Intervention de Dominique Baert

Commission mixte paritaire — Réunion du 17 mai 2016 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché

Dominique Baert, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

L'Autorité des marchés financiers n'a pas tort de résister fortement sur ce point. En effet, nous ne sommes pas devant deux institutions équivalentes en termes de moyens comme de nombre d'affaires suivies, puisque l'Autorité des marchés financiers, comme cela a déjà été dit, est chargée d'un bien plus grand nombre d'affaires que le parquet national financier. L'équilibre du texte antérieur ne doit pas être remis en cause en profondeur : on ne doit donc pas transférer des moyens d'action ou des capacités d'investigation de l'un vers l'autre. Dès lors, je ne vous cache pas que ma préférence serait que l'on renonce à ce dispositif de coopération renforcée. Son haut degré de précision n'apporte pas grand-chose mais va au-delà de ce qui est souhaitable : même le rapporteur pour le Sénat en convient et il propose une rédaction de compromis que j'avais moi-même été amené à formuler.

Je suggérerai même un « compromis au compromis ». Dans ma proposition de rédaction identique à celle du rapporteur pour le Sénat, il est précisé que « lorsque, dans le cadre d'une enquête, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers acquiert la connaissance de soupçons graves et concordants de la commission d'un des délits mentionnés aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3, il en informe sans délai le procureur de la République financier ». Cela peut poser un problème assez sensible en matière de secret professionnel, car le soupçon n'est pas la survenance ou la connaissance du délit en tant que telle. Nous savons comment l'Autorité des marchés financiers recueille ses informations : or, le soupçon n'est pas équivalent à la connaissance d'un délit. Dans ce dernier cas, on rejoint en effet des procédures classiques, comme celle de l'article 40 du code de procédure pénale.

Si vous tenez à ce principe de coopération, je propose que l'on évite cette référence au soupçon, en conservant une approche très similaire à celle de l'article 40 du code de procédure pénale, que personne ne peut juridiquement contester, avec une procédure identique en miroir entre l'Autorité des marchés financiers et le parquet national financier. Sinon, à quel stade pourrait-on commencer à justifier l'existence du soupçon : au moment où une affaire est évoquée par la presse ? Au moment de l'ouverture d'une enquête ? Il est difficile de définir le soupçon. En revanche, établir un délit est incontestable.

Par conséquent, je suis favorable à la suppression de cet article sur la coopération renforcée. Si, d'aventure, vous teniez à l'expression de cette coopération renforcée, je conjure notre commission mixte paritaire - et j'en ferai un point de blocage - à en rester à une approche calquée sur celle l'article 40 du code de procédure pénale. Cela n'est critiquable par personne et évite d'engager des réflexions sémantiques sur la nature du soupçon, qui me paraît être une notion inapplicable en pratique.

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