Le 49-3 nous présente une loi gribouille difficilement acceptable. C'est une occasion ratée, nous le savons tous. A l'origine, ce texte aurait pu redynamiser le marché du travail, pas seulement en facilitant les licenciements, mais surtout en sécurisant l'embauche.
Ce texte devait faire de l'entreprise le lieu principal du dialogue social, redonner confiance en supprimant la double peur - celle d'être systématiquement condamnés pour les employeurs et celle de voir le terrain bloqué par l'inadéquation entre l'offre et la demande du côté des salariés ; il devait enfin simplifier le code du travail, en particulier pour les PME, qui sont - tous les rapports le confirment - les principales sources d'emploi dans notre pays.
Il échoue sur ces trois dimensions. C'est regrettable, au regard de l'urgence sociale dans laquelle nous nous trouvons.
Ce texte cherche à faire de l'entreprise le lieu principal du dialogue social mais sans donner à cette idée une réalité concrète, hors du temps de travail et sans changer la philosophie du code du travail. Le texte refuse le parti de l'intelligence collective sur des sujets aussi importants que la rémunération ou l'organisation du travail. Il reste dans une démarche d'échec en préférant les petits arrangements au dialogue direct. Il favorise les organisations syndicales alors que seulement 8,7 % des salariés du privé sont syndiqués et que les organisations syndicales sont absentes de 95 % des PME et TPE. On ne doit pas pour autant refuser de négocier avec elles, là où elles sont présentes ; mais les imposer dans toute négociation est un déni de démocratie. L'amendement qui impose des instances représentatives du personnel dans les réseaux de franchisés est une absurdité qui peut tuer un modèle économique vertueux qui compte 350 000 employés. Imposer le mandatement syndical pour discuter va contre l'objectif de ce texte. Cette modalité ne représente qu'1 % des accords négociés dans les TPE. Pourquoi refuser le dialogue direct ? Comment comprendre les petits cadeaux que sont les 20 % d'heures de délégation supplémentaires et la possibilité de mettre en ligne les tracts syndicaux sur l'Intranet de l'entreprise ?
Pour redonner confiance aux employeurs, des mesures très simples ont été finalement supprimées du texte, comme le plafonnement des indemnités aux prudhommes -en particulier pour les TPE et les PME - ou pas même envisagés, comme le relèvement ou la simplification des seuils existants. La sécurisation des conditions du licenciement pour motif économique allait dans le bon sens mais la différenciation, selon les tailles d'entreprises, recrée un effet de seuil et ne passera peut-être pas le Conseil constitutionnel.
Le Gouvernement tarde à corriger des monstres de complexités, tels que le compte pénibilité, inapplicable en l'état. Le texte recrée de nouvelles sources de contentieux, comme le référé en matière de congés pour rupture d'égalité entre la vie personnelle et la vie professionnelle.
Pour redonner confiance aux salariés, le compte personnel d'activité (CPA) devait être introduit de manière maîtrisée pour sécuriser les parcours professionnels. Ce concept a été distordu en y associant sans étude ni concertation une notion peu claire, le compte d'engagement citoyen, dont on se demande toujours à quoi il servira.
Le Gouvernement et les organisations syndicales n'ont pas joué le jeu en ignorant les avancées importantes concédées lors de la négociation : le compte personnel de formation, les complémentaires santé, les droits rechargeables en matière d'assurance chômage.
Ce texte devait simplifier - qui ne le souhaiterait pas ? Sur l'apprentissage, que veut-on faire, en autorisant l'expérimentation des fonds directement reversés aux régions ? Une telle nationalisation par la voie des régions est-elle le meilleur moyen de relancer cette voie d'excellence ? Suivons plutôt le modèle de la Suisse ou de l'Allemagne, où les entreprises peuvent financer des CFA. Présidente de la fédération Syntech, je peux vous dire que nous y sommes prêts.
En matière de médecine du travail, à quoi sert la présidence alternée des services de santé au travail, sinon à faire un petit cadeau aux organisations syndicales pour les aider à exister ? Croit-on vraiment que créer une obligation de négocier rendra opérant le droit à la déconnexion ? Imposer une charte obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés n'entre pas dans une démarche de simplification.
Obliger les TPE et PME à reclasser les salariés en cas d'inaptitude, est-ce leur simplifier la vie ? Y a-t-il urgence à ouvrir le compte personnel de formation aux professions libérales et aux artistes auteurs ? Comment expliquer le non-respect de la note paritaire signée par sept organisations -trios patronales et quatre syndicales- sur la restructuration des branches ?
Notons tout de même quelques timides avancées : élargissement - malheureusement à titre expérimental- du contrat de professionnalisation pour les demandeurs d'emploi non qualifiés ; article sur la représentativité des organisations patronales retranscrivant fidèlement l'accord entre nos trois organisations ; possibilité de négocier des accords offensifs, même si le dispositif prévu pour les salariés refusant l'accord risque de bloquer le système en pratique.
C'est néanmoins la frustration et la colère qui dominent face à une loi qui aurait pu redonner confiance aux salariés et aux employeurs. Les blocages, les violences, l'attitude irresponsable de certains syndicats montre que la confiance n'existe pas du côté des salariés. Côté employeurs, il y a eu trop de reculs. Pour l'ensemble du patronat, ce texte ne fait qu'apporter des entraves supplémentaires. C'est un immense gâchis. J'espère que vous pourrez nous aider en l'amendant.