Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la culture a besoin d’un soutien politique affirmé. Aux incertitudes économiques et systémiques pesant de plus en plus sur le dialogue et le partenariat entre les collectivités territoriales, les acteurs culturels et parfois l’État, aux inquiétudes liées au désengagement croissant de certains financeurs, à la remise en cause des principes mêmes de la création artistique, doit répondre une volonté politique sans failles.
À l’aune de l’examen en deuxième lecture du présent projet de loi, il en est de notre responsabilité collective. D’ailleurs, cette volonté s’exprime tout particulièrement dans les premiers articles du texte, qui posent des jalons essentiels en proclamant solennellement que la création et la diffusion artistiques sont libres.
À ce sujet, le groupe socialiste proposera de conférer une portée plus normative à ces dispositions fondamentales, en prévoyant une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création ou à la liberté de diffusion artistiques, sur le même modèle que ce qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
Alors que le Festival de Cannes vient de se terminer, n’oublions pas que très récemment plusieurs films, pourtant internationalement reconnus par la critique, ont vu leur visa d’exploitation être annulé en France, à la suite de la plainte d’associations aux visées clairement rétrogrades. Et que dire des arts visuels, voire des arts vivants, régulièrement ciblés ?
La volonté politique que j’évoquais précédemment aboutit à combattre cette idéologie qui voudrait retirer de la création tout ce qui serait contraire à une pensée dominante ou moralisatrice.
Le mérite de la création artistique, mes chers collègues, n’est pas de plaire ; il est d’exister et d’être accessible. Vouloir interdire la diffusion d’une œuvre qui n’est aucunement condamnable au regard de la loi, c’est s’attaquer à l’ensemble et au principe même de la liberté de la création.
Dans ce contexte, je me réjouis donc que le Gouvernement ait confirmé son attachement aux principes fondateurs de la création artistique, en les réaffirmant dès l’incipit du projet de loi.
Cependant, la création ne s’arrête pas aux arts vivants. Comme le rappelle l’intitulé du projet de loi, elle concerne aussi l’architecture. En la matière, l’engagement politique est tout aussi primordial, et les collectivités territoriales doivent s’emparer davantage des instruments à leur disposition afin d’endiguer un phénomène qu’un hebdomadaire qualifiait, il y a quelques années, de « France moche ». Cette question des formes urbaines et architecturales participe aussi de notre manière de vivre ensemble et est donc plus que jamais d’actualité.
Parmi ces instruments figure le « 1 % », malheureusement de moins en moins utilisé par les collectivités. L’article 26 bis du projet de loi vise à améliorer le fonctionnement de ce dispositif. C’est essentiel artistiquement et économiquement pour les arts visuels, les plasticiens. Je regrette que cet article ait été supprimé en commission par la majorité sénatoriale. Le signal envoyé n’est pas favorable à la stimulation et à la défense de la création. C’est pourquoi le groupe socialiste du Sénat soutiendra avec vigueur son rétablissement.
Dans la perspective d’une meilleure qualité architecturale, outre l’article 26 portant sur la labellisation des immeubles présentant un intérêt architectural, je tiens à saluer l’avancée que constitue le « permis de faire » à l’article 26 undecies. Devant l’uniformisation du cadre bâti, le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats pour la réalisation d’équipements publics ouvre un champ des possibles que les professionnels de l’aménagement et du cadre de vie attendaient depuis longtemps.
Pouvoir déroger à certaines normes applicables à la construction est une innovation majeure qui aura un impact visible et évident sur l’environnement urbain ainsi que sur la physionomie de nos édifices publics. À terme, cette expérimentation sera également de nature à simplifier les normes, en éliminant celles qui paraîtront superflues.
Par-delà ce projet de loi, je crois que le recours à l’expérimentation et la validation par l’expérience sont des démarches très intéressantes pour innover et assurer aux acteurs, qu’ils soient publics ou privés, une certaine liberté pour atteindre l’objectif fixé. Le développement de l’expérimentation devrait selon moi s’intégrer au renouveau de nos politiques publiques.
Enfin, j’espère que cette responsabilité collective et cet engagement politique en faveur des arts et de la culture, que j’appelle de mes vœux, se manifesteront au cours de nos débats. En première lecture, nous étions souvent parvenus à un point d’accord, à un compromis, à une position équilibrée, ce qui a favorisé l’émergence d’avancées notables, à l’image de l’article 26 quater sur le recours aux professionnels de l’aménagement et du cadre de vie pour les demandes de permis d’aménagement des lotissements. Je tiens, à ce moment de mon propos, à remercier les deux rapporteurs et la présidente de la commission, qui y ont contribué.
En deuxième lecture, je souhaite que nous continuions dans cette voie et que nous nous retrouvions le plus souvent possible autour des valeurs et de l’intérêt général. La culture, que nous invoquons si souvent face aux tribulations de notre monde, doit occuper une place majeure dans notre société. Elle a besoin de celles et ceux qui y croient, qui défendent les libertés et notre vivre-ensemble, et ce plus que jamais.