Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, par ce texte, notre pays va enfin être doté d’un arsenal pénal complet, permettant de préparer la sortie de l’état d’urgence. C’est pourquoi le groupe Les Républicains le votera.
Six mois et trois prorogations de l’état d’urgence auront été nécessaires pour arrêter des mesures renforçant l’efficacité des investigations judiciaires, augmentant les pouvoirs de police administrative et du ministère public – répondant ainsi, notamment, à une demande récurrente des parquets, qui seront désormais dotés des mêmes prérogatives que les juges d’instruction –, permettant plus d’efficacité dans la répression des actes terroristes et de la grande délinquance, assurant une exécution plus rigoureuse des peines, enfin garantissant une meilleure détection et prise en charge de la radicalisation.
Il faut toutefois rappeler qu’il s’agit là de la troisième loi antiterroriste depuis le début du quinquennat.
Le groupe auquel j’appartiens est d’autant plus satisfait de l’accord trouvé en commission mixte paritaire que nombre de mesures visant à renforcer les dispositifs de droit commun avaient déjà été votées par le Sénat, en février dernier, dans le cadre de la proposition de loi présentée par le président Philippe Bas tendant à renforcer la lutte antiterroriste.
Je pense, en particulier, à l’élargissement des facultés de recours aux perquisitions nocturnes dès le stade de l’enquête préliminaire, pour les forces de police comme pour les parquets, et à l’élargissement des facultés de recours aux nouvelles techniques d’enquête dont pourront enfin disposer les parquets, alors qu’elles sont aujourd’hui réservées au juge d’instruction.
Comme l’a rappelé notre collègue, Michel Mercier, rapporteur, dont je tiens à saluer l’excellent travail, l’organisation d’une meilleure articulation entre les enquêtes antiterroristes conduites par les parquets et les procédures d’instruction, placées sous l’autorité des juges d’instruction, rendra plus effectif l’engagement des procédures judiciaires, grâce à la co-organisation de la continuité des actes d’enquête pendant quarante-huit heures.
Le Sénat est également à l’origine de l’introduction de deux nouveaux délits de terrorisme qui nous semblent être indispensables au regard des nouveaux modes opératoires de radicalisation : le délit d’entrave au blocage des sites internet incitant à la commission d’actes de terrorisme et le délit de consultation habituelle de tels sites.
Comme je l’ai déjà indiqué lors de la première lecture de ce texte au Sénat, je me réjouis que nous proposions enfin un nouveau cadre légal de l’« état de nécessité », permettant aux forces de sécurité intérieure, policiers et gendarmes, mais aussi aux militaires des armées déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle, d’utiliser leurs armes contre des terroristes lorsque ceux-ci sont engagés dans un « périple meurtrier » à la suite d’un attentat.
Nous pouvons également être satisfaits de la généralisation de l’expérimentation des caméras mobiles utilisées par les forces de sécurité intérieure, qui ont démontré l’efficacité de cet équipement pour faire baisser la tension lors de certaines interventions difficiles et pour accréditer les propos des gendarmes ou des policiers à l’occasion des interpellations qu’ils sont amenés à effectuer.
Deux autres outils nous semblent également très pertinents dans la lutte contre le terrorisme.
Le premier est le renforcement des règles de contrôle d’identité, qui permet, en particulier, la retenue durant quatre heures de la personne contrôlée, si elle apparaît sur le fichier des personnes recherchées. Notre groupe est sensible au fait que cette durée ait été réduite à deux heures pour les mineurs contrôlés et que le contrôle soit alors opéré en présence de la famille ou, à défaut, d’un représentant du procureur.
Le deuxième outil est le renseignement pénitentiaire, qui permettra à l’ensemble des services de recueillir des informations essentielles. Si notre position était quelque peu différente de celle de nos collègues députés, nous nous satisfaisons de la rédaction de compromis trouvée.
Je souhaiterais m’arrêter un instant sur un élément de la discussion parlementaire qui a fait débat, à savoir la « perpétuité réelle ».
Il est tout à fait légitime que chacun s’interroge sur la réalité de l’exécution des peines prononcées. Comment comprendre qu’un individu condamné à la réclusion criminelle à perpétuité puisse aujourd’hui sortir au bout de vingt-deux ans ? C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe Les Républicains nous plaidons depuis de nombreux mois pour étendre cette période de sûreté à trente ans, durée qui permet de rester en conformité avec les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous nous réjouissons donc que le texte que nous allons voter ait pris en compte cette demande.
Néanmoins, cette période de sûreté de trente ans risquait d’être mise à mal si aucune solution n’était trouvée pour limiter les sorties de personnes considérées comme dangereuses.
Je salue donc toute l’habileté de notre rapporteur d’avoir trouvé la possibilité d’encadrer très strictement la procédure de relèvement de cette période de sûreté, en la conditionnant à des exigences procédurales nouvelles, garantes de la sécurité de nos concitoyens, car tel est bien le sujet.
Un mot, mes chers collègues, sur les dispositions importantes du texte en matière de grande délinquance, notamment financière, dont on connaît les liens forts avec le terrorisme. C’est pourquoi nous souscrivons au durcissement des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent, à l’encadrement de l’utilisation des cartes prépayées et aux nouveaux moyens donnés à TRACFIN – Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins –, pour une surveillance plus efficiente.
Enfin, j’aborderai un dernier point concernant les personnes rentrant d’une zone à l’étranger où opèrent des groupes terroristes.
Nous connaissons tous les chiffres, qui ont été en forte expansion ces dernières années et qui semblent se réduire. Malgré cette évolution, les derniers faits tragiques que notre pays a vécus, tout comme la Belgique, montrent que tous les terroristes ont fait un passage dans ces zones. Nous avions proposé de créer un délit de séjour sur ces zones à l’étranger. Nous avons néanmoins entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, ainsi que ceux de M. le garde des sceaux. C’est pourquoi nous nous rallions au système de contrôle administratif prévu dans la loi.
Je conclurai mon propos en rappelant notre attachement sans faille à l’État de droit, qui ne peut tolérer les affrontements d’une extrême violence que connaît la France depuis plusieurs semaines maintenant.
Je rappelle également notre soutien à nos forces de police et de gendarmerie, sur la brèche depuis plusieurs mois. Je tiens à dire qu’ils effectuent un travail remarquable, dans des conditions très difficiles, pour garantir notre sécurité, pour prévenir les actes de terrorisme ou contenir les débordements inqualifiables, auxquels nous assistons à la fin de chaque manifestation contre le projet de loi relatif au travail.
Comment ne pas être interpellés et choqués par les images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux du CRS violemment agressé le 3 mai dernier à Nantes, des tentatives d’assaut du musée de l’armée le 12 mai dernier, à Paris, ou de la voiture de police incendiée, toujours à Paris, toujours la semaine passée ?
Il n’est pas acceptable que la police et la gendarmerie soient les cibles de tant de haine. De tels actes, commis par des professionnels de la violence, ne peuvent pas et ne doivent pas être tolérés. Ils doivent être sanctionnés lourdement ! Le droit de manifester, ce droit fondamental auquel nous sommes tous attachés, ne peut, ne doit servir de paravent aux auteurs de ces violences.
Comment aussi ne pas dénoncer cette affiche publiée par une section d’un syndicat de salariés s’en prenant avec brutalité à la police ? Alors que notre pays a vécu une année 2015 particulièrement éprouvante, marquée par les épouvantables attentats des mois de janvier et de novembre de cette année-là, veillons, au contraire, à continuer à faire corps avec nos forces de sécurité, en les soutenant et en leur donnant les moyens humains, matériels et juridiques de travailler.