Intervention de Jacques Mézard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 mai 2016 à 9h40
Autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes- examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, rapporteur :

Après la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes, la démarche commune de plusieurs groupes parlementaires a abouti à l'adoption, à l'unanimité, de la proposition de loi les concernant puis à son examen par l'Assemblée nationale lors d'une niche parlementaire du groupe Les Républicains. Le travail réalisé à ce jour a reçu le concours de presque tous les groupes - à ce titre, je remercie Alain Richard, qui a aidé ce texte à fructifier. Tentons d'obtenir un accord sur ce texte de progrès mettant fin à la prolifération des autorités administratives indépendantes et définissant un cadre plus clair, plus transparent, sous le contrôle accru du Parlement.

Les deux propositions de loi, ordinaire et organique, ont été modifiées par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement, qui n'avait pas manifesté son enthousiasme devant le Sénat, s'en remettant systématiquement à une sagesse plutôt défavorable, a évolué positivement à l'Assemblée nationale. Nous pouvons compter sur un accord sur un point fondamental : la nécessité d'établir un statut général des autorités administratives indépendantes et d'en dresser une liste réduite. Le Sénat avait proposé un statut général étoffé. L'Assemblée nationale a adopté un statut moins précis et supprimé la précision qu'il s'appliquait à tous « sauf disposition contraire ». Sur ce point, nous avons intérêt à chercher un accord.

Quant à la liste des autorités, nous en avions inscrit 23, contre les 42 recensées informellement par le secrétaire général du Gouvernement - dont le poids est apparu clairement à tous. L'Assemblée nationale a suivi la logique du Sénat, et le Gouvernement s'y est rallié. Elle a porté cette liste à 26, en y intégrant le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, la Commission nationale du débat public et, contre l'avis de son rapporteur, le Médiateur national de l'énergie. On dit que dans chaque niche fiscale se cache un chien qui aboie ; il en va de même pour les autorités administratives indépendantes : chacune prétend qu'on l'empêche de travailler efficacement en ne lui reconnaissant pas ce statut. Le Médiateur national de l'énergie a certes mené un remarquable travail de lobby mais cela ne doit pas modifier notre position.

L'Assemblée nationale a proposé la suppression de la Commission de la sécurité des consommateurs, en congélation totale, et la fusion, ou la suppression, de deux autorités retenues dans la liste, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), en 2022. En première lecture, nous n'avions pas proposé de retrait de l'Arjel et avions trouvé un accord sur la Hadopi. À terme, le nombre d'AAI serait donc de 24.

Il faudra maintenir la suppression de la Commission de la sécurité des consommateurs. Je proposerai en revanche de revenir à l'accord que nous avions trouvé sur la Hadopi et d'écarter le Médiateur national de l'énergie. Ayons un débat sur l'Arjel en séance publique pour connaître la position du Gouvernement, dont je n'ai pas compris la volonté réelle. Enfin, le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, dont Patrice Gélard doutait de la qualité d'autorité administrative indépendante, pourrait devenir un établissement public national à caractère administratif rattaché au Premier ministre, sur le modèle de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatogènes et des infections nosocomiales (Oniam).

Malgré une large convergence avec l'Assemblée nationale sur le statut général des autorités administratives indépendantes, le point de vue du Sénat diverge sur le statut et la déontologie des membres de ces autorités. Les députés ont adopté des positions très en retrait des nôtres. Le principe d'irrévocabilité du mandat que nous avions posé a été accepté par l'Assemblée nationale, mais elle n'a pas retenu l'harmonisation de sa durée à six ans, ni l'impossibilité de le renouveler. Nous considérons que celle-ci assure l'indépendance des membres qui, sinon, présenteraient une faiblesse vis-à-vis du pouvoir exécutif. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a considéré qu'il serait dommage de se priver de l'expérience acquise par le président d'une autorité à l'issue de son premier mandat. Nous proposons de maintenir notre position.

En matière de déontologie, l'Assemblée nationale s'est écartée de notre logique. Nous devons aller le plus loin possible sur le déport, le devoir de réserve et le secret des délibérations. Un débat a été ouvert sur le droit pour tous les membres du collège d'une autorité administrative indépendante de consulter les déclarations d'intérêts de leurs pairs. Si l'on souhaite la transparence, il faut aller jusqu'au bout.

Suivant la volonté du président Nadal, nous avions instauré des déclarations publiques pour les membres de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui doivent donner l'exemple. Le Gouvernement s'y est opposé et l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Le président Nadal plaidant toujours en sa faveur, je propose de la rétablir. Le secrétaire général du Gouvernement a soulevé une question de constitutionnalité, mais son interprétation me paraît discutable.

Le Sénat et l'Assemblée nationale convergent sur les règles communes de fonctionnement. Nous devrions trouver un accord sur l'établissement d'un règlement intérieur dans chacune des autorités. Il faudra ajouter quelques précisions sur la capacité du président à choisir son secrétaire général, et sur le processus de nomination des membres. Le Sénat avait imposé la procédure de l'article 13 de la Constitution pour tous, mais elle est jugée trop lourde.

Je pense que cette initiative sénatoriale aboutira.

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