Ce débat doit être une révélation ; il doit aussi être l’occasion d’une prise de conscience pour la France sociale et permettre l’expérimentation. Mettons donc nos pas dans ceux de Michel Rocard, de Lionel Stoleru, de Christophe Sirugue et de Martin Hirsch et avançons dans la direction du revenu universel, de base, car il s’agit d’une vraie réponse.
Nous sommes loin de la stratégie de Lisbonne, en 2000, quand l’Europe pensait que l’économie de la connaissance lui permettrait d’être le continent le plus riche – ce qui est vrai – et le plus intelligent du monde. Nous sommes loin de la stratégie de Lisbonne, quand nous étions persuadés d’empocher la valeur ajoutée et de faire travailler tous les ateliers du monde pour satisfaire nos besoins. Après quatre siècles de domination, expérience fait loi : nous nous sommes trompés. L’Europe hésite à se l’avouer.
Bien entendu, la paix toujours fragile et le nationalisme pèsent. Mais enfin, nous nous sommes trompés : l’Europe n’est pas au rendez-vous de cette prospérité que nous espérions, alors que les capitaux ruissellent à la surface de la planète et font sauter le bocage des États-nations.
L’État-nation, l’État-providence doutent. C'est la raison pour laquelle, madame le secrétaire d’État, le débat sur le revenu d’existence est plus que jamais nécessaire.
À cela s’ajoute l’angoisse de nos concitoyens face aux progrès foudroyants des nouvelles technologies. Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons conclu un contrat, voilà quelques années, avec un homme qui murmure à l’oreille de la planète : Jeremy Rifkin. Ce qu’il nous annonçait – la fin du travail, la troisième révolution industrielle – se confirme aujourd’hui : entre 42 et 45 % des emplois pourraient disparaître en raison de la montée du numérique et de la robotisation dans les dix prochaines années.
Rappelez-vous que, au début du XIXe siècle, les ouvriers mettaient leurs sabots dans les machines textiles pour éviter le progrès et garder leur emploi – ils sabotaient ! Nous n’allons pas détruire nos robots, mais nous allons devoir avancer sur la voie de la solidarité et du progrès social en examinant, dans le cadre de cette mission commune d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France, cher collègue du Pas-de-Calais, ce qu’il est raisonnable d’entreprendre. Il s’agit donc d’une réponse.
En avons-nous les moyens ? Bien évidemment à prélèvements constants et à fiscalité rénovée ! Les chiffres, aurait dit Jaurès, sont têtus : nous consacrons entre 56 et 57 % de notre PIB à la dépense publique. Nous sommes en économie mixte : la dépense sociale représente 34 % du PIB – nous sommes champions du monde, avec le Danemark, loin devant l’Allemagne, où la dépense sociale ne représente que 30 % du PIB. L’État-providence est une réalité. D’autres chiffres mériteraient d’être vérifiés, mais nous pouvons en retenir l’ordre de grandeur : 1 % de la population mondiale représente entre 10 et 13 % de la dépense sociale à l’échelle de la planète.
L’État-nation, la république sociale que nous avons bâtie, notamment à travers le programme du Conseil national de la Résistance, aidé par les trente glorieuses, tout en faisant face, à partir de 1974, au premier choc pétrolier, a les moyens d’avancer vers le revenu universel, le revenu d’existence.
Notre régime d’indemnisation du chômage n’est-il pas l’un des plus complets ? Nous sommes passés de 4 à 8 millions de foyers bénéficiaires de l’APL, dans le silence. Que dire de nos lycéens, qui sont les mieux traités au monde, du transport jusqu’à l’examen ? Chère Nicole Bricq, toute de prudence et de compétence à cette tribune, nous avons les moyens d’avancer.
Nous avons besoin de traçabilité dans le domaine social – ce thème devrait plaire aux écologistes et à la gauche sociale et écologiste ! Je ne vous ai pas donné de chiffres à dormir debout, ils reflètent la réalité du pays. Nos électeurs, surtout à gauche, nous disent que nous ne faisons rien pour eux, …