Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien malin qui pourrait, à ce stade de nos travaux, dégager une logique d’ensemble du présent projet de loi !
Cette logique pourrait être, à nos yeux, celle d’un État garant et stratège : garant de la liberté de création, de la sauvegarde du patrimoine et de la qualité du bâti ; stratège en étant apte à articuler la politique de la création autour d’axes forts, et ce afin de fixer un cadre préservant le plus de marges de manœuvre aux collectivités et aux acteurs privés.
Cette conception serait finalement celle d’un État qui trouve sa juste place entre le désengagement et l’ingérence culturelle, ou du moins une approche administrative de la culture, deux écueils que n’évitait pas, hélas, la première mouture du texte.
Non, chers collègues, l’État ne jouerait plus son rôle de garant en décentralisant le régime des secteurs protégés, de même qu’en ne garantissant pas la qualité du bâti, en particulier sur la question des lotissements, quelle qu’en soit la taille.
À l’opposé, l’État se rendrait coupable d’ingérence en recentralisant le dispositif de l’archéologie préventive, largement évoqué par mes prédécesseurs.
En deuxième lecture, où en sommes-nous ?
Le texte a indéniablement évolué dans le bon sens. Il a, en particulier, été amélioré au Sénat, sous la houlette de nos rapporteurs, Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat, dont je salue, une fois encore, l’implication et la rigueur du travail, sous l’égide bienveillante de Mme la présidente Catherine Morin-Desailly. La navette s’est effectuée dans un esprit constructif puisque, sur de nombreux points d’importance, l’Assemblée nationale a conservé les équilibres déterminés par notre Haute Assemblée.
Le progrès le plus net pour notre groupe concerne, bien sûr, le volet patrimoine, pour lequel nous avons inscrit les dispositions de protection dans un règlement annexé au plan local d’urbanisme, le PLU, et non dans le PLU lui-même, une modification clé puisqu’elle sanctuarise ces dispositions, qui auraient pu être plus sensibles à des modifications des plans locaux d’urbanisme.
De même, nous ne pouvons que saluer les convergences de vues en matière architecturale.
En revanche, il est regrettable que demeure une opposition en ce qui concerne les lotissements.
Nous soutenons, bien sûr, la rédaction issue des travaux de notre commission, qui supprime tel ou tel recours obligatoire pour se concentrer sur le projet architectural, paysager et environnemental du lotissement.
L’article est ainsi mieux équilibré. Il permet l’intervention de professionnels variés, en fonction de la situation de chaque lotissement, tout en nous aidant à nous assurer de la qualité du bâti de tous les lotissements. Vous le savez, chers collègues, par vos expériences publiques : l’urbanisme est toujours transversal.
J’en viens maintenant au point qui demeure le plus problématique, l’archéologie préventive, sur lequel, malgré toutes les bonnes volontés, la commission mixte paritaire aura probablement le plus de difficulté à aboutir. Ici encore, nous ne pouvons que soutenir la position de notre commission.
De même qu’il ne fallait pas décentraliser à l’excès le régime de protection des secteurs sauvegardés, symétriquement, il ne faut pas vouloir étatiser l’archéologie préventive.
Le bilan de la réforme de 2003 a été plutôt positif. Nous en débattrons lors de l’examen des articles. Je formule simplement le souhait qu’une position de compromis puisse être trouvée.
Pour aborder en quelques mots le volet création du texte, j’ai, dès le départ, regretté notre incapacité à assigner à la politique de la création un petit nombre d’objectifs très clairs. À vouloir tout faire, on ne fait plus rien, car, si tout objectif est défini dans la loi comme prioritaire, il n’en est, en réalité, aucun.
Nous avons, à mon sens, vous l’avez compris, manqué à notre devoir de faire de l’État un stratège en la matière.
J’admets cependant bien volontiers que la navette aura été constructive, que des positions de consensus ont pu se dégager sur des sujets aussi importants que la production audiovisuelle, le droit de suite en faveur des musées ou le médiateur de la musique.
En conclusion, le texte qui nous est soumis peine à présenter une ligne directrice. Très administratif dans son approche, généreux en contraintes supplémentaires, il cantonne la liberté et la création à son titre. C’est davantage un service public de la culture, pour reprendre une expression qui fut largement employée, qui nous est proposé.
Chers collègues, la vitalité de la culture contemporaine mérite, à mon sens, plus de liberté, plus de confiance dans ses valeurs comme dans ses acteurs.