Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux que notre assemblée ait accepté d’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux la question du développement touristique de l’outre-mer. Le tourisme apparaît en effet aujourd’hui comme un chapitre important de notre politique de développement.
Notre collègue Michel Magras, dans son remarquable rapport intitulé Guadeloupe et Martinique : d’un tourisme subi à un tourisme intégré, a jugé réaliste de ne pas traiter en termes simplement généraux la situation des onze collectivités ultramarines, mais de bien faire ressortir la diversité des moyens et des ambitions, des atouts et des problèmes des collectivités antillaises.
Un tel souci de réalisme et d’adaptation aux réalités locales s’impose à tous, afin de tenir compte des spécificités géographiques, culturelles et humaines de nos territoires.
En outre, M. Magras a eu le mérite, au terme d’une analyse précise du secteur touristique des Antilles, de formuler diverses propositions sur plusieurs aspects qu’il juge essentiels.
Il a par ailleurs examiné les conditions dans lesquelles l’environnement local peut représenter un atout significatif pour le tourisme ultramarin.
Nous pouvons donc nous inspirer largement des onze recommandations formulées à l’adresse des acteurs locaux, ainsi qu’à celle de l’État.
Permettez-moi, monsieur le président, d’adresser mes très cordiales félicitations au nouveau président du comité du tourisme mahorais, M. Rastami Abdou, pour sa récente élection.
Je lui demande de s’entourer avec soin de techniciens spécialisés dans le tourisme afin de permettre le véritable démarrage d’une politique touristique à Mayotte. Il faudra, bien entendu, que l’État nous apporte son concours financier, lequel viendrait utilement compléter l’enveloppe allouée par le conseil général, qui demeure encore insuffisante compte tenu de la modestie de nos ressources budgétaires.
Notre collectivité, chacun le sait, est située à l’extrême nord du canal du Mozambique. Elle comprend deux îles principales, ainsi qu’une trentaine d’îlots. L’ensemble forme l’un des plus grands lagons fermés du monde, reconnu sur le plan international.
Devenue le cent unième département français le 31 mars 2011, actuellement en pleine mutation économique et sociale, Mayotte se développe rapidement et le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en a fait sur place la constatation encourageante : il a promis une aide de l’État afin de moderniser les installations et infrastructures destinées au développement touristique.
Ainsi, nous disposons de nombreux atouts pour structurer un développement touristique autour d’un projet alternatif d’écotourisme, en association avec le tissu associatif et en favorisant les microprojets.
Parmi les atouts de Mayotte, on peut citer sa position géographique entre l’Afrique de l’Est et les autres îles de l’océan Indien ; un lagon exceptionnel doté de cent spots de plongée qui en font, suivant l’expression des spécialistes, « le temple de la plongée » dans la région ; le premier parc naturel marin outre-mer, aujourd’hui créé ; une flore et une faune originales – l’île possède un quart de la diversité mondiale des mammifères marins – ; une culture locale d’une remarquable richesse.
Le comité du tourisme mahorais a le projet de « construire une offre authentique, identitaire et respectueuse du bien-être de la population locale, de la préservation des ressources et de la biodiversité de l’île ». Mayotte « doit offrir à ses visiteurs de vraies occasions de rencontres, d’échanges et de partage avec la population ».
Plus de 53 000 touristes se sont rendus à Mayotte en 2010, soit 3 000 de plus qu’en 2009. Cette hausse de la fréquentation est due principalement au tourisme d’agrément, pour 49 %, contre 28 % pour le tourisme affinitaire et 20 % pour le tourisme d’affaires.
Au total, 48 % de l’ensemble des touristes qui se rendent à Mayotte résident en France métropolitaine et 44 % à la Réunion.
À l’horizon 2015-2020, Mayotte ambitionne d’accueillir entre 120 000 et 150 000 visiteurs par an et d’augmenter le chiffre d’affaires du secteur, aujourd’hui estimé à 30 millions d’euros.
Fondés sur le schéma de développement et d’aménagement du tourisme et sur les conclusions des assises du tourisme de Mayotte, qui se sont tenues en décembre 2010, les axes majeurs de la politique de développement du tourisme à court, moyen et long terme sont les suivants.
Premièrement, construire la destination, son identité, son image, sa plus-value, et s’appuyer sur la coopération régionale.
Deuxièmement, améliorer sa desserte aérienne dont les nouvelles infrastructures aéroportuaires ne seront pleinement opérationnelles qu’en 2013. Celles-ci permettront de passer de 305 000 à plus de 600 000 passagers par an. L’île est desservie par des lignes aériennes au départ de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, ce qui favorise l’ouverture au marché européen.
Troisièmement, créer des circuits-combinés avec les territoires voisins. En effet, sa situation privilégiée dans l’océan Indien permet diverses formules de coopération avec d’autres destinations telles que la Réunion, l’île Maurice, Madagascar, le Kenya.
Nous avons l’ambition de nous repositionner à l’échelle régionale et de développer de nouveaux partenariats d’économie touristique avec les îles voisines pour assurer la complémentarité de l’offre et renforcer la commercialisation et la distribution de nos produits.
Quatrièmement, développer un hébergement important, pour répondre aux attentes des tours opérateurs.
Cinquièmement, former des hommes aux métiers du tourisme : le secteur devra bénéficier de formations qualifiantes sur place afin de permettre à la population locale d’accéder aux différents métiers du tourisme.
Le comité du tourisme mahorais vient de passer un accord avec la direction du travail pour prendre en charge une formation sur deux ans. Cette formation permettra aux étudiants titulaires d’un brevet d’études professionnelles d’obtenir un bac professionnel. Pour les bacheliers, l’accord prévoit une formation conduisant au niveau bac+2.
Par ailleurs, le comité du tourisme mahorais forme des gardiens à l’entretien, au balisage et à la propreté des 200 kilomètres de sentiers de randonnées dont l’île est dotée.
Sixièmement, préserver les ressources et richesses du lagon à travers, notamment, l’assainissement et le développement durable.
Septièmement, développer des produits, sites et services pour la clientèle régionale tout en recentrant la politique touristique au bénéfice des populations locales.
Huitièmement, développer l’artisanat local, en améliorant, notamment, la présentation des produits naturels.
Neuvièmement, appuyer et soutenir les micros projets touristiques.
Dixièmement, développer l’hébergement chez l’habitant et améliorer les gîtes et chambres d’hôtes.
Onzièmement, mettre en place un système d’accompagnement de conseil et de classement pour le développement des chambres d’hôtes : architecture extérieure et intérieure, services, aménagement de l’espace, équipements.
Dans le cadre de projets hôteliers, nous demandons l’intervention d’un architecte agréé de la Réunion. Pour les petits projets, un appui et un conseil technique devraient être accessibles aux petits entrepreneurs ou aux communes pour les restaurants, chambres d’hôtes et gîtes.
Douzièmement, accroître la diversité des activités offertes dans le lagon.
Treizièmement, programmer une formation et une clarification des statuts des guides naturalistes et guides de pays : qualification, compétences, carte professionnelle.
En définitive, il apparaît que le développement du tourisme à Mayotte doit nécessairement être envisagé dans une logique de « gouvernance participative ». La position des élus locaux est en effet de construire le tourisme mahorais en associant, en consultant et en écoutant les différents acteurs locaux au sujet de l’action touristique à conduire, notamment les maires, les professionnels, le tissu associatif et, plus largement, la population mahoraise elle-même.
Le tourisme constitue pour Mayotte, ainsi que pour l’ensemble des territoires d’outre-mer, l’un des secteurs d’activités présentant un fort potentiel de valeur ajoutée et de création d’emplois.
Laissons à ceux dont c’est le métier le soin de développer une concertation sur une stratégie, à charge pour l’État et les collectivités territoriales de pourvoir aux besoins en infrastructures.