La méthode utilisée est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire. Toute l'expérience dans ce domaine ne sert à rien car il semble que personne ne se souvienne de rien... L'article L. 1 du code du travail a été introduit par une loi qui porte le nom du président du Sénat - on s'est assis dessus. Cela explique pourquoi nous en sommes là. Je pense à tous les salariés et aux petites entreprises ayant aujourd'hui des difficultés à trouver du carburant et donc à se déplacer. Ça va mieux, nous dit-on ? Pas pour les entreprises représentées par l'UPA, qui ne voient pas la reprise annoncée. Si en plus, le Gouvernement rajoute des grains de sables, l'emploi en subira les conséquences.
Nous sommes loin de la sagesse de l'article L. 1 du code du travail. On ne réformera pas la France sans dégager des consensus ; même si cela nécessite beaucoup de travail, c'est possible.
Ce texte est une grande déception : tout le monde s'accordait à dire que le code du travail s'était sédimenté après des années d'ajouts -ce pays sait ajouter, mais pas supprimer- à tel point que, sur certains sujets, plusieurs dispositions s'appliquent. Ce gouvernement, comme les précédents, en a bien fait le constat ; il y a eu le rapport Combrexelle, le rapport Badinter. Il y a eu beaucoup de travail et un vieux débat bien français sur la place de la loi, de la branche et de l'entreprise qui a accouché d'une souris. Mais l'UPA est hostile à l'inversion de la hiérarchie des normes.
Le code du travail est trop complexe, c'est une évidence. Les artisans et des commerçants le vivent au quotidien. Nous étions pour recentrer ce code sur l'ordre public social. Vous avez des choses plus importantes à discuter que le temps d'habillage et de déshabillage. Un problème comme celui-ci, qui ne se pose que pour certains secteurs, devrait être traité par les branches. Contrairement au Medef, nous ne considérons pas que tout doive être soumis aux accords d'entreprise. Il faut conserver une cohérence dans la hiérarchie des normes : la branche décline les règles en fonction de l'activité, définissant un ordre public conventionnel disposant de ce sur quoi on déroge ou pas pour un temps de respiration dans l'entreprise.
Un accord de branche ne verrouillera pas tout : il procédera de la négociation par des organisations d'employeurs qui représentent des adhérents. Nous ne cédons pas à cette illusion partagée par bien des courants que tout puisse être renvoyé à un accord d'entreprise. Je suis un particulier comme vous, et je fais appel à un artisan pour construire ma maison ; imaginons qu'elle soit bourrée de malfaçons : que penserais-je s'il me dit de me débrouiller ? De la même manière, comment penser qu'une entreprise pourra régler tout ce qui ne l'a pas été au niveau de la branche ou de la loi ?
Hors secteur agricole, 1 750 000 entreprises ont des salariés. Chaque année, il y a 40 000 accords d'entreprises -certaines en signent plusieurs. Il en reste donc au moins 1 120 000 qui n'en signent pas. Il serait illusoire de penser qu'on peut les généraliser : 98 % des entreprises ont moins de 50 salariés ; et vous demandez à ces hommes orchestres que sont les chefs de petites entreprises, qui doivent déjà fabriquer, veiller à la qualité, discuter avec les banques, l'Urssaf et le fisc, de devenir experts en droit du travail ! Cela fait des années que je travaille dessus - je n'en connais pas pour autant tous les détails. Bien des chefs d'entreprises - y compris d'entreprises de 30 à 40 salariés - disent volontiers aux fédérations de branches : c'est à vous de négocier ; on vous paie pour cela ! Même les très grands groupes ont besoin d'experts externes pour négocier et font appel à leur organisation professionnelle.
L'article 19 sur la représentativité patronale est la preuve que, quand on met en responsabilité les acteurs concernés, ils sont capables de trouver un accord. Sur le CPA et le C3P, je confirme les propos de M. Pottier.
Conséquence du 49-3, nous découvrons de nouvelles dispositions, comme cet article 21 bis B nouveau, ubuesque, qui, tel qu'il est écrit, remet en cause le financement de la formation des chefs d'entreprises dans l'artisanat. Il fait en effet référence à un vieil article du code de la sécurité sociale comprenant une définition très spécifique des professions artisanales. Il faut savoir en effet que l'artisanat est défini différemment par le code de commerce, le code des impôts, le code de la sécurité sociale. Plus personne n'y comprend rien, pas même les administrations qui sont chargées de l'appliquer. Le ministère du travail nous a indiqué que cet effet n'était pas volontaire.
Autre effet collatéral du 49-3, ce que le texte prévoit pour les franchisés à l'article 29 bis A. Je connais bien ce système, je le vis au quotidien. Il y a beaucoup de franchisés parmi nos membres ; ce n'est pas parce qu'un coiffeur externalise sa communication et l'apparence de son salon qu'il cesse d'être un artisan. Le franchiseur ne fait pas la loi chez lui ! On nous invente des instances de dialogue du réseau... L'UPA n'est pas contre le dialogue social ; elle a même été soupçonnée par ses organisations soeurs de vouloir trop en faire ! Mais au secours ! Les franchisés vont devoir appliquer cette disposition, mais aussi les commissions paritaires de la loi Rebsamen et, cerise sur le gâteau, les délégués de sites.
Il n'y a plus de médecins du travail. Les étudiants qui veulent faire médecine aujourd'hui se heurtent à un malthusianisme très fort : les cohortes en première année se réduisent à peau de chagrin dès l'année suivante. Et on se plaint qu'il n'y ait plus de médecins !
Les employeurs ne pourront plus recourir à une visite d'aptitude mais resteront soumis à une obligation de résultat et non de moyens. La poussière de farine peut susciter de l'asthme, par exemple ; comment un boulanger saura si un futur employé a une prédisposition s'il n'y a plus de visite d'aptitude ? Quand on fait cotiser les entreprises et les citoyens, il faut que cela serve à quelque chose pour être accepté.
Le texte veut lutter contre le détachement illégal, c'est bien. Mais ne nous faisons pas d'illusions : bientôt, dans certains secteurs, il n'y aura plus que des travailleurs détachés. Tant que la directive ne sera pas modifiée afin que le droit de la protection sociale applicable soit celui du pays d'activité, nous ne nous en sortirons pas.
Deux points me semblent toutefois positifs : l'article 30 sur le motif économique du licenciement, avec le bémol mentionné par d'autres orateurs. Il nous semble réaliste de prendre en compte la taille de l'entreprise ; les petites entreprises françaises manquent souvent de trésorerie, ce qui les rend plus sensibles au risque jurisprudentiel. Mais chat échaudé craint l'eau froide : ayant vu ce que le Conseil constitutionnel avait jugé sur un dispositif comparable, nous craignons qu'il ne censure cette différenciation.
Deuxième ajout positif : l'article 29 bis ajouté par l'Assemblée nationale créant une provision face au risque de procédure prudhommale. Une procédure pour licenciement peut en effet mettre en danger la vie même d'une petite entreprise et l'avenir professionnel des quelques salariés qui y travaillent.