Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 25 mai 2016 à 9h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • crime
  • indépendante
  • infraction
  • prescription
  • électorale

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le Gouvernement a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et sur le projet de loi organique relatif à la magistrature. Nos efforts conjugués ont été vains, pour le convaincre qu'il n'est pas concevable que le Sénat n'examine pas de façon approfondie, en commission et en séance, un texte important qui a doublé de volume à l'Assemblée nationale. Néanmoins, nous rechercherons l'accord sur le plus grand nombre d'articles possible. Il faudra mandater nos rapporteurs pour un travail approfondi lors de la commission mixte paritaire, qui se déroulera au Sénat. Nous verrons comment faire entendre notre mécontentement lors de la session extraordinaire de juillet, en cas d'échec.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le groupe socialiste a soutenu votre initiative de saisine du Gouvernement en faveur d'une deuxième lecture avant la commission mixte paritaire. Celle-ci aurait pu se tenir immédiatement après une deuxième lecture au Sénat. Il est évident que le texte du projet de loi a profondément changé. Cinq ou six sujets aussi importants que le divorce et la justice des mineurs ont été ajoutés à l'Assemblée nationale. Il faudra réfléchir à la façon de préserver la capacité de débat du Sénat à leur propos.

Pierre-Yves Collombat est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 3336 (A.N. XIVème lég.) rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, la proposition de loi organique n° 3337 (A.N. XIVème lég.) rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France et la proposition de loi organique n° 3338 (A.N. XIVème lég.) rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales.

Mathieu Darnaud est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 583 (2015-2016), présentée par Mme Lana Tetuanui relative à l'élection des conseillers municipaux dans les communes associées de la Polynésie française et à la modernisation du code général des collectivités territoriales applicable aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics.

Jean Pierre Sueur est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 489 (2015-2016), présentée par M. Thani Mohamed Soilihi et plusieurs de ses collègues tendant à modifier le mode de scrutin pour l'élection du Conseil général de Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La commission des finances et la commission des affaires économiques se sont saisies pour avis du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que nous appelons communément « Sapin 2 ». En l'état du texte déposé à l'Assemblée nationale, sur un total de 57 articles, une petite moitié ne relèvent pas de la compétence de notre commission, mais des deux commissions pour avis : 23 pour la commission des finances et 4 pour la commission des affaires économiques. Je vous propose donc de déléguer au fond à ces commissions l'examen de ces articles, sans préjudice pour ces commissions d'examiner pour avis des articles que nous conservons au fond. Les commissions pour avis devront se réunir avant nous, de façon à ce que nous puissions nous en remettre, par principe, à leur position sur les articles délégués au fond et, le cas échéant, intégrer leurs amendements dans le texte de la commission que nous adopterons.

La commission décide de déléguer au fond à la commission des finances les articles 7, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 32, 33, 34, 35, 37, 39, 50, 51, 52 et 53 et à la commission des affaires économiques les articles 30, 31, 38 et 43.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Notre commission des lois est particulièrement attentive à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie comme elle a pu en témoigner à chaque fois que le Parlement a été appelé à statuer sur cette question depuis la conclusion de l'Accord de Nouméa en 1998. Le processus institutionnel ouvert avec celui-ci est appelé à se clore vingt ans plus tard puisqu'une consultation devrait être organisée par l'État au plus tard en 2018.

Lors de notre déplacement en Nouvelle-Calédonie de l'été 2014, avec Sophie Joissains et Jean-Pierre Sueur, nous avions compris que si le référendum restait l'hypothèse la plus probable, l'éventualité d'un troisième accord n'était pas à exclure. Quoi qu'il en soit, l'État, signataire de l'Accord, doit être prêt en cas de référendum, y compris s'il était demandé par anticipation par une majorité qualifiée du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. C'est pourquoi le Parlement a adopté, de manière consensuelle, la loi organique du 5 août 2015 afin d'établir des listes électorales pour la tenue de la consultation. Cette issue heureuse n'était pas prévisible lors du dépôt du projet de loi organique, voici un an, puisque le texte initial avait soulevé une vive réprobation d'une partie de la classe politique locale, illustrée par l'avis défavorable du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur cette première version. Le comité des signataires a ainsi été convoqué exceptionnellement le 5 juin 2015 afin d'évoquer le traitement des litiges électoraux. Après douze heures de discussions, il a conclu un accord privilégiant une solution pacifiée à ce problème.

À court terme, cette réunion s'est traduite par des amendements du Gouvernement sur son propre texte afin de prendre en compte les conclusions du comité des signataires. Notre commission des lois les a adoptés à l'unanimité le 24 juin suivant. Ce texte a été approuvé, sans modification, par le Sénat puis l'Assemblée nationale dans les semaines suivantes, avant d'être validé par le Conseil constitutionnel.

Il existe trois listes électorales en Nouvelle-Calédonie : la liste électorale générale pour les scrutins nationaux et municipaux ; la liste électorale spéciale pour les élections provinciales et la liste électorale spéciale pour la consultation qui est l'objet de la loi du 5 août 2015. Les deux dernières, propres à la Nouvelle-Calédonie, sont étroitement liées entre elles, au moins pour deux raisons : leur élaboration et leur révision relèvent d'une même commission administrative spéciale et, si les électeurs y figurant sont différents, l'appartenance à la liste électorale spéciale pour les élections provinciales peut, sous certaines conditions, donner droit à participer au référendum.

Juridiquement distinctes, les deux questions sont politiquement liées. Résoudre les divergences autour de la liste électorale spéciale pour les élections provinciales était donc un préalable. Figurer sur cette liste est non seulement une condition pour élire les membres des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie mais aussi et surtout la condition pour être citoyen calédonien. Outre son aspect symbolique, la citoyenneté calédonienne garantit un accès à l'emploi local protégé.

S'agissant de la liste électorale provinciale, les partenaires calédoniens se sont accordés en juin 2015 sur une méthode impartiale confiée à un expert de confiance. Le Premier ministre a nommé, à cet effet, M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit. Celui-ci s'est enfermé dans une pièce avec un ordinateur sans connexion à Internet afin de croiser des fichiers, notamment de la Sécurité sociale et de l'Éducation nationale. L'anonymat a été scrupuleusement respecté et, conformément au cadre approuvé par la Cnil, la destruction des données a été attestée par des procès-verbaux à la suite de ces opérations.

L'objectif de ce croisement de fichiers était de pacifier la situation en circonscrivant précisément le nombre de personnes indûment inscrites sur les listes électorales provinciales, c'est-à-dire celles arrivées après le 8 novembre 1998. En juin 2015, tous les partenaires calédoniens ont admis qu' « aucun droit électoral n'a pu être acquis après cette date ». Le désaccord portait cependant sur l'ampleur des personnes concernées.

Depuis plusieurs années, l'Union calédonienne (UC), formation indépendantiste, exigeait la radiation de près de 7 000 électeurs lors des opérations de révision des listes. Au terme des travaux de M. Mélin-Soucramanien, seulement 1 062 cas ont été jugés problématiques : pour 870 personnes inscrites sur les listes électorales provinciales, aucune trace de présence dans les fichiers n'existait avant 1998 et pour les 192 restantes, aucune trace n'existait, même après 1998. La part des inscriptions litigieuses a ainsi été ramenée à 0,7 % des électeurs inscrits sur les listes électorales spéciales. Au terme d'un accord intervenu lors du comité des signataires du 4 février 2016, l'anonymat de ces 1 062 personnes a été levé et leur identité transmise au Haut-commissaire de la République, à charge pour lui de la faire connaître aux commissions administratives spéciales, seules habilitées à décider du sort de ces électeurs.

Ces 1 062 personnes ont été prévenues par le Haut-commissariat de la République que leur inscription était susceptible d'être remise en cause et qu'elles seraient appelées à produire des justificatifs devant les commissions administratives spéciales. Pour la première fois depuis la loi organique du 5 août 2015, les commissions administratives spéciales comportaient un sixième membre : une « personnalité qualifiée indépendante ». En accord avec les partenaires calédoniens et pour satisfaire une demande de l'UC, le choix s'est porté sur des observateurs électoraux issus de l'ONU.

Au terme des travaux des commissions administratives spéciales, seulement 325 électeurs sur les 1 062 détectés ont été radiés par les commissions administratives spéciales car nombre d'entre eux ont réussi à prouver, par tout moyen, leur présence avant 1998. Ce nombre représente 0,2 % du corps électoral spécial. Autant dire que l'ampleur du litige est fortement réduite par rapport au fantasme de plusieurs milliers d'électeurs concernés ! Les électeurs ont su s'organiser, avec le soutien de certaines formations politiques, pour faire valoir leurs droits et ainsi justifier leur présence sur la liste électorale spéciale.

Le relevé de la réunion du comité des signataires du 4 février 2016 indiquait que « les partenaires conviennent de déclarer comme politiquement clos le litige relatif aux inscriptions, faites jusqu'en 2015 ». On aurait pu ainsi espérer qu'à la différence des autres années, il n'y aurait pas de requêtes en série pour solliciter la radiation d'électeurs. Pourtant, l'UC a déposé 585 demandes de radiation, selon des critères qu'elle a déterminés et sans se fonder sur le travail de M. Mélin-Soucramanien. Ces requêtes ont abouti à 54 radiations supplémentaires par les commissions administratives spéciales, soit moins de 10 % des requêtes introduites. Soit, là encore, bien moins que les chiffres qui circulent sur les électeurs indûment inscrits. Ce nombre pourrait être d'autant plus réduit que le Haut-commissaire de la République a décidé, de manière inédite, de former un pourvoi en cassation sur 46 des 54 décisions des juridictions calédoniennes. En effet, plusieurs juges ont sollicité la communication des procès-verbaux des commissions administratives spéciales. Contrairement à une polémique entretenue localement, le représentant de l'État était tenu de transmettre au juge ces procès-verbaux car ce sont des documents administratifs communicables. Cependant, certaines décisions de justice se sont bornées à constater que les éléments fournis devant les commissions administratives spéciales étaient insuffisants pour justifier l'inscription, sans rechercher si l'électeur concerné pouvait produire les justificatifs autorisant son maintien sur la liste. Or, un électeur peut attester de la légitimité de son inscription devant les commissions administratives spéciales mais aussi, à tout moment, devant le juge. La cassation de plusieurs de ces décisions de radiation n'est donc pas à exclure, réduisant d'autant plus la moisson de ceux qui recherchaient des radiations massives.

Sous réserve de la publication des arrêts de la Cour de cassation, la révision de la liste électorale spéciale, ouverte au 1er mars 2016, s'est achevée au 30 avril 2016. Seule l'UC, principalement ses représentants en province Sud, continue d'entretenir le débat sur le litige électoral, à la différence d'autres formations indépendantistes. Ce débat devrait s'estomper car les observateurs onusiens, dont la présence était une revendication de l'UC, ont été positivement surpris par le fonctionnement des commissions administratives spéciales en comparaison des conditions qu'ils connaissent habituellement dans des pays en voie de transition démocratique. Leur position a d'ailleurs fréquemment convergé avec celle des magistrats présidant ces commissions.

Pour la première fois, deux procédures électorales se sont succédé ce printemps : après la révision de la liste électorale pour les élections provinciales, les commissions administratives spéciales ont poursuivi leurs travaux en établissant la liste électorale en vue de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Ces opérations ouvertes début mai devraient se conclure fin juillet. À partir de l'année prochaine, la révision de la liste électorale pour la consultation devrait être imbriquée avec celle de la liste électorale pour les élections provinciales car elles seront menées, en partie, de front au cours du mois de mai 2017.

Actuellement, près de la moitié des communes, principalement du sud de l'archipel, ont fini d'examiner les demandes d'inscription. À ce stade, trois constats peuvent être formulés.

Tout d'abord, comme les estimations le laissaient penser en 2015, près de 145 000 personnes pourraient bénéficier du dispositif d'inscription d'office, 20 000 personnes ne pouvant être inscrites qu'après une démarche de leur part. L'inscription d'office ne signifie pas inscription automatique. L'électeur est seulement dispensé de déposer une demande d'inscription. L'administration transmet son nom mais la commission administrative spéciale vérifie qu'il satisfait bien aux critères pour être inscrit. Au total, près de 85 % des électeurs potentiels devraient bénéficier de l'inscription d'office. Ce nombre varie selon les régions : il frôle les 100 % dans les îles Loyauté car la quasi-totalité de la population relève ou a relevé du statut civil coutumier, ce qui constitue un des critères pour l'inscription d'office, tandis que la part des inscrits d'office avoisine les deux-tiers dans le Grand Nouméa où la population est plus mobile et d'installation plus récente, entrant moins dans les cas d'inscription d'office.

Ensuite, lors de l'examen de la loi organique du 5 août 2015, une des huit conditions alternatives pour voter lors de la consultation avait soulevé des inquiétudes quant à son application : avoir le centre de ses intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie. Pour harmoniser l'appréciation de ce critère et donner aux commissions administratives spéciales des lignes directrices, une commission consultative d'experts a été prévue par le législateur organique. Elle a été installée début mai jusqu'à la fin des opérations en juillet. Or, contre toute attente, elle a rendu, à ce jour, seulement trois avis sur saisine des commissions administratives spéciales. Il semble que les difficultés autour de ce critère aient été de bonne foi surévaluées lors de l'examen de la loi organique.

Enfin, et c'est sans doute le plus préoccupant, plusieurs milliers d'électeurs qui pourraient être inscrits sur les différentes listes électorales ne le sont pas, faute pour eux d'avoir sollicité leur inscription sur les listes. En effet, pour être inscrit sur les deux listes électorales spéciales, il faut l'être sur la liste électorale générale, la même qu'en métropole. Ce phénomène de non-inscription, qui traduit un désintérêt des citoyens pour la vie politique, n'est pas propre à la Nouvelle-Calédonie et existe sur l'ensemble du territoire national. Ses effets sont plus importants dans l'archipel calédonien car les citoyens se privent ainsi de la capacité de participer à des scrutins déterminants pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Pour évaluer le phénomène, nous sommes tenus à des hypothèses. Pour ne prendre qu'un exemple simple, 65 000 personnes de statut coutumier sont inscrites sur les listes électorales alors qu'un potentiel de près de 90 000 serait en âge de voter selon le fichier coutumier. Certaines formations, comme l'UNI-Palika, ont d'ailleurs fait le choix, contrairement l'UC, de se concentrer sur ce vivier d'abstentionnistes, de l'ordre de 30 % du corps électoral actuel, plutôt que de s'acharner sur un litige électoral aux élections provinciales, réduit à quantité négligeable.

Si mon exemple porte sur la communauté kanak, il pourrait être étendu aux autres communautés, soulevant ainsi le problème plus général de la participation et surtout de l'intérêt de la population calédonienne pour le débat institutionnel. Face à un débat complexe, le risque est celui d'une population spectatrice d'un choix préempté par les experts et la classe politique. Il faut indéniablement que l'État participe activement à l'information des Calédoniens, non seulement pour favoriser leur inscription sur les listes électorales, mais également pour susciter leur intérêt. Je voudrais souligner, à cet égard, la proposition formulée par M. Mélin-Soucramanien de créer des instances de dialogue avec la société civile. Sur ce point, tout est à penser et le territoire calédonien devra, comme à son habitude, inventer de nouvelles formes de participation.

La société civile calédonienne est riche. Historiquement, les forces religieuses et spirituelles, comme les autorités coutumières, ont toujours joué un rôle de réflexion et de médiation qui sera à nouveau précieux pour le débat qui s'annonce. La Nouvelle-Calédonie est en passe de surmonter les difficultés administratives et juridiques qui la préparent à la sortie de l'Accord de Nouméa, elle doit désormais retrouver le souffle politique qui a animé les discussions de 1988 et de 1998 pour éviter le retour de la violence et construire le destin commun de ses habitants.

Je conçois que cette communication paraisse technique. Si l'on porte une telle attention à la définition des listes électorales, c'est parce que la légitimité de la consultation repose sur la fiabilité du corps électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci. Il n'existe pas de moyen d'aborder cette matière complexe sur les plans politique, juridique, administratif et technique qui dispense d'entrer dans la précision. Ayant été rapporteur du projet de loi organique examiné en juillet dernier, j'ai pu en mesurer toute la difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Si je salue la qualité du rapport, et sans m'engager dans un débat en commission, j'y relève quelques imprécisions, dues au fait que les informations de Mme Tasca proviennent du ministère des outre-mer. Si je n'avais pas, année après année, sollicité du Gouvernement la tenue d'un comité des signataires à ce sujet, nous en serions toujours à la judiciarisation, méthode pratiquée par l'État. Si les partenaires politiques n'avaient pas échangé, la Nouvelle-Calédonie ne se serait pas donné les moyens de préparer sereinement cette échéance.

Mme Tasca a évoqué 1998 en soulignant que la consultation aurait lieu vingt ans plus tard. C'est ce que nous souhaitions en 1998 ; les indépendantistes ont obtenu un principe : que le scrutin puisse avoir lieu dès la quinzième année. La subsidiarité, c'est que l'État s'engage à organiser le scrutin au plus tard en novembre 2018. Je défends l'idée d'un troisième accord dont a parlé Mme Tasca. Pourtant, les indépendantistes, même s'ils savent qu'ils vont le perdre, tiennent au scrutin. Pourquoi alors ne déposent-ils pas de proposition de délibération au Congrès afin de l'organiser rapidement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

C'est probablement par lâcheté. S'ils ne veulent pas organiser le scrutin d'auto-détermination maintenant, je le demanderai ! Je le dis par provocation, mais la loi est applicable à tout le monde de la même façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Ce débat est strictement exceptionnel dans l'histoire politique et institutionnelle de notre pays. Pour la première fois, des textes législatifs distinguent des électeurs, dans la communauté électorale. Certes pour des motifs totalement légitimes, et je soutiens l'action gouvernementale en la matière depuis 1988. Puisqu'elle offre une issue pacifique à un débat postcolonial, cette démarche est profondément justifiée.

Mesurons tout de même qu'il s'agit de distinguer les électeurs habilités à voter des autres. Espérons que nous n'ayons plus jamais ce type de débat et qu'il n'en soit jamais ainsi ailleurs sur le territoire républicain. Nul besoin d'aller loin en Europe pour rencontrer des situations dans lesquelles l'appartenance à une certaine entité traditionnelle ou ethnique conditionne la participation aux élections. La France, détachée de cette conception depuis le premier jour de la Révolution, est une exception. Puisse-t-elle le rester !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Merci à Mme Tasca de nous avoir éclairés. Le sérieux avec lequel cette question a été abordée est réconfortant. Comment expliquer le désintérêt que suscite ce sujet essentiel qui a pourtant passionné la Nouvelle-Calédonie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Cher Pierre Frogier, je n'ai pas mentionné votre rôle dans la convocation du comité des signataires mais je vous en donne volontiers acte car le temps passait et la situation se détériorait. Les deux dernières réunions du comité des signataires ont été décisives.

La consultation peut être organisée dès 2015, à la demande des trois cinquièmes des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. À ceux qui prendraient l'initiative d'un vote au Congrès d'anticiper sur le calendrier de la consultation.

Le comité des signataires a eu pour apport décisif de pacifier le territoire. N'oublions jamais la situation d'avant 1998 : tout accord au forceps serait précaire et dangereux.

M. Richard rappelle qu'il s'agit d'une exception. J'ai toujours été également solidaire des décisions gouvernementales en la matière et je ne pense pas que le cas de la Nouvelle-Calédonie puisse faire école, mais c'est un bel exemple de l'adaptation de nos institutions à une situation politique extrêmement dangereuse.

Monsieur Collombat, la question que vous posez n'est pas proprement calédonienne, même si la situation et l'enjeu sont particuliers. Comme le professeur Mélin-Soucramanien, je pense que l'information sur l'enjeu du scrutin a été diffusée avec retard dans la population. La démarche d'inscription sur les listes électorales n'est pas spontanée. Il est urgent d'impliquer le maximum de Calédoniens dans la participation au vote. À ma connaissance, personne n'a formulé de proposition précise en la matière.

La commission examine, en deuxième lecture, le rapport de M. Jacques Mézard et les textes qu'elle propose pour la proposition de loi n° 568 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale, portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et pour la proposition de loi organique n° 567 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Examinons à présent, en deuxième lecture, le rapport de M. Mézard sur la proposition de loi et sur la proposition de loi organique sur les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Après la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes, la démarche commune de plusieurs groupes parlementaires a abouti à l'adoption, à l'unanimité, de la proposition de loi les concernant puis à son examen par l'Assemblée nationale lors d'une niche parlementaire du groupe Les Républicains. Le travail réalisé à ce jour a reçu le concours de presque tous les groupes - à ce titre, je remercie Alain Richard, qui a aidé ce texte à fructifier. Tentons d'obtenir un accord sur ce texte de progrès mettant fin à la prolifération des autorités administratives indépendantes et définissant un cadre plus clair, plus transparent, sous le contrôle accru du Parlement.

Les deux propositions de loi, ordinaire et organique, ont été modifiées par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement, qui n'avait pas manifesté son enthousiasme devant le Sénat, s'en remettant systématiquement à une sagesse plutôt défavorable, a évolué positivement à l'Assemblée nationale. Nous pouvons compter sur un accord sur un point fondamental : la nécessité d'établir un statut général des autorités administratives indépendantes et d'en dresser une liste réduite. Le Sénat avait proposé un statut général étoffé. L'Assemblée nationale a adopté un statut moins précis et supprimé la précision qu'il s'appliquait à tous « sauf disposition contraire ». Sur ce point, nous avons intérêt à chercher un accord.

Quant à la liste des autorités, nous en avions inscrit 23, contre les 42 recensées informellement par le secrétaire général du Gouvernement - dont le poids est apparu clairement à tous. L'Assemblée nationale a suivi la logique du Sénat, et le Gouvernement s'y est rallié. Elle a porté cette liste à 26, en y intégrant le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, la Commission nationale du débat public et, contre l'avis de son rapporteur, le Médiateur national de l'énergie. On dit que dans chaque niche fiscale se cache un chien qui aboie ; il en va de même pour les autorités administratives indépendantes : chacune prétend qu'on l'empêche de travailler efficacement en ne lui reconnaissant pas ce statut. Le Médiateur national de l'énergie a certes mené un remarquable travail de lobby mais cela ne doit pas modifier notre position.

L'Assemblée nationale a proposé la suppression de la Commission de la sécurité des consommateurs, en congélation totale, et la fusion, ou la suppression, de deux autorités retenues dans la liste, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) et la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), en 2022. En première lecture, nous n'avions pas proposé de retrait de l'Arjel et avions trouvé un accord sur la Hadopi. À terme, le nombre d'AAI serait donc de 24.

Il faudra maintenir la suppression de la Commission de la sécurité des consommateurs. Je proposerai en revanche de revenir à l'accord que nous avions trouvé sur la Hadopi et d'écarter le Médiateur national de l'énergie. Ayons un débat sur l'Arjel en séance publique pour connaître la position du Gouvernement, dont je n'ai pas compris la volonté réelle. Enfin, le Comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, dont Patrice Gélard doutait de la qualité d'autorité administrative indépendante, pourrait devenir un établissement public national à caractère administratif rattaché au Premier ministre, sur le modèle de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatogènes et des infections nosocomiales (Oniam).

Malgré une large convergence avec l'Assemblée nationale sur le statut général des autorités administratives indépendantes, le point de vue du Sénat diverge sur le statut et la déontologie des membres de ces autorités. Les députés ont adopté des positions très en retrait des nôtres. Le principe d'irrévocabilité du mandat que nous avions posé a été accepté par l'Assemblée nationale, mais elle n'a pas retenu l'harmonisation de sa durée à six ans, ni l'impossibilité de le renouveler. Nous considérons que celle-ci assure l'indépendance des membres qui, sinon, présenteraient une faiblesse vis-à-vis du pouvoir exécutif. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a considéré qu'il serait dommage de se priver de l'expérience acquise par le président d'une autorité à l'issue de son premier mandat. Nous proposons de maintenir notre position.

En matière de déontologie, l'Assemblée nationale s'est écartée de notre logique. Nous devons aller le plus loin possible sur le déport, le devoir de réserve et le secret des délibérations. Un débat a été ouvert sur le droit pour tous les membres du collège d'une autorité administrative indépendante de consulter les déclarations d'intérêts de leurs pairs. Si l'on souhaite la transparence, il faut aller jusqu'au bout.

Suivant la volonté du président Nadal, nous avions instauré des déclarations publiques pour les membres de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui doivent donner l'exemple. Le Gouvernement s'y est opposé et l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Le président Nadal plaidant toujours en sa faveur, je propose de la rétablir. Le secrétaire général du Gouvernement a soulevé une question de constitutionnalité, mais son interprétation me paraît discutable.

Le Sénat et l'Assemblée nationale convergent sur les règles communes de fonctionnement. Nous devrions trouver un accord sur l'établissement d'un règlement intérieur dans chacune des autorités. Il faudra ajouter quelques précisions sur la capacité du président à choisir son secrétaire général, et sur le processus de nomination des membres. Le Sénat avait imposé la procédure de l'article 13 de la Constitution pour tous, mais elle est jugée trop lourde.

Je pense que cette initiative sénatoriale aboutira.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il est remarquable, et trop rare, qu'une proposition de loi sénatoriale soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et que les éléments de convergence soient suffisamment nombreux pour nous laisser espérer qu'elle aboutisse. Les autorités administratives indépendantes méritent des règles communes et de l'ordre. La position du Gouvernement évolue dans le bon sens. Ne lâchons pas prise.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je vous remercie de m'accueillir à nouveau au sein de votre commission. La commission de la culture a rédigé un amendement revenant sur la suppression de la Hadopi au 4 février 2022, laquelle a reçu un avis négatif du Gouvernement. Cette suppression ne pourrait être décidée que dans le cadre d'une discussion plus générale sur les moyens de lutter contre la contrefaçon des oeuvres culturelles. La Hadopi dispose de moyens d'action pré-judiciaire, par des injonctions, d'où ensuite des discussions de conventionalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le parcours de cette proposition de loi évolue de façon encourageante et laisse croire à la possibilité d'un accord. J'ai le plus grand respect pour le secrétaire général du Gouvernement, qui se trouve être un ami et dont, Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné le poids : vous avez réussi à le déplacer ! Le Gouvernement accepte la mise en cohérence de l'ensemble.

Le débat sur les dérogations est futile. Un texte général ne précise pas les dérogations, qui sont toujours inscrites dans des textes particuliers.

Pour sortir positivement de la discussion sur la liste des autorités administratives indépendantes, il faut rappeler que seules celles qui ont un pouvoir de décision et de sanction en sont, mais aussi conforter les textes qui garantissent l'indépendance et la liberté des délibérations de toutes les entités qui ne relèvent pas de ce statut.

La présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme doit savoir que son institution n'a pas les caractéristiques de l'autorité administrative indépendante puisqu'elle n'a pas de pouvoir de décision. Il s'agit simplement de s'assurer que sa base légale affirme suffisamment son indépendance.

Je suis d'accord avec M. Mézard sur l'importance du non-renouvellement du mandat des membres des autorités administratives indépendantes, comme au Conseil constitutionnel, sans quoi une ombre serait jetée sur leur indépendance.

Je ne comprends pas le raisonnement de M. Warsmann, rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale et très bon législateur. Il plaide pour la suppression de l'harmonisation du mandat à six ans et pour la possibilité de reconduction du mandat. Six années, c'est déjà assez - il est vrai qu'en-deçà, on n'a pas le temps de créer une doctrine.

Le Sénat n'a pas la même vision que l'Assemblée nationale sur les incompatibilités électives, puisqu'il les avait alignées sur celles des parlementaires, tandis que l'Assemblée nationale a décidé que les membres des collèges d'autorité administrative indépendante ne pouvaient pas être chef d'un exécutif mais que le président et les autres membres à temps plein étant fonctionnaires, ils n'avaient aucune incompatibilité élective. Serait-il logique qu'un président d'autorité administrative indépendante soit premier vice-président d'une région ou d'une intercommunalité importante ? Cela paraîtrait décalé par rapport à une fonction à temps plein exercée à Paris. Encourageons les députés à être plus restrictifs pour les présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je me suis déjà exprimé sur la position de la commission de la culture. Monsieur Richard, essayons en effet de faire évoluer l'Assemblée nationale, même si cela risque de ne pas être facile. Je partage votre objection sur les incompatibilités : il faut être cohérent et je ne vois pas pourquoi on refuse d'imposer aux autres ce que l'on impose aux parlementaires.

EXAMEN DES AMENDEMENTS À LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement COM-29 supprime de la liste des autorités administratives et publiques indépendantes le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires qui est une commission d'indemnisation tout comme l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux qui accomplit le même type de missions sous le statut d'établissement public administratif de l'État ; la Commission nationale du débat public, qui se borne à déterminer la participation du public au processus d'élaboration de certains projets d'aménagement ; et le Médiateur national de l'énergie, qui ne répond pas au critère des autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes en ce qu'il ne dispose d'aucun pouvoir normatif, de contrainte, de régulation ni de sanction.

L'amendement COM-29 est adopté.

Avis défavorable aux amendements COM-3, COM-6 et COM-1.

Les amendements COM-3, COM-6 et COM-1 ne sont pas adoptés.

Article 4

L'amendement de coordination COM-30 est adopté.

Article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis favorable à l'amendement COM-7 rectifié bis, qui revient à la durée fixée par le Sénat en première lecture pour la nomination ou proposition de nomination d'un membre, en accordant un délai de soixante jours à l'autorité de nomination, et de trente jours au collège en cas de non-respect de son délai par l'autorité de nomination.

L'amendement COM-7 rectifié bis est adopté.

Article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mon amendement COM-31 rétablit la version du Sénat en première lecture imposant le non-renouvellement.

L'amendement COM-31 est adopté.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Rétablissement du régime d'incompatibilité entre mandat de membre et fonction au sein des autorités.

L'amendement COM-32 est adopté, ainsi que l'amendement COM-33.

Article 9 bis A

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mon amendement COM-34 supprime cet article qui autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance pour assurer la parité au sein des autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes. Non que je sois contre la parité...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En pratique, cette habilitation porterait uniquement sur l'Autorité de régulation de la distribution de la presse. La règle de la parité est en cours d'adoption, pour l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, au sein du projet de loi pour une République numérique, et existe déjà pour la Commission de régulation de l'énergie et le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Pour l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, mieux vaut prévoir directement l'instauration de ces règles dans son statut particulier.

L'amendement COM-34 est adopté.

Article 11

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Rétablissement des incompatibilités professionnelles des membres des autorités.

Les amendements COM-35, COM-36 et COM-37 sont adoptés.

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Rétablissement d'une disposition visant la mise à disposition des déclarations d'intérêts des membres des autorités aux autres membres de l'autorité.

L'amendement COM-38 est adopté.

Article 13

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement COM-11 du Gouvernement, dont la précision rédactionnelle supposée crée une certaine confusion. La rédaction actuelle indique qu'un membre doit se déporter s'il a intérêt, ou a eu intérêt, à l'affaire. L'amendement remplace « intérêt » par « conflit d'intérêts », or celui-ci doit s'apprécier au présent et non au passé.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

Article 17

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mon amendement COM-39 précise que les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes peuvent avoir recours à des fonctionnaires mis à disposition ou détachés mais qu'elles peuvent également directement recourir à des fonctionnaires de l'État placés et affectés en position normale d'activité.

L'amendement COM-39 est adopté.

Avis favorable à l'amendement COM-13 du Gouvernement, qui précise utilement une disposition insérée par l'Assemblée nationale sur l'indépendance des services instruisant des dossiers de sanction ou de règlement des différends. Une lecture trop littérale du texte de l'Assemblée nationale aurait fait échapper à l'autorité de leur président une grande partie du personnel des AAI et API, ce qui n'est pas souhaitable.

L'amendement COM-13 est adopté.

Article 18

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mon amendement COM-40 rétablit le texte du Sénat sur la nomination du secrétaire général ou du directeur général.

L'amendement COM-40 est adopté et l'amendement COM-2 devient sans objet.

Article 19

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement COM-4 du Gouvernement, qui propose une rédaction alternative sur le régime comptable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Article 20

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Rétablissement d'une disposition sur la procédure d'adoption du budget des API.

L'amendement COM-41 est adopté.

Article 21

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Rétablissement de l'encadrement juridique des biens immobiliers des API.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Est-on sûr que l'expression « appartenant aux autorités publiques indépendantes » est fondée en droit ? Il s'agit toujours de propriétés de l'État qui leur sont seulement affectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Elles ont la personnalité morale et leur domaine propre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

On utilise déjà le terme « appartient » dans les textes législatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous étudierons à nouveau cette question. Dans cet amendement, il nous a semblé préférable d'apporter une précision afin d'éviter certains errements.

L'amendement COM-42 est adopté.

Article 22

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'Assemblée nationale avait prévu un schéma de mutualisation et d'optimisation. Nous avons considéré qu'il était sage de conserver le schéma pluriannuel d'optimisation des dépenses en y intégrant la notion de mutualisation.

L'amendement COM-43 est adopté.

Article 23

Debut de section - Permalien
Jacques Mézard rapporteur

Contrairement à ce que préconise le Gouvernement, les avis demandés aux autorités administratives indépendantes sur les projets de loi doivent être rendus publics. D'où mon amendement COM-44.

L'amendement COM-44 est adopté.

Article 25

Les amendements de coordination COM-45, COM-46 et COM-47 sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement COM-5 par coordination.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Avis favorable à l'amendement COM-26.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avec M. Portelli, nous souhaitons faire figurer quelques spécialistes dans la commission des sondages.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J'observe le respect tout à fait particulier du président Sueur pour la séniorité : l'amendement précise que les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes doivent être « d'un grade au moins égal à celui de conseiller ». Je peux vous assurer, d'expérience, que les conseillers référendaires ou les maîtres des requêtes ont leur valeur. Je suggère de retirer cette précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous avons repris l'état actuel de la législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous pouvons la modifier. Supprimons l'expression « d'un grade au moins égal à celui de conseiller ».

L'amendement COM-26 ainsi modifié est adopté.

Article 26

L'amendement de coordination COM-48 est adopté.

Article 27

L'amendement de coordination COM-49 est adopté.

Article additionnel après l'article 27

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement COM-21 par coordination.

L'amendement COM-21 n'est pas adopté.

Article 27 bis

L'amendement de coordination COM-50 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-8 est satisfait.

L'amendement COM-8 devient sans objet.

Article 28

L'amendement de coordination COM-51 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence n'est pas assimilable à un directeur général ou un secrétaire général. Avis défavorable à l'amendement COM-10 qui apporte une précision superfétatoire voire contre-productive en créant un risque d'interprétation a contrario pour d'autres autorités.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

Article 29

L'amendement de coordination COM-52 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les amendements COM-75, COM-76 et COM-79 sont satisfaits.

Les amendements COM-75, COM-76 et COM-79 deviennent sans objet.

Article 30

L'amendement de coordination COM-53 est adopté.

Article 31

L'amendement de coordination COM-54 est adopté.

Article 31 bis

L'amendement de coordination COM-55 est adopté.

Article 32

L'amendement de coordination COM-56 est adopté.

Article 33

L'amendement de coordination COM-57 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-12 est satisfait.

L'amendement COM-12 devient sans objet.

Article 34

L'amendement de coordination COM-58 est adopté.

Article 34 bis

L'amendement de coordination COM-59 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-14 est satisfait.

L'amendement COM-14 devient sans objet.

Article additionnel après l'article 34 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement COM-23 par coordination.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

Article 34 ter

L'amendement de coordination COM-60 est adopté.

Article 35

L'amendement de coordination COM-61 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-81 est satisfait.

L'amendement COM-81 devient sans objet.

Article 36

L'amendement de coordination COM-62 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-15 est satisfait.

L'amendement COM-15 devient sans objet.

Article 37

L'amendement de coordination COM-63 est adopté.

Article 38

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable aux I et II de l'amendement COM-78 rectifié, qui sont satisfaits ; avis favorable aux III et IV.

Le I et II de l'amendement COM-78 rectifié ne sont pas adoptés ; le II et IV de l'amendement COM-78 rectifié sont adoptés.

L'amendement de coordination COM-64 est adopté.

Article 39

L'amendement de coordination COM-65 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-16 est satisfait.

L'amendement COM-16 devient sans objet.

Article 40

L'amendement de coordination COM-66 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement du Gouvernement COM-17 est satisfait.

L'amendement COM-17 devient sans objet.

Article 41

L'amendement de coordination COM-67 est adopté.

Article 42

L'amendement de coordination COM-68 est adopté.

Article 43

Les amendements de coordination COM-69 et COM-19 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 43

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement du Gouvernement COM-24, par coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L'Assemblée nationale utilise ce texte sur les autorités administratives indépendantes pour statuer sur la situation particulière de l'une d'entre elles, en corrigeant son périmètre, son collège, etc. Si les membres du Comité consultatif national d'éthique sont d'accord pour que la durée de leur mandat soit de quatre ans et si l'on inscrit cela dans l'article du code de la santé publique qui régit ce comité, pourquoi faudrait-il que nous nous y opposions ? Parce qu'il s'agit d'un cavalier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L'amendement introduit l'appellation d' « autorité administrative », ce qui est source de confusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour la durée du mandat, il ne fait que reproduire des dispositions existantes.

L'amendement COM-24 n'est pas adopté.

Article 43 bis

L'amendement de coordination COM-70 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis favorable à l'amendement COM-25 identique à l'amendement COM-80, présenté au nom de la commission de la culture.

Les amendements identiques COM-25 et COM-80 sont adoptés.

Article 44

L'amendement de coordination COM-71 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement COM-18 du Gouvernement est satisfait.

L'amendement COM-18 devient sans objet.

Avis défavorable à l'amendement COM-28 qui rend publics les avis de compatibilité sous réserve rendus par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette publicité peut être délicate, car les réserves peuvent révéler des informations personnelles. Le moyen ne serait pas proportionné à l'objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Ne pourrait-on pas occulter les informations personnelles si l'avis est rendu public ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J'appuie la position du rapporteur. Il s'agit d'un dispositif de prévention de poursuite judiciaire. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique indique à la personne qui souhaite changer de fonctions si elle est susceptible ou non d'être poursuivie pour incompatibilité judiciaire. Le cas le plus connu est celui de cet ancien conseiller du président de la République devenu président d'une banque alors que ses fonctions antérieures l'avaient amené à prendre position dans le processus de fusion et de privatisation de cette banque. Ce genre d'affaires relève du tribunal correctionnel et l'avis rendu par la Haute Autorité est alors rendu public. Généraliser cette publicité est excessif, notamment lorsque les fonctionnaires ne font pas l'objet de poursuites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il n'y aurait plus d'anonymat. On peut être favorable au développement de la transparence ; sur ce point, ce serait une erreur, car il s'agit d'avis sous réserve.

L'amendement COM-28 n'est pas adopté.

Article 46

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mon amendement COM-72 rétablit la publicité intégrale des déclarations d'intérêts et celles de situation patrimoniale des membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, comme le réclame son président. Contrairement à l'analyse développée par le Gouvernement, cette mesure n'est pas contraire à la jurisprudence constitutionnelle, notamment au regard de la décision du 21 janvier 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je soutiens la position du rapporteur. Cependant, j'aimerais mieux comprendre l'argumentation du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je soutiendrai également le rapporteur. Comment expliquer cette omission lors de l'examen des dispositions du texte sur la transparence de la vie publique concernant les membres de la Haute Autorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il n'y a pas eu d'omission mais le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision de 2013 que les fonctions non électives ne pouvaient pas, de manière générale, être soumises à la publicité des déclarations. La jurisprudence qui peut être interprétée différemment a évolué depuis. En tout état de cause, il ne serait pas raisonnable de ne pas faire droit à cette demande de la Haute Autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Sur le plan constitutionnel, il n'y a aucun risque. Il est évident que cette disposition vaut par contagion : l'autorité qui contrôle les élus doit subir les mêmes contraintes administratives que ceux-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Lorsque nous avons examiné le texte sur la déontologie des fonctionnaires, avons-nous prévu que les hauts fonctionnaires seraient soumis à la publicité de leur déclaration de patrimoine ? On peut comprendre qu'il y ait une disposition particulière pour les membres de la Haute Autorité. Cependant, pourquoi d'autres hauts fonctionnaires ne feraient-ils pas aussi exception ? La question se posera d'une manière ou d'une autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement fait l'unanimité.

L'amendement COM-72 est adopté.

Article 47

L'amendement de coordination COM-73 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis défavorable à l'amendement du Gouvernement COM-22 par coordination.

L'amendement COM-22 n'est pas adopté.

Article 47 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le développement des jeux non régulés sur Internet a semé la panique : ils représentent chaque année 4 milliards d'euros de recettes potentielles pour l'État. Sans régulation, ces circuits de jeux en ligne facilitent la fraude, les paris truqués, le blanchiment d'argent. Le Gouvernement a mis en place un système d'agrément nécessitant une série de contrôles. La vigilance s'impose, car il s'agit surtout d'agréer des organismes à l'extérieur du territoire et en concurrence agressive avec les sociétés publiques comme la Française des jeux, le PMU, etc. Rendre ce pouvoir de régulation à une sous-direction du ministère des finances créerait un conflit d'intérêts. Il n'y a pas lieu de supprimer l'Arjel. D'où mon amendement COM-27.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je vous propose d'avoir ce débat en séance publique afin de recueillir l'avis du Gouvernement sur cette disposition qu'il a introduite à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les arguments d'Alain Richard sont forts. L'État est gestionnaire de certains organismes de paris. Qu'il puisse lui-même les contrôler heurte le bon sens. On peut être tenté de supprimer l'Arjel ; cela reste difficile à mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne connais pas le monde des jeux en ligne. Je reste sensible aux arguments juridiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mieux vaudrait prendre position sur cet amendement, et de manière favorable selon moi, quitte à y revenir en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

J'émets des doutes sérieux sur cet article introduit à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je m'en remets à la sagesse de la commission.

L'amendement COM-27 est adopté.

Article 49

L'amendement de coordination COM-74 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Avis favorable aux I et III de l'amendement COM-79 rectifié ; avis défavorable au II.

Le I et III de l'amendement COM-79 rectifié sont adoptés ; le II ne l'est pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Alain Richard nous a fait part des inquiétudes qui s'expriment au sein des collèges et de la présidence de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Il faudra en séance apporter des réponses et des garanties sans forcément remettre en cause les principes du texte. Pour son image internationale, la Commission doit recevoir toute garantie de son indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il faut effectivement assurer l'indépendance de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Certains organismes s'occupant d'écologie, comme la Commission nationale du débat public, le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ou le Médiateur national de l'énergie devraient également bénéficier d'une garantie de leur indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je me suis longuement expliqué. Rien ne sert de sortir par la porte pour rentrer par la fenêtre. À partir du moment où l'on fixe des règles sur le statut des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, il faut les respecter. Ce n'est pas une injure de ne pas être reconnu comme autorité administrative indépendante. Bien des organismes fonctionnent très bien sans ce statut et de manière indépendante. La loi prévoit déjà que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme exerce ses missions en toute indépendance. Si elle n'est pas reconnue comme autorité administrative, elle n'en perdra pas pour autant son autorité au niveau international. Il ne s'agit pas de la légion d'honneur. Et chacun connaît le tempérament très indépendant de Mme Lazerges.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J'ai répondu sur les autres points. Les instances qui ont été citées ne prennent aucune décision.

La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

EXAMEN DES AMENDEMENTS À LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 3

L'amendement COM-2 est adopté.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement COM-3 rétablit la procédure du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution pour la nomination des présidents de six autorités.

L'amendement COM-3 est adopté.

Avis défavorable à l'amendement COM-1, par coordination.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Article 6

L'amendement de coordination COM-4 est adopté.

La commission adopte la proposition de loi organique dans la rédaction issue de ses travaux.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

AMENDEMENTS SUR LA PROPOSITION DE LOI

AMENDEMENTS SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

La commission examine le rapport de M. François-Noël Buffet sur la proposition de loi n° 461 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ce texte important nous arrive dans des conditions d'étude et d'analyse rocambolesques. Je ne cache pas mon embarras pour présenter ce rapport. J'aurais aimé consulter beaucoup plus largement. Nous avons reçu, hier, des services du Sénat l'étude de droit comparé que nous avions sollicitée avec François Pillet. Il est difficile d'en tirer des conclusions dans des délais aussi courts. Quinze jours entre l'inscription du texte et l'examen du rapport, avec une présentation en séance la semaine prochaine, ce n'est pas satisfaisant.

Ce texte est issu d'une proposition de loi de nos collègues députés Georges Fenech et Alain Tourret qui avaient au préalable mené une mission d'information sur la prescription en matière pénale. Il a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 11 mars dernier et est inscrit à l'ordre du jour du Sénat le 2 juin prochain.

Il double les délais de prescription de droit commun des crimes et des délits, en les portant respectivement à 20 ans et 6 ans. Il ne revient pas en revanche sur les dispositions relatives aux délais dérogatoires au droit commun, qu'ils soient allongés en matière d'infractions terroristes ou de trafic de stupéfiants à 30 ans pour les crimes et 20 ans pour les délits, ou qu'ils soient abrégés en matière de presse ou en matière fiscale. Le texte ne modifie pas non plus les délais de prescription des contraventions.

Il rend imprescriptibles les crimes de guerre, actuellement soumis à un délai de prescription de l'action publique de 30 ans, mais limite cette imprescriptibilité aux crimes de guerre connexes aux crimes contre l'humanité commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

Le texte modifie également les règles de computation des délais de prescription de l'action publique. Il réaffirme le principe selon lequel le délai de prescription de l'action publique court à compter du jour où l'infraction a été commise. Il maintient le report du point de départ à la majorité des victimes pour les infractions commises sur des mineurs. S'agissant de délits commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse, il supprime le dispositif qui fait courir le délai de prescription de l'action publique à compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. Ce dispositif allait vers l'imprescriptibilité ! D'autre part, le texte consacre la jurisprudence de la Cour de cassation relative au report du point de départ des délais de prescription de l'action publique en cas d'infraction occulte ou dissimulée : le délai court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique.

Sur les modalités d'interruption de la prescription, le texte consacre les avancées jurisprudentielles développées par la Cour de cassation sur le fondement de l'article 7 du code de procédure pénale. Le texte clarifie la nature et la finalité des actes susceptibles d'être interruptifs, et y intègre également dans la liste les plaintes simples adressées au procureur de la République ou à un service de police judiciaire, ce que jusqu'à présent la jurisprudence avait toujours refusé. Je souligne que l'étude du droit comparé est très instructive sur la qualification des actes susceptibles d'interrompre la prescription, notamment au regard des pratiques allemandes ou italiennes.

Sur les conditions de suspension de la prescription, le texte consacre la jurisprudence de la Cour de cassation. La prescription serait suspendue dans le cas où l'exercice des poursuites serait rendu impossible soit par un obstacle de droit, soit par un obstacle de fait insurmontable. Enfin, le texte ne s'appliquerait pas aux infractions en cours, dont la prescription est acquise, mais seulement à celles dont la prescription n'est pas acquise à ce jour.

Pourquoi augmenter les délais de prescription en matière délictuelle ou en matière criminelle ? La prescription se fonde à la fois sur le droit à l'oubli et sur la capacité que l'on a à apporter tardivement des éléments probants. Incontestablement, les évolutions techniques justifient que l'on allonge ces délais. C'est pourquoi je n'ai pas proposé de modifier les délais de prescription fixés par l'Assemblée nationale en matière de délits et de crimes. En revanche, le délai d'un an prévu pour les contraventions de cinquième classe est sans doute trop court, car certaines infractions sanctionnées dans ce cadre peuvent entraîner des incapacités de travail lourdes. La difficulté reste qu'il n'y a aucun intérêt, sinon de cohérence, à allonger le délai de prescription pour les contraventions des quatre autres classes.

En ce qui concerne les agressions et les violences sur mineurs, le délai de prescription court à compter de la date de la majorité de la victime, et il est fixé à 20 ans. Un mineur victime pourra donc agir jusqu'à l'âge de 38 ans. Certains députés souhaitaient rendre imprescriptibles les agressions commises sur des mineurs. L'Assemblée nationale a préféré s'en tenir au délai en vigueur, soit 20 ans. Nous avons auditionné deux associations et le débat reste ouvert : selon moi, il vaudrait mieux allonger le délai de prescription à 30 ans. En effet, les témoignages indiquent qu'une personne ayant été agressée sexuellement lorsqu'elle était mineure aura besoin de temps et d'un cadre familial stable pour révéler les faits. Un dossier relayé par la presse fait état d'une victime qui aurait engagé des poursuites tardivement contre son agresseur car elle le croyait mort, ce qui n'était pas le cas. Le délai de prescription était dépassé, mais sa démarche a incité d'autres victimes à porter plainte pour des faits similaires qui n'étaient pas prescrits. Parfois, c'est un élément familial qui incite la victime à engager des poursuites, des années après l'agression. Les cas sont variés mais ils montrent toujours que c'est à la suite d'un évènement ou parce qu'elles ont gagné en maturité que les victimes décident de parler. D'où la difficulté car, plus le délai est long, plus il est difficile d'apporter la preuve de l'agression.

Tout cela m'incite à vous proposer de modifier le délai de prescription en matière d'agression sexuelle sur mineur, en le portant à 30 ans, ce qui permettra aux victimes d'engager des poursuites jusqu'à l'âge de 48 ans. En effet, je considère que l'imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l'humanité.

Le texte initial rendait tous les crimes de guerre imprescriptibles. Le Gouvernement s'y est fermement opposé. Un accommodement a été trouvé qui a consisté à limiter l'imprescriptibilité aux crimes guerre connexes aux crimes contre l'humanité, ce qui en réalité n'était pas nécessaire, par effet des actes interruptifs étendu aux infractions connexes. Par conséquent, je propose qu'on en reste au principe d'un délai de prescription de 30 ans pour les crimes de guerre, le droit en vigueur s'appliquant en cas d'éléments connexes aux crimes contre l'humanité.

Dans un rapport de 2007, nos collègues Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung préconisaient d'établir un délai butoir pour éviter des imprescriptibilités de fait sur les infractions occultes ou dissimulées. À partir du jour où l'infraction a été commise, court un délai butoir de 10 ans pour les délits et 30 ans pour les crimes pour engager l'action publique.

Pour l'organisation du code, mieux vaudrait distinguer le principe des exceptions. Le texte consacre la jurisprudence de la Cour de cassation sur les obstacles de fait ou de droit qui suspendent la prescription. Il inscrit ainsi dans la loi des principes clairs.

Enfin, l'Assemblée nationale a ajouté la plainte pénale simple dans la liste des actes susceptibles d'être interruptifs de prescription, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation avait toujours refusé un tel ajout puisqu'il favorise l'imprescriptibilité d'un certain nombre d'infractions, sans parler des plaintes fantaisistes susceptibles d'être déposées par des personnes mal intentionnées. Je vous proposerai un autre dispositif pour informer le plaignant au moment du dépôt de sa plainte du délai de prescription dont il dispose pour faire aboutir la procédure et de sa possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile.

Présidence de M. François Pillet, vice-président

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Merci beaucoup, monsieur le Rapporteur. Votre hauteur de vue nous a séduits. Vous avez travaillé dans des conditions difficiles. Comme vous l'avez bien dit, ce sujet n'est pas étroitement technique, mais éminemment politique.

Nous vivons une période d'inflation pénale peu commune dans l'histoire du droit. Les initiatives prises lors du précédent quinquennat étaient primevères à côté de celles qui nous sont soumises. On a créé un nombre impressionnant d'infractions nouvelles ; augmenté le quantum des peines au mépris d'une cohérence de l'échelle des peines et de leur proportionnalité ; modifié la procédure pénale en élargissant les pouvoirs et les moyens du parquet ; procédé à une diminution drastique des pouvoirs du juge d'instruction au profit du juge des libertés. Et voilà que nous nous attaquons à l'élargissement de la prescription au point de la faire disparaître.

La prescription, c'est le droit à l'oubli, une forme de pardon ; un peu d'humanisme disparaît lorsqu'on ne sait plus oublier. Elle pose aussi la question de l'efficacité, car c'est porter deux fois atteinte à l'ordre public que de revenir sur une infraction au bout d'un certain temps. Le dépérissement de la preuve est un autre enjeu, car on risque de décevoir les victimes que l'on croit aider ainsi. La prescription laisse la possibilité aux victimes de déposer plainte dix ans après les faits. Si les preuves ont disparu, il n'y aura pas de suite et le préjudice sera double. Sans compter que l'accusé sera lui aussi privé des moyens de prouver son innocence et pourra n'être acquitté qu'au bénéfice du doute. Le débat est de taille.

Je ne suis pas choqué par un allongement d'un an de la prescription sur les contraventions de cinquième classe. En revanche, comment admettre que l'on puisse déposer plainte à l'âge de 48 ans pour une agression sexuelle ayant eu lieu dans l'enfance ? Pour tout dire, je suis ravi que cette proposition de loi n'émane pas du Sénat. De grâce, ne faisons pas disparaître la prescription de notre droit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous débattons d'un sujet de première importance qui touche à l'organisation de notre vie sociale. Le droit en vigueur distingue trois blocs d'infraction - crimes, délits, contraventions - avec des différences importantes dans les délais de prescription. Certains dossiers ont montré que les effets de seuil ainsi créés pouvaient être source d'injustice. Selon que le juge qualifie une infraction de crime ou de délit, les conséquences peuvent être très lourdes pour l'intéressé.

L'allongement de la durée de vie et l'évolution des techniques renouvellent le sujet. D'un côté, la multiplication des moyens facilite la production des preuves ; de l'autre, leur mise en oeuvre justifie que l'on allonge les délais de prescription. Je suis tout à fait opposé au principe d'imprescriptibilité qui contribue à créer de la violence. Je réserve ma réponse sur l'allongement du délai de prescription à 30 ans pour les infractions commises sur les mineurs, tout en excluant l'imprescriptibilité.

Il est absolument impossible d'admettre que la partie civile se substitue au parquet pour interrompre les prescriptions. On a cité le cas extrême du dépôt de plainte abusif. On risque de voir fleurir les actes dilatoires. L'Assemblée nationale est allée un peu vite en votant un tel texte à l'unanimité.

Enfin, si je comprends que la jurisprudence de la Cour de cassation s'applique pour les infractions occultes ou dissimulées, il faudrait en préciser le champ.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je suis catastrophé par ce texte, d'autant plus que je connais l'un des deux co-auteurs. On ne peut pas instrumenter devant les tribunaux de notre beau pays pour aboutir à ce genre de texte. Légiférer sur les délais de prescriptions sans prendre en compte l'échelle des peines est gravissime. C'est de la folie furieuse. Je ne doute pas que le texte ait été élaboré en collaboration avec l'ancienne garde des sceaux. Le résultat est catastrophique. On prend acte de l'échec du fonctionnement de notre justice sans proposer d'autre solution que d'allonger les délais de prescription. Mieux vaudrait donner plus de moyens à la justice et veiller à ce que les peines prononcées soient exécutées.

Allonger les délais de prescriptions est désastreux tant pour les parties civiles que pour les prévenus. Imaginez une cour d'assises se réunir quinze ou dix-huit ans après les faits, avec des familles recomposées, etc. C'est calamiteux. Que l'on double tous les délais ou que l'on rende toutes les infractions imprescriptibles, les deux solutions sont déraisonnables. On ne peut pas déconnecter le délai de prescription de l'échelle des peines.

Quant au dépôt de plainte, quelle idée saugrenue ! Avec l'image que nos concitoyens ont des élus, chacun va s'amuser à lancer des accusations fantaisistes tous les huit jours, surtout en période électorale. C'est irresponsable.

Et la prescription des contraventions à deux ans... Franchement ! Ce n'est pas faciliter le travail de la justice ni de la police. Des certificats existent : au-delà de huit jours d'ITT, on est dans le délit. Ce n'est plus de la réforme, c'est du bougisme. On complique au lieu de simplifier.

En cas de guerre, malheureusement, on sait que le législateur peut bien faire tout ce qu'il a envie de faire. Je me souviens d'avoir plaidé devant le tribunal des forces armées en Allemagne à propos d'une jurisprudence de nos tribunaux administratifs considérant après la deuxième guerre mondiale que des viols commis par des militaires français n'étaient pas détachables du service public. Après cela, on peut toujours avoir de grandes idées.

Je voterai contre ce texte, car ce n'est pas du bon travail. Cela ne signifie pas qu'il ne faudrait pas améliorer les délais de prescription. De là à les allonger au prétexte que la durée de vie augmente : où est le rapport ? Les méthodes se modernisent ; elles n'ont pas encore résolu l'affaire Grégory. On préfère l'affichage plutôt que de s'attaquer à la vraie réforme de la procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Il est toujours formateur et éclairant d'assister à un débat d'experts, même lorsqu'on n'a pas fait de droit. Je remercie le rapporteur pour la clarté de son exposé. Toutes ses propositions m'apparaissent d'une cohérence, d'une logique et d'un bon sens indiscutables. J'approuverai l'ensemble de ses amendements.

Le rapporteur n'a pas le sentiment d'un travail abouti et regrette de n'avoir pas eu suffisamment de temps pour analyser l'étude de droit comparée qu'il a reçue hier. Il faudrait le mentionner en séance publique, car nous n'avons pas la maîtrise de l'ordre du jour. Le président de notre commission devrait également insister en conférence des présidents sur les difficiles conditions de travail qui nous sont imposées sur des sujets aussi complexes.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Je salue moi aussi le travail que le rapporteur a accompli dans le bref délai imparti. Je le félicite pour la clarté de son propos tant sur la forme que sur le fond. Comme lui, nous ne souhaitons pas inscrire l'imprescriptibilité dans la loi, ni pour les délits, ni pour les crimes.

Cette proposition de loi et un certain nombre d'amendements donnent l'impression d'une fuite en avant qui tend à consacrer le principe d'imprescriptibilité par un allongement quasi-généralisé des délais de prescription. S'il est vrai que les pratiques et les connaissances techniques évoluent, l'argument peut aussi justifier le raccourcissement de certains délais. En tout cas, l'allongement des délais de prescription ne remédie pas au manque de moyens de la justice, ministère préservé ces dernières années mais bien maltraité précédemment. Mieux vaudrait travailler à réduire les délais qui courent dans certaines affaires par manque de personnel pour accompagner les victimes jusqu'au dépôt de leur plainte.

Nous devons privilégier l'intérêt général plutôt que l'une des parties, même dans les crimes les plus odieux. Cette proposition de loi ne va pas dans ce sens. Il y a certainement des cas particuliers à distinguer, notamment les crimes et les délits à caractère sexuel. On ne peut pas pour autant généraliser par principe l'allongement des délais de prescription en matière pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je m'associe aux remerciements adressés à notre rapporteur. Le sujet n'est pas réservé aux spécialistes, c'est un problème de société qui a une dimension philosophique. Lorsqu'on arrive à l'unanimité, c'est parfois que l'on approche le pire. Dans le principe, la prescription n'est pas facile à admettre. Il est douloureux de découvrir qu'on ne pourra pas poursuivre l'auteur d'un crime parce qu'il est trop tard. On l'a bien vu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'on a déclaré imprescriptibles des faits qui par nature étaient prescrits. On est allé à l'encontre de tous les principes du droit au nom du respect des principes de l'humanité.

Dans le cas des actes sexuels commis sur des mineurs, qu'il s'agisse de pédophilie ou d'inceste, les révélations des victimes sont facilitées par le fait que la parole s'est libérée dans notre société. Idem pour les violences conjugales faites aux femmes. Les incestes ont toujours existé ; leurs victimes sont désormais en capacité d'en parler dès leur majorité. L'allongement des délais de prescription de dix à vingt ans est suffisant. La situation de la victime n'est pas simple : si la preuve n'est pas apportée, l'accusé sera acquitté au bénéfice du doute, ce qui est encore pire. Quant au reste, il est réjouissant de constater que la plupart de nos concitoyens sont ravis qu'une contravention ordinaire soit prescrite dans un temps relativement bref.

Je regrette que nous n'ayons pas plus de temps pour approfondir notre réflexion sur ce texte. Les associations vont nous saisir avec raison sur la gravité de certains faits. La jurisprudence, y compris celle de la Cour de cassation a toujours cherché à contourner la prescription. Si nous n'arrivons pas à l'unanimité sur ce texte, cela signifiera sans doute que le Sénat a fait son travail...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je suis atterré quand je vois ce genre de texte. Durcissement des peines, création de nouveaux délits, quasi-imprescriptibilité de certaines peines avec la rétention de sûreté, extension de la notion de délit continu, et maintenant allongement du délai de prescription. À quand la culpabilité générale et éternelle ? On cède à la facilité plutôt que de voter des textes et de les appliquer. La loi pénitentiaire est un texte essentiel pour lutter contre le crime et la récidive ; on est en train de la saboter. Sans parler du contrôle de l'instruction appelé à disparaître ou du manque de moyens donnés à la justice : on y consacre un budget deux fois moindre que l'Allemagne.

Le sujet est gravissime. Un corps politique ne peut pas vivre dans une culpabilité éternelle. On nous bassine avec le devoir de mémoire ; l'oubli est aussi une des conditions de la vie humaine. On nous dit que la mémoire des faits est indispensable pour se reconstruire ; on sait aussi combien de victimes ont été détruites par leurs souvenirs. On oscille entre le durcissement des peines et la dénonciation des Outreau : il va falloir trancher.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Sur quoi se fonde la prescription et comment justifier sa légitimité ? Je ne trouve aucune base de rémission ou d'indulgence, ni dans l'histoire du droit, ni dans la société actuelle. Les sociétés soumises au droit romain ou au droit médiéval n'étaient pas particulièrement indulgentes ; le vrai fondement de la prescription, c'est la reconnaissance de la faillibilité de la justice, alors même que celle-ci est le premier pilier d'une société ordonnée. Plus on creuse l'écart entre le moment où les faits sont accomplis et celui où ils sont jugés, plus il y a de risques que la justice se trompe.

Qu'est-ce qui justifie le changement ? Pour ce qui est des infractions commises à l'encontre des mineurs, le temps d'acceptation et de maturation de la souffrance est essentiel et la volonté de faire la justice peut venir tard. C'est un progrès que de fixer le point de départ de la prescription à la majorité de la victime. En revanche, le débat mérite d'être approfondi sur l'allongement du délai au-delà de 20 ans.

L'exception faite pour les crimes contre l'humanité est justifiée, dans la mesure où il s'agit de crimes perpétrés par des institutions, la plupart du temps par des pouvoirs dotés de forces militaires. Les modalités de preuve ou de reconnaissance de la culpabilité relèvent d'un travail d'historien, pas d'un travail d'inspecteur de police judiciaire. On l'a bien vu lorsqu'on a tenté d'établir l'intention de génocide en Turquie, en 1915.

Pour le reste, je partage les craintes révérencielles de Jacques Bigot sur les textes adoptés à l'unanimité. Après 50 ans de vie politique, le sottisier de ce genre de textes est fourni, avec au premier rang la loi Edgar Faure sur les universités. Pour échapper à la pression du calendrier, il est toujours possible de voter le renvoi en commission. Il y a manifestement une convergence entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement pour statuer sur ce texte, alors que ce n'est pas le bon moment. J'ose espérer qu'on ne nous imposera quand même pas l'urgence. Légiférer sur un tel sujet sans préparation n'est pas envisageable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Nous sommes nombreux à partager ce point de vue. Notre unanimité est à l'inverse de celle de l'Assemblée nationale. Je félicite le rapporteur dont je partage les conclusions. Je suis fermement opposé à un doublement général des délits de prescription tant dans le principe que pour le fonctionnement de notre justice et de notre société. En revanche, il faut mieux protéger les mineurs victimes d'agressions sexuelles, et notamment d'incestes. Le délai de droit commun ne peut pas s'appliquer et cela tient autant à la gravité de l'infraction qu'au fait qu'elle est commise sur un mineur. C'est la crainte de voir l'acte réitéré sur leurs propres enfants qui a poussé certaines victimes à porter plainte. Comment appliquer le délai de droit commun dans ces conditions ? Même si la plainte est immédiate, la preuve pourra être longue et difficile à apporter. Hormis ce point, je suis d'avis de ne pas allonger le délai de prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Notre débat est passionnant et touche au coeur de la justice. L'exposé du rapporteur est à la fois clair et plein de suggestions subtiles. On ne peut pas régler cette affaire en quelques minutes. Si nous votons un texte différent de celui que l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, nous aurons fait notre travail, mais il n'aboutira pas. Le rapporteur n'a pas eu suffisamment de temps pour analyser l'étude de droit comparé. Monsieur le président, vu votre savoir-faire, votre subtilité et vos qualités d'humanisme, vous devriez trouver le moyen de reporter l'examen de ce texte en vous appuyant sur le règlement du Sénat. Alain Richard a évoqué un renvoi en commission...

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Le moment est grave. Nous mesurons la distance qui sépare ce texte de sa mise en pratique. Quels moyens allouer à l'aménagement de ces délais supplémentaires ? Les services d'enquête et les juridictions ne manqueront pas d'être davantage sollicités. Nous courons déjà derrière les moyens ; comment ferons-nous face à ce surcroît de travail ?

Les trois blocs d'infractions, contraventions, délits et crimes, ont leur cohérence. Plutôt que d'allonger le délai de prescription pour les contraventions de cinquième classe, mieux vaudrait les classer dans la catégorie des délits.

Je ne comprends pas bien ce que recouvre le terme d' « infractions occultes ou dissimulées ». N'est-il pas dans la nature d'une infraction d'être dissimulée ? J'imagine que l'on désigne ainsi les délits dits d'« astuce ». Ce genre de qualification n'a pas sa place dans une loi pénale. Je suis opposé à ce texte. Si je dois modifier ce qui existe en la matière, ce sera d'une main tremblante.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Les techniques scientifiques de recherche de la preuve ont évolué. C'est évident. L'argument selon lequel il faudrait par conséquent allonger les délais de prescription d'une dizaine d'années est risqué. Affaiblir le droit à l'oubli déstabiliserait notre société. Ne nous précipitons pas. Ce serait une bonne chose pour la stabilité de notre société de ne pas réveiller ce que le temps a apaisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir mis l'accent sur ces questions. L'imprescriptibilité est au coeur de la réflexion de ceux qui écrivent l'histoire. Le caractère de ce texte touche l'humain et l'humanité.

Je suis sceptique sur la réunion de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité et des délais de prescription des crimes individuels. Les nations ayant besoin de mémoire, on comprend que les crimes contre l'humanité soient imprescriptibles. Les nations doivent garder une mémoire noire et une mémoire blanche - je n'évoque pas le devoir de mémoire auquel je m'oppose.

Il est difficile de dire que les mémoires individuelles ont des forces qui les tiennent dans la longue durée. Elles sont fragiles. Les preuves dépérissent, sans compter que le mis en cause peut être dans l'incapacité de se défendre. Nous avons tous droit à un procès équitable.

On ne peut pas prolonger sans arrêt les délais. Le groupe écologiste s'est opposé, dans la proposition de loi de Mme Jouanno, au passage du délai de prescription de vingt à trente ans. Pour les atteintes aux mineurs, les incestes, les violences envers les femmes, le harcèlement sexuel, il faut arriver à des délais raisonnables sans tomber dans l'infaisabilité du jugement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Grâce à la qualité du rapport, notre débat était exceptionnel ce matin.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Tout le monde s'accorde à dire que la problématique de la prescription des crimes concerne des cas exceptionnels.

En 2014, près de 40 000 dossiers ont subi l'effet de la prescription.

Souvent, les contraventions de cinquième classe sont prescrites parce que la procédure débute par une poursuite délictuelle, mais l'incapacité temporaire de travail se révélant inférieure à ce qui était supposé, l'infraction est requalifiée en contravention et la victime se retrouve sans réparation possible.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La discussion reste ouverte. Soit les amendements sont vus et nous aurons le même débat en séance, soit nous votons une motion de renvoi en commission offrant un délai supplémentaire - à la charge du Gouvernement de retrouver une date ultérieure. Puisque nous adoptons une motion de renvoi en commission, je retire l'ensemble de mes amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Lors d'un renvoi en commission, dans quel délai le Gouvernement peut-il réinscrire la proposition de loi à l'ordre du jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

En l'espèce, il bénéficie d'une priorité et pourrait la réinscrire immédiatement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je me souviens d'un cas. Une telle procédure suppose le dialogue avec le Gouvernement, pour expliquer que nous souhaitons du temps supplémentaire. Toutefois, dans quinze jours, rien n'aura changé quant au fond du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Il n'existe pas non plus de limitation aux renvois en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Y a-t-il majorité, si ce n'est unanimité, sur le renvoi en commission ? Si le Gouvernement nous inflige la date qu'il veut, le Sénat aura montré qu'un débat important devait être mené sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je m'abstiens.

La motion de renvoi en commission est adoptée.

La réunion est levée à 12 h 55