Intervention de Michel Mercier

Réunion du 25 mai 2016 à 14h30
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Michel MercierMichel Mercier, rapporteur :

C’était nécessaire : nous n’aurions pu, sans cela, donner à ce texte toute sa force ni aller au-delà de dispositions limitées ou électoralistes.

Ce projet de loi présentait une double particularité. Tout d'abord, il a été adopté à de larges majorités dans les deux chambres : 474 voix pour, 32 voix contre à l’Assemblée nationale ; 299 voix pour, 29 voix contre au Sénat. Ces chiffres mettent en lumière l’existence, dans les deux assemblées, d’un consensus politique autour de la nécessité de mieux armer notre justice pour faire face à la menace terroriste.

Cependant, et très naturellement, les versions votées par chacune des assemblées respectivement n’étaient pas identiques : elles contenaient un certain nombre de différences, qu’il s’agissait de résorber.

Nous y sommes parvenus, au prix d’efforts partagés par tous. Je voudrais à cet égard saluer l’excellent climat dans lequel se sont tenues les discussions que nous avons eues, Philippe Bas et moi-même, avec le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Dominique Raimbourg, et les rapporteurs du texte, nos collègues Colette Capdevielle et Pascal Popelin. Je remercie ces derniers de leur ouverture d’esprit, de leur sens du dialogue et du compromis, ainsi que de leur volonté d’aboutir à un résultat commun.

Je suis donc aujourd’hui susceptible de vous présenter un texte de compromis, équilibré, qui reprend les dispositions auxquelles chaque assemblée était le plus attachée. J’insiste d'ailleurs sur le fait que, sans compromis, il n’y a pas d’accord politique !

S’agissant du Sénat, nous avions très clairement indiqué quelles étaient les principales dispositions auxquelles nous tenions plus particulièrement, en votant, le 2 février dernier, une proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, cosignée par Philippe Bas, président de la commission des lois, Bruno Retailleau et François Zocchetto, respectivement président du groupe Les Républicains et président du groupe de l’UDI-UC, et moi-même.

Notre objectif a été de réintroduire dans le projet de loi que nous soumettait le Gouvernement les principales mesures qui figuraient dans ladite proposition de loi. Je dois reconnaître que la chose a été assez simple : le Gouvernement, par la voix de M. le garde des sceaux, s’y est prêté bien volontiers, en introduisant de lui-même dans le texte un certain nombre de dispositions que nous avions votées. Nos collègues de l’Assemblée nationale n’y ont pas fait obstacle, bien au contraire.

Un point central, auquel nous étions très attachés, était celui de la perpétuité – on parle de « perpétuité réelle », mais dès lors que cette peine est prononcée, elle est réelle ! Il s’agissait de déterminer le régime de relèvement de la période de sûreté attaché à une condamnation à perpétuité pour terrorisme. Nous sommes rapidement convenus, avec nos collègues députés, d’une période de trente ans avant que ce relèvement ne soit possible.

Le Sénat avait ajouté six conditions très précises à la mise en œuvre de cette procédure. J’avais présenté, lors de l’examen du projet de loi au Sénat, un amendement dont l’auteur n’était autre que le président de la commission, Philippe Bas, et qui visait déjà à introduire ces six conditions dans le code de procédure pénale. Je rappelle que le vote de cet amendement avait donné lieu au seul scrutin public demandé pendant la discussion du texte ici même. Il s’agissait à nos yeux d’un point cardinal. La commission mixte paritaire l’a retenu ; je remercie les députés d’avoir fait cet effort.

Une grande partie des dispositions de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, adoptée par le Sénat le 2 février 2016, figurent dans le texte définitif du projet de loi.

Je citerai, par exemple, l’élargissement des possibilités de recours aux perquisitions nocturnes dans les enquêtes du parquet en matière de lutte contre le terrorisme, ou l’élargissement des facultés de recours à de nouvelles techniques d’enquête par le parquet et le juge d’instruction, avec, en particulier, la création d’un régime autonome de saisie des correspondances électroniques à l’insu de la personne, la possibilité d’utiliser l’IMSI catcher, l’élargissement de la technique dite « de la sonorisation des lieux privés » – cela veut dire qu’il est possible d’écouter chez vous –, l’amélioration de l’efficacité du dispositif de captation à distance des données informatiques.

Au chapitre des dispositions qui se retrouvent d’un texte à l’autre figurent également la meilleure articulation entre les enquêtes antiterroristes conduites par le parquet et les procédures d’instruction placées sous l’autorité des juges d’instruction – cette disposition importante permet d’éviter toute césure et, au contraire, de garantir la continuité entre les deux procédures ; l’amélioration des règles de compétence des juridictions parisiennes d’application des peines ; l’autorisation donnée aux juridictions de recourir à des mesures de prise en charge de la radicalisation ; la possibilité d’appliquer le suivi sociojudiciaire aux personnes condamnées pour terrorisme, ce qui permet de les placer sous surveillance électronique à leur libération ; la création de deux nouveaux délits terroristes, le délit d’entrave au blocage des sites incitant à la commission d’actes de terrorisme et le délit de consultation habituelle de tels sites ; la création d’un fondement légal aux unités dédiées, dans les établissements pénitentiaires, aux personnes détenues radicalisées ; enfin, la création d’un régime procédural spécifique permettant d’empêcher l’accès des personnes condamnées pour terrorisme à la libération conditionnelle.

Une base très forte est donc commune à la proposition de loi adoptée par le Sénat en février dernier et au texte final issu de la commission mixte paritaire, dans lequel nous retrouvons un certain nombre de points très importants auxquels nous étions très attachés.

Bien entendu, pour parvenir à de tels résultats, nous avons dû faire des concessions, sans quoi le compromis eût été impossible.

Nous avons abandonné, notamment, la création d’une circonstance aggravante, afin que l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste puisse relever de la cour d’assises, l’application de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté aux personnes condamnées pour terrorisme, ainsi que le caractère automatique de la peine complémentaire d’interdiction de territoire français pour les étrangers condamnés pour terrorisme. Nous avons également renoncé au projet d’allongement de la durée de détention provisoire applicable aux mineurs.

Je veux signaler également que le texte issu de la commission mixte paritaire intègre l’extension de l’obligation de dénonciation d’une infraction terroriste au sein du cercle familial, l’amélioration des dispositions permettant de lutter contre les communications électroniques illicites dans les établissements pénitentiaires, ou encore le renforcement des dispositions permettant de lutter contre le trafic d’armes.

J’insiste brièvement sur un point important : l’article 19 du présent projet de loi prévoit désormais une procédure particulière, qui permet aux policiers, aux gendarmes et aux douaniers de faire usage de leur arme à feu lorsqu’ils ont des raisons « objectives » d’estimer que des personnes venant de perpétrer des assassinats sont en situation d’en perpétrer d’autres.

Il s’agit alors d’une situation objective, et non pas subjective, de légitime défense, dans laquelle ce qu’on peut appeler « l’ordre de la loi » leur permet d’ouvrir le feu. Je pense que les forces de l’ordre, auxquelles je veux ici, de nouveau, rendre hommage, apprécieront cette disposition.

En matière de procédure pénale, nous avons veillé à ce que l’introduction d’une procédure contradictoire dans les enquêtes du parquet ne conduise pas à gêner le travail des tribunaux, voire à provoquer leur embolie, afin de ne pas fragiliser leur efficacité.

Mes chers collègues, la marque du Sénat est donc forte sur l’ensemble du texte qui vous est soumis aujourd’hui. Nous y retrouvons le travail que nous avons accompli depuis le mois de février dernier. Je vous demande par conséquent, et très naturellement, de bien vouloir l’adopter.

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