« Le domaine de la création artistique, parce qu’il est le fruit de l’imaginaire du créateur, est soumis à un régime de liberté renforcé afin de ne pas investir le juge d’un pouvoir de censure qui s’exercerait au nom d’une morale nécessairement subjective de nature à interdire des modes d’expression, souvent minoritaires, mais qui sont aussi le reflet d’une société vivante et qui ont leur place dans une démocratie. »
En une seule phrase, les juges de la cour d’appel de Versailles ont apporté, dans leur arrêt du 18 février dernier, une réponse claire, nette et sans ambiguïté au débat qui nous anime cet après-midi.
De ces quelques lignes, il ressort que la création artistique doit être protégée des velléités de censure, de plus en plus nombreuses, d’acteurs ou de collectifs divers.
Quand ils parviennent à leurs fins, comme ce fut encore le cas récemment, cette infime minorité prive alors une large majorité d’avoir accès à une œuvre, en s’attaquant aux fondements mêmes de la création et de la diffusion artistiques. Nous ne pouvons céder sur ce point, à moins de concéder implicitement qu’il existerait un art moralement acceptable et un art moralement répréhensible. Les juges de vertu sont d’un autre temps, et le seul art condamnable est celui qui ne respecte pas la loi.
Ainsi, dès lors que la spécificité de la liberté de la création est établie, et s’il est nécessaire d’y adjoindre un « régime de liberté renforcé », comme le font observer les magistrats de la cour d’appel de Versailles, il faut que celui-ci passe non seulement par la reconnaissance de la singularité de la liberté de création et de diffusion artistiques, mais aussi par la normativité de ces principes essentiels à l’existence, au développement et au rayonnement des arts et de la culture dans notre pays.
C’est pourquoi, pour conférer une normativité à ces principes, nous proposons de créer une sanction pénale en cas d’entrave à la liberté de création et de diffusion artistiques, analogue à celle qui prévaut en cas d’entrave à la liberté d’expression.
J’ajouterai que, par syllogisme, il serait incohérent de convenir du caractère particulier et même unique de la liberté de création et de diffusion, comme nous venons de le faire, et de vouloir les assimiler, pénalement, à la liberté d’expression. Ces libertés sont bien distinctes et méritent donc une caractérisation pénale en cas d’entrave.