Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 26 mai 2016 à 10h30
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Article 7, amendement 53

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteur :

Chacun l’a compris, ces amendements portent sur les modalités de saisine des comités de déontologie.

La commission a reconnu l’utilité de permettre aux journalistes de saisir directement les comités de déontologie ; c’est d’ailleurs le sens de notre amendement. Mais nous jugeons que la rédaction proposée à l’amendement n° 53 rectifié est trop large, ou à tout le moins trop imprécise, puisqu’elle vise tous les salariés.

D’ailleurs, le texte initial de la proposition de loi disposait que ce comité pouvait être saisi par « toute personne ». Lorsque nous avons auditionné les entreprises du secteur de l’audiovisuel, nous nous étions alors fait la réflexion qu’une faculté aussi largement offerte n’aurait pas manqué de susciter une inflation de demandes et qu’il fallait circonscrire le champ des personnes autorisées à saisir ce comité aux journalistes.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 74 du Gouvernement a un objet encore plus large, puisqu’il vise également les producteurs. Or le comité de déontologie n’a pas vocation à arbitrer des différends relatifs aux relations du travail ; il doit se prononcer sur les strictes questions de déontologie.

C’est pourquoi la commission a privilégié l’autosaisine de ce comité ou une consultation pour avis par la direction de la société, par le médiateur lorsqu’il existe ou par la société des journalistes, de même qu’une saisine directe par les journalistes faisaient l’objet de pressions.

Selon nous, le fait d’autoriser la saisine du comité aux producteurs extérieurs à la société qui édite le service audiovisuel constituerait une atteinte sérieuse à la liberté éditoriale. Un prestataire extérieur ne peut pas se voir reconnaître la possibilité de remettre en cause les décisions de programmation d’un éditeur de services. Il est habituel qu’un programme commandé pour un prime time soit finalement diffusé sur une autre tranche horaire.

Si un problème déontologique apparaît, le producteur ou l’auteur auront tout loisir d’alerter la société des journalistes, qui doit, me semble-t-il, être l’interlocuteur privilégié en matière de déontologie et qui a, elle, le pouvoir de saisir le comité de déontologie.

J’attire votre attention sur un point. Dans le cas où un producteur saisirait lui-même le comité de déontologie, on peut s’interroger sur les liens de travail qui subsisteraient entre lui et l’entreprise. Se verrait-il confier d’autres commandes ?

En tout cas, les éditeurs de programmes audiovisuels se sont montrés extrêmement réservés, voire hostiles à cette proposition, invoquant une réelle ingérence dans le fonctionnement habituel.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

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