Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 mai 2016 à 9h40
Réforme de la prescription en matière pénale — Examen du rapport

Photo de François PilletFrançois Pillet, président :

Merci beaucoup, monsieur le Rapporteur. Votre hauteur de vue nous a séduits. Vous avez travaillé dans des conditions difficiles. Comme vous l'avez bien dit, ce sujet n'est pas étroitement technique, mais éminemment politique.

Nous vivons une période d'inflation pénale peu commune dans l'histoire du droit. Les initiatives prises lors du précédent quinquennat étaient primevères à côté de celles qui nous sont soumises. On a créé un nombre impressionnant d'infractions nouvelles ; augmenté le quantum des peines au mépris d'une cohérence de l'échelle des peines et de leur proportionnalité ; modifié la procédure pénale en élargissant les pouvoirs et les moyens du parquet ; procédé à une diminution drastique des pouvoirs du juge d'instruction au profit du juge des libertés. Et voilà que nous nous attaquons à l'élargissement de la prescription au point de la faire disparaître.

La prescription, c'est le droit à l'oubli, une forme de pardon ; un peu d'humanisme disparaît lorsqu'on ne sait plus oublier. Elle pose aussi la question de l'efficacité, car c'est porter deux fois atteinte à l'ordre public que de revenir sur une infraction au bout d'un certain temps. Le dépérissement de la preuve est un autre enjeu, car on risque de décevoir les victimes que l'on croit aider ainsi. La prescription laisse la possibilité aux victimes de déposer plainte dix ans après les faits. Si les preuves ont disparu, il n'y aura pas de suite et le préjudice sera double. Sans compter que l'accusé sera lui aussi privé des moyens de prouver son innocence et pourra n'être acquitté qu'au bénéfice du doute. Le débat est de taille.

Je ne suis pas choqué par un allongement d'un an de la prescription sur les contraventions de cinquième classe. En revanche, comment admettre que l'on puisse déposer plainte à l'âge de 48 ans pour une agression sexuelle ayant eu lieu dans l'enfance ? Pour tout dire, je suis ravi que cette proposition de loi n'émane pas du Sénat. De grâce, ne faisons pas disparaître la prescription de notre droit.

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