Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 24 mai 2016 à 9h32
Projet de décret d'avance relatif au financement de dépenses urgentes — Communication

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Je voudrais d'abord rappeler quelques éléments de contexte.

Tout d'abord, la réserve de précaution a atteint un niveau jamais égalé. Cela pose la question des pouvoirs de contrôle budgétaire du Parlement.

Ensuite, ce projet de décret d'avance est d'une ampleur importante, contrairement aux affirmations de Richard Yung. Le décret d'avance de mars 2015 portait sur 401 millions d'euros en autorisations d'engagement et 308 millions d'euros en crédits de paiement ; ce projet prévoit quant à lui l'ouverture et l'annulation de 1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,1 milliard d'euros en crédits de paiement. Certes, d'autres décrets d'avance ont été pris à l'automne 2015 ; néanmoins, les sommes en jeu en ce début d'année budgétaire sont sans commune mesure.

Sur le critère d'urgence, nous sommes tous d'accord : la nécessité d'ouvrir rapidement les crédits est manifeste. En revanche, je voudrais revenir sur la question de l'imprévisibilité. Nous sommes plusieurs à avoir évoqué la sous-budgétisation chronique de certains postes budgétaires, comme la politique d'asile ou l'hébergement d'urgence. François Patriat indique avoir travaillé sur la question de l'indemnisation des vétérinaires depuis des années : cela signifie bien qu'il n'y a pas imprévisibilité ! Pourquoi donc cela n'a-t-il pas été inscrit dans la loi de finances initiale ?

De manière plus générale, le Gouvernement justifie ce projet de décret d'avance, en premier lieu, par les nécessités du plan d'urgence pour l'emploi. Ce plan a été annoncé par le Président de la République le 18 janvier 2016, soit quelques semaines à peine après l'adoption de la loi de finances pour 2016. N'aurait-il pas été plus simple d'y faire figurer des mesures d'une telle ampleur, qui n'ont sans doute pas été inventées entre Noël et le 18 janvier ? Le Parlement, une fois de plus, a été mis de côté.

J'en viens aux annulations de crédits. J'ai lu à ce sujet le compte rendu de l'audition du secrétaire d'État au budget, Christian Eckert, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 18 mai dernier. Or les propos de Christian Eckert, loin de me rassurer, m'incitent à vous proposer l'adoption d'un avis défavorable à ce projet de décret d'avance.

En effet, sur les crédits de la recherche et, notamment, les sommes allouées au CEA, il reconnaît avoir été un peu trop vite en besogne, dans la mesure où le CEA ne dispose pas du fonds de roulement nécessaire pour fonctionner sur un budget ainsi réduit. Les explications fournies sont pour le moins imprécises !

Quant aux participations de l'État, le besoin de recapitalisation d'EDF et d'Areva, qui s'élève à plusieurs milliards d'euros, est bien connu ; le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, nous en dira sans doute un mot demain. Or ce projet de décret annule 500 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur ce compte. Christian Eckert, interrogé à ce sujet par les députés, a simplement répondu que cette recapitalisation pouvait attendre 2017.

Manifestement, ce projet de décret d'avance a été élaboré dans l'urgence, ce qui conduit à des résultats proprement ridicules : peut-être faudra-t-il un nouveau décret d'avance pour rétablir des crédits ici annulés !

André Gattolin demandait pourquoi l'on ne pouvait pas puiser dans la réserve de précaution : c'est parce que l'ampleur de ces redéploiements est telle qu'elle dépasse les plafonds au-delà desquels le Gouvernement peut procéder par simple dégel !

Il faut à un moment dire « stop » ! Entre l'accroissement de la réserve de précaution et l'annonce de nouvelles dépenses quelques semaines à peine après le vote des lois de finances initiale et rectificative, l'exécutif semble vouloir changer le budget à sa guise sans faire intervenir le Parlement : il faut poser une limite.

Par conséquent, plutôt qu'un avis favorable assorti de réserves, je vous propose d'adopter un avis défavorable à ce projet de décret d'avance. Cela devrait inciter le Gouvernement à mieux préparer le projet de loi de finances initiale, en mettant fin notamment à la sous-budgétisation chronique que nous dénonçons en vain, et, pour ce qui est des décrets d'avance, à mieux équilibrer les annulations de crédits entre différentes missions, en évitant en particulier de les faire peser sur les participations financières de l'État, en contradiction avec les besoins considérables de financement dans ce domaine.

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