Intervention de Jacques Mézard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 mai 2016 à 9h40
Réforme de la prescription en matière pénale — Examen du rapport

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je suis catastrophé par ce texte, d'autant plus que je connais l'un des deux co-auteurs. On ne peut pas instrumenter devant les tribunaux de notre beau pays pour aboutir à ce genre de texte. Légiférer sur les délais de prescriptions sans prendre en compte l'échelle des peines est gravissime. C'est de la folie furieuse. Je ne doute pas que le texte ait été élaboré en collaboration avec l'ancienne garde des sceaux. Le résultat est catastrophique. On prend acte de l'échec du fonctionnement de notre justice sans proposer d'autre solution que d'allonger les délais de prescription. Mieux vaudrait donner plus de moyens à la justice et veiller à ce que les peines prononcées soient exécutées.

Allonger les délais de prescriptions est désastreux tant pour les parties civiles que pour les prévenus. Imaginez une cour d'assises se réunir quinze ou dix-huit ans après les faits, avec des familles recomposées, etc. C'est calamiteux. Que l'on double tous les délais ou que l'on rende toutes les infractions imprescriptibles, les deux solutions sont déraisonnables. On ne peut pas déconnecter le délai de prescription de l'échelle des peines.

Quant au dépôt de plainte, quelle idée saugrenue ! Avec l'image que nos concitoyens ont des élus, chacun va s'amuser à lancer des accusations fantaisistes tous les huit jours, surtout en période électorale. C'est irresponsable.

Et la prescription des contraventions à deux ans... Franchement ! Ce n'est pas faciliter le travail de la justice ni de la police. Des certificats existent : au-delà de huit jours d'ITT, on est dans le délit. Ce n'est plus de la réforme, c'est du bougisme. On complique au lieu de simplifier.

En cas de guerre, malheureusement, on sait que le législateur peut bien faire tout ce qu'il a envie de faire. Je me souviens d'avoir plaidé devant le tribunal des forces armées en Allemagne à propos d'une jurisprudence de nos tribunaux administratifs considérant après la deuxième guerre mondiale que des viols commis par des militaires français n'étaient pas détachables du service public. Après cela, on peut toujours avoir de grandes idées.

Je voterai contre ce texte, car ce n'est pas du bon travail. Cela ne signifie pas qu'il ne faudrait pas améliorer les délais de prescription. De là à les allonger au prétexte que la durée de vie augmente : où est le rapport ? Les méthodes se modernisent ; elles n'ont pas encore résolu l'affaire Grégory. On préfère l'affichage plutôt que de s'attaquer à la vraie réforme de la procédure pénale.

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