.
M. Sirugue ne va pas jusqu’à parler d’un revenu universel de base ni de la refonte de la protection sociale et de son financement. Il propose de simplifier et de faciliter l’accès aux droits par une ouverture automatique, sur le modèle de la prime pour l’activité, dont le succès ne se dément pas. Depuis le 1er janvier dernier, je vous ferai remarquer que cette prime est « familiarisée » et non individualisée…