Intervention de Jean-Michel Pottier

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 mai 2016 à 9h10
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Audition des représentants des organisations représentatives des employeurs

Jean-Michel Pottier, vice-président en charge des affaires sociales et de la formation à la CG-PME :

Ce texte est une réforme à l'envers. Nous l'avions qualifiée comme telle depuis le début, et cela se confirme.

Le premier avant-projet nous avait donné un petit espoir d'une prise en compte pour la première fois de la réalité des TPE PME. Cela aurait pu être mobilisateur pour ces entreprises dont on attend qu'elles contribuent à la résorption du chômage.

Ainsi de la possibilité pour le chef d'entreprise de discuter dans un dialogue social direct, par exemple sur la mise en place d'un forfait jour - dans le cadre prévu par la loi, ou sur une modulation du temps de travail sur 16 semaines. Avec une ratification finale individuelle par les salariés, on ne forçait la main à personne, mais cela permettait d'organiser le temps de travail dans l'entreprise. Qui mieux que les salariés et le chef d'entreprise peut-il être capable de régler les problèmes directs de celle-ci ? Il fallait donc les laisser discuter directement. Mais cela a été retiré rapidement.

Autre point intéressant retiré, le plafonnement des dommages et intérêts pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse - distincts bien entendu de l'indemnité de licenciement - qui permettait à l'entreprise de prévoir les effets éventuels d'une rupture qui se passe mal pour qu'elle ne mette pas en danger son avenir.

Seul élément ayant perduré, la sécurisation des motifs de licenciement économique. Mais nous restons échaudés par la censure par le Conseil constitutionnel à l'occasion de la loi Macron : la déclinaison en fonction de la taille des entreprises pourra-t-elle perdurer ?

Subordonner les accords d'entreprise à la présence de délégués syndicaux ou de syndicalistes mandatés nécessite beaucoup d'énergie du chef d'entreprise : il faut organiser les rencontres entre le personnel et des organisations syndicales, motiver un salarié pour qu'il accepte de porter la casquette syndicale. C'est hors de portée des moyens humains et juridiques d'une petite entreprise.

Quant à la possibilité de négocier des accords types de branche au bénéfice des TPE-PME, la majorité requise, montée à 50 %, rend les choses plus compliquées. Ces accords seront négociés entre les grandes entreprises et les délégués syndicaux et seront assez loin des réalités des TPE-PME.

C'est une réforme à l'envers qui corsète l'emploi. Elle envoie des messages opposés à ses objectifs affichés. Alors que le Gouvernement veut financer la formation de 500 000 demandeurs d'emplois -on verra dans quelles conditions- pourquoi ajouter de nouvelles charges financières et administratives aux entreprises ?

A la faveur du 49-3, ont surgi des sources de contentieux sur les congés pour événements familiaux ; des complications, comme la présidence alternée des services de santé au travail, sujet engageant la responsabilité de l'employeur ou un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) inapplicable. Mon entreprise -qui compte 17 salariés- est soumise au risque chimique, même si depuis plus de vingt ans, nous sommes passés à l'impression sur textile en base aqueuse : il reste des agents chimiques dans des quantités très faibles. Pour prouver l'absence de risque chimique, il faut faire faire une étude qui est hors de portée des compétences techniques de mon entreprise avec des analyses de l'air et de l'eau, et donc faire appel à un cabinet de conseil et cela coûte 10 000 euros -dans une autre branche, cela ne coûterait que 3 000 euros.

L'apprentissage a été malmené depuis trois ans. Dernière couche, la nationalisation - ou plutôt la régionalisation - du financement de l'apprentissage le déconnectera encore un peu plus de l'entreprise. On pourra le passer par pertes et profits alors qu'il était censé être prioritaire...

Nous souhaitons reprendre les choses dans le bon sens, et notamment que l'on reconnaisse la légitimité d'un dialogue direct dans les TPE PME qui ne passe pas obligatoirement par les syndicats. Pourquoi ne pas rendre possible pour l'organisation du travail ce qui l'est pour l'intéressement et la participation ? Nous étions prêts même à une confirmation par référendum à la majorité qualifiée des deux tiers -nous n'avons pas peur car nous vivons les mêmes réalités : les conditions de travail des salariés, ce sont les mêmes que celles du chef de TPE ! Les accords pourraient être ensuite soumis au contrôle de légalité des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Cela faciliterait grandement la création d'emplois dans notre pays.

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