Qu’est-ce qui fonde le droit d’opposition du journaliste ? Lors de la rédaction de notre proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, nous, sénateurs socialistes, avions répondu son « intime conviction dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle ». Cette formule nous avait semblé plus précise, plus explicite que celle néanmoins très proche d’« intime conviction professionnelle » retenue dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias issue de l’Assemblée nationale.
Cette dernière rédaction reprend mot pour mot le dispositif prévu au paragraphe VI de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, qui s’applique aux journalistes de l’audiovisuel public. Ce dispositif a d’ailleurs été introduit dans la loi de 1986, en 2009, par le biais d’un amendement que j’avais proposé au nom des sénateurs socialistes. Toutefois, on peut comprendre que ce qui s’applique dans le cas d’un service de télévision publique ne puisse être généralisé à l’ensemble des journalistes de l’audiovisuel ou de la presse. La ligne éditoriale d’un titre d’un groupe privé requiert en effet une adéquation totale des journalistes à celle-ci et, donc, une marge d’exercice du droit d’opposition davantage encadrée que dans une grande chaîne généraliste du service public.
Lors des travaux de la commission, notre rapporteur a indiqué que le caractère intime de la conviction professionnelle lui posait problème. Elle a ainsi souhaité que le droit d’opposition d’un journaliste ne puisse s’exercer que par référence à la charte déontologique de son entreprise.
À travers cet amendement, je souhaite proposer une voie médiane entre la rédaction issue des travaux de notre commission et celle de l’Assemblée nationale. Il me semble que l’exercice du droit d’opposition repose tout de même sur la conviction de celui qui l’exerce. En revanche, il est évident que cette conviction doit se former au regard de la charte déontologique de son entreprise. Je demande donc qu’aucun journaliste ne puisse être contraint à accepter un acte qui serait contraire à sa conviction formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise.