Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas sans une certaine déception que nous accueillons ce texte en deuxième lecture.
En effet, si l’Assemblée nationale a conservé des avancées que nous avions proposées en première lecture, force est de constater que nous restons en désaccord sur des questions essentielles. Je pense en particulier à la réforme de l’archéologie préventive. Je commencerai d’ailleurs mon intervention sur ce sujet qui préoccupe particulièrement les élus locaux que nous représentons.
En première lecture, vous nous aviez rassurés, madame la ministre, quant à la volonté du Gouvernement de rapprocher les points de vue sur l’archéologie préventive, mais l’Assemblée nationale a rétabli la plupart des dispositions que nous avions rejetées.
Le contrôle de l’État reste démesuré, et le texte multiplie les mesures écartant toute intervention extérieure à l’INRAP, aussi bien publique que privée.
Concernant les collectivités, nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement, avec une obstination presque vexatoire, veut imposer de nouvelles contraintes à des services qui fonctionnent correctement et sont déjà soumis au contrôle de l’État.
Vous limitez le délai dont les collectivités disposent pour prendre la décision de confier les diagnostics à leurs propres services. Vous conditionnez l’octroi de l’habilitation à la signature d’une convention avec l’État. Vous soumettez les services territoriaux à un contrôle financier et limitez leur champ territorial.
Nous regrettons également l’hostilité affichée à l’encontre des opérateurs privés, exclus du bénéfice du crédit impôt recherche.
Toutes ces dispositions semblent tournées vers un seul objectif : rétablir un monopole au bénéfice de l’INRAP, monopole d’ailleurs clairement énoncé pour les fouilles sous-marines. Or, je rappelle les difficultés de gestion de l’organisme, relevées par la Cour des comptes, et qui ont nécessité par le passé l’intervention d’autres acteurs. Nous vous alertons sur le danger qu’il y aurait à privilégier cet opérateur public par rapport à d’autres, en espérant, madame la ministre, que vous serez, cette fois, sensible aux arguments de notre rapporteur, Mme Férat.
Alors que nous sommes parvenus à des rédactions communes avec l’Assemblée nationale, il serait dommage de conserver un point de désaccord aussi important dans le projet de loi.
Le Gouvernement a notamment su infléchir sa position sur la protection du patrimoine, qui, dans la rédaction initiale, dépendait d’un plan local d’urbanisme trop mouvant. Une réécriture de l’article 24 a été faite par le Sénat, réécriture qui ne bouleverse pas les anciens régimes de protection, au grand soulagement des protecteurs du patrimoine.
Sur le volet création, notre rapporteur, M. Leleux, a pu se réjouir de l’adoption par les députés de certaines de nos propositions, telles que l’aménagement du droit de suite qui augmentera les marges de manœuvre des fondations, ou encore de la création d’une commission « culture » au sein des conférences territoriales de l’action publique.
Des désaccords subsistent cependant ici aussi, et nous allons examiner des amendements du Gouvernement allant d’ores et déjà à l’encontre du texte de la commission.
Tel est le cas, dès le début du projet de loi, avec la référence à la mission de service public de la politique en faveur de la création artistique, dont nous souhaitons la suppression, car elle conduirait à ignorer l’action des acteurs privés.
Je citerai également, au nombre des dispositions proposées par la commission auxquelles nous tenons particulièrement la distinction entre artistes-interprètes et musiciens pour la perception de certaines rémunérations, l’autorisation des cessions de créances, la juste rémunération de l’exploitation des œuvres d’art visuelles, ou le chef de filat de la région sur la question des enseignements artistiques.
Par ailleurs, il est difficilement compréhensible que le Gouvernement souhaite voir supprimées des dispositions que le Sénat a introduites à des fins de transparence. Nous vous écouterons attentivement, madame la ministre, pour comprendre pourquoi vous vous opposez aux garanties d’indépendance que nous avons données à la commission de la copie privée.
Je regrette également que plusieurs dispositions aient été introduites par la majorité gouvernementale sans la prudence nécessaire, c’est-à-dire sans aucune étude d’impact et sans même de concertation.
Ainsi, la légalisation de la copie numérique dans le nuage, qui s’avère fort compliquée, a été décidée par le Gouvernement. Nous y voyons certes un gage de modernité, mais encore faut-il qu’elle ne remette pas en cause les équilibres économiques existants. La rédaction de notre commission rendant nécessaire l’accord des diffuseurs est une solution d’attente qui permet l’ouverture de négociations.
Il n’y a pas eu non plus d’étude sur la problématique des droits d’auteur et du développement des webradios. Il me semble ici aussi infiniment plus sage de suivre la rédaction de compromis du Sénat, qui définit un champ d’application précis, que de suivre le Gouvernement dans une application aveugle du dispositif de licence légale.
D’ailleurs, est-il opportun de légiférer aussi rapidement sur de tels sujets, alors que ce projet de loi est censé être le fruit d’une longue réflexion et a déjà connu de nombreux reports pour améliorer sa rédaction ? Pourquoi ajouter des sujets sans aucune préparation ?
Enfin, en tant que fervent défenseur de la francophonie, j’évoquerai un dernier point de désaccord. Il s’agit de la modulation des quotas de diffusion de la chanson française, présentée fort tardivement à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, qui vient d’ailleurs de nous soumettre, ces derniers jours, une nouvelle rédaction.
La modulation envisagée revient à diminuer de 5 % les quotas de chaque catégorie de radio, ce qui est assez étonnant puisque l’article d’origine a été introduit par les députés précisément pour faire respecter les quotas de manière plus rigoureuse.
L’article 11 ter se trouve finalement écartelé entre deux conceptions différentes des obligations de diffusion. Comme l’a rappelé notre commission, les quotas représentent une contrainte qui est la juste contrepartie de l’utilisation gratuite des fréquences hertziennes. De longues années de résistance à la puissance du marché anglo-saxon témoignent de leur utilité. Remettre en cause ces règles reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore.
Tout se passe finalement comme si le Gouvernement voulait saisir l’occasion de cette dernière fenêtre législative pour faire passer certains messages, dans une certaine précipitation.
Nous nous écartons donc un peu plus de l’esprit qui devrait gouverner cette loi pour aboutir finalement à un ensemble de réponses à des demandes sectorielles.
Notre groupe espère que les nombreux rectificatifs apportés par le Sénat seront préservés, et c’est uniquement dans cette perspective que nous voterons ce projet de loi.