Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 24 mai 2016 à 14h30
Liberté de la création architecture et patrimoine — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce n’est un secret pour personne : le texte qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a suscité au sein de notre commission ni enthousiasme démesuré, ni espoirs inconsidérés, ni déceptions excessives. Il conserve ses faiblesses originelles liées à l’absence de véritables lignes directrices pour rénover notre politique en faveur de la création artistique.

À trop vouloir réaffirmer des principes sur le rôle de l’État en matière culturelle, ce projet de loi donne aussi parfois le sentiment de céder à une « recentralisation rampante » au détriment des collectivités territoriales et à une certaine bureaucratisation, du fait d’une multiplication des contraintes qui ne peut que nuire aux créateurs.

Je me réjouis néanmoins que le nombre des divergences entre nos deux assemblées se soit réduit.

C’est ainsi que, fidèle à sa volonté d’avancer, notre commission n’a rétabli qu’avec parcimonie et mesure la rédaction du Sénat en privilégiant ses positions les plus significatives. C’est le cas aux articles 2 et 3, à l’article 10 quater, où nous avons jugé essentiel de conserver le dispositif introduit en première lecture à destination des photographes. C’est également le cas à l’article 17 A relatif aux conservatoires : nous avons souhaité maintenir la région comme chef de file des enseignements artistiques sur nos territoires.

Sur de nombreux sujets, nous avons fait la preuve de notre esprit d’ouverture et de conciliation.

Sur la production audiovisuelle, j’ai de nouveau reçu au début du mois de mai les diffuseurs et les producteurs pour les inciter à s’entendre dans le cadre d’un accord qui était d’ailleurs imminent. Signé ce matin au ministère, celui-ci répond à nos attentes. J’ai la faiblesse de penser qu’il n’aurait pas été possible sans la mobilisation du Sénat pour responsabiliser les différents acteurs et pour leur fixer une échéance.

Soucieux de reconnaître et de sécuriser les pratiques artistiques amateurs, j’ai par ailleurs proposé à la commission d’adopter sans modification la rédaction de l’Assemblée nationale.

De même, permettez-moi de vous rappeler, madame la ministre, qu’en première lecture j’ai accepté la création du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, le CNESERAC, à l’article 17 B, alors même qu’il me semble préférable qu’à terme toutes les questions d’enseignement supérieur français soient traitées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur et soumises au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, sans qu’il soit besoin de créer de « sous-CNESER » thématiques.

Je regrette toutefois que, en dépit de la bonne volonté affichée par notre commission, les rapprochements n’aient pas été plus nombreux. Je pense ainsi à l’article 7 bis AA sur lequel les échanges ont été insuffisants pour parvenir en l’état à un compromis satisfaisant, même si chacun semble aujourd’hui convenir que des garanties d’application sont nécessaires. Nous en reparlerons, car le Gouvernement a déposé un amendement qui pourrait déboucher sur un accord.

Sur la filière musicale, trois sujets occuperont l’essentiel de nos débats. J’espère que nous aboutirons à une position équilibrée partagée par les différents acteurs, même si, au regard des amendements déposés par le groupe socialiste et républicain et par le Gouvernement, je suis surpris par le peu de cas qui a été fait de nos propositions.

À l’article 5, la commission souhaite maintenir la distinction, existant d’ores et déjà en droit des contrats, entre artistes-interprètes et musiciens d’accompagnement s’agissant des rémunérations qui pourraient être tirées des exploitations non prévues ou non prévisibles d’une œuvre. Nous sommes, en outre, opposés – comme le fut votre prédécesseur en première lecture, madame la ministre – à l’interdiction des cessions de créances. Les artistes ont tout à y perdre selon nous.

À l’article 6 bis relatif à l’application du régime de licence légale aux webradios, nous prônons une solution de compromis qui consiste à accepter le maintien de la disposition que nous avions rejetée en première lecture sous réserve d’une définition plus encadrée de son champ d’application.

À l’article 11 ter, qui a trait aux quotas radiophoniques, nous souhaitons nous en tenir à un dispositif d’encadrement du nombre de diffusions, à l’exclusion de tout assouplissement des quotas eux-mêmes, dont la gestion s’apparente à une véritable usine à gaz.

Enfin, sur la rémunération pour copie privée, que traitent les articles 7 bis à 7 quater, l’Assemblée nationale est revenue sur l’intégralité de nos apports, qui avaient pourtant tous pour objectif d’améliorer la transparence d’un mécanisme souvent critiqué. Comment justifier le refus des députés de voir publier le règlement de la commission de la copie privée au Journal officiel, de soumettre les membres de cette instance à une déclaration d’intérêts, de lui adjoindre trois hauts magistrats, d’agréer les organismes de recouvrement, d’encadrer les études d’usage, aujourd’hui controversées, par des cahiers de charges et les faire réaliser par un organisme indépendant ?

Ces positions semblent pourtant partagées par le Gouvernement. Nous ne nous expliquons donc pas la position de l’Assemblée nationale, d’autant que les garanties de transparence et d’indépendance que nous apportons à la rémunération pour copie privée sont gages de la légitimité de la commission de la copie privée et constituent la réponse nécessaire aux détracteurs de ce dispositif.

Sur tous ces sujets, j’espère que nous trouverons ensemble la voie de la sagesse et du compromis.

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