La réunion est ouverte à 9 h 32.
La commission entend une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance, relatif au financement de dépenses urgentes, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
présidente. - Le Gouvernement nous a transmis mardi dernier un projet de décret d'avance, que Michèle André vous a immédiatement fait parvenir.
L'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances fixe à sept jours le délai dans lequel les commissions des finances doivent rendre leur avis sur les projets de décret d'avance. Ce délai expire donc aujourd'hui, ce qui explique que nous nous réunissions ce matin.
Le projet de décret ainsi que le projet d'avis proposé par le rapporteur général vous ont été distribués.
La commission des finances a été notifiée mardi dernier d'un projet de décret d'avance portant ouverture et annulation de crédits à hauteur de 1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,1 milliard d'euros en crédits de paiement.
Conformément à l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, notre commission doit faire connaître son avis sur le décret au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification du projet de décret.
Le recours au décret d'avance constitue une exception au principe de l'autorisation parlementaire des crédits. Il est donc encadré par la loi organique relative aux lois de finances, qui définit quatre conditions de validité du recours au décret d'avance.
Ainsi, les annulations doivent être au moins égales aux ouvertures, afin de ne pas affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. En outre, pour éviter que cet outil réglementaire ne permette de contourner une éventuelle loi de finances rectificative, les montants de crédits ouverts ne doivent pas dépasser 1 % des crédits prévus en loi de finances initiale. Les crédits annulés ne peuvent quant à eux être supérieurs à 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.
Ces trois critères sont purement mathématiques et je me bornerai à constater qu'ils sont respectés.
En revanche, le dernier critère, celui de l'urgence, est plus qualitatif et répond, selon la Cour des comptes, « aux deux conditions que sont la nécessité, constatée au moment où est préparé le décret d'avance, et l'imprévisibilité des dépenses auxquelles ce dernier doit faire face ».
La vérification du caractère urgent des dépenses supplémentaires exige un examen détaillé des ouvertures prévues par le présent projet de décret d'avance. Ces ouvertures concernent trois missions.
La mission « Travail et emploi » représente l'essentiel des ouvertures, avec 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 900 millions d'euros en crédits de paiement pour la mise en oeuvre du plan d'urgence pour l'emploi décidé par le Président de la République le 18 janvier dernier.
Par ailleurs, 158 millions d'euros sont ouverts sur la mission « Immigration, asile et intégration » pour financer les dépenses d'allocation pour les demandeurs d'asile, ou ADA. Roger Karoutchi, notre rapporteur spécial, nous fera part de son opinion quant à l'imprévisibilité de ces dépenses supplémentaires.
Des crédits supplémentaires sont aussi ouverts sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », à hauteur de 64,5 millions d'euros, pour financer les moyens de lutte contre les risques sanitaires et l'indemnisation des vétérinaires n'ayant pas fait l'objet de cotisation employeur avant 1990.
Le projet de décret d'avance intègre aussi un redéploiement de crédits du programme d'investissements d'avenir : 150 millions d'euros supplémentaires sont alloués au Fonds d'aide à la rénovation thermique, ou FART, à partir d'un prélèvement à due concurrence de l'action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique ». Ce redéploiement n'est pas directement visible en raison de mouvements comptables et budgétaires complexes ; j'y reviendrai.
Le plan d'urgence pour l'emploi représente donc la majeure partie des ouvertures. Son coût total est estimé, pour 2016, à 2 milliards d'euros en crédits de paiement et 3,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement.
Sur ce total de 2 milliards d'euros en crédits de paiement, 1,3 milliard d'euros, soit 65 % des crédits, sont destinés à la mise en oeuvre du plan de formation des demandeurs d'emploi : 500 000 formations supplémentaires devraient être réalisées en 2016. Elles seront déployées sur un marché national et des marchés régionaux.
Un marché national permettra une offre de formation pour les « métiers rares émergents et à distance » en faveur des demandeurs d'emploi. Ce marché sera notifié en juin ou juillet 2016. Il sera mis en oeuvre sous le mandat de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, et exécuté par Pôle emploi. Le marché est en cours de formalisation.
Les formations régionales permettront de couvrir les entrées supplémentaires en formations classiques. Les conventions État-régions devraient toutes être signées au 1er juin 2016.
Par ailleurs, 700 millions d'euros devraient être consacrés à la nouvelle prime à l'embauche, qui devrait concerner environ 1,1 million de contrats en 2016. Les décaissements ont débuté au mois d'avril 2016. L'aide est versée à l'échéance de chaque période de trois mois civils d'exécution du contrat de travail, à raison de 500 euros par trimestre au maximum et dans la limite de vingt-quatre mois. Au 19 mai 2016, 3,5 millions d'euros ont été engagés.
L'urgence semble établie au regard de la nécessité de poursuivre les paiements de prime à l'embauche et de mettre les crédits à disposition des régions au plus tard en juillet.
Au titre du financement de l'allocation pour les demandeurs d'asile, ou ADA, 158 millions d'euros de crédits sont ouverts. L'ouverture de crédits en lien avec les demandeurs d'asile est, hélas, récurrente. L'urgence est avérée : ces allocations doivent être payées et, si des crédits supplémentaires ne sont pas ouverts, l'État risque un défaut de paiement en juillet.
Cependant, la sous-budgétisation de cette allocation ne constitue pas une surprise : Roger Karoutchi, avait signalé dès l'examen du projet de loi de finances pour 2016 que la dotation était insuffisante. Le critère de l'imprévisibilité ne me semble donc pas rempli.
Je tiens aussi à souligner que ces ouvertures ne permettront pas d'apurer la dette de 177 millions d'euros que Pôle Emploi détient sur l'État au titre de l'allocation temporaire d'attente, ou ATA.
Au profit du ministère de l'agriculture, 64,5 millions d'euros de crédits sont ouverts concernant deux sujets bien distincts. D'une part, ces crédits financent les moyens de lutte contre les risques sanitaires, pour 58,5 millions d'euros. D'autre part, 6 millions d'euros sont consacrés à l'indemnisation de vétérinaires sanitaires n'ayant pas fait l'objet de cotisations employeurs avant 1990.
Si l'urgence concernant les problématiques sanitaires que rencontre le monde agricole ne fait aucun doute, je suis en revanche plus réservé sur le caractère imprévisible de l'indemnisation des vétérinaires.
Pour mémoire, le Conseil d'État a jugé que les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire avant 1990 et ayant reçu à ce titre des salaires pouvaient recevoir une indemnisation. Le ministère de l'agriculture a alors décidé de proposer aux vétérinaires une procédure de règlement amiable. Cette procédure s'est révélée très longue : sur près de 1 800 demandes transmises, seuls 265 dossiers, soit moins de 15 % du total, ont fait l'objet depuis 2011 d'un protocole soldé. Le temps joue en la faveur de l'administration en raison de la prescription quadriennale : les dettes cessent d'être dues quatre ans après le départ en retraite des vétérinaires.
L'administration argue d'une décision du Défenseur des droits et de l'augmentation du nombre de référés-provision pour justifier l'accélération soudaine à venir du traitement des dossiers.
Il n'en reste pas moins que le risque juridique et budgétaire associé à la conclusion de protocoles était connu des services ; il avait d'ailleurs déjà fait l'objet d'un décret d'avance l'an dernier. Il paraît donc surprenant qu'aucun crédit n'ait été ouvert à ce titre en loi de finances initiale pour 2016. Là encore, l'imprévisibilité apparaît peu avérée.
Enfin, 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ont été redéployés de l'action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » vers le FART. Cette augmentation des crédits du FART est rendue nécessaire par la décision du Gouvernement de porter à 70 000 le nombre de bénéficiaires de ce fonds en 2016.
Sur la forme, ce redéploiement est difficilement lisible, car il fait intervenir des mouvements budgétaires et comptables complexes, que ne peut retracer le décret d'avance. Il faut noter en particulier que l'annulation de 150 millions d'euros au titre des aides à la pierre ne permet pas de voir dans le décret d'avance l'ouverture de 150 millions d'euros pour le FART : cette annulation compense les ouvertures prévues, aussi la mission « Égalité des territoires et logement » n'apparaît-elle pas explicitement dans le projet de décret.
Sur le fond, les crédits redéployés paraissent très importants, d'autant plus que 50 millions d'euros avaient déjà été ajoutés à la budgétisation initiale pour couvrir la hausse des besoins. Après redéploiement, les crédits du FART s'élèvent à environ 687 millions d'euros.
J'évoquerai à présent les annulations de crédits permettant de gager les ouvertures. Ces annulations portent sur 23 missions du budget général et, en autorisations d'engagement, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
Dans bon nombre de cas, la justification des annulations prévues paraît fragile : l'annulation de 500 millions d'euros sur le compte spécial « Participations financières de l'État », par exemple, a de quoi surprendre, à l'heure où le Gouvernement réfléchit à la recapitalisation de certaines entreprises du secteur de l'énergie, Areva et EDF. Nous ne manquerons pas d'interroger le ministre de l'économie Emmanuel Macron à ce sujet, lors de son audition de demain.
La majeure partie des annulations porte, hors PIA, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ce sont les programmes de recherche qui sont les plus touchés : sont ainsi annulés 134 millions d'euros de subventions à des opérateurs tels que le Commissariat à l'énergie atomique, ou CEA, le CNRS et l'INRA. Cette réduction brutale des moyens alloués aux opérateurs de la recherche est préoccupante ; elle a d'ailleurs fait l'objet d'un courrier publié hier par Le Monde, signé de huit chercheurs dont la plupart ont reçu un prix Nobel, une médaille Fields ou une distinction équivalente. Je constate, dans les colonnes d'un quotidien économique du matin, que le Gouvernement a bien du mal à éteindre la polémique suscitée par ces difficultés d'arbitrage. Il est vrai que le Président de la République avait fait de la recherche une priorité : dans ce contexte, l'annulation brutale de 134 millions d'euros ne peut manquer d'interroger...
Pour conclure et ouvrir le débat, au regard du respect des critères de régularité posés par la loi organique, si l'urgence est manifeste, elle ne découle en revanche pas forcément d'événements imprévisibles : dans le cas de l'ADA et de l'indemnisation des vétérinaires sanitaires, les dépenses étaient sous-budgétées dès la loi de finances initiale pour 2016. L'emploi répété des décrets d'avance pose tout de même en problème de fond, de même que la mise réserve toujours plus importante de crédits : cela conduit à réduire la portée de l'autorisation parlementaire.
Pour ces raisons, et après lecture de la tribune signée par huit chercheurs de haut niveau - une première ! - je suis très réservé, et même défavorable, quant à ce projet de décret d'avance. L'exécutif dispose certes, au titre de la loi organique relative aux lois de finances, de la possibilité de redéployer certains crédits en cours d'année. Néanmoins, la sous-budgétisation chronique de certaines missions est indéniable et les gages prévus me laissent dubitatif : l'amputation des crédits de la recherche est, à elle seule, sans parler des crédits de l'écologie, particulièrement préoccupante. Je serai donc sans doute amené, en conclusion de ce débat, à vous proposer l'adoption d'un avis défavorable sur ce projet de décret.
Présidence de Mme Michèle André, présidente -
Une surcharge éventuelle et imprévisible est certes possible pour une mission, à hauteur de 10 % ou de 15 % des crédits décidés en loi de finances initiale. En revanche, ici, sur le droit d'asile, le système est à la limite de l'explosion ; l'insincérité du budget proposé chaque année est manifeste et le dépassement des crédits devient excessif.
On sous-évalue volontairement l'ADA : je fais ce diagnostic depuis trois ans, mais on bat des records cette année ! La décision avait été prise, dès mai 2015, d'ouvrir les portes à certains réfugiés : le Gouvernement savait donc parfaitement que le montant global de cette allocation allait augmenter. Or 148 millions d'euros seulement avaient été prévus à ce titre dans la loi de finances pour 2016. Le présent projet de décret rajoute 158 millions d'euros : l'estimation initiale représentait donc moins de la moitié du coût réel et l'ADA ne pouvait être financée que jusqu'en juin !
Mais il y a pire : l'État doit toujours près de 180 millions d'euros à Pôle Emploi au titre de l'ADA pour les années 2014 et 2015. Pour régler cette dette en plus du paiement annuel de l'ADA, il eût fallu prévoir, au total, l'engagement de 500 millions d'euros. Je ne suis pas convaincu que cette situation puisse durer. Or aucune réponse n'est apportée par le Gouvernement à cette question.
Par ailleurs, comment finance-t-on, en partie, ces crédits supplémentaires pour l'ADA ? Alors que je tire le signal d'alarme depuis des années au sujet de l'insuffisance des crédits octroyés à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ou OFII, pour la formation à la langue, à la culture et à la société françaises, on enlève encore 10 millions d'euros à cet office. J'en reste sans voix ! Le système devient fou : on ne fait plus rien pour la véritable intégration à la nationalité. C'est la politique à l'envers !
Qu'on ne nous dise pas qu'il y a urgence, alors que nous dénonçons cette situation depuis trois ans et que le Gouvernement nous promet que les lois successives résoudront le problème ! On n'a prévu pour l'ADA que 45 % des crédits nécessaires et rien pour le remboursement de la dette à Pôle Emploi : c'est inadmissible. On peut certes débattre de la politique migratoire et de la politique d'asile ; mais, là, c'est une politique de Gribouille !
Je note que le Gouvernement a choisi d'annuler, essentiellement, des crédits « frais », engagés par les administrations sur la base de la loi de finances initiale. Il aurait été plus respectueux du Parlement de déposer un projet de loi de finances rectificative...
ou de puiser dans la réserve de précaution, dont je rappelle qu'elle s'élève à 8 % des crédits hors dépenses de personnel, sans parler du « surgel » de 1,8 milliard d'euros et du report des crédits 2015.
On nous annonce déjà un autre décret d'avance en octobre prochain. Cela ne facilite pas la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement, comme en témoignent les récentes déclarations du garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas. Les 107 millions d'euros d'aide à la justice dont il a annoncé l'octroi ne proviennent en effet que du dégel de crédits déjà votés en loi de finances initiale. Or le présent décret devrait annuler 50 millions d'euros de crédits pour le même ministère : au total, le solde par rapport aux engagements initiaux est donc négatif de 57 millions d'euros, par rapport à ce qui avait été voté.
Pour l'écologie, on reporte certains crédits du PIA vers un soutien à la rénovation thermique relevant du ministère du logement. Cela n'apparaît pas en raison de la compensation par une annulation équivalente au sein de ce ministère compte tenu des perspectives d'exécution de l'aide à la pierre. La faible lisibilité de ces mouvements de crédits m'interroge.
Tel est le cas également pour ce qui est des participations financières de l'État, où l'on constate des annulations en autorisations d'engagement. Or il faudra bien procéder à la recapitalisation d'EDF et d'Areva, ce qui n'est absolument pas pris en compte dans ce projet de décret.
En conclusion, si l'on peut reconnaître la pertinence des dépenses nouvelles, même si certains choix du Gouvernement peuvent sembler contradictoires, on ne peut que s'inquiéter de la logique ayant présidé aux choix d'annulations et regretter la faible information du Parlement ainsi que l'absence de débat.
Monsieur le rapporteur général, vous avez qualifié de « brutale » la réduction de certains crédits.
Les montants sont de l'ordre de grandeur normal des décrets d'avance.
On nous parle par ailleurs de prévisibilité et de sous-budgétisation de certaines dépenses. C'est vieux comme le monde !
Certes, mais il faut tout de même le rappeler. Souvenez-vous donc des débats que nous avons eus sur les crédits consacrés aux opérations extérieures : chaque année, un décret d'avance devait les doubler, car ils étaient régulièrement sous-estimés.
Je reprendrai tout de même à mon compte une critique : la loi de finances est en effet vidée de son sens par la réserve de précaution et les surgels qui s'accumulent et finissent par représenter près de 10 % du budget. Dans la pratique, la réserve de précaution n'a de précaution que le nom : on ne peut plus y toucher ! Cela pose un problème quant au rôle du Parlement.
Un décret d'avance représente toujours un exercice difficile et douloureux : il faut couper dans certaines dépenses. On nous accusait, les années précédentes, de procéder à cette occasion à des coups de rabot indistincts. Tel n'est pas le cas cette fois : on a sanctuarisé la défense, la culture et l'intérieur.
Pas la culture ! Les crédits alloués aux monuments historiques sont touchés par les annulations !
Il est normal que les prix Nobel signent des tribunes pour protester contre des coupes budgétaires sur la recherche. Pour autant, la grande priorité de ce gouvernement est l'emploi, ce qui justifie les crédits ici alloués à la formation et à la prime pour l'embauche.
Il y a là non seulement prévisibilité mais aussi enfumage ! Au sujet du FART, le Commissaire général à l'investissement m'avait bien indiqué qu'il faudrait à ce fonds des moyens supplémentaires. Les voici aujourd'hui, quand la décision d'en faire bénéficier 70 000 ménages supplémentaires avait été prise voici déjà longtemps : les crédits nécessaires auraient donc dû figurer en loi de finances initiale.
Il y a mieux : les aides à la pierre. La première version du projet de loi de finances pour 2016 ne prévoyait pour cela que 100 millions d'euros. Face à la protestation générale, le Président de la République avait annoncé l'ajout de 150 millions d'euros. Or voici qu'on retire à nouveau 150 millions d'euros.
On avait donc fait cette annonce pour calmer tout le monde pendant le débat budgétaire pour mieux retirer ces crédits, en douce, six mois plus tard. Voilà pour l'enfumage !
On nous dit que des crédits non consommés l'an dernier et reportés sur 2016 pourront être utilisés. Certes, le financement du logement social est compliqué, du fait notamment de la territorialisation, mais il s'agit franchement de maquillage. Cela commence à bien faire, sur ce sujet comme sur l'hébergement d'urgence.
Quant à la recherche, certes, les 256 millions d'euros annulés ne représentent qu'une faible proportion des crédits de la mission. Il faut toutefois plutôt rapporter cette somme au budget de fonctionnement des centres de recherche après déduction de la masse salariale : la proportion s'élève alors à 10 %. Voilà pourquoi ces chercheurs sont montés au créneau : on ne peut pas tenir un discours en faveur de la recherche puis leur retirer soudainement une telle somme en milieu d'année. Cela constitue non seulement une erreur politique majeure, mais aussi une très mauvaise décision pour l'avenir du pays.
Tout comme le rapporteur général, je tends à penser que, si l'on accepte d'ordinaire ces ajustements en cours d'année, cette fois-ci, en revanche, il faut dire au Gouvernement que cela suffit ! Non seulement une part importante de ces crédits auraient dû apparaître en loi de finances initiale, mais il prend encore des décisions lourdes de conséquences pour notre avenir.
Quand sortira-t-on de ce jeu de rôle ? On a connu des ouvertures comme des annulations de crédits à toutes les époques. On donne ici un peu trop dans l'emphase et le catastrophisme.
Certes, je donne acte à Roger Karoutchi qu'il reste fidèle à ses positions sur les dépenses en direction des demandeurs d'asile : il avait bien prévu un dépassement des crédits en 2016.
Quant à la recherche, c'est bien le rôle des chercheurs que de réclamer le plus de crédits possible et de s'insurger avec véhémence - forts du soutien de l'opinion publique - quand ceux-ci diminuent. En revanche, contrairement aux affirmations de Philippe Dallier, ces annulations n'affectent pas le budget de fonctionnement et les salaires mais bien des projets de recherche, qui ne seront sans doute pas effectués cette année. Certes, il s'agit d'un mauvais signal global mais, d'après les renseignements que j'ai recueillis, il n'affectera pas vraiment les opérations de recherche qui sont déjà en cours pour les dix-huit mois à venir.
L'ancien vétérinaire que je suis n'est pas concerné personnellement par l'indemnisation des vétérinaires sanitaires dont il est question ici. Mais cela fait plus de cinq ans que, avec René Beaumont et Geneviève Gaillard, nous travaillons sur ce dossier en lien avec le ministère de l'agriculture. L'État a fait traîner le versement de cette indemnisation jusqu'à ce que le Défenseur des droits insiste pour l'application de la décision du Conseil d'État. En revanche, le montant retenu ici par le Gouvernement me surprend : 6 millions d'euros me semblent insuffisants pour le règlement de 210 dossiers, au vu des sommes demandées par les vétérinaires.
En vérité, ce projet de décret d'avance est extraordinairement politique.
L'essentiel des nouveaux crédits concerne l'emploi. Les 500 000 formations supplémentaires prévues devraient faire sortir des registres du chômage un nombre équivalent de personnes au bon moment pour le Gouvernement et le Président de la République, qui a fait dépendre sa candidature à l'élection présidentielle de 2017 de l'inversion de la courbe du chômage.
Quant aux demandeurs d'asile, dans le Val-d'Oise, quelques communes en ont accueillis : à ce jour, elles n'ont pas touché un centime de l'État !
L'annulation de crédits dédiés à la recherche est elle aussi très politique. La recherche était tout de même au pinacle des soixante engagements pris par le Président de la République avant son élection, de même que les investissements d'avenir. Cela pose la question de la vérité des promesses politiques : de telles décisions jettent le discrédit sur tout le monde. Par ailleurs, durant notre récent débat sur les glyphosates, on a pu constater l'absence d'avis scientifique sérieux à ce sujet : est-ce bien le moment de diminuer les crédits du CNRS ou de l'INRA ? Le CNRS a déjà subi une saignée ; il est en train de se renouveler et de se redéployer.
François Patriat nous dit que seules les missions de recherche seront affectées ; mais c'est tout de même le plus important !
Pour l'ensemble de ces raisons, je suis fermement opposé à ce projet de décret d'avance.
Ce projet de décret d'avance finance les ouvertures prévues, bien évidemment, par une série d'annulations de crédits. Ainsi, dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le programme 203, « Infrastructures et services de transports » est particulièrement affecté, ce qui n'est pas raisonnable. Chacun ici connaît la situation dans ce secteur et combien de dépenses ne sont pas prises en charge par l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'AFITF.
Ce décret d'avance n'est pas technique, il est politique. Certes, il respecte sans doute, formellement, les critères imposés par la loi organique relative aux lois de finances.
Je veux bien croire que nous nous trouvons dans un état d'urgence financier. Pour autant, il s'agit selon moi d'une mauvaise manière de modifier les arbitrages actés en loi finances initiale, dont nous avons déjà dénoncé les manques. Cette loi de finances, pourtant votée par le Parlement, est ici bafouée !
Ce projet de décret d'avance ne représente ni une amélioration ni une précision. Il ne respecte pas le vote du Parlement. Il y a là selon moi un vrai danger pour notre démocratie.
Je m'exprime ici en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Tout comme les signataires de la pétition publiée hier dans Le Monde, j'ai été frappé de la baisse drastique des crédits consacrés à la recherche. Depuis trois ans, la loi de finances initiale fait apparaître une stabilité des crédits de la recherche, au nom de la sanctuarisation de ces crédits. En effet, la recherche compte parmi les grandes priorités de ce gouvernement, comme le Président de la République le rappelait encore récemment. Néanmoins, sur cette même période, chaque année, des décrets d'avance diminuent de 0,5 % à 1 % les crédits de la recherche. In fine, lors de la loi de règlement, on peut donc constater chaque année une diminution de ces crédits.
Les crédits que ce décret d'avance annulerait dans ce domaine représentent environ un quart de l'ensemble des annulations, alors que la recherche ne représente que 6 % du budget de l'État. La priorité accordée à la recherche n'est donc pas évidente à la lecture de ces chiffres, et ce d'autant moins que 80 % des crédits annulés sont des crédits « frais » et non pas des mises en réserve. Surtout, plus de la moitié de ces annulations affectent des laboratoires de recherche.
Il faut demander au Gouvernement de revoir la question, non pas sur la totalité des 256 millions d'euros en jeu, mais sur la part de cette somme - la moitié environ - qui affecte les programmes de recherche du CEA, du CNRS, de l'INRA et de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, ou INRIA. Je sais à quel point les budgets de ces institutions sont tendus, notamment pour ce qui est des frais de fonctionnement des laboratoires. Par conséquent, une négociation doit s'ouvrir entre ces organismes et le ministère des finances pour trouver une solution à ce problème.
En conclusion, on peut être surpris que, pour financer des dépenses nouvelles répondant à des besoins de court terme, on diminue des crédits qui relèvent d'une activité de long terme, en l'occurrence la recherche. Ce hiatus ne s'explique guère : raison de plus pour que le Gouvernement se montre attentif aux protestations des chercheurs.
Ce projet de décret d'avance pose bien des questions de fond.
Tout d'abord, pour mettre en oeuvre une décision du Président de la République, on consacre 900 millions d'euros supplémentaires à la formation des demandeurs d'emploi. Cela peut surprendre : alors que l'on vante l'économie collaborative, il est inacceptable qu'une seule personne puisse soudainement décider de dépenser près de un milliard d'euros.
On sait depuis des années qu'il faut réformer la formation professionnelle, qui n'est pas aujourd'hui adaptée aux besoins de notre pays. Or le Gouvernement, après quatre ans d'exercice du pouvoir, ne fait qu'ajouter un milliard d'euros supplémentaire à ceux qui ont déjà été dépensés. Cette nouvelle dépense ne sert qu'à maquiller les chiffres du chômage pour rendre service au Président de la République. Je ne saurais approuver ni ce choix ni la méthode employée : j'ai peur en effet que ce milliard d'euros ne parte en fumée.
Les dépenses relatives à l'asile représentent un autre abondement important : 158 millions d'euros. Cela pose à nouveau le problème de la sincérité de la loi de finances initiale. La sous-estimation récurrente de certains postes budgétaires, qu'il faut ensuite régulariser par un décret d'avance, est évidente.
Quant aux annulations de crédits, je reprendrai l'analyse de Michel Berson : pour financer des dépenses de court terme, dont l'efficacité reste d'ailleurs à démontrer, on coupe dans des dépenses d'avenir.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ce projet de décret d'avance.
Le rapporteur général a déploré la sous-budgétisation en loi de finances initiale des risques sanitaires portant sur l'élevage. Ce débat est récurrent au sein de notre commission. S'il y a insincérité, elle est donc ancienne.
Il est surtout impossible de prévoir l'éventualité d'une épizootie et l'ampleur des besoins qu'elle peut nécessiter. En l'occurrence, la France a connu cette année deux épisodes extrêmement sévères : la fièvre catarrhale ovine et la grippe aviaire. Les besoins générés par ces épizooties s'élèvent à 58,5 millions d'euros. Ce projet de décret y répond, notamment par le redéploiement, à hauteur de 43 millions d'euros, de crédits déjà alloués au ministère de l'agriculture. Il n'y a là rien de nouveau et de tels débats avaient déjà lieu quand Bruno Le Maire était ministre de l'agriculture.
Je voudrais d'abord rappeler quelques éléments de contexte.
Tout d'abord, la réserve de précaution a atteint un niveau jamais égalé. Cela pose la question des pouvoirs de contrôle budgétaire du Parlement.
Ensuite, ce projet de décret d'avance est d'une ampleur importante, contrairement aux affirmations de Richard Yung. Le décret d'avance de mars 2015 portait sur 401 millions d'euros en autorisations d'engagement et 308 millions d'euros en crédits de paiement ; ce projet prévoit quant à lui l'ouverture et l'annulation de 1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,1 milliard d'euros en crédits de paiement. Certes, d'autres décrets d'avance ont été pris à l'automne 2015 ; néanmoins, les sommes en jeu en ce début d'année budgétaire sont sans commune mesure.
Sur le critère d'urgence, nous sommes tous d'accord : la nécessité d'ouvrir rapidement les crédits est manifeste. En revanche, je voudrais revenir sur la question de l'imprévisibilité. Nous sommes plusieurs à avoir évoqué la sous-budgétisation chronique de certains postes budgétaires, comme la politique d'asile ou l'hébergement d'urgence. François Patriat indique avoir travaillé sur la question de l'indemnisation des vétérinaires depuis des années : cela signifie bien qu'il n'y a pas imprévisibilité ! Pourquoi donc cela n'a-t-il pas été inscrit dans la loi de finances initiale ?
De manière plus générale, le Gouvernement justifie ce projet de décret d'avance, en premier lieu, par les nécessités du plan d'urgence pour l'emploi. Ce plan a été annoncé par le Président de la République le 18 janvier 2016, soit quelques semaines à peine après l'adoption de la loi de finances pour 2016. N'aurait-il pas été plus simple d'y faire figurer des mesures d'une telle ampleur, qui n'ont sans doute pas été inventées entre Noël et le 18 janvier ? Le Parlement, une fois de plus, a été mis de côté.
J'en viens aux annulations de crédits. J'ai lu à ce sujet le compte rendu de l'audition du secrétaire d'État au budget, Christian Eckert, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 18 mai dernier. Or les propos de Christian Eckert, loin de me rassurer, m'incitent à vous proposer l'adoption d'un avis défavorable à ce projet de décret d'avance.
En effet, sur les crédits de la recherche et, notamment, les sommes allouées au CEA, il reconnaît avoir été un peu trop vite en besogne, dans la mesure où le CEA ne dispose pas du fonds de roulement nécessaire pour fonctionner sur un budget ainsi réduit. Les explications fournies sont pour le moins imprécises !
Quant aux participations de l'État, le besoin de recapitalisation d'EDF et d'Areva, qui s'élève à plusieurs milliards d'euros, est bien connu ; le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, nous en dira sans doute un mot demain. Or ce projet de décret annule 500 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur ce compte. Christian Eckert, interrogé à ce sujet par les députés, a simplement répondu que cette recapitalisation pouvait attendre 2017.
Manifestement, ce projet de décret d'avance a été élaboré dans l'urgence, ce qui conduit à des résultats proprement ridicules : peut-être faudra-t-il un nouveau décret d'avance pour rétablir des crédits ici annulés !
André Gattolin demandait pourquoi l'on ne pouvait pas puiser dans la réserve de précaution : c'est parce que l'ampleur de ces redéploiements est telle qu'elle dépasse les plafonds au-delà desquels le Gouvernement peut procéder par simple dégel !
Il faut à un moment dire « stop » ! Entre l'accroissement de la réserve de précaution et l'annonce de nouvelles dépenses quelques semaines à peine après le vote des lois de finances initiale et rectificative, l'exécutif semble vouloir changer le budget à sa guise sans faire intervenir le Parlement : il faut poser une limite.
Par conséquent, plutôt qu'un avis favorable assorti de réserves, je vous propose d'adopter un avis défavorable à ce projet de décret d'avance. Cela devrait inciter le Gouvernement à mieux préparer le projet de loi de finances initiale, en mettant fin notamment à la sous-budgétisation chronique que nous dénonçons en vain, et, pour ce qui est des décrets d'avance, à mieux équilibrer les annulations de crédits entre différentes missions, en évitant en particulier de les faire peser sur les participations financières de l'État, en contradiction avec les besoins considérables de financement dans ce domaine.
Le point 18 du projet d'avis proposé par le rapporteur général est donc ainsi rédigé : « Émet, en conséquence, un avis défavorable au présent projet de décret d'avance. »
Votre projet d'avis, monsieur le rapporteur général, concluait à un avis favorable sous réserves. Je voudrais comprendre quels éléments nouveaux vous ont conduit à le changer.
Par ailleurs, je regrette que notre commission n'ait pas entendu le secrétaire d'État au budget, qui aurait pu expliquer les choix effectués par le Gouvernement.
Vous savez bien qu'un délai de sept jours nous est imparti pour rendre notre avis. Nous sommes au dernier jour de ce délai et nous n'avons pas pu recevoir Christian Eckert.
Plusieurs éléments nouveaux justifient mon avis défavorable : le compte rendu de l'audition de Christian Eckert à l'Assemblée nationale, dont je n'ai eu connaissance que tardivement, la réponse, parvenue hier seulement, du Gouvernement au questionnaire que nous lui avions envoyé, enfin l'intervention même de Michel Berson dans ce débat. Au vu de tous ces éléments, j'ai conclu que l'imprévisibilité des dépenses n'était pas avérée et que les annulations prévues, notamment sur la recherche et les participations de l'État, ne se justifiaient pas.
Je tiens à préciser que la diminution ici prévue des crédits alloués au CEA s'élève à 64 millions d'euros.
Le CEA ne pourra pas fonctionner avec une telle baisse de crédits !
Je m'abstiendrai sur le projet d'avis du rapporteur général.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information ; elle adopte l'avis sur le projet de décret d'avance.
L'avis est ainsi rédigé :
La commission des finances,
Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ;
Vu le projet de décret d'avance notifié le 17 mai 2016, portant ouverture et annulation de 1 583 650 000 euros en autorisations d'engagement et 1 122 450 000 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;
Sur la régularité du projet de décret d'avance :
1. Constate que l'objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement du plan d'urgence pour l'emploi annoncé par le Président de la République le 18 janvier 2016, des dépenses relatives à l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA), des retraites des vétérinaires n'ayant pas fait l'objet de cotisations employeurs et des moyens consacrés à la lutte contre certains risques sanitaires agricoles ;
2. Relève que le rapport de motivation joint au projet de décret d'avance prévoit également le redéploiement de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA) vers le fonds d'aide à la rénovation thermique (FART) ;
3. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur vingt-trois missions du budget général et un compte d'affectation spéciale ;
4. Constate que les ouvertures de crédits prévues par le projet de décret d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;
5. Note que le montant des crédits ouverts par le projet de décret d'avance excède le plafond de 2 % des crédits de chaque programme et ne pouvait par conséquent pas faire l'objet d'une procédure de virement de crédits ;
6. Constate qu'il n'apparaît donc pas possible d'ouvrir les crédits supplémentaires considérés autrement qu'en recourant à un décret d'avance ;
7. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée au regard de la nécessité de mettre en oeuvre le plan de formation des demandeurs d'emploi et la hausse du nombre de bénéficiaires du FART décidés par le Gouvernement, d'assurer la continuité du paiement de l'allocation pour demandeurs d'asile et de financer la lutte contre les risques sanitaires qui touchent le monde agricole ;
8. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 précitée sont donc formellement réunies ;
Sur les ouvertures prévues par le projet de décret d'avance :
9. Note cependant que le financement des retraites des vétérinaires n'ayant pas fait l'objet de versement de cotisations employeur avant 1990 ne constitue en rien une problématique nouvelle ; que le risque budgétaire associé à la conclusion de protocoles d'accord était connu et aurait dû être budgété dès la loi de finances initiale ;
10. Relève que la sous-budgétisation des dépenses d'allocation pour les demandeurs d'asile était manifeste dès la loi de finances initiale au regard de l'exécution 2014 et de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile sur le territoire à partir de la seconde moitié de l'année 2015 ; que l'abondement prévu à ce titre par le projet de décret d'avance, bien qu'il soit supérieur au montant budgété en loi de finances initiale, ne suffit pas à apurer la dette de 177 millions d'euros accumulée par l'État auprès de Pôle Emploi au titre de ce dispositif ;
11. Estime par conséquent que l'urgence à ouvrir les crédits sur ces deux postes ne découle pas du caractère imprévisible des besoins budgétaires, mais de l'insuffisance des moyens alloués en loi de finances initiale ;
12. Observe en outre que le redéploiement de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA) prévu par le projet de décret d'avance témoigne des difficultés à assurer la lisibilité des mouvements de crédits du PIA, dès lors que ni la procédure de rétablissement de crédits au profit du programme 181 « Prévention des risques », ni l'affectation au FART des crédits ouverts au profit du programme 135 « Urbanisme, territoire et amélioration de l'habitat » ne peuvent être retracées au sein du projet de décret d'avance ;
Sur les annulations prévues par le projet de décret d'avance :
13. Constate que les annulations ne respectent que très partiellement le principe d'auto-assurance et qu'une partie importante des crédits annulés est permise par le décalage de dépenses, à terme, inévitables ; estime qu'il est, par conséquent, probable que des ouvertures soient nécessaires en cours d'année sur certains des programmes qui font l'objet d'annulations ;
14. Note en particulier que l'annulation d'autorisations d'engagement à hauteur de près de 500 millions d'euros sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ne prend pas en compte la nécessité d'assurer la recapitalisation du secteur énergétique français dans les mois à venir ;
15. Relève que l'annulation de 150 millions d'euros sur les aides à la pierre entre en contradiction avec l'engagement du Président de la République de renforcer les moyens consacrés à ces dispositifs ;
16. Souligne que près de la moitié des annulations sur le budget général pèse sur les deux missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Recherche et enseignement supérieur », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement ; que la réduction brutale des moyens alloués à certains opérateurs de la recherche risque de porter atteinte à la qualité de l'écosystème français de recherche et d'innovation ;
17. Relève que le décret d'avance traduit, pour certaines missions, une réorientation importante des choix budgétaires adoptés par le Parlement en loi de finances initiale et estime que le recours croissant, par le Gouvernement, à la mise en réserve de crédits et à la procédure de décret d'avance limite la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement ainsi que la portée de l'autorisation parlementaire ;
18. Émet, en conséquence, un avis défavorable au présent projet de décret d'avance.
La réunion est levée à 10 h 32.