Intervention de Patrick Abate

Réunion du 26 mai 2016 à 10h30
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Article 1er quater

Photo de Patrick AbatePatrick Abate :

J’entends bien les arguments qui viennent d’être exposés, mais il faut se figurer que, en près de neuf ans, il y a eu, je crois, six rendez-vous législatifs sur les lanceurs d’alerte… C’est dire à quel point nous avançons de manière hachée !

En outre, le régime législatif et réglementaire de protection des lanceurs d’alerte qui existe actuellement est très fragmenté, parce qu’il a été mis au point en réaction à des « affaires ». Or on s’apprête à aggraver encore cette fragmentation en visant l’ensemble des travailleurs, sauf les fonctionnaires.

Madame la ministre, madame la rapporteur, je regrette, mais le statut des fonctionnaires et les règles spécifiques qui peuvent s’attacher à certains fonctionnaires dans certaines de leurs activités ne sont pas exclusifs des protections générales ni, surtout, de la manifestation de l’intérêt général. Nous pensons, nous, que le lanceur d’alerte est un peu comme celui qui porte assistance à une personne en danger. Ne pas lancer l’alerte devrait être une faute pénale, à l’instar de la non-assistance à personne en danger ! Il faut inverser la logique.

Je récuse donc les arguments qui nous sont opposés et je vous répète très fermement, madame la ministre, qu’il faut viser la loi du 13 juillet 1983 si l’on veut inclure les fonctionnaires ; nous en sommes absolument convaincus, et il serait aisé de s’en assurer au plan technique.

En ce qui concerne le problème du « dernier ressort », je comprends bien la prudence de Mme la rapporteur, même si nous n’avons pas la même philosophie. Seulement, que signifie cette expression ? Pour que l’alerte transmise à un journaliste soit jugée sincère et, surtout, pour qu’elle soit légale, le fonctionnaire devra s’être adressé d’abord à son supérieur hiérarchique ou à une autorité administrative ou judiciaire. Mais de quel supérieur parle-t-on : du supérieur immédiat ou du supérieur du supérieur ? Et de quelle autorité : l’expression « en dernier ressort » signifie-t-elle qu’il faudra aller jusqu’à une décision de la Cour de cassation ?

En vérité, je pense que le Gouvernement avait eu raison de ne pas faire figurer cette expression dans la première version de son amendement. Au point où nous en sommes, et même s’il faudra discuter encore, nous pourrions peut-être l’accepter et attendre le projet de loi Sapin II ; mais, en tout cas, nous ne comprendrions pas que les fonctionnaires soient exclus d’un dispositif que nous trouvons déjà bancal, du fait de l’expression « en dernier ressort ».

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