Intervention de Alexandre Saubot

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 mai 2016 à 9h10
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Audition des représentants des organisations représentatives des employeurs

Alexandre Saubot, vice-président en charge du pôle social du Medef :

Les souplesses offertes par la loi ne seront accessibles qu'en recourant à la présence de délégués syndicaux - quand ils sont là - ou en faisant appel au mandatement d'un salarié par un syndicat. Or, seules 4 % des entreprises disposent de délégués syndicaux et le mandatement est très peu utilisé en raison de sa complexité.

Dès lors, comment bénéficier des souplesses offertes par la loi ? Il est bien sûr normal de discuter avec les représentants syndicaux lorsqu'ils existent. Quand il n'y en a pas, est-il possible de discuter avec les élus, dans les mêmes conditions ? Enfin, les deux-tiers des entreprises étant dépourvues d'élus, il serait indispensable que les salariés puissent choisir en leur sein un représentant pour mener la négociation et l'éventuel accord serait ensuite ratifié par un référendum. Nous sommes prêts à débattre du niveau d'approbation.

J'en viens à la règle des 50 % : actuellement, l'abstention n'est pas prise en compte lorsqu'il s'agit de valider des accords d'entreprise, puisque l'on prend la représentativité des organisations syndicales telle qu'elle est mesurée au premier tour des élections professionnelles. Ensuite, l'abstention est comptée comme une opposition, puisque seuls sont décomptées les voix favorables. La règle actuelle « 30 sauf si 50 » permet de mesurer cette abstention qui fait que si 50 % des salariés ne se sont pas opposés, l'accord entre en vigueur. Connaissez-vous beaucoup de systèmes où le principe de majorité prend en compte 50 % des inscrits ? C'est le cas aujourd'hui des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ou des accords emplois, mais en ce qui concerne les accords qui nous occupent, cette règle va empêcher la plupart des entreprises d'en signer.

La réforme adoptée en Italie a montré une certaine efficacité d'autant qu'elle prévoyait un meilleur accompagnement des demandeurs d'emplois et une incitation pour les cotisations. Mais cette réforme n'est pas transposable en France car elle n'est pas compatible avec la ratification de la convention 158 de l'OIT. En outre, le niveau d'indemnisation chômage en Italie est sensiblement inférieur (12 mois, pouvant passer à 18 mois) à ce qu'il est dans notre pays : on ne pourrait prévoir une indemnisation renforcée puisque nous en sommes déjà à une indemnisation sur 24 mois, soit le système le plus généreux d'Europe. Quant à la partie cotisations, une hausse est inenvisageable. Pourquoi ne pas réduire les cotisations sur les CDI pour les rendre plus incitatifs ? Dans de nombreux secteurs, le recours à des contrats de courte durée est une nécessité incontournable pour les entreprises.

De nouvelles formes de contrats ? L'essentiel du problème étant lié au droit et à la jurisprudence, comment traiter le stock ? Si seuls les nouveaux contrats étaient visés, cette réforme n'aurait pas grand impact. Nous souhaitons une réforme de l'existant.

Nous ne sommes pas persuadés que l'article 30 réponde à la problématique juridique des licenciements économiques, mais si on laisse aux juges l'intégralité de leurs capacités d'appréciation, l'outil ne sera pas utilisé sauf dans quelques grandes entreprises dans le cadre de plans sociaux avec tous les risques afférents. Dans les PME, les licenciements économiques ne sont quasiment jamais utilisés car ils sont coûteux, complexes et très risqués juridiquement. L'outil proposé par ce projet de loi va dans la bonne direction car l'objectivation de certains critères donne un cadre plus clair à une entreprise en difficulté économique. N'imaginez pas qu'un chef d'entreprise qui voit son chiffre d'affaires diminuer sur un trimestre va se précipiter pour licencier. Le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel, par analogie avec ce qui s'est passé pour le barème, a été évoqué, mais nous n'aurons de réponse qu'une fois le texte adopté et le Conseil constitutionnel saisi. Sans être parfait, cet article va dans la bonne direction.

Pour ce qui est de la médecine du travail, nous voulons un outil qui permette d'assumer notre responsabilité. Tous les postes ne nécessitent pas une visite d'aptitude, mais certains secteurs en ont besoin. Une attestation objective de la santé du salarié lors de son embauche est indispensable. Le rôle des branches est fondamental : qui est mieux placé pour définir les types de postes et de profils qui doivent être concernés que les branches qui connaissent parfaitement leurs entreprises ?

Enfin, nous ne voulons pas réduire le rôle de la branche. Suivant les secteurs, les entreprises sont dans des situations bien différentes et la branche n'est pas capable d'appréhender l'ensemble de ces problématiques. Même si elle fixe des règles et des principes, l'entreprise doit disposer de règles spécifiques. Il ne s'agit pas de réduire les droits, mais de répondre à ses besoins, en accord avec les salariés. Ainsi, dans les chantiers navals, lorsqu'un bateau doit être réparé, il faut travailler 24 heures sur 24 car le temps d'immobilisation coûte extrêmement cher. Tel n'est pas le cas pour la réparation automobile alors que ces deux secteurs relèvent de la convention collective de la métallurgie.

Il ne faut pas que les syndicats puissent bloquer les accords de branche lorsque quelques entreprises ont besoin de souplesse pour s'adapter à leur marché spécifique.

Nous ne savons pas ce que sera le compte engagement citoyen : en tant que président de l'UIMM, il semble que j'y aie droit pour aller me former.

Le dispositif pénibilité est inapplicable : il faut donc le réformer. Les organisations patronales sont conscientes qu'avec l'allongement de la durée de vie au travail, le travail pénible doit être identifié mais l'outil choisi en 2014 dans la loi Touraine est le plus mauvais qu'on puisse imaginer. Il faut donc identifier a posteriori les personnes en difficulté mais ne pas imposer à nos entreprises cette usine à gaz de dix critères dont la moitié est inapplicable. Une telle réforme sera très coûteuse pour les finances publiques, dommageable pour l'attractivité et la compétitivité de notre pays et elle ne ciblera même pas les bonnes personnes.

Les entreprises et les branches ont un rôle fondamental à jouer en faveur de l'apprentissage : il faut identifier les besoins des entreprises et la branche permet de faire le point. Quand l'argent, les responsabilités et l'identification des besoins relève d'un périmètre purement professionnel, rien ne sert de prévoir que la région, le rectorat et l'éducation nationale le fassent. Ainsi, des rectorats refusent la création de places dans des CFA qui n'arrivent pas à répondre aux demandes d'inscription.

Les partenaires sociaux et les organisations professionnelles sont capables de trouver des solutions : passons d'une logique de défiance, de règlementation et de contrôle à une logique de confiance et d'évaluation.

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