La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je veux saluer la mémoire de Florian Morillon et Cyrille Hugodot, deux soldats du premier régiment de chasseurs parachutistes tombés au champ d’honneur en Afghanistan, à quelques jours d’intervalle.
Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.
Nous avons déjà salué leur mémoire la semaine dernière, mais, aujourd’hui, je tiens à renouveler cet hommage de manière particulière.
Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer leurs familles de notre compassion et présenter nos condoléances les plus attristées aux chefs de corps, officiers, sous-officiers et soldats du premier régiment de chasseurs parachutistes.
Tous, nous tenons à exprimer l’admiration que nous inspirent l’engagement, le courage et l’ardeur dont font preuve nos soldats, en Afghanistan, où l’environnement est particulièrement difficile, comme ailleurs.
Soixante-trois de nos soldats sont tombés en Afghanistan dans le cadre des missions ardues qui leur avaient été confiées, en vue de contribuer au retour de ce pays à la paix, à la stabilité et au développement.
La situation en Afghanistan nous interpelle ; nous aurons encore à débattre de la durée et de l’ampleur de notre engagement dans ce pays, qui connaît une situation dramatique depuis plusieurs décennies.
Nos forces armées méritent la reconnaissance de la nation. Nous nous inclinons devant les soldats disparus. En leur mémoire, je vous propose, madame la ministre, mes chers collègues, de respecter un moment de recueillement.
Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.
L’ordre du jour appelle le débat sur le tourisme et l’environnement outre-mer, organisé à la demande de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
La parole est à M. Michel Magras, au nom de la commission de l’économie.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que la Haute Assemblée se saisisse aujourd’hui du problème du tourisme ultramarin, de sa situation actuelle et des défis qui se présentent à lui. En effet, ce secteur d’activité est essentiel pour l’avenir de nos outre-mer.
Notre débat constitue une nouvelle illustration du profond attachement du Sénat aux territoires ultramarins ; à cet égard, je veux remercier le président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine, qui a pris l’initiative de demander son organisation.
En septembre dernier, la commission de l’économie m’a confié la rédaction d’un rapport d’information portant sur le thème du présent débat : « Tourisme et environnement outre-mer ». Le 24 mai dernier, j’ai présenté mes conclusions devant la commission ; celle-ci, à l’unanimité, a autorisé la publication de mon rapport.
Dès le début de mes travaux, je me suis interrogé sur l’étendue géographique de mon sujet. Il m’est apparu irréaliste de vouloir traiter l’ensemble des collectivités ultramarines. Ce choix est justifié, non seulement par d’évidentes raisons logiques, mais aussi par le constat que, en matière touristique comme dans bien d’autres domaines, il n’y a pas un, mais des outre-mer.
Quel est le point commun, en effet, entre Saint-Pierre-et-Miquelon, une île au climat océanique froid, et la Guyane, un département d’une taille comparable à celle du Portugal et dont la forêt équatoriale recouvre près de 90 % du territoire ?
Quel est le point commun entre les collectivités, comme les quatre territoires antillais, dont le tourisme est essentiellement orienté vers le secteur balnéaire, et celles où se sont développées d’autres formes de tourisme, à l’exemple de la Réunion, qui compte seulement quelques kilomètres de plage ?
Aussi, j’ai fait le choix de concentrer mon travail sur deux départements antillais : la Guadeloupe et la Martinique. En effet, pendant longtemps, ces territoires ont été des destinations touristiques de premier ordre, alors qu’ils rencontrent aujourd'hui de graves difficultés.
Pourtant, j’estime que certaines des recommandations que je formule dans mon rapport sont également adaptées à d’autres collectivités ultramarines ; j’espère que notre débat le mettra en évidence, comme je souhaite qu’il fasse apparaître la diversité des enjeux et des difficultés auxquelles sont confrontées les différentes collectivités d’outre-mer.
Au terme de mes travaux, qui ont pris la forme d’une vingtaine d’auditions conduites à Paris et de plus d’une trentaine d’autres menées lors de mon déplacement dans les Antilles, j’ai formulé onze recommandations. Celles-ci sont destinées à permettre la relance du tourisme antillais et à souligner combien est essentielle la prise en compte de la dimension environnementale dans la stratégie touristique de ces destinations.
À mes yeux, les Antilles doivent passer d’un tourisme subi à un tourisme intégré, c’est-à-dire inscrit de manière harmonieuse dans la société comme dans le milieu naturel.
Je veux souligner que mon rapport s’adresse à l’ensemble des acteurs du secteur ; en d’autres termes, les recommandations qu’il comporte sont destinées aux socioprofessionnels, aux élus locaux, à la population et à l’État.
J’écouterai avec grand intérêt, madame la ministre, le point de vue du Gouvernement sur certaines des propositions que je formule dans mon rapport.
Par exemple, entendez-vous prendre des initiatives pour renforcer l’apprentissage des langues étrangères dans les établissements scolaires des Antilles ? Dans ces départements, en effet, le bilinguisme est une nécessité absolue : les Antilles sont la France, mais une France qui doit parler l’anglais et l’espagnol si elle veut réussir son intégration régionale !
De même, le Gouvernement est-il disposé à ajuster la politique de défiscalisation pour donner naissance à une « défiscalisation de projet » mise au service de la rénovation hôtelière ?
Je ne veux pas m’attarder, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur l’ensemble des recommandations que mon rapport contient. Je souhaite concentrer mon propos sur certaines d’entre elles, qui me paraissent essentielles ou originales.
La première recommandation mentionnée dans mon rapport vise à faire du tourisme la priorité des Antilles en matière de développement économique.
La situation de ce secteur est aujourd’hui très inquiétante. La fréquentation touristique de la Martinique et de la Guadeloupe s’est effondrée depuis le début des années 2000 : alors que la Martinique accueillait en 1998 plus d’un million de touristes, elle en a accueilli seulement 580 000 en 2009, ce qui représente une chute de 45 % en onze ans.
Parmi les facteurs qui permettent d’expliquer cette évolution, il y a d’abord la concurrence des nouvelles destinations et l’instabilité sociale.
Il est clair également que la volonté politique de favoriser l’essor du tourisme a longtemps fait défaut, alors même que cette activité constitue pour ces deux départements un secteur économique central et un gisement d’emplois potentiels considérable – pour ne pas dire exclusif –, puisqu’elle représente environ 10 % des emplois directs et indirects.
C’est pourquoi j’estime que les acteurs locaux doivent se mobiliser, dans un domaine qui relève de leurs compétences, et l’État prendre les mesures nécessaires pour les accompagner. Pour cela, il importe que les acteurs locaux établissent une véritable stratégie touristique et progressent en direction d’un tourisme intégré, en phase avec l’ensemble des acteurs de la filière et, plus généralement, de la société.
Aussi, je propose que, après chaque renouvellement des instances de la collectivité régionale, une conférence réunisse l’ensemble des acteurs concernés afin de déterminer la stratégie touristique et d’orienter prioritairement les dépenses publiques en direction de ce secteur.
Lors de mon déplacement en Martinique, il m’a semblé qu’une dynamique durable, impliquant tous les partenaires, avait été récemment mise en place. La visite du Président de la République en janvier dernier et la politique mise en œuvre par le nouveau président du conseil régional ont conduit à un résultat clair : le tourisme est devenu la véritable priorité du développement économique martiniquais et l’ensemble des acteurs œuvrent dans la même direction.
Lors d’un débat en Guadeloupe, au cours duquel j’ai présenté mon rapport aux élus et aux autres acteurs locaux du tourisme, j’ai nettement perçu une volonté de s’engager dans cette voie ; je ne peux que m’en féliciter.
Ma quatrième recommandation concerne les initiatives qui devraient être prises afin d’attirer les touristes en provenance du bassin américain, c’est-à-dire des États-Unis, du Canada, mais aussi du Brésil ; pour y parvenir, il convient, notamment, d’inciter les compagnies aériennes américaines à desservir les Antilles.
Les deux départements antillais souffrent aujourd’hui d’un phénomène de monoclientèle : plus de 90 % des touristes qui y séjournent sont Français. Cette situation s’explique en partie par l’existence d’une desserte aérienne au départ de l’aéroport d’Orly, qui nuit à l’ouverture aux autres marchés européens.
Je veux saluer l’engagement dont font preuve à ce sujet le Président de la République et le Gouvernement : grâce à leur détermination, une desserte au départ de l’aéroport de Roissy sera mise en place par la compagnie nationale en novembre prochain. J’espère que les modalités de cette expérimentation rendront possible son succès.
Si la question des touristes européens est régulièrement posée, il n’en va pas de même de celle des touristes nord-américains, qui représentent pourtant, pour les Antilles, une clientèle potentielle très importante ; le cas de Saint-Barthélemy est révélateur de ce point de vue.
Les clients nord-américains, qui furent les premiers à faire le pari de la Guadeloupe et de la Martinique – je rappelle que les premiers touristes ont été conduits sur ces îles par la Pan Am ! –, ont déserté ces territoires depuis les années 1980. L’instabilité sociale a conduit les compagnies aériennes américaines à cesser leurs dessertes. À l’heure actuelle, il s’agit des deux seules îles de la Caraïbe à ne disposer d’aucune liaison directe avec les États-Unis.
À mes yeux, les Antilles possèdent pourtant des atouts pour séduire les clientèles américaine et canadienne : la proximité géographique, bien entendu, mais aussi la sécurité, entendue sous tous ses aspects, notamment dans sa dimension sanitaire.
Aussi, je considère que le retour des touristes nord-américains doit constituer une priorité. Il convient, notamment, que les acteurs du tourisme se mobilisent pour inciter les compagnies aériennes américaines et canadiennes, y compris, le cas échéant, les low cost, à desservir de nouveau les départements de la Martinique et de la Guadeloupe.
La compagnie nationale aurait l’intention de prendre des initiatives en la matière. Toutefois, je m’interroge : les démarches doivent-elles se limiter aux seules propositions de l’alliance Skyteam ?
Ma cinquième recommandation est d’ajuster le dispositif de défiscalisation pour l’hôtellerie, afin d’aboutir à une « défiscalisation de projet » et de permettre la mise à niveau des établissements hôteliers.
La situation du secteur hôtelier antillais est aujourd’hui dramatique.
Premièrement, le parc hôtelier a fondu : il a été divisé par deux au cours des dix dernières années.
Deuxièmement, ce parc est globalement obsolète et n’offre plus du tout le confort et les équipements exigés par la clientèle actuelle. Je note cependant qu’une réelle volonté de le rénover existe aujourd’hui ; des moyens seront nécessaires pour qu’elle aboutisse à des résultats tangibles.
Troisièmement, les établissements sont dans une situation financière très difficile, près de 80 % des structures hôtelières étant déficitaires.
Je tiens à saluer, madame la ministre, la création par le Gouvernement, en février dernier, d’une mission qui proposera, je l’espère, des solutions adaptées aux difficultés du secteur.
Ce constat m’a amené à examiner l’impact de la défiscalisation. Cette dernière a, objectivement, permis un développement important du parc hôtelier à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix ; le parc a ainsi presque doublé en Guadeloupe entre 1986 et 1995.
Dans le même temps, la défiscalisation a eu des effets pervers importants, comme la vente à la découpe de nombreux hôtels.
Ces effets contrastés s’expliquent parce que, à mes yeux, la défiscalisation n’a pas été conçue comme un outil de développement durable du tourisme. J’en suis convaincu et c’est pourquoi je suis, à titre personnel, partisan d’une défiscalisation choisie.
Il n’est pas question pour moi de remettre en cause ce dispositif. En revanche, il est indispensable de faire de la défiscalisation en matière hôtelière, qui ne constitue aujourd’hui qu’un placement financier, un véritable outil de développement économique durable.
À cette fin, l’allongement de la durée d’exploitation des biens défiscalisés dans le domaine de l’hôtellerie serait, à mes yeux, particulièrement utile. Cette durée pourrait être portée de cinq à dix ans, voire quinze ans, ce qui permettrait de resserrer les liens entre le gestionnaire et les investisseurs et de faire émerger une véritable « défiscalisation de projet ».
Je sais que cette position n’est pas consensuelle. Les Antillais qui exploitent des hôtels en défiscalisation veulent devenir très vite propriétaires de ces biens, ce que je peux tout à fait comprendre, mais à quoi servirait-il d’être propriétaire sans disposer des moyens permettant de garantir l’entretien et le maintien à niveau de ces établissements ?
Un autre ajustement est souhaitable : la défiscalisation doit désormais s’appliquer, dans ce secteur, uniquement à la rénovation des hôtels existants. Comme je l’indiquais tout à l’heure, la priorité actuelle est la rénovation des hôtels, afin de mettre le parc à niveau.
Je pourrais évoquer également les propositions que je formule en matière de croisières ou de formation, mais je souhaite maintenant aborder le volet environnemental de mon rapport.
L’environnement constitue en effet un atout majeur pour le tourisme antillais. Dans mon esprit, cela signifie non pas seulement qu’il faut développer le tourisme vert, mais que la dimension environnementale doit être prise en compte dans l’ensemble de la politique touristique de ces territoires, notamment parce que la clientèle actuelle est très sensible à cette dimension.
Je souhaite revenir sur deux de mes propositions.
Il s’agit tout d’abord de ma neuvième recommandation : prendre des initiatives en matière de cadre de vie, par exemple en utilisant les dispositifs législatifs permettant d’encadrer et de réguler l’affichage publicitaire.
Il est clair que la qualité du cadre de vie est un élément essentiel, un préalable pour la réussite d’une destination. C’est encore plus vrai pour la Guadeloupe et la Martinique dans le contexte actuel, marqué par l’essor du tourisme de gîtes. Or ces deux départements ont un déficit d’image important. J’évoque deux aspects de cette question dans mon rapport : la gestion des déchets – sujet ô combien sensible –, ainsi que l’affichage publicitaire, un aspect moins souvent évoqué, mais tout aussi essentiel, me semble-t-il.
Je souhaite revenir brièvement sur ce dernier sujet. Lorsque, sur le trajet menant les touristes de l’aéroport à leur hôtel, le paysage est défiguré par des panneaux publicitaires plus ou moins délabrés par les phénomènes climatiques et répartis de manière anarchique, lorsque ce paysage offre le spectacle de déchets en tous genres abandonnés le long des routes, il n’est pas étonnant que ce premier contact avec l’île, aussi belle soit-elle par ailleurs, laisse des traces et contribue à entretenir une image négative de la destination.
Pourquoi offrir à nos visiteurs une impression négative alors que ces îles disposent de richesses et d’atouts naturels parmi les plus appréciés et les plus recherchés au monde ?
Je suis d’autant plus conscient de l’enjeu en la matière que j’ai été à l’origine, à Saint-Barthélemy, d’un règlement local de publicité particulièrement strict. La quasi-totalité de l’île est classée aujourd’hui en « zone de publicité restreinte ». Cette décision, certes radicale, est considérée comme l’un des éléments qui participent de la très bonne image de l’île.
Il revient donc aujourd’hui aux élus locaux guadeloupéens et martiniquais de prendre des initiatives en la matière afin d’assurer une intégration harmonieuse de l’affichage publicitaire dans le paysage, notamment sur les lieux de séjour des touristes. Ils disposent à cette fin des outils législatifs adéquats, qui ont d’ailleurs été renforcés dans le cadre de la loi sur le Grenelle II.
Dans ces domaines, la Guadeloupe et la Martinique doivent donc se mobiliser pour acquérir définitivement une image d’îles propres.
Autre proposition en matière d’environnement, la recommandation n° 10 de mon rapport : promouvoir les Antilles comme une destination touristique « verte ».
Les Antilles disposent d’atouts très importants en matière environnementale.
D’une part, pour reprendre les termes du rapport de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, les Antilles constituent un véritable « trésor environnemental », avec une biodiversité d’une grande richesse, de très nombreux sites protégés – le tiers du territoire de la Guadeloupe bénéficie ainsi, à un titre ou à un autre, d’une protection –, ou encore une grande diversité de paysages.
Nous connaissons tous le dynamisme du mouvement associatif local et des organismes intervenant dans ce domaine – je pense, notamment, au Conservatoire du littoral –, mais les résultats obtenus ne sont pas suffisamment mis en valeur.
D’autre part, les Antilles constituent un laboratoire pour la France en matière d’énergies renouvelables. Si la politique volontariste mise en œuvre à la Réunion par le biais du plan GERRI – Grenelle de l’environnement à la Réunion, réussir l’innovation – produit des effets impressionnants, les spécialistes que j’ai rencontrés soulignent que le potentiel des Antilles en matière d’énergies renouvelables serait supérieur à celui de la Réunion.
Le solaire, la biomasse, l’éolien, la géothermie ou encore les énergies marines peuvent y être développés. Les deux départements devraient atteindre la limite de 30 % d’énergies renouvelables intermittentes dès 2012.
Ces atouts ne sont aujourd’hui pas assez « vendus » pour promouvoir ces destinations Ils doivent être mis à profit pour changer leur image et, notamment, sortir du cliché réducteur de destinations « plages de cocotiers ». À mes yeux, il est donc indispensable que la promotion soit orientée vers leur richesse environnementale, ce qui pourrait produire des effets très positifs. Selon certaines estimations, la Martinique disposerait ainsi d’un potentiel de 300 000 écotouristes par an !
Les sites internet de chacune de ces destinations pourraient utilement mettre en avant cette image d’« îles vertes ». De même, je pense que l’industrie touristique, notamment l’hôtellerie, pourrait participer à cette politique de promotion en mettant en œuvre de nouvelles pratiques.
Voilà donc, mes chers collègues, quelques-unes des propositions que je formule dans mon rapport d’information, lequel contient bien d’autres recommandations.
S’agissant de la relation entre la population et le tourisme, je reprends à mon compte la belle formule du rapport de 2007 de Mme Felzines, qui écrivait ceci : faire du tourisme, c’est « accueillir sans se faire envahir, offrir sans se sentir dépossédé ».
Je souhaite que mon rapport soit utile et permette d’orienter les décisions prises au niveau local et à l'échelle nationale afin de relancer le tourisme antillais.
Je l’ai présenté en Guadeloupe voilà deux semaines. Les acteurs locaux m’ont paru très réceptifs à mes recommandations, ce dont je me réjouis. J’espère pouvoir, au cours des prochaines semaines, me rendre en Martinique afin d’effectuer une présentation similaire ; il est en effet pour moi essentiel que les acteurs locaux s’approprient ces propositions.
J’espère, madame la ministre, mes chers collègues, que notre débat sera constructif et qu’il permettra de souligner les problèmes communs en matière de tourisme des différentes collectivités ultramarines, ainsi que ceux qui sont propres à chacune d’elles.
Il s’agit en tout cas d’un sujet majeur pour l’avenir de nos outre-mer. C’est, dans les Antilles notamment, le seul secteur d’activité dont on peut espérer qu’il permette un développement économique durable.
Applaudissements
Monsieur le président, lors du vote sur l’ensemble du projet de loi relatif à la bioéthique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, le 23 juin dernier, j’ai été considérée comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.
Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Nous reprenons le débat sur le tourisme et l’environnement outre-mer.
La parole est à M. Adrien Giraud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux que notre assemblée ait accepté d’inscrire à l’ordre du jour de ses travaux la question du développement touristique de l’outre-mer. Le tourisme apparaît en effet aujourd’hui comme un chapitre important de notre politique de développement.
Notre collègue Michel Magras, dans son remarquable rapport intitulé Guadeloupe et Martinique : d’un tourisme subi à un tourisme intégré, a jugé réaliste de ne pas traiter en termes simplement généraux la situation des onze collectivités ultramarines, mais de bien faire ressortir la diversité des moyens et des ambitions, des atouts et des problèmes des collectivités antillaises.
Un tel souci de réalisme et d’adaptation aux réalités locales s’impose à tous, afin de tenir compte des spécificités géographiques, culturelles et humaines de nos territoires.
En outre, M. Magras a eu le mérite, au terme d’une analyse précise du secteur touristique des Antilles, de formuler diverses propositions sur plusieurs aspects qu’il juge essentiels.
Il a par ailleurs examiné les conditions dans lesquelles l’environnement local peut représenter un atout significatif pour le tourisme ultramarin.
Nous pouvons donc nous inspirer largement des onze recommandations formulées à l’adresse des acteurs locaux, ainsi qu’à celle de l’État.
Permettez-moi, monsieur le président, d’adresser mes très cordiales félicitations au nouveau président du comité du tourisme mahorais, M. Rastami Abdou, pour sa récente élection.
Je lui demande de s’entourer avec soin de techniciens spécialisés dans le tourisme afin de permettre le véritable démarrage d’une politique touristique à Mayotte. Il faudra, bien entendu, que l’État nous apporte son concours financier, lequel viendrait utilement compléter l’enveloppe allouée par le conseil général, qui demeure encore insuffisante compte tenu de la modestie de nos ressources budgétaires.
Notre collectivité, chacun le sait, est située à l’extrême nord du canal du Mozambique. Elle comprend deux îles principales, ainsi qu’une trentaine d’îlots. L’ensemble forme l’un des plus grands lagons fermés du monde, reconnu sur le plan international.
Devenue le cent unième département français le 31 mars 2011, actuellement en pleine mutation économique et sociale, Mayotte se développe rapidement et le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en a fait sur place la constatation encourageante : il a promis une aide de l’État afin de moderniser les installations et infrastructures destinées au développement touristique.
Ainsi, nous disposons de nombreux atouts pour structurer un développement touristique autour d’un projet alternatif d’écotourisme, en association avec le tissu associatif et en favorisant les microprojets.
Parmi les atouts de Mayotte, on peut citer sa position géographique entre l’Afrique de l’Est et les autres îles de l’océan Indien ; un lagon exceptionnel doté de cent spots de plongée qui en font, suivant l’expression des spécialistes, « le temple de la plongée » dans la région ; le premier parc naturel marin outre-mer, aujourd’hui créé ; une flore et une faune originales – l’île possède un quart de la diversité mondiale des mammifères marins – ; une culture locale d’une remarquable richesse.
Le comité du tourisme mahorais a le projet de « construire une offre authentique, identitaire et respectueuse du bien-être de la population locale, de la préservation des ressources et de la biodiversité de l’île ». Mayotte « doit offrir à ses visiteurs de vraies occasions de rencontres, d’échanges et de partage avec la population ».
Plus de 53 000 touristes se sont rendus à Mayotte en 2010, soit 3 000 de plus qu’en 2009. Cette hausse de la fréquentation est due principalement au tourisme d’agrément, pour 49 %, contre 28 % pour le tourisme affinitaire et 20 % pour le tourisme d’affaires.
Au total, 48 % de l’ensemble des touristes qui se rendent à Mayotte résident en France métropolitaine et 44 % à la Réunion.
À l’horizon 2015-2020, Mayotte ambitionne d’accueillir entre 120 000 et 150 000 visiteurs par an et d’augmenter le chiffre d’affaires du secteur, aujourd’hui estimé à 30 millions d’euros.
Fondés sur le schéma de développement et d’aménagement du tourisme et sur les conclusions des assises du tourisme de Mayotte, qui se sont tenues en décembre 2010, les axes majeurs de la politique de développement du tourisme à court, moyen et long terme sont les suivants.
Premièrement, construire la destination, son identité, son image, sa plus-value, et s’appuyer sur la coopération régionale.
Deuxièmement, améliorer sa desserte aérienne dont les nouvelles infrastructures aéroportuaires ne seront pleinement opérationnelles qu’en 2013. Celles-ci permettront de passer de 305 000 à plus de 600 000 passagers par an. L’île est desservie par des lignes aériennes au départ de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, ce qui favorise l’ouverture au marché européen.
Troisièmement, créer des circuits-combinés avec les territoires voisins. En effet, sa situation privilégiée dans l’océan Indien permet diverses formules de coopération avec d’autres destinations telles que la Réunion, l’île Maurice, Madagascar, le Kenya.
Nous avons l’ambition de nous repositionner à l’échelle régionale et de développer de nouveaux partenariats d’économie touristique avec les îles voisines pour assurer la complémentarité de l’offre et renforcer la commercialisation et la distribution de nos produits.
Quatrièmement, développer un hébergement important, pour répondre aux attentes des tours opérateurs.
Cinquièmement, former des hommes aux métiers du tourisme : le secteur devra bénéficier de formations qualifiantes sur place afin de permettre à la population locale d’accéder aux différents métiers du tourisme.
Le comité du tourisme mahorais vient de passer un accord avec la direction du travail pour prendre en charge une formation sur deux ans. Cette formation permettra aux étudiants titulaires d’un brevet d’études professionnelles d’obtenir un bac professionnel. Pour les bacheliers, l’accord prévoit une formation conduisant au niveau bac+2.
Par ailleurs, le comité du tourisme mahorais forme des gardiens à l’entretien, au balisage et à la propreté des 200 kilomètres de sentiers de randonnées dont l’île est dotée.
Sixièmement, préserver les ressources et richesses du lagon à travers, notamment, l’assainissement et le développement durable.
Septièmement, développer des produits, sites et services pour la clientèle régionale tout en recentrant la politique touristique au bénéfice des populations locales.
Huitièmement, développer l’artisanat local, en améliorant, notamment, la présentation des produits naturels.
Neuvièmement, appuyer et soutenir les micros projets touristiques.
Dixièmement, développer l’hébergement chez l’habitant et améliorer les gîtes et chambres d’hôtes.
Onzièmement, mettre en place un système d’accompagnement de conseil et de classement pour le développement des chambres d’hôtes : architecture extérieure et intérieure, services, aménagement de l’espace, équipements.
Dans le cadre de projets hôteliers, nous demandons l’intervention d’un architecte agréé de la Réunion. Pour les petits projets, un appui et un conseil technique devraient être accessibles aux petits entrepreneurs ou aux communes pour les restaurants, chambres d’hôtes et gîtes.
Douzièmement, accroître la diversité des activités offertes dans le lagon.
Treizièmement, programmer une formation et une clarification des statuts des guides naturalistes et guides de pays : qualification, compétences, carte professionnelle.
En définitive, il apparaît que le développement du tourisme à Mayotte doit nécessairement être envisagé dans une logique de « gouvernance participative ». La position des élus locaux est en effet de construire le tourisme mahorais en associant, en consultant et en écoutant les différents acteurs locaux au sujet de l’action touristique à conduire, notamment les maires, les professionnels, le tissu associatif et, plus largement, la population mahoraise elle-même.
Le tourisme constitue pour Mayotte, ainsi que pour l’ensemble des territoires d’outre-mer, l’un des secteurs d’activités présentant un fort potentiel de valeur ajoutée et de création d’emplois.
Laissons à ceux dont c’est le métier le soin de développer une concertation sur une stratégie, à charge pour l’État et les collectivités territoriales de pourvoir aux besoins en infrastructures.
Les pouvoirs publics doivent non pas confisquer la politique du tourisme mais, pour l’essentiel, favoriser l’initiative privée.
Toutefois, je serai prudent quant au choix de faire du tourisme la seule voie du développement économique. Une telle réduction d’objectifs ne ferait qu’aggraver la vulnérabilité de nos îles à certains aléas susceptibles de compromettre l’essor de ces destinations.
Dans tous les cas, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement la prise de conscience et le volontarisme des auteurs de ce rapport, en vue d’améliorer l’attractivité touristique des îles, en espérant qu’un tel volontarisme continuera d’inspirer la mise en œuvre de ce programme.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui vient couronner les travaux de notre collègue Michel Magras, qui a été chargé, en septembre 2010, d’élaborer un rapport d’information sur le tourisme et l’environnement outre-mer.
Je me félicite que les analyses de M. Magras convergent totalement avec celles de la mission sur la situation des départements d’outre-mer, que j’ai eu l’honneur de présider et qui a terminé ses travaux en juillet 2009. C’est à mon sens plutôt rassurant !
Le constat est le même : le secteur du tourisme traverse une grave crise dans les départements d’outre-mer, en particulier aux Antilles, où la situation s’est encore aggravée depuis les mouvements sociaux de février 2009.
L’industrie hôtelière dans son ensemble est en grand danger. De nombreux hôtels ont déjà fermé et l’hôtellerie haut de gamme n’existe quasiment plus.
Les problématiques soulevées et les causes identifiées du déclin touristique dans les deux îles de la Guadeloupe et de la Martinique sont reprises et complétées dans le rapport.
Je tiens à souligner le travail approfondi qui a été effectué et à déclarer ici que je souscris pleinement aux onze recommandations formulées au terme de cette analyse.
Certaines d’entre elles font, notamment, échos à deux points que je trouve essentiels : l’urgence de l’élaboration par les acteurs locaux d’un véritable projet de développement – à l’heure où je vous parle, ce dernier est quasiment achevé à la Martinique – et la définition de l’environnement comme élément clef de l’attractivité de ces territoires en matière de tourisme.
J’ajouterai toutefois un point supplémentaire : il faudrait, dans le cadre d’une coopération intelligente avec les autres pays de la Caraïbe, développer ce que j’appellerai un tourisme de subsidiarité. Les Antilles françaises pourraient proposer une offre complémentaire sur les segments qui leur sont propres.
Il n’en demeure pas moins que, depuis plus de dix ans, de nombreux rapports et études ont alerté les autorités sur la situation préoccupante du secteur touristique en outre-mer et formulé un certain nombre de propositions. Certaines d’entre elles ont été partiellement reprises au cours du temps, mais aucun plan spécifique et d’envergure n’a, jusqu’à présent, été adopté par le Gouvernement en faveur de ce secteur. La situation du tourisme a continué à se dégrader inexorablement !
Toutefois, le présent rapport arrive dans un contexte que je crois bien différent, en particulier pour la Martinique. Il y a, me semble-t-il, une certaine prise de conscience de la part du Gouvernement, et les changements en cours, sur les plans tant institutionnel que politique, permettent d’envisager un nouvel engagement des autorités locales.
Le président du conseil régional de la Martinique a ainsi nommé une professionnelle à la tête du comité martiniquais du tourisme. Depuis lors, ce dernier s’est fixé des objectifs stratégiques de développement touristique : changer l’image de la destination Martinique, accroître la fréquentation sur l’ensemble des segments – tourisme d’affaires, culturel, patrimonial, balnéaire, vert et de croisière –, augmenter la dépense moyenne du touriste.
La région souhaite faire de ce secteur d’activité l’un des piliers du développement économique, social, culturel et humain de la Martinique.
Je crois qu’une politique unique de développement du tourisme regroupant tous les acteurs et les différents niveaux de collectivités est aujourd’hui possible. Cependant, je l’affirme une nouvelle fois, une forte implication de l’État est nécessaire à la mise en œuvre d’un plan rigoureux de soutien financier et de relance du secteur.
Certes, le Président de la République a fait la promotion du tourisme lors de la table ronde de janvier dernier à la Martinique. Il a ainsi affirmé : « L’État va vous aider et vous accompagner ». Néanmoins, nous ne nous contenterons pas de simples déclarations d’intention !
Pour conclure et pour approfondir certains aspects, permettez-moi, madame la ministre, de vous poser quatre questions.
Premièrement, les banques ne soutiennent pas le tourisme, qui ne peut ainsi bénéficier d’aucun prêt à moyen ou long terme. Les médiations ne donnent aucun résultat. Que comptez-vous faire pour permettre de développer le financement nécessaire à ce secteur ?
Deuxièmement, en ce qui concerne les tarifs aériens, envisagez-vous d’apporter une meilleure transparence sur le prix des billets, notamment en matière de surcharge de carburant ?
Troisièmement, pensez-vous participer financièrement aux prochaines campagnes promotionnelles, notamment les campagnes télévisuelles, qui nous sont chères ?
Quatrièmement, que comptez-vous faire pour adapter les normes communautaires aux réalités locales en matière de classement hôtelier ?
J’aurais encore bien d’autres questions à vous poser, vous vous en doutez, madame la ministre, mais mon temps de parole étant limité, je m’arrêterai là.
J’ajoute, ne voulant voir que les aspects positifs de ce dossier, que la reprise de l’activité touristique est en bonne voie. Elle ne pourra se poursuivre que si l’ensemble des acteurs concernés, et le Gouvernement au premier chef, jouent le jeu.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, je me réjouis que, aujourd’hui, en séance publique, sur l’initiative de notre commission de l’économie, nous puissions, ensemble, débattre du tourisme outre-mer.
En effet, ce secteur est vital pour l’équilibre de l’économie ultramarine. Or, depuis près de dix ans, il connaît un réel déclin aux Antilles, ce que retrace parfaitement, dans son excellent rapport d’information, notre collègue Michel Magras, qui, en tant qu’habitant de Saint-Barthélemy, sait de quoi il parle.
Mes chers collègues, j’ai l’intime conviction que le tourisme peut irriguer abondamment l’économie et la société de nos territoires insulaires, contribuant ainsi de façon encore plus importante à la production locale de richesses, donc à l’investissement et à l’emploi productifs.
Néanmoins, je dois l’avouer, je suis tout aussi convaincu que ce résultat ne sera atteint de façon durable que si les décideurs, en particulier locaux, prennent clairement position sur l’importance stratégique qu’ils accordent au tourisme et s’ils indiquent en toute transparence à la population les voies et moyens permettant de tirer pleinement profit de cette industrie.
Dans nos territoires, le tourisme est souvent perçu comme une activité fortement consommatrice de subventions, juteuse pour les promoteurs et à l’origine d’emplois précaires et subalternes. D’où une certaine attitude contre-productive au sein de la population, soulignée et regrettée par nombre d’observateurs et d’analystes.
À mon sens, et avant toute chose, seule une démarche claire et volontariste des responsables publics pourra susciter l’implication de la population dans ce secteur à fort potentiel, qui prendra ainsi toute sa place dans le développement socio-économique local.
Ce préalable posé, la redynamisation du secteur touristique passe aussi par des choix stratégiques dont nous ne pouvons faire l’économie.
Se pose, tout d’abord, la question de la clientèle.
Faut-il privilégier une clientèle de masse ou une clientèle choisie ? Je pense personnellement que vouloir agir tous azimuts est contre-productif, les ressources disponibles pour la promotion de nos destinations étant nécessairement limitées eu égard à l’ampleur de certains marchés que nous convoitons. Il me semble donc nécessaire de faire des choix judicieux et de cibler des segments de clientèle qui seraient véritablement captifs, parce qu’ils seraient sensibles aux avantages comparatifs de nos offres touristiques.
Disant cela, je veux pointer ce que j’appelle le fantasme du marché américain. Depuis les années soixante, le touriste américain, avec son pouvoir d’achat en principe élevé, a toujours constitué une cible alléchante, que nous avons placée au cœur de nos stratégies de développement touristique.
Or, si ces touristes ont représenté à certains moments jusqu’à 40 % de nos visiteurs en Guadeloupe, force est de constater que cette clientèle est de plus en plus difficile à attirer et, surtout, à fidéliser. Plusieurs motifs peuvent expliquer cette situation, parmi lesquels la barrière de la langue, le faible intérêt pour nos goûts et modes de vie ou encore l’image dégradée de nos sociétés. Convoiter cette clientèle peut donc se révéler fort coûteux, alors même que le retour sur investissement est loin d’être garanti.
Au contraire, je pense que nous gagnerions à réactiver le marché canadien, davantage à notre portée en raison de la plus grande proximité psycho-sociologique de nos populations respectives. De même, la clientèle européenne me semble receler d’importantes potentialités, dont l’exploitation pourrait être favorisée par la desserte des Antilles à partir de l’aéroport de Roissy.
Se pose ensuite la question de la qualité du produit offert à notre clientèle.
De ce point de vue, nous disposons de réels atouts qu’il convient de mieux valoriser.
À l’évidence, si nous voulons tirer le meilleur parti du tourisme de croisière en Guadeloupe, nous gagnerions à adapter le port de Pointe-à-Pitre et son environnement immédiat, qu’il s’agisse de sa configuration, de l’ambiance qui y règne, de l’activité économique qui s’y déroule ou encore de la sécurité publique. À mon avis, ce sont là d’indispensables préalables.
Il me semble également utile de s’interroger sur les types de structures qu’il convient de développer pour accueillir ces touristes.
On le sait, le parc hôtelier se dégrade depuis plusieurs années et, comme le souligne M. Magras, la situation risque d’être catastrophique si une action vigoureuse de rénovation n’est pas conduite.
Toutefois, il me semble nécessaire de développer aussi d’autres formes d’hébergement. Disant cela, je pense aux structures plus petites, à dimension familiale, comme les gîtes ou les guest houses, qui offrent le double avantage, d’une part, de créer une relation de proximité entre la population et le touriste, favorisant ainsi la découverte et l’échange, et, d’autre part, d’emporter l’adhésion de la population, qui trouvera dans ce dispositif un intérêt socio-économique réel et concret, ce qui est important.
Nos territoires insulaires sont parfaitement adaptés à ce type de structures, qui s’y développent d’ailleurs de façon quasi-spontanée, c’est-à-dire désordonnée et empirique. Il faut les aider à s’organiser et à se regrouper pour faciliter leur développement et améliorer la qualité de leurs services, afin d’en faire profiter le plus grand nombre de Guadeloupéens. En retour, ces derniers éprouveront plus de fierté à participer au développement du tourisme, car, pour l’heure, leur participation à cette activité se résume hélas trop souvent à des emplois de bas de gamme, peu valorisants. Il faut leur faire appréhender autrement le tourisme et les touristes ! Il y a là un enjeu socio-économique et politique d’importance majeure.
Faire face à cet enjeu passe aussi, inévitablement, par la maîtrise des langues étrangères, telles que l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Pour cela, il faut agir à trois niveaux : former le personnel hôtelier, proposer des formations pour les adultes, enfin, comme le préconise M. Magras, développer l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge.
La question de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement prend aussi toute sa place dans la relance du développement touristique. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire. Faut-il souligner, à côté du problème des panneaux publicitaires, pointé par M. Magras, le rôle joué par les carcasses de voitures et les dépôts sauvages de déchets dans la défiguration de nos paysages et, partant, dans le ternissement de l’image de nos territoires ?
Il devient urgent de définir une stratégie globale, à l'échelle territoriale, pour améliorer la situation, notamment en concentrant les moyens financiers de nos collectivités. Au-delà d’une simple question de relooking de nos îles, c’est le bien-être même de nos populations qui est en cause.
Accroître l’attractivité de nos îles passe aussi par la protection et la valorisation de nos sites naturels, qui, de l’avis de tous, sont de véritables trésors de diversité biologique, géologique ou faunistique. Nous avons là une richesse extraordinaire, mais comment les touristes pourraient-ils s’en rendre compte si ce patrimoine n’est pas mis en valeur ?
C’est sur ce patrimoine qu’il faut s’appuyer pour développer une offre touristique originale et diversifiée, enrichie par le réel art de vivre guadeloupéen. En ce sens, les îles de l’archipel, en particulier Marie-Galante, offrent de réelles opportunités.
En définitive, le rapport d’information de notre collègue Michel Magras a le mérite de réaliser un bon état des lieux et de proposer un choix clair, celui d’un tourisme intégré et choisi, en lieu et place d’un tourisme subi. J’adhère parfaitement à cette idée, car je suis absolument convaincu que ce n’est pas en avançant à reculons que nous pourrons actualiser tout le bénéfice potentiel que recèle le secteur du tourisme en Guadeloupe.
Au contraire, seule une volonté politique locale affirmée, exprimée sans ambiguïté aux populations et aux visiteurs et accompagnée d’une stratégie de valorisation de nos multiples atouts, de mobilisation de nos forces vives et de promotion judicieusement ciblée peut créer les conditions d’une nouvelle dynamique de développement durable et qualitatif du tourisme dans nos territoires.
J’espère donc que notre débat d’aujourd’hui contribuera à mettre en lumière tout l’intérêt de cette démarche volontariste proposée par notre collègue Michel Magras.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, nous sommes amenés aujourd’hui à débattre d’un secteur d’activité porteur de promesses en termes d’emploi et qui représente vraisemblablement l’une des pistes pour sortir l’outre-mer de son marasme économique et social.
Comme l’a souligné notre collègue Michel Magras dans son rapport, l’outre-mer est divers et composite. Chaque territoire ultramarin dispose d’atouts et de handicaps qui lui sont propres, de sorte qu’une politique touristique établie pour l’un d’entre eux ne peut être transposable à un autre.
Au cours des années quatre-vingt-dix, le nombre de touristes à la Réunion a quasiment doublé, passant de 220 000 en 1992 à 430 000 en 2000, pour ensuite se maintenir à ce niveau pendant toute la décennie suivante. L’épisode du chikungunya a, certes, entraîné une chute de la fréquentation – 130 000 touristes de moins en 2006 par rapport aux années précédentes –, mais la reprise ne s’est pas fait attendre, puisque le nombre de touristes remontait de nouveau en 2007. En 2010, il s’est élevé à 420 000. On assiste donc, depuis 2000, à une stagnation de la fréquentation : malgré les efforts des élus et des professionnels du tourisme, ce secteur d’activité ne décolle pas, faisant dire à certains professionnels qu’il s’agit d’un tourisme « ronronnant ».
Pourtant, l’île ne manque pas d’atouts. Consciente de son manque d’attractivité en tant qu’île balnéaire – elle ne compte en effet que 30 kilomètres de plages, alors que l’île Maurice voisine en compte 160, sur un territoire plus exigu –, la Réunion a également misé sur la diversité, l’originalité et la beauté de ses paysages – nature exubérante, volcan en activité accessible et peu dangereux, littoral « sauvage », forêt primaire, cirques, entre autres – et sur le développement des activités liées à la nature, avec un positionnement « montagne, mer et écotourisme » – l’île compte en effet, notamment, 800 kilomètres de sentiers balisés de randonnées et de nombreux gîtes de montagne.
Ainsi, dès 1995, la protection des milieux naturels et agricoles a été définie comme un impératif par le schéma d’aménagement régional. Au fil des années, des outils réglementaires ont renforcé cet acquis avec la création du Parc national et de la Réserve naturelle nationale maritime. Cette dernière intègre 80 % des récifs coralliens de l’île, alors que, dans le monde, seuls 5 % des récifs coralliens bénéficient de mesures de protection. Des sites et paysages remarquables ont ainsi pu être préservés du mitage urbain suscité par la pression sur le foncier que subit le département du fait de la faible superficie de son territoire, d'une part, et de sa démographie dynamique, d'autre part.
Depuis le 1er août 2010, quelque 40 % du territoire réunionnais sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, d’autant que 30 % des espaces qui le constituent sont restés intacts depuis la découverte de l’île. Ce classement apporte une notoriété et une visibilité qui assoient la réputation de la Réunion comme territoire d’exception, avec des retombées touristiques prometteuses.
Même si certains sites ont pu être sanctuarisés, il n’en reste pas moins que cette richesse naturelle est fragile et fortement menacée si rien n’est entrepris pour, tout à la fois, la préserver et la valoriser. Le rapport du Comité national de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, notifie clairement que, sur les 905 variétés de fougères indigènes et de plantes à fleurs de la Réunion, 49 espèces végétales ont disparu, tandis que 275 autres, soit 30 % du total, sont menacées, une situation préoccupante pour la flore de notre île. Il y a donc urgence à prendre des mesures, parmi lesquelles la formation de personnels à la protection et la mise en valeur de ce patrimoine naturel.
Je réitère ici ma proposition de créer, pour l’environnement, un service d’intérêt public. L’Union européenne vient de reconnaître l’enjeu de la préservation de cette biodiversité en accordant aux régions ultrapériphériques, les RUP, et aux pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, des financements destinés à la valorisation et la protection de leur biodiversité, dans le cadre du programme BEST.
Au tourisme de masse, la Réunion a donc préféré un tourisme équilibré, authentique, mesuré et intégré, ce qui a permis l’émergence de démarches responsables visant à l’amélioration de l’environnement et de la vie en milieu rural et à la diversification rurale. C’est le cas de la mise en valeur de la route Hubert-Delisle, mais aussi de la préservation et de la valorisation des villages créoles.
Ce choix offre au département des perspectives intéressantes, telles que le développement des produits haut de gamme intégrés dans l’environnement et respectueux de la norme « haute qualité environnementale », ou HQE.
Malheureusement, notre île cumule également des faiblesses, notamment dans l’offre d’hébergement, qui reste insuffisante avec ses 2 200 chambres en hôtels classés. Malgré la rénovation de friches hôtelières, la capacité d’accueil de qualité risque de rester insuffisante. Il faut du foncier, qui est difficile à trouver, d’autant que cette offre se polarise autour de la station balnéaire de l’ouest, déjà marquée par une densité relativement forte. D’où la nécessité de rendre prioritaire la création d’un hébergement hôtelier classé dans des zones à potentiel attractif comme le volcan ou les cirques. Une étude sur l’installation d’« écolodges » dans le parc national est actuellement en cours.
La diversification de ses clientèles constitue une autre faiblesse de la Réunion. Comme aux Antilles, les touristes en provenance de la France continentale y sont fortement majoritaires, puisqu’ils représentent 80 % de la clientèle. Cela s’explique en partie par l’éloignement de l’île des grands couloirs aériens et par l’absence de liaisons directes avec les grandes capitales européennes.
La Réunion tente également de se tourner vers une autre clientèle, celle des pays du grand océan Indien – Afrique du Sud, Madagascar, Maurice, Seychelles, Australie, Inde, Chine… Pourtant, le développement du tourisme avec ces pays se heurte à un problème de délivrance de visas. Au nom d’une politique sécuritaire qui voit avant tout dans l’étranger en provenance de ces pays un immigré clandestin potentiel, ces documents doivent être obtenus au départ du pays de résidence, après constitution d’un dossier composé de pièces justificatives parfois invraisemblables.
Nous avons tous entendu – les professionnels du tourisme les premiers – les promesses d’Yves Jégo, alors secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, d’installer dans les aéroports réunionnais des bureaux de délivrance de visas, puis celles du Premier ministre, François Fillon, d’intégrer la Réunion à l’espace Schengen avant la fin 2009. Nous attendons toujours !
Pour contourner cet obstacle administratif, il est désormais possible à tout étranger d’entrer à la Réunion sans visa, à condition de passer par l’île Maurice et par une agence de voyages. Cette mesure méprisante à l’égard des Réunionnais et de nos voisins isole davantage l’île, bloque notre développement touristique et lèse la seule compagnie aérienne réunionnaise desservant la zone.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, la Réunion dispose d’un potentiel touristique bien réel. Nous en sommes conscients depuis une vingtaine d’années. Encore faut-il que nous le soyons tous, et que nous travaillons dans la même perspective !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à la suite du rapport d’information de notre collègue Michel Magras, réalisé au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur le tourisme en Guadeloupe et en Martinique, nous avons le plaisir de débattre aujourd’hui du tourisme et de l’environnement en outre-mer – deux thèmes qui sont désormais indissociables, car on ne peut imaginer, pour nos territoires insulaires, une politique touristique qui ignorerait les enjeux environnementaux.
À ce propos, je note avec satisfaction l’intérêt renouvelé pour l’outre-mer manifesté à l’occasion du Conseil interministériel de la mer du 10 juin dernier, dans le cadre de la politique de protection de l’environnement marin, à laquelle Mayotte prend toute sa part avec le Parc naturel marin, dont le Président de la République nous a fait l’honneur de venir lancer la création le 18 janvier 2010. Couvrant une superficie de 70 000 kilomètres carrés, le Parc naturel marin de Mayotte jouera un rôle essentiel dans la protection de la biodiversité marine, contribuera à mieux réguler les activités maritimes, notamment la pêche, et constituera un élément majeur dans le développement d’une politique touristique moderne.
L’isolement dont Mayotte a souffert jusqu’à ces dernières années, d’une part, a contribué à préserver ce patrimoine, et, d’autre part, a constitué un frein à l’ouverture du territoire sur sa région et à son inscription dans les grands réseaux touristiques du monde. Cependant, l’essor des liaisons aéroportuaires, marqué par l’arrivée de plusieurs compagnies aériennes régionales et nationales, permet, peu à peu, un meilleur désenclavement du jeune département, à tel point que nous sommes passés de 6 700 touristes en 1995 à près de 53 000 touristes en 2010, en provenance essentiellement de la métropole et de la Réunion.
Malgré une demande touristique en forte hausse, un des plus gros handicaps du département réside dans sa capacité d’hébergement, car, en 2007, l’île ne disposait que de 750 lits avec une dizaine d’hôtels et une trentaine de gîtes. À ce rythme, il sera très difficile de respecter les engagements du plan d’aménagement et de développement durable, le PADD, qui prévoit l’accueil d’environ 150 000 touristes par an à l’horizon 2020.
Pour répondre à cet objectif, le plan d’aménagement et de développement durable, document d’urbanisme de référence valant schéma de mise en valeur de la mer, validé par le Conseil d’État le 15 janvier 2008, a identifié neuf sites stratégiques pouvant accueillir des projets hôteliers d’envergure, en dérogation à la loi littoral du 3 janvier 1986, conformément à l’ordonnance n° 2005-868 du 28 juillet 2005 relative à l’actualisation et à l’adaptation du droit de l’urbanisme à Mayotte.
C’est dans ce cadre que l’État et le département ont lancé, depuis janvier dernier, des appels à projet concernant quatre des neuf sites identifiés par le PADD à Bandrélé, Sada et Bouéni. À ce jour, une dizaine de projets concourent pour la construction de complexes hôteliers sous forme de « safari lodge » et d’« écolodge ».
Outre le PADD, le schéma de développement et d’aménagement du tourisme et des loisirs de Mayotte, réalisé par le comité du tourisme, s’inscrit dans une perspective de développement durable et retient, pour l’horizon 2020, la réalisation de plusieurs actions d’envergure, notamment l’aménagement d’équipements structurants tels que l’aéroport et les gares maritimes, l’aménagement du littoral de Mamoudzou, des plages et des pontons, des pôles de mouillage, des centres administratifs et économiques, des circuits de randonnées, de jardins botaniques, de grandes opérations d’investissement dont le coût global est estimé à plus de 500 millions d’euros.
L’autre grand chantier, inscrit dans le contrat de projet 2008-2013, est la construction d’un complexe aéroportuaire, avec une nouvelle aérogare qui devrait être livrée dans deux ans, ainsi qu’une piste longue adaptée aux longs courriers, capable d’ouvrir Mayotte à l’international, à l’horizon 2015 – du moins nous l’espérons –, et d’accueillir 715 000 passagers en 2020.
À ce titre, une commission particulière du débat public, dont les travaux commencent officiellement aujourd’hui, a été installée afin de permettre la concertation autour de ce grand projet dont le coût est estimé à 230 millions d’euros et qui est considéré par la Commission nationale du débat public comme revêtant « un caractère d’intérêt national », tant il « constitue un élément essentiel du dispositif de continuité territoriale », et pouvant « favoriser le développement des activités économiques » du département, notamment dans le domaine touristique.
S’agissant du respect de l’environnement, on peut noter que, d’une part, une évaluation a été réalisée sur les conséquences éventuelles sur l’écosystème marin, et, d’autre part, les mesures d’accompagnement, qui pourront être détaillées durant le débat public, concerneront non seulement la période de travaux, mais aussi celle de l’exploitation de l’aéroport, car, au même titre que les projets d’aménagement touristique arrêtés par le PADD, la construction d’une piste longue à Mayotte bénéficie d’une dérogation à la loi littoral.
Face aux grands enjeux actuels, les pouvoirs publics et les professionnels ont pris conscience que Mayotte ne pourra se diriger vers un tourisme de masse, potentiellement destructeur à la fois pour le patrimoine naturel et pour le patrimoine culturel du département. Avec les exigences du PADD, la construction d’un complexe aéroportuaire répondant aux normes environnementales et le Parc naturel marin, Mayotte prend le chemin d’un tourisme « plutôt vert ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, il y a un premier point commun entre les quatre départements d’outre-mer : dans les axes stratégiques de la zone franche globale, le tourisme figure en première place. Il existe également un second point commun entre ces territoires : cette activité connaît de sérieuses difficultés.
La courbe de fréquentation touristique aux Antilles n’a cessé de baisser ! À la Réunion, comme l’a souligné ma collègue Gélita Hoarau, elle est en légère progression, mais son évolution est souvent chaotique. Pourtant, nous avons englouti des milliards d’euros dans des équipements hôteliers – pour avoir voté, et même rédigé, la loi de défiscalisation de 1986, sous la houlette de MM. Jacques Chirac, Alain Juppé et Bernard Pons, je suis bien placé pour le savoir. Le problème ne tient donc pas au manque d’argent, ou de volonté politique : c’est une question de culture.
J’ai eu l’honneur et le plaisir d’accompagner l’un des « pères fondateurs » de l’île Maurice, Sir Gaëtan Duval, qui, en 1969, alors que j’accomplissais mes premiers pas en politique, s’est lié d’amitié avec moi et m’a dit : « Regarde comment nous allons développer le tourisme à l’île Maurice ».
Il y avait très peu de touristes à cette époque. À l’île Maurice, il n’y a pas eu de loi de défiscalisation, ni de loi Perben, ni de loi Jégo. En revanche, tout un peuple s’est mobilisé pour sortir de la misère et se hisser dans la compétition internationale, grâce – j’y insiste – à la culture de l’accueil, du travail bien fait et de la perfection.
Nous, nous en sommes loin ! Nous sommes des enfants gâtés de la République. Nous travaillons quand nous en avons envie… Et à des ouvriers ou à des cadres qui ont économisé plusieurs centaines d’euros par mois pour aller au soleil et qui viennent d’aller se baigner dans la mer, nous disons : « Il y a grève aujourd'hui, vous ne prendrez pas de douche. » Et cela passe dans le journal de France 2 !
Sourires
Pourquoi cacher la vérité, madame la ministre ? Il faut la dire ! Quand vous avez un cancer, il vaut mieux que le médecin qui a réalisé votre scanner vous dise qu’il ne vous reste plus que deux mois à vivre, parce que des métastases se sont développées, plutôt que de vous faire croire que vous pourrez participer au futur raid réunionnais…
Nous, élus, nous ne sommes pas chargés de développer le tourisme comme si nous étions l’alpha et l’oméga de la société ! Nous sommes là pour indiquer la direction et les sacrifices nécessaires, sans répéter sans cesse : « Le Gouvernement n’a qu’à ».
J’ai la chance d’avoir été parlementaire pendant vingt et un ans – j’espère d'ailleurs pouvoir continuer si les Réunionnais m’y autorisent.
Nouveaux sourires.
J’ai rédigé la loi Perben, au travers de laquelle nous avons diminué les coûts de production en décidant certaines exonérations de charges sociales ; j’ai également rédigé la loi Jégo.
Mon sentiment est qu’il faudra bien un jour dire aux Antillais, aux Martiniquais et aux Réunionnais : « Si vous voulez développer le tourisme, ayez la culture de l’accueil et du travail bien fait », car personne n’attend ni la Réunion ni les Antilles sur ce marché. Certains pays font du tourisme un moyen pour lutter contre la misère et pour survivre. Pour nous, il s'agit d’une activité accessoire. Cela ne peut pas fonctionner !
Nous devons passer de la culture de l’amateurisme à celle du professionnalisme. Je vois dans certaines îles – je ne les citerai pas – des hôtels défiscalisés en ruine, qui ont coûté des millions d’euros aux contribuables ! Je suis d’accord avec vous, monsieur Magras : il faut faire de la défiscalisation, qui est devenue un produit financier abusif, l’instrument d’un projet industriel dûment voulu par des professionnels.
La défiscalisation ne doit plus être orientée vers des contribuables aisés qui veulent placer leur argent dans des outils dont ils se moquent complètement. Elle doit servir des projets de développement.
La liste serait longue des mesures qu’il convient d’adopter. Dans le temps qui m’est imparti, je soulignerai simplement que certains freins doivent être levés si nous voulons développer le tourisme outre-mer. L’obstacle de la langue, en particulier, doit être combattu.
Pour accueillir des touristes, il faut parler anglais, espagnol ou allemand. Si l’on n’en est pas capable, il faut changer d’activité !
Pour accueillir des touristes, il faut que les offices du tourisme soient ouverts le week-end. Or, avec les 35 heures, sous les tropiques, on ne travaille pas en fin de semaine et ces établissements sont donc fermés, du moins à la Réunion…
Pour accueillir des touristes, il faut avoir la culture du rêve. En effet, quelqu'un qui part en vacances s’est serré la ceinture. Si son rêve se transforme en cauchemar, comme c’est souvent le cas, il ne reviendra plus et il dira à ses amis de ne pas venir.
J’interviens à cette tribune aujourd'hui pour rendre service à mes compatriotes d’outre-mer.
Oui, et ce n’est pas en cachant la vérité, cher collègue, que l’on fait avancer les choses !
Dans la mondialisation, le tourisme est aujourd'hui l’un des secteurs les plus pointus et qui connaissent la plus forte concurrence. Si on veut le développer, il faut se retrousser les manches. Il faut faire en sorte que certains obstacles, qui relèvent de la responsabilité des élus, soient supprimés, comme pour les visas, dont on a parlé tout à l’heure. Il faut aussi que le coût du transport diminue, mais cela ne relève pas de la responsabilité du Gouvernement, les compagnies aériennes fixant librement leurs tarifs dans le cadre de leurs comptes d’exploitation. Nous sommes dans une économie non plus dirigée, mais libre !
Dès lors, monsieur Magras, peut-être pourrait-on diminuer la défiscalisation qui s’applique aux hôtels et accroître celle qui bénéficie au transport aérien, afin que l’on puisse offrir des billets d’avion moins chers incorporés à un package plus compatible avec les niveaux de service proposés ?
M. Daniel Raoul sourit.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais formuler. Toutefois, de grâce, ne polémiquez pas sur mon attitude. Celle-ci est en réalité responsable. J’ai toujours milité pour le développement économique de l’outre-mer, ici comme à l’Assemblée nationale, …
… mais ce développement ne peut être fait d’hypocrisie, de faux-semblants et de transferts de responsabilités.
Nous, les Domiens, nous sommes chargés d’accueillir les touristes. Mettons tous les atouts de notre côté, attelons-nous sérieusement à la tâche, car ce n’est là pas seulement le travail du Gouvernement !
Vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, le tourisme est assez largement reconnu par l’opinion martiniquaise – c’est particulièrement vrai aujourd'hui – comme l’un des secteurs clefs sur lequel doit reposer le développement de la Martinique.
Cependant, malgré les efforts financiers incontestables consentis par les acteurs locaux publics et privés et la mise en place, en 2004, du Comité martiniquais du tourisme, le tourisme martiniquais traverse, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, une très grave crise, que les événements sociaux de 2009 n’ont évidemment fait qu’accentuer. La situation est d’autant plus préoccupante que les différentes mesures prises après février 2009 n’ont manifestement pas produit les effets escomptés.
Le débat qui se déroule aujourd’hui est donc, pour nous, l’occasion de nous interroger sur la pertinence de ces mesures qui, eu égard aux effets d’annonce, avaient fait naître beaucoup d’espoirs, mais suscitent désormais autant de déceptions.
En fait, l’efficacité de ces mesures a été compromise, pour une bonne part, par les retards importants mis à les appliquer. Elle a parfois pâti de leur inadaptation, et, le plus souvent, de la complexité des procédures liées à leur mise en œuvre.
Ainsi, 80 % à 90 % des établissements hôteliers connaissent toujours de très graves difficultés financières mais ne parviennent pas à bénéficier de l’aide à la rénovation hôtelière, qui subordonne l’octroi de l’aide au fait que l’exploitant soit à jour de l’ensemble de ses dettes sociales et fiscales.
À l’évidence, il est indispensable d’assouplir les procédures et d’allonger les délais permettant aux hôteliers et aux restaurateurs en grande difficulté de bénéficier du dispositif d’apurement des dettes fiscales et sociales. Il s’agit non pas de pérenniser un tel dispositif, mais de l’utiliser ponctuellement comme le moyen de promouvoir le lancement d’un nombre significatif d’opérations de rénovation, afin de sauvegarder l’existant, car il faut déjà commencer par là.
Par ailleurs, il me semble nécessaire d’envisager la mise en œuvre de deux dispositions supplémentaires.
Je pense, d’une part, au rétablissement, pour le secteur du tourisme, du dispositif emploi-solidarité que j’avais fait introduire dans la loi d’orientation pour l’outre-mer, qui favoriserait l’arrivée de jeunes professionnels ayant pu bénéficier d’une formation moderne et poussée, et, d’autre part, à la suppression temporaire, d’une durée de deux ou trois ans, du plafond de l’aide publique fixé actuellement à 60 %. Il s’agit d’une dérogation à négocier avec l’Europe, afin de traiter avec une efficacité suffisante des situations qui justifient un soutien particulier.
Cependant, j’ai la conviction que, au-delà des mesures que je viens d’évoquer, le débat d’aujourd’hui doit être surtout l’occasion d’affirmer la nécessité d’engager une véritable révolution culturelle dans la manière de concevoir le tourisme aux Antilles.
Cette nécessité apparaît d’ailleurs en filigrane dans le rapport de notre collègue Michel Magras, qui évoque, à juste titre, l’orientation qu’il faut prendre vers un tourisme durable. Toutefois, il importe de donner tout son sens à cette dernière notion.
En effet, le tourisme durable ne doit pas se limiter à ce qu’il est convenu d’appeler un « éco-tourisme ». L’attractivité des territoires antillais devrait reposer sur une valorisation beaucoup plus volontariste et innovante de leurs patrimoines : le patrimoine naturel, riche d’une exceptionnelle biodiversité, et le patrimoine culturel, dont on connaît la profonde originalité.
Une telle valorisation doit, bien entendu, aller de pair avec la mise en place d’infrastructures de qualité, particulièrement respectueuses de l’environnement.
Dans cette perspective, il faut, à l’évidence, envoyer un signal fort.
Pourquoi, par exemple, ne pas décréter l’outre-mer français et, plus particulièrement, les Antilles « zone prioritaire de tourisme durable », à l’instar de ce qu’a fait l’AEC, l’Association des États de la Caraïbe, pour cette zone ?
Certes, il faut envoyer un signal fort, mais, soyons réalistes, il faut aussi des moyens.
L’État doit, à cette fin, accompagner de manière significative les initiatives locales, qui, en la matière, contrairement à ce que j’entends ici ou là, sont nombreuses et originales. Nombre d’entre elles sont portées par les communes, mais on connaît les difficultés financières de ces dernières. Une telle implication donnerait tout son sens à la déclaration faite par le Président de la République en janvier dernier à Schœlcher. « Si c’est le choix des Martiniquais de s’investir dans le tourisme », a-t-il dit, « l’État répondra présent massivement. »
Je souhaite, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions sur la façon dont cet engagement sera concrétisé.
Certes, on ne peut plus douter, j’en suis convaincu, de l’existence d’une volonté locale, surtout s’agissant d’un tourisme respectueux de l’environnement – mieux, d’un tourisme utilisant l’environnement comme atout. Néanmoins, pour que cette volonté se manifeste pleinement, il faut que tous – professionnels du tourisme, bien sûr, mais également agriculteurs, pêcheurs, transporteurs, artisans, commerçants, etc. – soient réellement parties prenantes de la politique touristique et soient assurés d’en tirer de véritables retombées économiques. Ce n’est d’ailleurs qu’à cette condition que l’on pourra parler de « tourisme durable » et que celui-ci sera réellement porteur de développement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le tourisme et l’environnement sont aujourd’hui de plus en plus liés, comme le souligne, dans son rapport, notre collègue Michel Magras, que je salue et que je remercie pour son travail. Je félicite également la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et, tout particulièrement, son président, Jean-Paul Emorine, d’avoir pris l’initiative d’engager ce débat, en l’axant sur l’outre-mer dans son ensemble.
La gestion du domaine du tourisme dans nos collectivités ultra-marines doit s’enraciner dans la réalité de la sauvegarde de notre environnement. Les écosystèmes naturels des outre-mer font partie des « points chauds » de la biodiversité et sont considérés comme les zones les plus riches, mais aussi les plus menacées de la planète.
À cet égard, je citerai deux chiffres pour illustrer la richesse de la biodiversité ultramarine : plus de 98 % des espèces endémiques de vertébrés et 96 % des espèces endémiques de plantes vasculaires de France sont concentrées dans les outre-mer.
Nos lagons et nos récifs coralliens sont aussi des atouts essentiels dans le développement du tourisme.
Permettez, madame la présidente, au représentant du Sénat au Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens, l’IFRECOR, qui a été créé en 1999, d’insister quelque peu sur ce secteur important et sur les atouts qu’il représente.
Notre pays a pris conscience de sa lourde responsabilité dans ce domaine car, grâce à ses outre-mer, la France est le seul État au monde à disposer de récifs coralliens dans les différents océans de la planète. Elle accueille, à elle seule, 10 % des récifs coralliens recensés dans le monde, et leur préservation est essentielle non seulement pour la protection de la biodiversité, mais aussi pour le développement socio-économique des territoires d’outre-mer.
Pour souligner l’importance de ce domaine, je rappelle que, dans le monde, les revenus annuels du tourisme dans les milieux coralliens sont estimés à environ 10 milliards de dollars américains.
Beaucoup de choses sont réalisées pour améliorer l’exploitation de nos lagons et récifs coralliens, mais je tiens à citer l’exemple de l’île de Bonaire, dans les Antilles néerlandaises, que j’ai eu la chance de visiter, et qui a créé, en 1979, un parc marin dont la mission est de favoriser un tourisme contribuant à la préservation du milieu naturel. Des gardes y font respecter l’interdiction de ramassage des coraux, de la chasse sous-marine au harpon et de la pêche commerciale. L’entrée y est payante depuis 1992 pour parvenir à l’autofinancement. Le parc marin de Bonaire a été l’une des premières zones de ce type à atteindre cet objectif ; il ne dépend pas de l’argent provenant de fondations ou issu de la collecte des impôts. Ce sont près de 30 000 personnes qui le visitent chaque année.
Cette gestion rationnelle et durable d’un territoire marin protégé comme celui de Bonaire n’est malheureusement pas étendue à l’ensemble des 660 zones marines protégées recensées dans le monde et possédant des récifs coralliens, car beaucoup de ces dernières n’existent, en fait, que sur le papier, et sont très souvent mal gérées faute de moyens.
Le travail réalisé par l’IFRECOR a notamment permis d’évaluer économiquement l’apport des récifs coralliens aux différentes collectivités d’outre-mer, par la protection du trait de côte ou comme source de revenus, notamment dans les domaines du tourisme et de la pêche. Il a aussi permis de chiffrer les conséquences financières de la dégradation des récifs. La disparition des barrières de corail et des lagons qu’elle protège ne constitue pas seulement une perte de biodiversité : elle peut également entraîner celle de régions entières, qui ne sont plus protégées contre la mer.
Je souhaite que l’IFRECOR puisse poursuivre son travail si utile pour la protection et la gestion des récifs coralliens et, par conséquent, pour le développement d’un tourisme durable. Je sais, madame la ministre, que vous suivez très attentivement ses travaux et que vous avez approuvé son plan de travail pour la période 2011-2015, dont l’objectif premier est le maintien du bon état écologique des écosystèmes littoraux – par la création d’aires marines protégées, le renforcement des politiques d’assainissement et de lutte contre les pollutions, la gestion du trait de côte –, et dont un autre objectif principal est la poursuite de la collecte et la mise à disposition des données sur la biodiversité récifale de l’outre-mer.
Pour conclure, je veux rapidement évoquer la situation de mon territoire, où l’activité touristique demeure embryonnaire.
L’isolement et l’enclavement de Wallis-et-Futuna rendent difficile le développement du tourisme. Un projet de desserte Wallis-Fidji est en cours de réflexion. Je souhaiterais, madame la ministre, que le Gouvernement s’implique fortement dans ce projet qui pourrait étendre aux îles de Wallis et Futuna le marché touristique de Fidji, qui reçoit aujourd'hui plus de 600 000 visiteurs ; Wallis-et-Futuna pourrait ainsi capter quelques dizaines de ses touristes, notamment américains.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le tourisme est un élément fondamental de la vitalité et de la pérennité de l’économie guadeloupéenne.
La Guadeloupe dispose, en effet, d’un immense potentiel en ce domaine, qu’il s’agisse de son patrimoine naturel, culturel et bien sûr culinaire. Pourtant, le tourisme antillais traverse aujourd'hui une grave crise, et cela depuis le début des années 2000.
La Guadeloupe et sa voisine, la Martinique, longtemps destinations touristiques de premier ordre, connaissent maintenant de profondes difficultés. En dix ans, ce ne sont pas moins de 400 000 touristes qui ont privé nos territoires de leurs séjours, le parc hôtelier antillais ayant, quant à lui, été divisé par deux.
Face à un constat aussi alarmant, notre première réaction doit être celle de la lucidité.
Tout d’abord, nous devons être lucides face aux points faibles qui touchent le tourisme guadeloupéen, qu’il s’agisse de l’instabilité sociale ou du haut niveau de charges de l’hôtellerie, dont 80 % des structures sont aujourd’hui déficitaires.
Ensuite, nous devons être lucides face à l’exigence sans cesse croissante du secteur touristique, de plus en plus compétitif.
Enfin, nous devons être lucides face au défi que constitue la définition d’une stratégie touristique finement élaborée et pérenne pour la Guadeloupe.
À cet égard, je tiens à saluer le travail réalisé par mon collègue Michel Magras. L’analyse très précise à laquelle il s’est livré a posé les premiers jalons d’une réelle compréhension de la question et d’une relance pérenne du secteur touristique antillais.
Je souscris à l’idée d’une mobilisation de l’ensemble des acteurs dans le cadre d’un véritable projet de territoire, qui donne la priorité à l’activité touristique, laquelle ne représente actuellement que 8 % environ de notre PIB, contre 40 % à 50 % dans les îles environnantes. Cela implique de tourner la page d’une mono-clientèle exclusivement métropolitaine, qui constitue un handicap important, en intégrant l’ère du bilinguisme, préalable incontournable à l’ouverture de la destination Guadeloupe aux marchés européen et nord-américain.
Si l’enseignement des langues étrangères devient de plus en plus nécessaire dans l’ensemble des départements français, il l’est très certainement encore davantage en Guadeloupe. C’est pourquoi nous devons, madame la ministre, mes chers collègues, faire preuve d’audace et d’ambition pour l’outre-mer, en promouvant l’apprentissage d’au moins une langue étrangère dès le primaire.
La notion de « tourisme intégré », chère à notre collègue Michel Magras, suppose également la préservation du milieu naturel et de l’environnement.
À cet égard, les Guadeloupéens savent à quel point l’affichage publicitaire sauvage nuit à l’image de leur île.
C’est pourquoi je propose que soit mis en œuvre, sans tarder, un règlement départemental sur l’affichage publicitaire de nature à réguler les atteintes au cadre de vie, ce qui constitue l’une des clefs de la réussite d’une destination. De toute évidence, la communication par voie d’affiches autour des splendeurs de la Guadeloupe doit impérativement passer avant la multiplicité d’annonces consuméristes et désordonnées. Cette règle est indissociable d’une politique touristique efficace.
Chers collègues, si une refondation véritable est en marche dans les consciences, elle demande à être prise en compte par les pouvoirs publics. L’avenir du tourisme guadeloupéen passe donc indiscutablement par un accompagnement appuyé de l’État s’agissant notamment du renouvellement du parc hôtelier de la Guadeloupe – je parle pour ce seul département, monsieur Virapoullé !
Sourires
L’hôtellerie fait partie des secteurs les plus durement touchés par la baisse de l’activité touristique.
Des projets de rénovations des établissements hôteliers ont été lancés en Guadeloupe et en Martinique ; il importe que l’État encourage ces initiatives. De telles incitations sont d’autant plus essentielles que l’obsolescence du parc hôtelier antillais est devenue intolérable dans un contexte de compétitivité accrue des îles voisines.
Je le répète, soyons lucides : une véritable rénovation du parc hôtelier pourra permettre à la Guadeloupe de repartir d’un bon pied.
Mes chers collègues, contrairement aux apparences, ces espérances ne sont pas l’affaire exclusive de l’outre-mer. En effet, le succès du tourisme antillais aura, bien sûr, des retombées positives sur le rayonnement de la France tout entière dans le domaine du tourisme. Il peut être porteur d’activité et d’emplois, à condition que l’État se mobilise résolument aux côtés des acteurs locaux et des collectivités.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la richesse de nos échanges d’aujourd’hui traduit la pertinence du sujet traité par M. Michel Magras, qui a choisi l’angle environnemental pour revisiter la question centrale du tourisme dans le développement économique des Antilles. Elle traduit aussi et surtout la nécessité d’agir pour en faire un secteur d’excellence pour le développement économique et social.
En préambule, je tiens donc à remercier la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat d’avoir retenu ce sujet, ainsi que, bien sûr, M. Michel Magras de la qualité de son travail et du caractère très opérationnel de ses propositions.
Je ne reviendrai pas sur le constat de M. Magras ; il est très largement partagé. Je préfère centrer mon propos sur certaines recommandations qui ont été débattues aujourd’hui et qui concernent plus particulièrement l’État.
Je tiens tout d’abord à marquer mon complet accord avec la première recommandation, qui consiste à faire du tourisme un secteur prioritaire de développement pour les Antilles.
Comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur Magras, pendant longtemps le tourisme a été plus « subi » que « voulu ». Comme vous, je suis convaincue que les élus et la population doivent maintenant s’approprier ce secteur.
Il est vrai que la Martinique a franchi le pas. La décision du Président de la République de faire de cette thématique un point fort de son dernier déplacement aux Antilles a joué un rôle décisif à cet égard, me semble-t-il.
Je me suis moi-même rendue aux Antilles à la fin du mois de mai, avec mon collègue Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé – entre autres – du tourisme, pour faire un point d’avancement six mois après la visite du chef de l’État. Je l’ai constaté à tous les niveaux, que ce soit la région, bien sûr, mais aussi les chambres consulaires et les différents services de l’État : les acteurs se mobilisent pour avancer concrètement, ensemble, dans ce domaine.
Je me suis également rendue en Guadeloupe. Vous avez raison, monsieur Magras, on perçoit une évolution positive dans ce département : les acteurs souhaitent prendre des décisions fortes dans ce domaine et les faire partager à la population.
Plus qu’une évolution, il s’agit d’une véritable révolution culturelle : repenser le développement économique et social des Antilles à partir du tourisme et pour le tourisme. Cela ne signifie pas, bien sûr, que les autres secteurs n’ont pas leur place, tout au contraire. Les initiatives prises par la région Martinique pour favoriser la consommation de « produits pays » dans les hôtels sont là pour le prouver : le tourisme peut et doit servir de moteur pour d’autres secteurs de développement endogène.
Ces efforts traduisent la prise de conscience que le tourisme ne peut réussir dans un contexte très concurrentiel qu’à la condition d’être porté à un haut niveau d’exigence et de professionnalisme, nécessitant une mobilisation de tous les acteurs sur le terrain.
S’agissant d’une compétence largement décentralisée, il faut tout de même souligner que l’État accompagne autant que possible les collectivités dans ce domaine, en outre-mer bien plus qu’en métropole d’ailleurs. Toutes les mesures consacrées au tourisme dans la loi pour le développement économique des outre-mer, dite « LODEOM », et du Conseil interministériel de l’outre-mer, le CIOM, ont à présent été adoptées.
Je rappelle notamment que le tourisme fait partie des secteurs prioritaires des zones franches d’activités créées par la LODEOM, ce qui signifie des exonérations renforcées de charges sociales et d’impôts, dont ont bénéficié bon nombre d’hôteliers, monsieur Serge Larcher. Cette mesure a permis d’empêcher la fermeture de certains établissements pendant la crise.
Monsieur Magras, en réponse à votre recommandation d’installer une conférence locale sur le tourisme, je puis vous indiquer que j’ai déjà lancé un dispositif similaire avec la création de « comités d’orientation stratégique du tourisme », les COST. Ceux-ci réunissent les principaux responsables locaux qui ont à connaître du tourisme – préfets, présidents de région et de département, élus consulaires, entre autres – pour s’assurer que chacun se mobilise bien dans son domaine de compétences. En fait, il s’agit de partager un plan d’action opérationnel et de le suivre collectivement.
Un tel comité a déjà été installé à la Réunion, à la Martinique et en Polynésie française. Pour engager ses travaux, il a pu s’appuyer sur les études stratégiques réalisées à la demande de mon ministère par Atout France.
Pour vous répondre, monsieur Serge Larcher, je vous indiquerai que l’on assiste depuis quelque temps à une reprise de l’activité touristique. Le dernier rapport de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, l’IEDOM, le montre bien, en particulier pour les Antilles et la Réunion.
Monsieur Magras, votre deuxième recommandation concerne la maîtrise et l’enseignement des langues étrangères. À cet égard, vous avez tout à fait raison, nous pouvons déjà nous féliciter des expérimentations de l’apprentissage de l’anglais dès le plus jeune âge qui sont menées dans le cadre périscolaire par certaines municipalités en Guadeloupe.
Dans les lycées, on peut souligner la mise en place de filières d’excellence en langues, telles que la filière CAMBRIDGE, et l’existence des sections euro-caribéennes, qui fonctionnent sur le modèle des sections européennes.
À ce stade, il est sans doute difficile d’aller beaucoup plus loin, compte tenu à la fois de l’encadrement fixé par les programmes nationaux, que le Gouvernement s’efforce justement d’alléger, et de la priorité donnée à l’acquisition des fondamentaux et à la lutte contre l’illettrisme.
Votre troisième recommandation concerne la desserte des Antilles depuis l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Comme vous l’avez souligné, cette mesure correspondait à une demande forte pour diversifier la clientèle et toucher un public plus européen. Toutefois, comme l’a fait remarquer M. Jean-Paul Virapoullé, elle ne peut en aucun cas régler l’ensemble des difficultés du tourisme antillais. Je serais même tentée de dire que c’est le contraire : cette nouvelle desserte servira de révélateur de nos faiblesses, car nous serons confrontés à un nouveau public plus exigeant quant à la qualité de l’offre et du service.
C’est pourquoi, avec mes collègues du Gouvernement Frédéric Lefebvre et Thierry Mariani, j’ai confié au directeur général d’Atout France, M. Christian Mantei, la mission de négocier un « contrat de destination » recensant les engagements de l’ensemble des parties prenantes dans la réussite de ce projet.
Je me suis rendue aux Antilles le 25 mai dernier pour signer ce contrat de destination avec les régions, les conseils régionaux, les comités du tourisme, les chambres consulaires, Air France et les professionnels.
En complément, mon ministère s’est engagé financièrement avec les comités du tourisme des Antilles pour réaliser, lors du lancement de cette ligne, une grande campagne de communication et de promotion sur les marchés italien, belge, suisse et allemand.
Je puis vous annoncer que, à l’occasion de l’année des outre-mer, nous travaillons actuellement à un projet d’expositions de photographies à Roissy-Charles-de-Gaulle pour le lancement de la ligne vers les Antilles.
Je tiens vraiment à souligner la qualité du travail réalisé, son caractère fortement partenarial et innovant, et cela dans un délai très court. Reste à présent à tenir nos engagements respectifs pour faire de ce nouvel essai voulu par le Président de la République une clef de la relance du tourisme aux Antilles.
Bien sûr, on peut toujours critiquer ces projets et considérer, notamment, qu’une desserte hebdomadaire est insuffisante. Je crois pourtant qu’il faut commencer à cette échelle pour prouver que cette mesure fonctionne et prendre le temps de remettre à niveau la destination.
Je suis particulièrement confiante dans la réussite de ce projet. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous êtes à présent convaincus de la mobilisation de l’État pour en faire un succès, même si ce dernier dépendra aussi de nombreux autres acteurs, à commencer par les professionnels locaux.
Monsieur Magras, vous proposez également de passer à ce que vous avez appelé une « défiscalisation de projet ». Je m’arrêterai sur cette proposition.
Sachez que ce problème fait pleinement partie de mes préoccupations. Le ministère dont j’ai la charge s’attache à donner la priorité aux projets dont la rentabilité économique est avérée et qui s’appuient sur des professionnels et des enseignes reconnues, afin de favoriser leur commercialisation et, comme l’a souligné M. Jean-Paul Virapoullé, d’éviter les erreurs du passé.
Concernant la durée d’utilisation du bien, je veux vous préciser que la loi pour le développement économique des outre-mer l’a déjà portée à sept ans, contre cinq antérieurement. Vous recommandez de la faire passer à dix ans. Toutefois, cela risquerait de remettre en cause l’attractivité du dispositif ; je soumets ce point à votre réflexion.
Enfin, monsieur Magras, je ne suis pas favorable à la proposition visant à exclure de la défiscalisation la construction d’hôtels. En effet, il ne faut pas oublier que certains territoires ont encore très peu de structures hôtelières. C’est notamment le cas à Mayotte, comme l’a souligné M. Soibahadine Ibrahim Ramadani, en Guyane, voire en Nouvelle-Calédonie. D’autres doivent procéder à des démolitions-reconstructions qui ne pourraient plus être réalisées sans l’appui de la défiscalisation. Par conséquent, soyons prudents en ce qui concerne cette proposition.
En outre, la rénovation hôtelière bénéficie d’un appui supplémentaire au travers de l’aide budgétaire ad hoc qui a été créée par la loi pour le développement économique des outre-mer et dont le dispositif a été modifié, avec l’accord du Parlement, pour la dissocier de la défiscalisation et, ainsi, la rendre plus simple à utiliser et plus opérationnelle.
Monsieur Magras, vous avez aussi adressé un certain nombre de recommandations concernant plus particulièrement les collectivités locales.
En ce qui concerne la formation, qui constitue une compétence partagée, je souhaite vous informer – cela me permet de répondre également à M. Claude Lise – que l’État se mobilise, puisqu’un contrat d’études prospectives, ou CEP, a été lancé en Martinique. Il permettra, j’en suis sûre, de mieux définir les besoins en formation au regard de l’offre existante, afin, le cas échéant, de procéder aux ajustements qui s’imposent, en étroite collaboration avec la région.
Concernant les croisières, l’État est engagé auprès des collectivités territoriales dans le projet de « Grand Saint-Pierre », qui doit permettre un accueil performant dans le nord de la Martinique.
Monsieur Marsin, l’État vient d’engager la procédure pour le débat public concernant la modernisation du port de Pointe-à-Pitre. Voilà qui permettra de répondre à votre préoccupation. Par ailleurs, la ville de Basse-Terre a vocation à recevoir des bateaux de croisière ; c’est l’une des mesures du Conseil interministériel de l’outre-mer.
Enfin, nous avons pris des mesures d’assouplissement concernant les délivrances de visas pour les passagers et les équipages de navires. Elles complètent les mesures générales sur les visas qui ont été décidées lors du Conseil interministériel de l’outre-mer.
Madame Hoarau, je voudrais vous rassurer au sujet des visas à la Réunion : les procédures ont bien été assouplies. Les promesses qui avaient été faites par le Président de la République ont été tenues, notamment pour les ressortissants. Voilà encore quelques jours, j’ai vérifié que des ressortissants d’Afrique du Sud avaient pu bénéficier de visas délivrés sur place.
Enfin, je veux évoquer la question du tourisme vert et l’importance de l’environnement comme facteur de différenciation de la destination Antilles françaises.
La Martinique et la Guadeloupe bénéficient d’atouts extraordinaires qu’il convient bien évidemment de valoriser pour que les touristes vivent une expérience unique et puissent aller à la rencontre d’une culture et d’un milieu naturels. Ces atouts peuvent ouvrir la voie à un tourisme de différenciation, à l’opposé de l’offre de masse des destinations concurrentes des Caraïbes. Voilà une orientation qu’il faut prendre.
Dans cette perspective, il convient de s’appuyer sur les chambres d’hôtes et les gites, qui permettent, au travers d’un tourisme personnalisé, d’aller, de l’intérieur, à la découverte du territoire. Il appartient à présent aux conseils régionaux et aux comités du tourisme d’accompagner ces structures vers un plus grand professionnalisme et une commercialisation plus performante.
Monsieur Magras, vous avez recommandé que la promotion des destinations soit orientée vers la richesse environnementale. Je puis vous annoncer que, pour ce faire, nous disposerons très bientôt d’un outil de premier plan, qui avait d’ailleurs été annoncé lors du Conseil interministériel de l’outre-mer. En effet, dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité, mon ministère a coordonné la création d’un « passeport biodiversité ».
L’objectif est de sensibiliser les touristes à l’importance de la biodiversité en outre-mer et à la nécessité de la protéger. Cette initiative s’inscrit dans une démarche du Programme des Nations unies pour l’environnement, le PNUE. Ce document sera diffusé à environ 10 000 exemplaires à partir de novembre 2011, au moment de l’ouverture de la desserte des Antilles par l’aéroport de Roissy.
Toutefois, pour s’appuyer de manière crédible sur l’argument du tourisme vert, encore faut-il parvenir à un meilleur traitement des déchets. S’agissant de la gestion des véhicules hors d’usage, je souhaite souligner l’action menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, pour éliminer ces derniers, notamment en Guadeloupe.
Un travail de fond est en cours, sous l’égide de la préfecture et de l’ADEME, pour sensibiliser les maires à leurs pouvoirs de police et inciter le conseil régional à organiser la filière d’élimination de ces déchets dangereux.
En conclusion, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport de M. Magras, ainsi que nos débats, ont permis, me semble-t-il, de dégager un large consensus sur l’importance du tourisme pour le développement économique et social des Antilles et les moyens d’atteindre nos objectifs en la matière.
Il faut souligner l’existence d’une volonté politique locale nouvelle, que je n’avais pas rencontrée voilà seulement deux ans, lors de mon premier déplacement aux Antilles sur ce sujet. J’ai aujourd’hui le sentiment que les choses changent, ce qui est positif.
Toutefois, il nous faut encore parvenir, collectivement, à traduire cette volonté en actions. Comme j’ai pu l’indiquer, le Gouvernement a été à l’initiative de très nombreuses mesures, de nature conjoncturelle ou structurelle, pour relancer ce secteur, afin qu’il occupe une place de tout premier plan.
Je crois que nous avons maintenant une occasion unique de relancer cette destination. Ce rapport permet en particulier d’apporter une contribution utile, en mettant en exergue tout le parti qu’on peut tirer du tourisme vert.
Sachez, monsieur Magras, que je partage votre conviction, selon laquelle le tourisme doit devenir une priorité, car je suis convaincue que la situation actuelle n’est pas une fatalité : les atouts sont là, les outils sont disponibles et la mobilisation commence à être au rendez-vous. Il faut maintenant de la constance dans la mise en œuvre des actions décidées et un travail partenarial permanent entre l’État, les collectivités et les professionnels.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je souhaite tout d’abord remercier M. le président du Sénat d’avoir permis ce débat, qu’il a en partie présidé lui-même, ce dont je suis particulièrement honoré.
Madame la ministre, vous avez aujourd’hui représenté le Gouvernement. S'agissant d’une problématique relative à l’outre-mer, vous étiez, me semble-t-il, la mieux placée pour faire la synthèse de nos débats.
Je remercie également tous mes collègues présents, ainsi que tous ceux qui se sont exprimés, de la qualité de leurs interventions.
Je me tourne enfin vers M. le président de la commission, qui a demandé et obtenu ce débat, et vers les administrateurs du Sénat qui m’ont accompagné au cours de l’élaboration de ce rapport.
Plus que d’un point de départ, il s'agit d’un rapport d’étape. Mon rêve le plus cher serait que certaines de ses recommandations puissent contribuer à relancer la dynamique qui est aujourd’hui à l’œuvre – nous l’avons tous observée – et à pérenniser ce secteur d’activité.
Applaudissements
Nous en avons terminé avec ce débat.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je voudrais exprimer ma sympathie pour les sénateurs qui, le 30 septembre prochain, soit mettront un terme à leur vie politique dans notre assemblée, soit solliciteront une nouvelle fois, comme moi, le suffrage de leurs électeurs.
Le bilan de cette session, qui se poursuivra par une brève session extraordinaire, illustre une évidence : les sénateurs et le Sénat travaillent beaucoup, …
… notamment en séance publique.
Comme lors de la session 2009-2010, nous avons d'ores et déjà dépassé les 1 000 heures de séance et franchi, une fois encore, le cap constitutionnel des 120 jours de séance.
En écho à un gouvernement qui souhaite réformer beaucoup, nous légiférons beaucoup. Nous allons achever cette session, au cours de laquelle nous avons adopté quarante-huit textes de loi. Le temps que nous consacrons aux projets de loi est d’ailleurs un peu plus important que celui que leur consacre l’Assemblée nationale.
Si nous siégeons plus que l’Assemblée nationale, c’est notamment parce que nous utilisons davantage notre temps de contrôle et d’initiative. C’est aussi parce que nous consacrons plus de temps au fond, et en particulier à la discussion des articles des textes les plus importants – je pense notamment au projet de loi portant réforme des retraites.
Notre majorité, dans sa diversité, a pleinement participé à l’amélioration du programme législatif du Gouvernement. Dans le même temps, l’opposition et les groupes minoritaires, qui sont une spécificité du Sénat, ont pu s’exprimer en dehors des contraintes du « temps législatif programmé » : c’est en réalité le parlementarisme dans sa plénitude. Toutefois, plus de 90 % des amendements que nous avons votés ont finalement été retenus – c’est un taux encore supérieur à ce qu’il était auparavant – et figurent dans les textes promulgués. C’est aussi le signe d’une plus grande efficacité.
Le Sénat, et c’est notre marque, n’est ni une chambre où règnerait l’obstruction ni une chambre qui se contenterait d’enregistrer. Le Sénat est une assemblée où l’on délibère, où l’on propose, où l’on aménage les textes pour leur meilleure application possible. Je remercie sincèrement le Premier ministre et le ministre chargé des relations avec le Parlement de l’avoir compris, malgré les contraintes que cela entraîne pour le « temps gouvernemental ».
Notre assemblée aura pleinement assumé son rôle législatif sur les deux textes clefs qu’auront été la réforme des retraites et celle des collectivités territoriales.
L’examen par le Sénat du projet de loi portant réforme des retraites, qui aura donné lieu à 139 heures de débat et à l’examen de plus de 1 000 amendements, aura permis des avancées décisives. Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, pour lequel nous aurons, à l'occasion de deux lectures, siégé 122 heures – et ce n’est pas tout à fait terminé !
Sourires
Sur la LOPPSI 2, le Défenseur des droits, la garde à vue, l’immigration, l’intégration et la nationalité, comme sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, nous aurons confirmé la vigilance de fond du Sénat en matière de libertés publiques. À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, nous aurons su aussi explorer des voies nouvelles, entre le respect de valeurs éthiques et les progrès de la recherche.
Contrairement à certaines prévisions quelque peu dubitatives, la révolution du partage de l’ordre du jour est devenue une réalité : dix-neuf semaines pour le Gouvernement et quinze pour le Sénat. Grâce à une majorité diverse et diversifiée qui défend ses initiatives, grâce à l’expertise de nos instances sénatoriales, au premier rang desquelles figurent nos commissions et délégations, dont je remercie les présidents et les membres, grâce à notre conférence des présidents, nous avons toujours cherché à concilier les droits de chacun avec l’efficacité et, ainsi, à relever le défi du « temps du Parlement » qui nous était lancé par l’article 48 nouveau de la Constitution.
Plus de la moitié des sujets inscrits à l’ordre du jour de nos séances publiques sont désormais d’origine purement sénatoriale. Notre fonction d’initiative a donc pris une réelle consistance. Au cours de la présente session, le Parlement a adopté quinze textes d’origine parlementaire, dont neuf étaient d’initiative sénatoriale, et cela en partie grâce – je tiens à le souligner – à une coopération renforcée avec l’Assemblée nationale. Il s’agit de textes importants pour nos collectivités territoriales et nos concitoyens, qui concernent, entre autres, le prix du livre numérique, les activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, les maisons départementales des personnes handicapées et la solidarité dans les domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement.
Par ailleurs, nous n’avons pas laissé en jachère la révolution juridique suscitée par l’article 34-1 de la Constitution, lequel nous offre la possibilité de nous exprimer par le vote de résolutions. Il s’agit là – l’opposition l’a bien compris – d’un moyen utile et fort pour organiser des débats clairs, ramassés et interactifs, et peut-être aussi éviter les lois déclaratives, qui nuisent à la rigueur de notre mission législative.
À cela s’ajoutent nos débats et propositions de résolution européennes, qui affirment la présence de notre assemblée dans le processus communautaire.
Je pense en particulier à proposition, à mes yeux essentielle, qui tend à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne ; c’est un sujet qui n’est pas sans lien avec nos débats de cet après-midi.
Nous nous sommes aussi pleinement saisis de la possibilité d’organiser des débats thématiques. Outre la mise en œuvre des débats consécutifs aux déclarations du Gouvernement, comme ce fut le cas à propos de la Libye ou du programme de stabilité européen, des questions orales avec débat et des débats préalables aux Conseils européens, nous avons pleinement utilisé la procédure nouvelle des débats d’initiative sénatoriale, puisque nous en avons organisé vingt-deux depuis le 1er octobre 2010 !
Conséquence des possibilités ouvertes par la réforme constitutionnelle et de l’expertise de notre assemblée en matière de contrôle, d’évaluation et de prospective, nos commissions, qui ont siégé plus de 1 000 heures au cours de chacune des deux dernières sessions, se sont pleinement emparées de leurs pouvoirs nouveaux.
Parallèlement, nos missions communes d’information et la MECSS, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que la commission des finances, qui a fourni un travail important, ont apporté leur contribution spécifique à l’exercice de nos travaux de contrôle, d’évaluation et de prospective. Les sujets que nous avons traités dans ce cadre sont concrets et prospectifs. Il s’agit, notamment, de la dépendance, de la désindustrialisation des territoires, de l’affaire du Mediator, des conséquences de la RGPP dans nos territoires, de la toxicomanie, de Pôle emploi et de l’organisation territoriale du système scolaire.
Cette appropriation de toutes les dimensions de notre mission de contrôle, nous la complétons au sein de nos délégations et offices, que je souhaite également saluer.
Mes chers collègues, conformément à vos souhaits et à l’esprit de la réforme constitutionnelle, le rôle et les moyens de nos groupes politiques ont été renforcés.
De tous les parlements des grandes démocraties, le nôtre est celui qui siège le plus en séance publique et la nuit.
Exclamations.
Je vous laisse le choix des qualificatifs, mon cher collègue, même si je partage votre point de vue.
C’est aussi le fait de notre volonté d’exercer pleinement nos nouveaux pouvoirs.
C’est enfin le résultat d’un choix et d’une tradition sénatoriale visant à favoriser la libre expression en séance publique.
Ces orientations ne sont pas sans conséquence. La simultanéité des réunions qui structurent notre travail débouche sur un agenda de plus en plus dense. Les débats, parfois répétitifs, peuvent conduire, au cours de certaines séances publiques, à un taux de présence que nos concitoyens et nous-mêmes percevons comme insuffisant.
Selon moi, après la nécessaire phase de rodage de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle, notre assemblée devra sans doute – c’est un point extrêmement important – explorer de nouvelles pistes
Mais je le dis tout net : si nous avons plutôt réussi notre réforme du règlement – j’en remercie encore les membres du groupe de travail et les présidents Hyest et Frimat –, c’est parce que nous avons voulu – et su – la mener sur des bases aussi consensuelles que possible, transcendant très largement, conformément à la tradition sénatoriale, le partage entre groupes de la majorité et groupes de l’opposition. N’oublions pas les groupes minoritaires spécifiques au Sénat. En matière d’organisation des débats parlementaires, je ne crois guère à la pertinence de règles absolues et figées, définies et adoptées par la seule majorité.
Néanmoins, des améliorations demeurent nécessaires. Elles pourraient porter, tout d’abord, sur le calendrier législatif. Certes, nous avons beaucoup légiféré, mais le problème tient moins à la quantité des lois qu’à leur qualité.
Les lois circonstancielles, l’empilement des textes, la complexité et l’insécurité juridiques qui en résultent sont des problèmes sous toutes les majorités. Il en est de même de la complexité et de la longueur excessives de certains textes, du caractère déclaratif de certaines dispositions, ainsi que de certains de nos amendements, de l’excès de dispositions nouvelles en seconde lecture, qui entraîne presque mécaniquement une répétition du débat sur des dispositions déjà examinées.
Tout cela concerne bien sûr le Gouvernement. Mais, à cet égard, je tiens à relever deux évolutions importantes : la diminution du recours à la procédure accélérée – il faut persévérer dans cette voie – et l’augmentation du délai dont nous disposons pour examiner les textes. Vous me permettrez également d’insister sur un point essentiel, sur lequel le Sénat a toujours été d’une grande vigilance : le contrôle de l’application des lois.
Mais l’effort à entreprendre concerne sans doute aussi l’organisation même de nos travaux.
Nous avons voulu intégrer dans un calendrier législatif très chargé le temps constitutionnel nouveau du Parlement. Mais avons-nous su rendre ce temps suffisamment attractif pour nos concitoyens ? Pourrions-nous mieux respecter les règles d’agenda que nous avons nous-mêmes esquissées, s’agissant notamment du partage du temps entre la séance publique et nos différentes instances ? Pourrions-nous essayer de mieux tenir nos débats, afin notamment de rendre plus rares les séances nocturnes ?
Les pistes d’amélioration sont connues : une plus grande interactivité et une meilleure lisibilité des séquences les plus importantes de nos débats, des discussions générales plus ramassées, une plus grande compacité et une meilleure prévisibilité des prises de parole sur les articles et les amendements ou pour explication de vote…
Il nous faudra aussi, je crois, dans le respect des pouvoirs propres de chacune de nos commissions, prolonger les améliorations que, grâce à nos commissions des finances et des affaires sociales, nous avons apportées à l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l’importance a été affirmée.
Un autre point pourrait retenir notre attention : l’optimisation du partage du travail législatif entre commissions et séance publique.
Nos commissions ont pris toute la mesure de la réforme constitutionnelle. Les débats y sont devenus plus transparents, grâce, notamment, aux dispositions techniques que nous avons mises en œuvre ensemble. Est-il, dans ces conditions, indispensable qu’autant d’amendements soient systématiquement repris – voire déposés uniquement – en séance publique ?
Là encore, je crois que, si tous nos groupes s’y attachent, des progrès sont possibles. Ils auraient de nombreuses conséquences positives sur la clarté du message de chacun, sur la perception, dans l’opinion, de la valeur ajoutée du travail de notre assemblée, ainsi qu’en termes de rationalisation de notre ordre du jour.
Quoi qu’il en soit, même si tout, toujours, est perfectible, il me semble que nous pouvons être assez satisfaits du travail accompli ensemble, dans la diversité – voire l’opposition – de nos engagements respectifs.
Monsieur le ministre, je voudrais saluer l’écoute attentive dont vous avez toujours su faire preuve à l’égard de notre assemblée.
Mes chers collègues, je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous de ce qu’il fait pour notre assemblée. Permettez-moi de remercier en particulier nos vice-présidentes et nos vice-présidents pour la sérénité, l’impartialité et la patiente sagesse avec lesquelles, pendant de longues heures, ils honorent leurs obligations.
Je voudrais souligner le travail accompli par nos groupes politiques – ils ont pris une dimension nouvelle, me semble-t-il –, nos commissions, notre conférence des présidents, le bureau du Sénat, le conseil de questure et la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne : toutes ces instances ont su œuvrer pour le bien du Sénat, dans le respect de chacun.
Je salue, en votre nom à tous, le dévouement, la compétence et la disponibilité des fonctionnaires et des collaborateurs des groupes politiques de notre assemblée. Mes remerciements vont aussi aux journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, de notre chaîne Public Sénat et de l’Agence France-Presse. Ils se sont fait l’écho de l’attention que le Sénat porte aux inquiétudes et aux attentes de nos concitoyens et de nos territoires.
Cette session, qui précède le premier renouvellement par moitié des membres de notre assemblée, a été, comme les précédentes, chargée. Alors que va s’ouvrir une nouvelle session extraordinaire, que nombre d’entre nous s’apprêtent à entrer en campagne tandis que d’autres ont pris la décision de quitter cet hémicycle, je n’ose vous souhaiter une détente qui aurait été bien méritée. À chacune et à chacun d’entre vous, je me contenterai de souhaiter le meilleur, pour notre assemblée, au service de la démocratie et de notre pays !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Je demande la parole.
Monsieur le président, il y a six mois, quelque temps après ma nomination au Gouvernement, je répondais à votre allocution de fin d’année en saluant le travail du Sénat, que je découvrais alors en tant que ministre, après avoir longtemps travaillé avec nombre de sénateurs lorsque j’étais président de commission à l’Assemblée nationale.
Six mois plus tard, mon expérience au Gouvernement m’a conforté dans la haute idée que je me faisais du Sénat et de sa place dans notre vie parlementaire et démocratique.
Le goût du débat dans la modération et le respect mutuel, la défense des principes fondateurs de notre République, appuyée sur une connaissance intime des réalités de nos territoires, que vous défendez avec ardeur : voilà ce qui, à mes yeux, donne au Sénat son identité et à ses travaux leur grande richesse.
Le Sénat a déjà siégé 123 jours et presque 1 000 heures depuis le 1er octobre dernier, et près de 8 000 amendements y ont été déposés.
Il est vrai que le Parlement est soumis à un rythme de travail particulièrement soutenu. Je mesure bien l’engagement et l’investissement que cela représente pour chacune et chacun d’entre vous, mais c’est le prix de l’élan réformateur engagé par la majorité présidentielle et le Président de la République depuis 2007 : seule la loi peut changer la loi. Cette volonté de rénovation n’a pas faibli depuis lors ; elle ne faiblira pas jusqu’au terme de la législature.
Vos débats ont enrichi ces réformes, c’est incontestable. C’est grâce à vous qu’elles ont pu devenir réalité, au bénéfice de nos concitoyens.
Quarante-huit textes de loi définitivement adoptés au cours de cette session viennent compléter l’ouvrage commencé en 2007. Vous avez poursuivi la mise en œuvre de la révision constitutionnelle de 2008 en adoptant les textes mettant en place le Défenseur des droits et créant les onze députés représentant les Français établis hors de France.
Les prochains jours permettront de poursuivre des chantiers essentiels, comme la révision constitutionnelle relative à l’équilibre des finances publiques, l’examen du projet de loi de finances rectificative réformant la fiscalité du patrimoine, du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale instaurant une prime pour certains salariés, du projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs. Ce sont là des débats essentiels pour la transformation de notre société, et je vous remercie par avance de l’attention que vous leur porterez.
Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le président, vingt-deux débats d’initiative sénatoriale ont été organisés depuis le 1er octobre 2010 : c’est incontestablement la marque de la réforme constitutionnelle et c’est une des grandes réussites du Sénat.
Monsieur le président, je souhaite m’adresser à vous au nom du Gouvernement, mais aussi, si vous me le permettez, en mon nom personnel.
J’ai été très touché par l’accueil qui m’a été réservé au Sénat. La Constitution nous amène à bâtir en partage l’ordre du jour, et j’ai été extrêmement sensible aux efforts entrepris, sous votre autorité toujours bienveillante, pour aboutir à un accord général ! Grâce à vous, nous y parvenons toujours. C’est pour moi une expérience nouvelle et formatrice.
Même s’il nous faut toujours chercher des marges de progression, l’application de la révision constitutionnelle de 2008 au Sénat, dont les présidents Hyest et Frimat viennent de dresser un bilan, est un succès.
Les chiffres sont éloquents : plus de 160 heures ont été consacrées au contrôle de l’action du Gouvernement et 100 heures environ à l’ordre du jour réservé au Sénat.
En outre, le Gouvernement a su stabiliser le recours à la procédure accélérée, conformément à une de vos demandes, monsieur le président, seuls dix-sept textes ayant fait l’objet de cette procédure, dont trois conventions et six propositions de loi. Chaque fois que cela était possible, les deuxièmes lectures ont été privilégiées.
Sur les quarante-huit lois adoptées définitivement à la date d’aujourd’hui, quatorze sont d’origine parlementaire, dont huit ont vu le jour au Sénat. C’est encore une réussite due à la réforme constitutionnelle.
D’ici à la fin de la session extraordinaire, nous pourrions avoir adopté au moins vingt-quatre propositions de loi, dont quinze issues du Sénat. C’est la première fois, me semble-t-il, qu’autant de propositions de loi, dont huit d’origine sénatoriale, seront examinées au cours d’une session extraordinaire. C’est presque une révolution : un tiers de l’activité législative résulte désormais de l’initiative parlementaire ; cela mérite d’être salué !
Je me réjouis que nous ayons su, dans le respect des prérogatives de chacun, faire prospérer aussi bien les priorités du Gouvernement que celles du Sénat, sans pour autant bouleverser l’économie générale des espaces réservés à chacun. Dans la construction de l’ordre du jour, ce sont toujours la prévisibilité, la souplesse et le dialogue qui ont été privilégiés. Permettez-moi de vous en remercier de nouveau, monsieur le président, ainsi que l’ensemble des membres de la conférence des présidents, notamment les présidents de groupe, qui y participent avec beaucoup de pugnacité, comme j’ai pu bien souvent le constater à mon détriment… §
Je veux aussi remercier personnellement les questeurs du Sénat, ainsi que les vice-présidents, qui animent vos séances publiques avec justesse et mesure. J’ai pu apprécier le style propre au Sénat jusqu’à des heures avancées…
Aux présidents de commission, j’adresse un message de sympathie et de complicité. Je sais, mieux que personne, l’exigence de leur mission et je les remercie de conduire cette dernière avec autant d’efficacité !
Je souhaite remercier les présidents des cinq groupes politiques et le délégué des sénateurs non inscrits pour l’ardeur qu’ils mettent à défendre les valeurs qui sont les leurs et à faire la synthèse des légitimes préoccupations de leurs collègues.
Que l’ensemble des collaborateurs de vos groupes soient également remerciés de leur investissement, dont je mesure la portée. Cela témoigne du bon fonctionnement de notre démocratie.
Je veux remercier votre équipe, monsieur le président, ainsi que l’ensemble des fonctionnaires du Sénat, qui ne comptent pas leurs heures ni ne ménagent leurs efforts.
Je tiens enfin à saluer la contribution de chacune et de chacun des membres de cette assemblée au travail accompli.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est là une fin de session un peu particulière, puisque, en septembre prochain, le Sénat sera, pour la première fois depuis la réforme votée en 2003, renouvelé par moitié.
Que l’on me permette d’adresser un message chaleureux aux sénateurs de tous bords qui ont fait le choix, souvent difficile, de passer le témoin. Je veux saluer le travail qu’ils ont réalisé à travers leur engagement personnel. Qu’il me soit également permis d’exprimer toute ma sympathie à celles et à ceux d’entre vous qui iront à la rencontre des élus de nos territoires pour obtenir qu’ils leur renouvellent leur confiance.
Je souhaite à tous de profiter de la période estivale pour prendre un repos mérité, afin de revenir au meilleur de leur forme à l’automne prochain, car un grand travail nous attend encore en vue de faire de cette dernière session de la législature un temps utile pour notre pays !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, je vous remercie.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et par France 3, à partir de dix-sept heures, des questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, en fin de programme.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Le 21 juin dernier, le Président de la République a annoncé un moratoire sur les fermetures de classes de primaire pour la rentrée de 2012.
Avec 1 500 fermetures prévues pour la rentrée de 2011, le Président de la République a lui-même reconnu « que nous avions un problème majeur d’école primaire », l’objectif étant, pour la rentrée de 2012, de ne procéder, hors évolution démographique, à aucune fermeture.
Si je salue l’engagement du Président de la République, de nombreux problèmes persistent pour la rentrée de 2011, que ce soit au sein des écoles primaires, des collèges ou des lycées. En effet, ce ne sont pas moins de 16 000 postes qui vont être supprimés.
Si je comprends la politique du Gouvernement, qui s’est engagé à réduire l’endettement de l’État et les déficits publics sur plusieurs années, je m’inquiète du manque de moyens et, surtout, de temps d’adaptation auquel sont confrontés nombre de nos écoles, collèges, lycées et collectivités.
Je prendrai l’exemple de mon département, la Marne.
Pour le premier degré, ce département se voit retirer trente-sept postes, alors que le nombre d’élèves sera en augmentation. Il en va de même pour le second degré. L’effectif de certaines classes va atteindre ou dépasser trente élèves.
Au-delà de ses conséquences évidentes sur les conditions de travail, une telle évolution soulève également des difficultés en termes de sécurité des locaux et d’adaptation de la taille des classes. Certaines ne seront pas assez spacieuses, ni adaptées à l’accueil d’élèves en fauteuil roulant, ni équipées du matériel informatique nécessaire pour satisfaire aux nouvelles exigences de l’éducation nationale.
Le plus souvent, c’est le milieu rural qui est le plus affecté par ces suppressions de postes.
Le 23 juin 2006, la charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural était signée. S’agissant de la carte scolaire, elle prévoit que les autorités académiques doivent informer les exécutifs locaux concernés deux ans avant la mise en œuvre des projets d’ouverture ou de fermeture de classes du premier degré. Aujourd’hui, force est de constater que ce principe n’est pas appliqué, du moins dans mon département.
Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre afin de pallier ces manquements, auxquels nos collectivités, les enseignants et les parents d’élèves ont de plus en plus de difficultés à faire face ?
Madame Férat, l’éducation nationale ne manque pas de moyens. La majorité sénatoriale a voté cette année un budget de plus de 60 milliards d’euros, en augmentation de 1, 6 %, le plus important jamais voté par le Parlement : 22 % du budget de la nation est consacré à l’éducation nationale. Je rappelle que, dans notre pays, la dépense par élève a augmenté, en trente ans, de 80 % en euros constants.
Les moyens sont donc là. La question est de savoir comment ils doivent être répartis.
Certes, madame le sénateur, le Président de la République s’est engagé à ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Mais je dois souligner qu’il y aura, à la rentrée prochaine, plus de professeurs et moins d’élèves qu’il n’y en avait voilà vingt ans. Le taux d’encadrement est donc meilleur aujourd'hui qu’il ne l’était à l’époque !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Par ailleurs, le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux nous permet de mener une politique de revalorisation des salaires des enseignants, ce que les socialistes n’ont pas été capables de faire quand ils étaient au pouvoir.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Luc Chatel, ministre. Nous avons augmenté de 10 % les salaires des enseignants en début de carrière, ce qui est exceptionnel au regard de l’environnement économique et budgétaire européen actuel. Alors que certains pays licencient leurs fonctionnaires, que d’autres baissent leurs rémunérations, le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux nous a permis de revaloriser de manière significative les salaires des enseignants et de tous les fonctionnaires, dont le pouvoir d’achat a augmenté de 3, 1 % l’année dernière !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame le sénateur, nous agissons avec discernement. J’ai donné des instructions claires pour que l’on tienne compte de la carte locale et que des concertations soient menées avec les élus, de manière prospective, afin que l’offre scolaire soit adaptée au mieux, notamment dans les zones rurales, dont je connais bien les spécificités pour être élu d’un département rural.
Nous faisons le choix d’une éducation nationale de qualité, qui déploie ses moyens de façon différenciée, en faisant davantage pour les élèves qui en ont le plus besoin.
Mme Françoise Férat. Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le ministre : ce n’est pas une question de moyens.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Pardonnez-moi d’insister, car, sur le terrain, les difficultés sont bien réelles. Élus, parents d’élèves, enseignants : tous nous font part très régulièrement de leurs problèmes.
Je ne citerai qu’un exemple pour illustrer mes propos : la prochaine rentrée verra l’arrivée de 40 000 élèves supplémentaires en classe de sixième, alors que, dans le même temps, 4 800 postes de professeur vont être supprimés.
Je ne reviendrai pas sur la charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, mais est-il vraiment utopique d’envisager une autre procédure, associant, autour de l’inspecteur d’académie, l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les maires et les associations départementales des maires pour les écoles primaires, les conseils généraux pour les collèges, les régions pour les lycées, ainsi bien sûr que les enseignants et les parents d’élèves ?
Une telle concertation entre personnes responsables permettrait sans aucun doute de prendre en compte la nécessaire rigueur budgétaire sans que cela nuise à la qualité de l’enseignement que nous devons à nos enfants. Quelle école voulons-nous pour demain ?
À la rentrée prochaine, 4 900 enfants supplémentaires seront accueillis à l’école élémentaire. Pourtant, dans le primaire, près de 9 000 postes d’enseignant seront supprimés et 1 500 classes fermées. Cette décision est pour le moins incompréhensible !
Les rapports se suivent et se ressemblent, le constat est sans appel : notre école souffre et une génération d’enfants est en passe d’être sacrifiée sur l’autel des restrictions budgétaires, alors que les cadeaux fiscaux se poursuivent et que la chasse aux niches fiscales est bien timide.
De la Cour des comptes au Haut Conseil de l’éducation, en passant par les travaux de nombreux parlementaires, les observateurs les plus autorisés tirent, les uns après les autres, la sonnette d’alarme. Ne leur accorde-t-on aucun crédit ? Il suffit pourtant de regarder autour de nous pour mesurer l’ampleur des dégâts !
Comment imaginer lutter contre l’échec scolaire, l’absentéisme, la violence et tous les autres maux dont souffre notre école laïque et républicaine en laissant des enseignants de plus en plus isolés, de moins en moins bien formés, face à des classes de plus en plus surchargées ? L’égalité des chances est abandonnée au profit des objectifs de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Les principes républicains et laïcs sont foulés aux pieds, au grand désespoir de ceux qui, comme moi, sont les produits de l’école de la République.
Pour tenter de calmer la colère des familles, des enseignants ou des élus, on annonce un moratoire sur les fermetures de classes en primaire pour la rentrée de 2012, mais cette mesure pourrait s’apparenter à une manœuvre à visée purement électoraliste. Pourquoi ne pas mettre en œuvre un tel moratoire dès la rentrée de 2011 ?
Les territoires ruraux seront les plus touchés. À l’évidence, votre politique fait fi d’un élément pourtant très important : les enfants, souvent peu réceptifs et parfois allergiques à l’autorité, ne peuvent réussir que dans des classes à faible effectif.
Les dix années passées, 1 500 communes de notre pays ont vu fermer la dernière classe de leur dernière école. Certains quartiers urbains ne sont guère mieux lotis.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que l’école de la République vive en milieu rural ?
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Monsieur le sénateur, je voudrais revenir sur vos propos concernant le nombre moyen d’élèves par classe.
Tout d’abord, aucune étude – j’ai le regret de vous le dire – ne démontre qu’on obtient de meilleurs résultats avec de petits effectifs.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ensuite, il y a moins d’élèves par classe aujourd'hui que lorsque vos amis étaient au pouvoir, à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix.
Ainsi, à la rentrée prochaine, on comptera en moyenne vingt-sept élèves par classe dans les lycées généraux ou technologiques, contre trente et un en 1989-1990. De même, il y aura dix-neuf élèves par classe en moyenne dans les lycées professionnels, contre vingt-trois au début des années quatre-vingt-dix.
Alors, monsieur le sénateur, de grâce, ne nous faites pas de faux procès !
Aujourd'hui, la réussite des élèves passe par une personnalisation de l’enseignement, qui manque depuis vingt-cinq ans. La massification de l’accès au système éducatif –100 % des élèves entrent au collège, 65 % d’une classe d’âge parvient au baccalauréat – est une bonne chose, mais les moyens permettant d’assurer une place à chacun à la sortie n’ont pas été mis en œuvre. Aujourd'hui, trop de jeunes quittent le système éducatif sans qualification, sans diplôme : ils seraient 180 000 d’après les statistiques que j’ai pu obtenir en connectant nos réseaux informatiques avec ceux de l’enseignement agricole et des centres de formation d’apprentis.
Pour lutter contre l’échec scolaire, notamment en milieu rural, il faut personnaliser l’enseignement tout au long de la scolarité, avec, par exemple, l’aide personnalisée en primaire ou les deux heures d’accompagnement personnalisé au lycée, qui permettent aussi bien de donner des méthodes de travail aux jeunes ayant du potentiel pour les porter vers l’excellence que d’apporter un soutien par petits groupes aux élèves en difficulté.
L’éducation nationale du futur doit apporter une réponse différenciée, en consacrant plus de moyens aux élèves en difficulté, plutôt que de maintenir un modèle égalitaire qui a, ces dernières années, montré toutes ses limites.
En effet, d’un côté, vous nous dites qu’aucune étude ne démontre que de faibles effectifs favorisent la réussite ; de l’autre, vous affirmez qu’il faut travailler par petits groupes !
Vous savez très bien que, en vingt ou trente ans, le comportement des élèves a changé. Pour diverses raisons, ils sont moins réceptifs aujourd'hui qu’ils ne l’étaient autrefois. À l’évidence, il y a moins de chahut dans une classe à faible effectif.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En l’espace d’une génération, l’école a ouvert ses portes à un nombre croissant d’élèves. Elle a relevé le défi de la massification : aujourd’hui, 66 % d’une classe d’âge obtient le baccalauréat, contre moins de 26 % en 1980.
Néanmoins, nous sommes tous conscients que l’école doit évoluer : elle doit désormais relever le défi de la démocratisation, car les résultats au baccalauréat n’évoluent plus depuis une quinzaine d’années.
Par ailleurs, force est de constater que l’école n’a pas atteint tous ses objectifs. Deux réalités le montrent : chaque année, plus de 50 000 jeunes quittent définitivement le lycée sans le baccalauréat, et un étudiant sur deux échoue en première année à l’université.
Aussi, monsieur le ministre, avez-vous décidé de mettre en œuvre une réforme du lycée. Elle s’applique depuis la rentrée de 2010 aux classes de seconde générale et technologique.
Cette réforme entre aujourd’hui dans sa seconde phase. Je voudrais vous interroger plus particulièrement sur la nouvelle classe de première. En effet, la première constitue une étape importante dans la vie de l’élève, car elle est un premier pas vers une spécialisation et un premier rendez-vous avec le baccalauréat, au travers des épreuves anticipées.
Dans cette perspective, les élèves de première doivent pouvoir commencer à se diriger vers une spécialisation, tout en conservant la possibilité de changer d’orientation en cours d’année. Par conséquent, ils doivent être mieux accompagnés dans leur parcours de formation et d’orientation.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de précisions sur la réforme du lycée s’agissant de la rentrée de 2011 ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame le sénateur, vous êtes très attachée à cette grande institution de notre système éducatif qu’est le lycée. Nous avons voulu réformer celui-ci afin de le moderniser et, surtout, de lui permettre de relever les défis que vous avez rappelés, notamment accroître le nombre d’élèves en mesure d’accéder à l’université et d’y réussir, sachant que, aujourd’hui, un étudiant sur deux échoue en fin de première année.
Pour remédier à cet échec de notre système éducatif, nous avons voulu mettre en place un système d’orientation beaucoup plus progressif. En France, on a trop souvent estimé, par le passé, que le choix devait s’opérer systématiquement à 14 ans, au sortir du collège. Or, à cet âge, on a le droit de ne pas savoir ce que l’on veut faire dans la vie ; on a le droit de se tromper ; on a le droit de mûrir ses choix ! Le système éducatif doit être capable d’accompagner les élèves dans leur démarche et de les guider progressivement.
C’est un tel système d’orientation progressive, réversible, que nous sommes en train de mettre en place. Nous avons notamment rénové l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, l’ONISEP, en le dotant d’un site internet interactif extrêmement moderne, permettant de fournir aux élèves des conseils adaptés à leur localisation géographique.
Nous avons également décidé de mettre en place un système de tutorat. En effet, certains élèves n’ont pas la chance d’avoir des parents qui les aident dans leurs choix d’orientation : c’est à l’éducation nationale qu’il revient de leur apporter ce soutien.
Par ailleurs, des passerelles entre les différentes filières du baccalauréat – professionnel, technologique et général – et, au sein du baccalauréat général, entre les différentes séries, sont instituées. À la prochaine rentrée scolaire, il y aura ainsi, en classe de première, un tronc commun qui comprendra environ 60 % des enseignements, les autres heures de cours étant consacrées à des spécialisations qui ne seront pas définitives, des réorientations demeurant possibles au travers de « stages passerelles ».
Enfin, la refonte du baccalauréat sciences et techniques industrielles, le bac STI, qui n’avait pas été réformé depuis vingt ans, sera la dernière innovation de la prochaine rentrée. Il s’agit d’un bac technologique très intéressant, parce qu’il débouche sur l’emploi. Or l’école doit préparer notre jeunesse à s’insérer professionnellement dans des filières porteuses.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Il est vrai que la réorientation a toujours posé problème ; très souvent, elle était même impossible. Nous formons donc le vœu que beaucoup d’élèves puissent dorénavant en bénéficier.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré la « guerre » au décrochage scolaire. Il s’agit d’une urgence évidente, qui nécessite en effet un véritable plan de bataille. Malheureusement, une fois de plus, ce n’était qu’une opération de communication.
Que constatons-nous ? L’enseignement primaire, terrain pertinent d’intervention pour prévenir l’échec scolaire, est aujourd’hui sinistré, avec la fermeture de 1 500 classes à la rentrée prochaine. Combien de postes auront été supprimés à la fin du mandat présidentiel, au nom de la seule logique comptable : 50 000, 60 000 ou davantage encore ?
Dans cet exercice de divisions multiples, les territoires ruraux paient le prix fort. Oubliée, la charte sur l’organisation des services publics ou au public en milieu rural signée en 2006, qui prévoyait que toute fermeture de classes devait être anticipée deux ans à l’avance ! Ignorés, les efforts des maires pour revitaliser leur commune : comment insuffler un dynamisme local sans l’école ! Abandonnés au seul critère de la rentabilité, les enfants qui subissent des rythmes de vie scolaire harassants !
Dans ce contexte, nous avons appris que des maires ne voulant pas se résigner à cette mort programmée embauchent et rémunèrent des enseignants, se substituant ainsi à l’éducation nationale défaillante. Est-ce là la solution, monsieur le ministre ? Ces maires seront-ils montrés du doigt pour mauvaise gestion ? Qu’en pensez-vous ?
Plus extraordinaire encore, la Voix du Nord s’est fait l’écho de l’ouverture, par des écoles privées, de classes payantes, hors contrat, pour les enfants de deux ou trois ans.
Ces écoles entendent ainsi, explique le directeur de l’enseignement diocésain, répondre à « l’attente des parents et aux besoins qui ne sont plus pris en compte par l’éducation nationale ».
Mme Françoise Cartron. On croit rêver : c’est l’enseignement catholique qui, s’émouvant que les jeunes enfants ne soient plus pris en compte par l’éducation nationale, entreprend de répondre aux besoins. La privatisation de la préscolarisation est en marche ! Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Oui, madame le sénateur, nous avons décidé de déclarer la guerre au décrochage scolaire. Ce n’est pas un exercice de communication ; je vais essayer de vous en convaincre.
Jusqu’à présent, personne, pas même le ministre de l’éducation nationale, ne savait combien de jeunes quittaient chaque année le système éducatif sans diplôme. Dorénavant, nous le savons, parce que nous avons pris la décision de relier les systèmes d’information de l’éducation nationale, de l’enseignement agricole, des centres de formation d’apprentis, des missions locales. Je puis ainsi vous indiquer, par exemple, que 300 000 jeunes de plus de seize ans qui étaient inscrits en juin 2010 dans nos collèges et nos lycées n’y étaient plus présents au mois de mars 2011. Sur ces 300 000 jeunes, 180 000 étaient considérés comme « perdus de vue » : on ne sait absolument pas ce qu’ils sont devenus.
Nous allons apporter à ces élèves « décrocheurs » une réponse individualisée. ¨Pour ce faire, chaque préfet est en train de mettre en place, soit à l’échelle du département, soit à celle de chaque bassin de vie, une plateforme de lutte contre le décrochage, réunissant tous les services compétents de l’État : éducation nationale, enseignement agricole, CFA…
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Mme Cartron m’a posé quatre questions en deux minutes ! Je commence par répondre à celle qui porte sur le décrochage scolaire : ce n’est pas un petit sujet ! Je le répète, nous avons décidé de déclarer la guerre au décrochage scolaire.
Les résultats des évaluations des élèves de CE 1, qui seront publiés demain, sont encourageants : ils montrent une progression des acquis en français et en mathématiques pour la cohorte d’élèves ayant bénéficié de la réforme de l’enseignement primaire de 2008.
Enfin, madame le sénateur, je vous rappelle que l’école est obligatoire de six à seize ans et que 97 % des enfants sont scolarisés à partir de l’âge de 3 ans. S’agissant des enfants de deux à trois ans, je mène la même politique que tous mes prédécesseurs, consistant à les accueillir dans la limite des places disponibles.
Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que vos propos ne correspondent pas à la réalité. En effet, les enfants de deux ans qui sont accueillis à l’école ne sont pas comptabilisés ! Ce ne sont pas des syndicats d’enseignants qui l’affirment, c’est le directeur de l’enseignement diocésain.
S’agissant du décrochage scolaire, ce problème est lié au manque de moyens actuel de l’enseignement primaire, auquel il conviendra de remédier si l’on entend vraiment lutter contre l’échec scolaire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, alors que la mise en œuvre de la RGPP et le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ont déjà provoqué la disparition de 56 000 postes en quatre ans, la rentrée de 2011 ne signera pas la fin de la destruction programmée du service public de l’éducation nationale. Ainsi, 16 000 nouveaux postes seront supprimés, dont 9 000 dans le primaire, alors que 60 000 élèves supplémentaires sont attendus. L’annonce de la fermeture de 1 500 classes en primaire a d’ailleurs suscité émoi et mobilisations.
Le désert scolaire s’étend, laissant des territoires enclavés, coupés des services publics, notamment de celui de l’éducation nationale. Aucun département n’est épargné. Les zones rurales, très affectées, se sont fortement mobilisées.
En réponse à la pression grandissante, le Président de la République, tout en confirmant la poursuite de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux – 14 000 nouveaux postes disparaîtront donc en 2012 –, a opportunément annoncé, à la veille d’élections, un moratoire sur les fermetures de classes en primaire, …
… mais seulement pour la rentrée de 2012 ! La ficelle est grosse !
Ces annonces ne mettent pas un terme au démantèlement du service public de l’éducation nationale. Il faut, dès maintenant, cesser de supprimer des postes. Ce préalable étant posé, il est tout aussi urgent d’engager la relance du processus de démocratisation, car les réformes conduites par la majorité construisent une école inégalitaire, une école du tri social, avec, d’un côté, les élèves pour lesquels le socle commun de connaissances et de compétences constituerait un horizon indépassable, et, de l’autre, ceux qui seraient « naturellement » destinés à la poursuite d’études au lycée puis dans l’enseignement supérieur. Telle n’est pas notre conception de l’école !
Madame le sénateur, à l’évidence, deux conceptions de l’école s’affrontent.
Depuis trente ans, votre seule réponse est : toujours plus de postes, toujours plus de moyens !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Cette politique a-t-elle donné des résultats ? Madame le sénateur, vous dénoncez vous-même le niveau de performance insuffisant de notre système éducatif ! Il est vrai que celui-ci doit progresser, puisqu’il se classe au vingt-deuxième rang sur soixante-cinq dans les palmarès internationaux pour la compréhension de l’écrit ou le calcul, alors que la France consacre à l’école presque un point de PIB de plus que la moyenne des pays de l’OCDE.
Nos résultats sont moins bons que ceux de pays qui dépensent moins, comme le montrent les enquêtes internationales.
La politique que vous préconisez a donc échoué. La vraie réponse face à la massification, à la démocratisation du système éducatif passe par la mise en œuvre d’une politique d’adaptation, de différenciation, de personnalisation. La Cour des comptes nous encourage d’ailleurs à nous engager dans cette voie, ainsi que toutes les études publiées sur ce sujet par des organismes indépendants.
Madame le sénateur, vous nous faites un procès en démocratisation, mais qui a créé les internats d’excellence pour les enfants méritants issus de milieux défavorisés ayant du mérite et du talent ?
Exclamations sur les travées du groupe CRC -SPG et du groupe socialiste.
Ces structures, qui offrent aujourd’hui 6 000 places, en compteront 1 800 de plus l’année prochaine. Qui a mis en place, au sein des établissements scolaires, des stages de remise à niveau, la première ou la dernière semaine des vacances scolaires d’été, pour les élèves en difficulté ?
Qui a instauré une aide personnalisée de deux heures en primaire pour tous les élèves rencontrant des difficultés en lecture ?
De grâce, madame le sénateur, ne nous donnez pas de leçons en matière d’égalité des chances et de démocratisation !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, la réponse au défi de la démocratisation, ce n’est pas la définition d’un socle commun de connaissances et de compétences, ni la création d’internats d’excellence.
Certes, tout n’est pas seulement affaire de moyens, mais tout de même ! Au collège Jean-Macé de Clichy, par exemple, une classe de section d’enseignement général et professionnel adapté va être fermée à la suite de la suppression d’un poste d’enseignant. En conséquence, les élèves concernés, qui ont pourtant besoin d’un encadrement particulièrement étoffé, eu égard aux difficultés qu’ils rencontrent, seront affectés à une classe à double niveau, regroupant sixième et cinquième. Quelle aberration ! Pis encore, on propose à certains de ces élèves d’être scolarisés dans une ville voisine ! Ce n’est pas ainsi que l’on va construire une école de l’égalité, monsieur le ministre ! Vos arbitrages contredisent vos propos ! §
La perspective de la rentrée prochaine relance la question des rythmes scolaires, souvent dénoncés comme trop soutenus pour les enfants.
Notre système repose actuellement sur des journées longues et fatigantes, des semaines de quatre jours inadaptées et une année scolaire déséquilibrée.
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
À l’échelon européen, c’est en France que l’année scolaire est la plus courte, tandis que la journée de classe est parmi les plus longues.
Le prérapport sur les rythmes scolaires a souligné la volonté de changement presque unanime des personnes auditionnées.
À cet égard, vous avez décidé, monsieur le ministre, d’innover à la rentrée scolaire de 2010 en menant des expérimentations dans certains établissements, qui visent à consacrer la matinée aux cours et la seconde partie de la journée aux sports.
Avec l’adhésion des équipes enseignantes et des parents d’élèves, cent vingt-quatre collèges et lycées, dans toute la France, ont mis en place ce nouveau rythme scolaire, chacun à sa manière. Le mois dernier, monsieur le ministre, vous avez rendu compte de l’évaluation de ces expérimentations. La direction générale de l’enseignement scolaire a notamment souligné que « la motivation et l’assiduité des élèves ont fortement progressé ». Fort de ce résultat, vous avez décidé d’étendre dès septembre prochain le dispositif à cent vingt-cinq autres établissements, sur la base du volontariat.
Des études expérimentales menées sur les systèmes éducatifs canadien ou allemand font état d’effets positifs d’une telle organisation du temps scolaire sur le comportement social de l’élève, mais elles démontrent également que le gain peut être discutable en termes de résultats scolaires, dès lors que l’on diminue le temps d’apprentissage au profit du sport.
Je souhaiterais donc savoir quel objectif vous visez, monsieur le ministre, au travers de ce dispositif et quelles dispositions vous comptez prendre dès la rentrée de septembre 2011 pour inscrire cette innovation dans une véritable refonte des rythmes scolaires.
Monsieur le sénateur, les petits Français passent en effet plus de temps à l’école que leurs camarades allemands, britanniques ou américains, et ce temps est concentré sur un nombre de jours plus restreint. Ainsi, un élève français du primaire passe cent quarante-quatre jours à l’école, contre cent soixante-quatorze à cent quatre-vingts jours en moyenne pour les enfants vivant dans d’autres pays développés membres de l’OCDE.
J’ai donc décidé d’engager un travail de fond, dans le cadre de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, qui regroupe non seulement des professionnels de l’éducation nationale et des élus, mais aussi des représentants de l’ensemble des acteurs concernés, parce que l’organisation de l’école a des conséquences sur le fonctionnement de la société tout entière. La semaine prochaine, le comité de pilotage me rendra son rapport et je présenterai un certain nombre de propositions, après avoir entendu les différentes parties prenantes.
Comme vous l’avez rappelé, nous avons engagé sans attendre une expérimentation en matière de rythmes scolaires, faisant une plus grande place aux activités sportives : cent vingt-quatre collèges et lycées sont concernés cette année. Leurs élèves bénéficient, en moyenne, de cinq heures supplémentaires d’activités culturelles ou sportives.
Nous avons mené une enquête auprès des chefs d’établissement concernés par cette expérimentation : 73 % d’entre eux indiquent que les élèves ont gagné en motivation, 60 % estiment que leur assiduité a augmenté et que le climat scolaire s’est amélioré. Plus intéressant encore, 42 % des chefs d’établissement déclarent que les résultats scolaires se sont améliorés.
Sans attendre, j’ai donc décidé d’étendre cette expérimentation dès la rentrée prochaine, en doublant le nombre de classes concernées et en développant des partenariats avec les associations et un certain nombre de fédérations sportives. J’ai ainsi récemment signé une convention avec la Fédération française de rugby.
M. Luc Chatel, ministre. L’objectif est de permettre à nos élèves de bénéficier de davantage d’activités sportives : le sport et l’école partagent les mêmes valeurs !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Cette expérimentation, au vu de ses résultats, mérite effectivement d’être développée.
Monsieur le ministre, nous avons entendu avec surprise, voilà quelques jours, le Président de la République annoncer un moratoire sur les fermetures de classes en primaire à la rentrée de 2012.
Je me garderai, bien entendu, d’établir un quelconque rapport entre cette décision et les échéances électorales qui se profilent. Je me garderai également de relever ici les contradictions existant entre cette annonce et la politique menée par le Gouvernement dans ce domaine depuis plus de quatre ans, au nom de la révision générale des politiques publiques. J’aurais même été tenté de me réjouir si je n’avais pas appris, le même jour, que le Gouvernement avait confirmé 14 000 suppressions de poste dans l’éducation nationale en 2012. En fin de compte, je suis donc obligé de constater que la rentrée prochaine sera marquée, encore une fois, du sceau de la désespérance…
L’actualité dramatique des derniers jours a en effet mis en lumière les conséquences terribles des coupes claires réalisées, depuis maintenant cinq ans, dans les effectifs de l’éducation nationale, toutes catégories confondues. Cette politique aveugle, injuste et inefficace nous conduit aujourd’hui dans une impasse dont on voit mal comment sortir.
Tout est à revoir, en effet. Il ne sert à rien de prétendre lutter contre l’échec scolaire si l’on ne permet pas aux élèves les plus défavorisés de disposer de conditions de suivi à la hauteur de leurs besoins. De même, il est faux de dire que l’on entend revaloriser la condition des enseignants quand, dans le même temps, on affecte les plus jeunes d’entre eux aux postes les plus difficiles, comme on envoyait naguère les jeunes recrues au front !
D’ailleurs, les chiffres montrent de manière incontestable une désaffection pour le métier d’enseignant. En 2007, on comptait ainsi 33 000 candidats au CAPES pour 6 000 postes ; quatre ans plus tard, il n’y a plus que 12 500 candidats pour 4 800 places !
Cette situation est préoccupante pour l’avenir de l’éducation nationale, pour les enseignants et pour les élèves.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, au lieu de nous dire, encore une fois, comme vous l’avez fait jusqu’à présent, que tout va bien et que tout ira bien, pourriez-vous nous indiquer quels mesures, projets et ambitions permettront de faire de la rentrée de 2012 une rentrée enfin réussie ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, les personnels du ministère de l’éducation nationale qui gèrent la rentrée scolaire apprécieront la conclusion de votre intervention ! Alors que l’organisation de la rentrée scolaire est un exercice particulièrement complexe, qui concerne 8 millions d’élèves et 850 000 enseignants, on constate que, d’année en année, quel que soit le ministre en poste, elle se déroule dans de meilleures conditions.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le sénateur, je ne vous convaincrai manifestement pas ! Essayons cependant d’examiner objectivement la situation : le budget du ministère de l’éducation nationale s’élève à 60 milliards d’euros ; cette année, l’État va emprunter 180 milliards d’euros, c’est-à-dire trois fois le budget de l’éducation nationale ! Pouvons-nous continuer indéfiniment dans cette voie ? Faut-il envisager de demander à chaque élève de remettre un chèque de 19 000 euros afin de financer la dette que nous avons accumulée depuis trente ans ?
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Telle est la réalité, mesdames, messieurs les sénateurs !
Le Gouvernement a fait le choix de prendre ses responsabilités, au moment où certains pays d’Europe rencontrent de grandes difficultés budgétaires, en décidant de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant à la retraite.
Cette politique vous dérange peut-être, monsieur le sénateur, mais elle nous permet de revaloriser les rémunérations de nos enseignants. Ils le méritent, parce que leur métier est difficile, et une telle revalorisation est d’autant plus justifiée que nous leur demandons désormais un niveau de formation initiale plus élevé. Des enseignants mieux payés, mieux formés, mieux considérés, telle est notre conception de la valorisation de leur travail !
Je terminerai en vous répondant sur l’attractivité des métiers de l’enseignement.
Tout d’abord, on ne peut comparer un recrutement au niveau bac +5 avec un recrutement au niveau bac +3, qui correspondait à celui des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM : dans le premier cas, le vivier de candidats est nécessairement plus réduit.
En outre, cette année, deux concours ont été organisés à quelques mois d’intervalle : les mêmes étudiants ont donc pu tenter deux fois leur chance. Attendons de pouvoir mesurer, dans la durée, les conséquences de la « mastérisation ». Quoi qu’il en soit, notre objectif est bien de recruter les meilleurs talents pour exercer le métier de professeur !
Effectivement, monsieur le ministre, vous ne m’avez pas convaincu, mais cela n’a rien d’étonnant !
Les chiffres que j’ai cités se rapportaient au CAPES, et non aux concours d’entrée dans les IUFM : cela n’a rien à voir !
Par ailleurs, je constate chaque jour que l’application de la révision générale des politiques publiques engendre, quoi que vous en disiez, des problèmes particulièrement importants et pénalisants pour les élèves et les professeurs.
Ainsi, la semaine dernière, 3 000 copies de philosophie se trouvaient en déshérence. C’est assez surréaliste, mais il semblerait que l’on ait lancé un appel aux volontaires, parce qu’il n’y avait pas suffisamment de professeurs pour assurer la correction des épreuves du bac ! Voilà un exemple très concret de l’état de déshérence actuel de notre éducation nationale !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, permettez-moi d’enfoncer le clou !
La rentrée scolaire de 2011 s’annonce particulièrement difficile : 1 500 classes seront fermées, ce qui suscite un très vaste mouvement de mécontentement, sinon de révolte.
Sentant le danger électoral de la poursuite d’une politique de déconstruction de l’éducation nationale, le Président de la République a annoncé qu’il n’y aurait pas de fermetures de classes dans le primaire en 2012. Après tout, cette promesse n’engage qu’un candidat à la présidence de la République…
Avant de nous réjouir, nous aimerions, monsieur le ministre, recevoir quelques assurances de votre part. Pouvez-vous nous assurer, par exemple, que vous n’allez pas, une fois de plus, augmenter les effectifs des classes, réduire le taux de scolarisation des enfants de moins de 3 ans, laisser se constituer des établissements « ghettos » ?
Allez-vous cesser de supprimer les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, de fermer des options et des formations, de menacer l’avenir des psychologues scolaires, de faire disparaître la médecine scolaire, d’éteindre le corps des remplaçants ?
Depuis plusieurs mois, certaines académies ont choisi de faire appel à Pôle emploi dans des situations critiques. Ainsi, le rectorat de Paris a organisé une campagne de recrutement de remplaçants via Pôle emploi, afin de constituer son vivier pour l’année scolaire 2011-2012 !
L’éducation nationale n’est-elle plus un service public ? N’est-elle plus capable de recruter et de former ses personnels ? Dois-je revenir sur les problèmes que pose cette méthode de recrutement ? Les volontaires sont sans doute de bonne volonté et diplômés, mais que connaissent-ils du métier d’enseignant ?
On constate par ailleurs une désaffection pour le métier d’enseignant parmi les étudiants. La vocation d’enseigner se meurt.
La disparition d’une formation professionnelle digne de ce nom explique, pour l’essentiel, qu’il y ait de moins en moins de candidats aux concours. Alors, on recrute n’importe comment !
En 2011, 16 000 postes ont été supprimés. Depuis 2007, on a atteint le chiffre abyssal de 66 000 postes en moins, alors même que le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter et la scolarité de s’allonger. Les enquêtes internationales ne glorifient pas notre système éducatif…
Monsieur le ministre, l’annonce d’un moratoire sur les fermetures de classes dans le primaire en 2012 s’accompagnera-t-elle d’un gel des coupes budgétaires dans l’éducation nationale ou n’est-ce là que de la poudre aux yeux des électeurs, qui, de toute façon, ne seront pas dupes ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, j’ai parfois du mal à vous suivre ! En effet, alors que, depuis des mois, vous nous alertez sur la situation de l’école en milieu rural, vous vous indignez quand le Président de la République annonce que, à la rentrée de 2012, le nombre des fermetures de classes ne devra pas excéder celui des ouvertures !
Monsieur Bodin, ce qui m’intéresse, pour ma part, ce sont les résultats de nos élèves, l’amélioration de la performance de notre système éducatif, pour répondre aux exigences et aux attentes des parents.
Nous avons mis en place un système d’évaluation de nos élèves en CM 2 et en CE 1, que vous avez d’ailleurs contesté. Sortons quelques instants des querelles politiciennes, monsieur le sénateur, même si nous sommes en précampagne électorale, et examinons objectivement, de manière dépassionnée, les résultats de cette évaluation : on constate alors que, cette année, 50 % des élèves de CE 1 avaient des acquis très solides, soit six points de plus que l’année dernière. Cela signifie que la première cohorte d’élèves ayant bénéficié de la réforme du primaire de 2008, avec des programmes recentrés sur les apprentissages fondamentaux et un soutien scolaire personnalisé, notamment pour la lecture, a obtenu des résultats bien meilleurs que celle qui l’a précédée.
Ce qui m’intéresse, monsieur le sénateur, c’est que notre système éducatif soit capable de se moderniser, de s’adapter, de différencier ses moyens pour obtenir de meilleurs résultats ; il faut savoir tourner la page des vaines querelles du passé !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, comment allez-vous expliquer aux Français que vous entendez ne fermer aucune classe l’année prochaine dans le primaire, alors que, dans le même temps, vous supprimez 14 000 postes ? C’est absolument incompréhensible !
À propos de l’évaluation des élèves, je vous ferai observer que les enquêtes PISA menées par l’OCDE font apparaître que la situation du système éducatif de notre pays se dégrade, puisque le pourcentage d’élèves en difficulté à l’âge de quinze ans est passé de 15 % à 20 %. Or, cela fait dix ans que vous gouvernez, et bientôt cinq que le Président de la République s’attache à réduire l’encadrement des élèves au sein de l’éducation nationale ! Il ne faut pas s’étonner de la situation actuelle !
M. Yannick Bodin. En ce qui concerne la rentrée prochaine, c’est à bon droit que les parents d’élèves et les enseignants s’inquiètent ! Rendez-vous l’année prochaine !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur la rentrée scolaire.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf sénateurs membres de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.
Je rappelle que cette mission a été créée sur l’initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, en application de l’article 6 bis du règlement du Sénat, qui prévoit pour chaque groupe un « droit de tirage » pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information par année parlementaire.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap (proposition n° 320, texte de la commission n° 644, rapport n° 643).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, pour tous ceux qui souhaitent améliorer la situation des personnes handicapées dans notre pays, l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi déposée par Paul Blanc, dont on connaît l’engagement sans faille sur cette question, constitue un moment particulièrement important.
Je souhaite, en tout premier lieu, saluer le travail fourni par la commission des affaires sociales et son rapporteur, travail d’analyse et de concertation qui a permis d’aboutir à un texte ambitieux et équilibré.
Les modifications apportées par l’Assemblée nationale complètent et précisent utilement le texte, dont l’objectif est bien d’améliorer le service rendu aux personnes en situation de handicap par les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, mais aussi, plus largement, la vie et les droits de nos concitoyens handicapés.
J’avais pris devant l’Assemblée nationale un certain nombre d’engagements. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’y revenir devant vous.
En ce qui concerne, tout d’abord, la cotraitance entre Pôle emploi et Cap emploi, le volume d’accompagnements par Cap emploi sera rétabli à son niveau de 2010.
Depuis le mois de février, nous nous sommes également penchés sur un autre sujet : la mise en œuvre de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée l’an dernier par la France. J’y attache une grande importance, car cette convention reprend, à l’échelon international, des principes que la France a anticipés et déclinés dans la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Pour tenir l’engagement pris à l’occasion de cette ratification, le Premier ministre a décidé de confier au tout nouveau Défenseur des droits la mission de promouvoir, de protéger et de suivre l’application de la convention., conjointement avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qu’il consultera pour avis sur les sujets relatifs à la mise en œuvre de cette dernière.
La deuxième conférence nationale du handicap, qui s’est tenue voilà tout juste trois semaines, a également été l’occasion de prendre des engagements forts.
Dans le domaine de la scolarisation, de très nombreuses mesures, qui reprennent des propositions très pertinentes de Paul Blanc, dont je tiens à saluer encore la qualité du travail, visent à passer de la quantité à la qualité.
Nous avons ainsi décidé d’introduire la question du handicap dans les programmes scolaires, d’élargir les possibilités d’adaptation des contenus pédagogiques pour les rendre accessibles et de former les enseignants à l’accueil des enfants handicapés. En outre, l’accompagnement des élèves handicapés par les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, sera pérennisé et professionnalisé. La conférence nationale du handicap a entériné, notamment, la suppression progressive des contrats aidés et leur remplacement par le recours à des professionnels mieux formés, plus qualifiés.
Nous favoriserons également un décloisonnement entre l’éducation ordinaire et l’éducation adaptée, avec la signature, pour tous les établissements scolaires, d’une convention de collaboration avec les établissements et services adaptés. Notre objectif est bien que tous les enfants trouvent des solutions adaptées à leurs besoins.
Enfin, une journée de sensibilisation au handicap sera organisée, chaque 3 décembre, dans les établissements scolaires. Elle aura vraisemblablement lieu le 2 décembre cette année, le 3 étant un samedi. Un festival du « film handicap » sera lancé, car c’est là une bonne façon de faire évoluer l’image du handicap dans notre société.
Paul Blanc reconnaîtra bien entendu ses préconisations dans les dispositions que je viens d’énumérer !
Dans le champ de l’emploi, nous allons lancer un plan pour l’emploi des personnes handicapées, avec la création de 3 000 places en entreprises adaptées.
En matière d’accessibilité, le Président de la République l’a réaffirmé sans ambiguïté : l’objectif de 2015 n’est pas négociable ; il devra donc être tenu. Pour ce faire, l’État doit se montrer exemplaire. Ainsi, 150 millions d’euros seront mobilisés pour rendre accessibles les écoles publiques et les lieux de travail des trois fonctions publiques.
Pour la mise en œuvre de toutes les mesures annoncées lors de la conférence nationale du handicap, Marie-Anne Montchamp et moi veillerons scrupuleusement à ce qu’un suivi de qualité soit assuré, grâce à un comité dédié, au fonctionnement duquel participeront les associations. À cet égard, la conférence nationale du handicap n’est qu’un début.
Dans ce contexte, je me réjouis qu’une telle proposition de loi soit soumise à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, car améliorer le fonctionnement des MDPH, c’est améliorer le service rendu aux personnes en situation de handicap.
Il s’agit, en effet, de mettre fin à l’instabilité des personnels des MDPH ou à certaines lourdeurs dans la gestion des demandes, et d’apporter à ces établissements plus de visibilité quant à leurs moyens.
Les dispositions de la proposition de loi permettent également d’aboutir à un équilibre en matière d’accessibilité. De ce point de vue, je rappellerai ce que j’ai dit en février dernier à l’Assemblée nationale.
L’accessibilité est l’un des piliers de la politique du handicap et, au-delà, une avancée qui profite à tous. Cet objectif n’est donc pas négociable.
L’article 14 bis prévoit l’obligation de mettre en œuvre des solutions de substitution – pour rendre les locaux accessibles autrement – lorsque les normes ne pourraient pas être pleinement respectées. Mais soyons clairs : seules des contraintes techniques peuvent justifier la mise en œuvre de mesures de substitution.
En outre, c’est au promoteur de prouver l’impossibilité technique. Le recours aux mesures de substitution ne pourra être accepté qu’après avis conforme de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. Comme vous pouvez le constater, l’article prévoit toutes les protections requises !
Je me suis par ailleurs engagée à ce que la concertation se poursuive avec les représentants des personnes en situation de handicap, sous l’égide du secrétaire général du comité interministériel du handicap. Cela va nous permettre de parfaire ce nouveau dispositif juridique et de garantir la primauté du respect des règles d’accessibilité dans la construction.
Je suis consciente des difficultés que suscite la mise en œuvre du dispositif de l’article 14 bis. C’est pourquoi, en accord avec Nathalie Kosciusko-Morizet et Frédéric Lefebvre, j’ai confié, le 11 février dernier, au vice-président du Conseil général de l’environnement et du développement durable, au chef de service de l’Inspection générale des affaires sociales et au chef de service du Contrôle général économique et financier une mission visant à évaluer la réglementation technique existante en matière d’accessibilité et à formuler des propositions pour définir le champ et la nature des mesures de substitution envisageables. Les logements à occupation temporaire seront traités dans le cadre de cette mission.
À ce sujet, je souhaite m’arrêter quelques instants sur l’article 14 ter.
Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement reviendrait sur les principes posés par la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité.
Une nouvelle fois, je rappelle l’engagement très ferme que le Président de la République a pris, lors de la conférence nationale du handicap, de ne pas revenir sur l’échéance de 2015.
Avant toute autre chose, il me semble nécessaire de lever un malentendu : aujourd’hui, s’agissant des logements neufs, les textes prévoient une obligation d’accessibilité totale pour les parties communes, mais seulement une obligation d’adaptabilité totale pour les parties privatives, c’est-à-dire pour les logements eux-mêmes.
Quand un logement est « adaptable », cela signifie qu’il n’est pas directement accessible, mais qu’il pourra être adapté grâce à des travaux simples, c’est-à-dire ne touchant pas au gros œuvre.
Ces dispositions conviennent parfaitement à des logements ordinaires, loués ou achetés pour être habités à l’année. La difficulté, c’est que les mêmes dispositions s’appliquent aux logements à occupation temporaire ou saisonnière, c’est-à-dire à des résidences de tourisme, ou encore aux logements étudiants. Or on ne reste pas suffisamment longtemps dans les logements à occupation temporaire ou saisonnière pour que cela justifie d’y réaliser des travaux !
Une forme de promesse mensongère est donc actuellement faite au touriste en situation de handicap : on lui laisse entendre que les résidences de tourisme neuves seront désormais accessibles à 100 %, alors que seules les parties communes le seront complètement.
L’important n’est-il pas, pour la personne handicapée, qu’il y ait une obligation de résultat, c’est-à-dire qu’elle puisse effectivement bénéficier d’une location saisonnière accessible, et non pas simplement adaptable ?
Il faut donc faire évoluer le cadre réglementaire concernant ce type de logements. À cette fin, le présent article vise à instaurer une base légale pour la mise à disposition immédiate, dans tous ces types d’hébergements à usage temporaire ou saisonnier, de logements directement et effectivement accessibles. Le décret d’application fera bien entendu l’objet d’une concertation avec les associations.
Enfin, cette proposition de loi contient une série de mesures tendant à améliorer la vie des personnes en situation de handicap.
Je pense notamment à l’assouplissement des conditions d’accès aux fichiers sources. L’article 14 quater prévoit en effet une exception aux droits d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap, qui rencontrent des difficultés évidentes pour accéder aux œuvres culturelles. Pour éviter d’ajouter un obstacle juridique à leur vie quotidienne, cet article facilitera la reproduction des œuvres sur des supports adaptés aux publics en situation de handicap, dès lors que la consultation en sera strictement personnelle, par des organismes transcripteurs comme les bibliothèques. Ces organismes pourront demander, dans les dix ans suivant le dépôt légal des œuvres imprimées, à avoir accès aux fichiers numériques.
Je pense également à la facilitation de l’accès aux stages pour les étudiants handicapés, grâce à l’attribution automatique de la qualité de travailleur handicapé aux jeunes disposant d’une convention de stage.
Je pense au montant minimal permettant aux entreprises dites « à quota zéro » de s’exonérer de leur sur-contribution à l’AGEFIPH, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés. Aujourd’hui, un achat d’un faible montant, de l’ordre de 300 euros, permet en effet aux entreprises de s’exonérer de cette sur-contribution. Ce n’est pas normal.
Je pense à la possibilité, pour les jeunes accueillis en instituts médico-éducatifs, en instituts médico-professionnels ou en instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, de manipuler un certain nombre de machines et d’outils qui appartiendront plus tard à leur quotidien dans le monde professionnel qu’ils tentent d’intégrer. C’est un élément indispensable au développement de leur technicité et de leur employabilité.
Je pense enfin à la possibilité de saisine du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, par les agents de la fonction publique.
Ces différents articles constituent des avancées majeures à la fois pour le fonctionnement des MDPH et pour les droits et la vie des personnes en situation de handicap. Ces avancées, nous les attendons depuis plus d’un an. Elles sont, en outre, conformes au rapport remis par l’Inspection générale des affaires sociales fin 2010. Vous comprendrez donc aisément que je souhaite que ces articles puissent être votés dans les mêmes termes au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, afin que leurs dispositions entrent en vigueur le plus rapidement possible.
Ce texte est nécessaire si nous voulons que le quotidien des personnes en situation de handicap ne soit plus un combat. Il appelle un vote conforme.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à M. Paul Blanc, rapporteur, dont l’intervention dans ce débat mérite d’autant plus d’être saluée qu’il ne sollicitera pas le renouvellement de son mandat en septembre prochain !
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est en effet avec beaucoup d’émotion que je m’exprime pour la dernière fois à cette tribune afin de défendre la cause des personnes handicapées.
L’accueil réservé par la presse et certaines associations à cette proposition de loi m’a quelque peu meurtri, je l’avoue. J’espère que ce débat permettra de démontrer qu’elle constitue une réelle avancée pour les personnes handicapées.
Cette proposition de loi est l’aboutissement d’une réflexion engagée voilà plus de deux ans, avec notre collègue Annie Jarraud-Vergnolle, sur les dysfonctionnements des maisons départementales des personnes handicapées et, plus largement, sur les améliorations à apporter à la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
La première lecture de ce texte par le Sénat a débuté le 24 juin 2010, puis a été interrompue pendant plusieurs mois, avant de reprendre pour s’achever le 25 octobre. L’Assemblée nationale a ensuite pris le relais et a adopté, le 16 février dernier, le texte qui nous est aujourd’hui soumis en deuxième lecture.
M. Paul Blanc, rapporteur. Certes, mais nous avons l’habitude, mon cher collègue ! En effet, la loi du 11 février 2005 a été examinée en première lecture par le Sénat en 2003, si mes souvenirs sont exacts, Mme Boisseau étant alors secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Mme Montchamp était présente au banc du Gouvernement lors de la deuxième lecture, en 2004, avant que M. Bas ne représente ce dernier en commission mixte paritaire, en 2005… J’ai coutume de dire que j’ai usé trois ministres !
Sourires.
Le Sénat prend toujours une part prépondérante dans l’élaboration de tels textes fondateurs pour notre société.
Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures de la présente proposition de loi telle qu’adoptée par le Sénat ; je me bornerai à retracer ses grandes lignes, avant de présenter les apports de l’Assemblée nationale.
La première ligne directrice est l’amélioration du fonctionnement et du financement des MDPH.
Vous le savez, les MDPH sont confrontées à trois types de difficultés : l’instabilité de leurs personnels et la diversité de leurs statuts, l’insuffisance de garanties à court terme pour leurs ressources et la persistance de certaines lourdeurs administratives dans l’instruction des demandes.
En ce qui concerne le traitement des demandes, le texte comporte deux dispositions qui devraient permettre de réduire les délais : l’une tend à autoriser les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, à statuer en section locale ou spécialisée, l’autre à clarifier les conditions dans lesquelles ces commissions peuvent adopter une procédure simplifiée de prise de décision.
S’agissant des personnels, le texte comporte trois mesures visant à les stabiliser, à améliorer leur formation et à enrichir leurs perspectives de carrière.
La première d’entre elles vise à réformer le régime de mise à disposition des personnels issus de la fonction publique d’État, en portant la durée de mise à disposition de trois à cinq ans et en allongeant le préavis de trois à six mois, de façon à mieux anticiper le retour des agents dans leur administration d’origine.
La deuxième mesure instaure un système de mise à disposition contre remboursement, qui permettra à l’État de verser en début d’année, et non a posteriori, une subvention de fonctionnement globale intégrant la somme correspondant aux rémunérations des personnels mis à disposition. Cette mesure est de nature, je crois, à satisfaire les présidents de conseil général !
La troisième mesure a pour objet de permettre au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, d’ouvrir les formations qu’il dispense aux fonctionnaires territoriaux à tous les personnels, quel que soit leur statut, et de prélever les cotisations correspondantes.
J’en viens à la question sensible des financements. Chacun le sait, les MDPH rencontrent des problèmes financiers importants, du fait de la compensation partielle des postes mis à disposition par l’État lorsqu’ils ne sont pas pourvus, mais aussi faute de trésorerie et de plan pluriannuel de financement.
Plusieurs dispositions du texte permettront de remédier à cette situation et d’offrir aux MDPH une meilleure visibilité financière. Il s’agit tout d’abord de stabiliser le statut des MDPH, avec le maintien du groupement d’intérêt public, le GIP, ensuite de mettre en place une convention triennale d’objectifs et de moyens entre chaque MDPH et les membres du groupement, qui devra préciser en particulier les modalités de compensation des postes que l’État s’est engagé à transférer au GIP dans la convention constitutive, ainsi que les moyens supplémentaires qu’il apporte en cas d’élargissement des missions assignées aux MDPH.
La deuxième ligne directrice consiste en la clarification du pilotage des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
Au cours des dernières années, la gouvernance des politiques en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées a connu des évolutions importantes, si bien que des inquiétudes ont surgi quant au rôle dévolu à l’État et au service public de l’emploi.
Afin de ne laisser subsister aucune ambiguïté sur ce point, la proposition de loi réaffirme la place de l’État et du service public de l’emploi dans le pilotage des politiques d’insertion professionnelle des personnes handicapées. Elle prévoit également la signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens entre l’État, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, Pôle emploi, l’AGEFIPH et le FIPHFP, assortie de déclinaisons régionales et locales associant les organismes de placement spécialisés. Cette convention devra déterminer les modalités de mise en œuvre des objectifs et des priorités de l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Une existence légale est par ailleurs redonnée aux Cap emploi, qui ont démontré leur compétence spécifique en matière d’orientation, de placement et de suivi professionnel des personnes handicapées.
Enfin, la Haute Assemblée a enrichi ce volet du texte de deux nouvelles dispositions.
La première autorise le FIPHFP à financer des actions réalisées sur son initiative dans les trois fonctions publiques et à subventionner des organismes ou associations avec lesquels il a conclu une convention. Elle permet également aux fonctionnaires handicapés souhaitant obtenir des aides de saisir directement le FIPHFP, sans avoir à passer par leur employeur. Bien sûr, je suis conscient que l’attribution de ces nouvelles missions au FIPHFP va exiger de son personnel d’importants efforts en termes de réactivité, d’adaptabilité et d’efficacité, mais je suis convaincu que celui-ci saura relever le défi !
La seconde disposition modifie les critères de versement de la subvention spécifique et des aides au poste aux entreprises adaptées et aux centres de distribution de travail à domicile, en supprimant notamment la référence à la notion d’« efficience réduite ».
La troisième ligne directrice est l’amélioration de la prise en charge du handicap.
La loi du 11 février 2005 a fixé des objectifs ambitieux en matière d’accessibilité, la prise en charge du handicap passant aussi par l’adaptation de l’environnement des personnes handicapées.
Dans ce domaine, deux dispositions ont été adoptées par le Sénat.
La première, tendant à favoriser la mise en accessibilité des constructions neuves, prévoit des mesures de substitution en cas d’impossibilité avérée de remplir les exigences réglementaires et légales. Cette disposition, dont les déclinaisons réglementaires seront placées sous l’œil vigilant du Conseil national consultatif des personnes handicapées et dont l’application sera contrôlée sur le terrain par les commissions départementales consultatives de sécurité et d’accessibilité, se traduira non par l’octroi de dérogations de portée générale –comme je l’entends dire ici ou là –, mais par la mise en place de dispositifs de substitution pour permettre de rendre les bâtiments accessibles dans des conditions plus souples.
La seconde disposition vise à étendre l’obligation faite aux distributeurs de services – ADSL, câble, satellite – d’offrir gratuitement les prestations nécessaires à la diffusion des programmes audiovisuels audiodécrits destinés aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Intéressons-nous maintenant aux principales modifications apportées par nos collègues députés en première lecture. D’une manière générale, je crois pouvoir dire qu’elles approfondissent utilement notre texte et en confortent la philosophie générale.
Nous avions cherché à clarifier les compétences territoriales des MDPH. L’Assemblée nationale a prolongé notre démarche en améliorant la règle du lieu de résidence.
Les députés ont ensuite sécurisé l’échange d’informations entre intervenants soumis au secret professionnel dans le cadre des missions des MDPH, en le limitant aux seules informations nécessaires à la prise de décision, comme cela est déjà le cas pour l’aide sociale à l’enfance.
L’Assemblée nationale a prévu la reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé pour les étudiants handicapés bénéficiant d’une convention de stage. Cette mesure constituera une incitation forte pour les entreprises, qui pourront ainsi remplir leurs obligations d’emploi, mais aussi bénéficier d’aides pour adapter les postes de travail aux personnes handicapées.
Les députés ont donné une base légale aux plans régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés afin de les rendre plus visibles. Certes, je reconnais que ces plans régionaux relèvent davantage du domaine réglementaire, mais en inscrire le principe dans la loi devrait favoriser leur déploiement.
L’Assemblée nationale a, par ailleurs, encadré le dispositif d’exonération du paiement de la « sur-contribution » pour les entreprises qui n’emploient directement aucun travailleur handicapé, mais qui effectuent des achats auprès d’une entreprise adaptée ou d’un établissement d’aide par le travail.
Les dispositions introduites par le Sénat relatives aux normes d’accessibilité applicables aux bâtiments neufs, qui ne visent que les habitations occupées à titre permanent, ont été étendues aux logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière, telles les résidences de tourisme ou les résidences étudiantes.
Enfin, le texte qui nous est soumis assouplit les conditions dans lesquelles les organismes transcripteurs –bibliothèques, services d’archives, centres de documentation, établissements spécialisés – peuvent accéder aux fichiers sources des œuvres imprimées auprès des éditeurs, afin de les reproduire sur des supports adaptés aux publics handicapés.
Vous le voyez, mes chers collègues, la navette parlementaire a permis d’améliorer et d’enrichir les dispositions de cette proposition de loi, qui est le fruit d’un travail approfondi d’écoute, de concertation et d’analyse. Elle contribuera, j’en suis convaincu, à apporter des réponses aux difficultés que rencontrent les MDPH et surtout à faire progresser la cause des personnes handicapées.
Aussi la commission des affaires sociales du Sénat a-t-elle adopté le texte dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. J’émets le souhait qu’il soit voté à l’unanimité ce soir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons probablement au terme de l’examen de la proposition de loi, puisqu’un compromis a été trouvé sur les principaux points qui posaient problème. Je souhaite donc, moi aussi, que nous puissions parvenir à un vote conforme.
À ce stade avancé de nos travaux, je ne puis que réaffirmer l’appréciation globalement positive du groupe de l’Union centriste sur ce texte, qui représente une avancée significative. Le mérite en revient évidemment à la commission des affaires sociales, et notamment à son rapporteur, M. Paul Blanc.
La proposition de loi a un double objet : remédier aux dysfonctionnements qui affectent les MDPH et réviser la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées sur des aspects ponctuels, mais importants.
Inspiré par le rapport d’information de 2009 et fondé sur un diagnostic pertinent des maux dont souffrent les MDPH, ce texte apporte des solutions concrètes. Ces maux, nous les connaissons : il s’agit des lourdeurs administratives, de l’insuffisance de garanties à court terme quant aux moyens financiers dont disposent les MDPH et de l’instabilité des personnels du fait de la diversité de leurs statuts. Or l’allégement, la simplification et la rationalisation des procédures prévus par le texte devraient permettre de réduire les délais d’instruction des nouveaux dossiers et de résorber les stocks accumulés, et ce pour le plus grand profit des usagers.
Le volet financier est également très satisfaisant. C’est même sans doute – je l’ai déjà indiqué en première lecture – le dispositif le plus astucieux du texte. Il organise un système de mise à disposition contre remboursement en vertu duquel l’État versera en début d’année, et non a posteriori, une subvention de fonctionnement globale intégrant la somme correspondant aux rémunérations des personnels mis à disposition. Ainsi les vacances de postes trop souvent constatées seront-elles évitées.
Je mettrai tout de même un bémol : je ne peux m’empêcher de rejoindre le rapporteur pour regretter que l’exonération de la taxe sur les salaires initialement prévue n’ait pas résisté à l’examen, pour d’évidentes raisons budgétaires. La question se reposera, n’en doutons pas, en des temps meilleurs...
Je formulerai aussi un regret concernant le volet consacré aux personnels. À mon sens, c’est sans doute la partie la plus faible du texte. Nous le savons, l’hétérogénéité du statut de ces personnels constitue un frein au système. Or le GIP est pérennisé. Pour ma part, j’étais partisan d’expérimenter des solutions de remplacement, comme celle que Pierre Jamet avait proposée au mois d’avril dernier dans un rapport remis au Premier ministre. Mais je prends acte que les esprits ne sont pas encore mûrs.
Je déplore également que la première mouture du texte n’ait pas été conservée ; il s’agissait de prévoir une mise à disposition dans les MDPH des seuls fonctionnaires territoriaux. À mon sens, nous aurions ainsi certainement gagné en cohérence.
Néanmoins, tout n’est pas, loin s’en faut, négatif dans ce volet. Je salue deux points non négligeables : la mise à disposition des personnels de l’État, qui passerait de trois à cinq ans, et l’autorisation par le GIP de recruter des agents en contrat de droit public ou privé à durée indéterminée, disposition qui offre aux personnels des perspectives de carrière au sein des MDPH.
La seconde partie de la proposition de loi est aussi importante. Elle réforme, entre autres choses, le pilotage des politiques en faveur de l’emploi et la prise en charge du handicap. Je me concentrerai sur ce dernier point pour déplorer deux reculs d’importance concernant la prestation de compensation du handicap, la PCH.
D’une part, nous soutenions fermement la première mouture du texte, qui élargissait le champ d’application de ce dispositif afin de mieux prendre en compte les aides ménagères. Alors que la PCH avait vocation à remplacer l’allocation compensatrice pour tierce personne, l’ACTP, je rappelle qu’il subsiste près de 110 000 prestataires de cette allocation, contre seulement 80 000 bénéficiaires de la PCH. Cette situation s’explique principalement par le fait que la PCH prend mal en compte les aides ménagères. Je n’ignore pas le coût d’une telle mesure, qui s’élève à 150 millions d’euros. Mais, en politique, il faut se donner les moyens de ses ambitions !
D’autre part, et toujours à propos de la PCH, mais cette fois dans une perspective financière, la proposition de loi initiale prévoyait la mise en place d’un mécanisme de péréquation des concours versés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, aux conseils généraux au titre de la PCH, afin que ceux-ci soient mieux ajustés aux dépenses réellement engagées. Le Gouvernement avait argué du caractère prématuré d’une telle mesure. Espérons qu’elle devienne un jour d’actualité…
M. Paul Blanc, rapporteur. Il faut bien laisser du travail aux suivants !
Sourires
Pour conclure, je dirai que les modifications apportées par l’Assemblée nationale vont, à nos yeux, dans le bon sens. J’en relèverai notamment deux.
La première concerne la répartition de la charge de travail entre les MDPH. Il s’agit d’un véritable problème compte tenu des inégalités observées entre les départements. Pour mieux répartir la charge de travail, nos collègues députés ont adopté ce qui nous semble être une bonne articulation de compromis entre les notions de domicile de secours et de domicile de résidence.
La seconde porte sur la question de l’accessibilité du bâti. On s’en souvient, en première lecture, nous avions eu à cœur de verrouiller la notion de « substitution » à la mise en accessibilité du bâti neuf. L’adoption de l’amendement de notre collègue Sylvie Desmarescaux avait permis de garantir que cette notion ne pourrait en aucun cas donner lieu à un contournement du principe général de mise en accessibilité. Sur la base d’un texte ainsi sécurisé, il nous semble naturel d’étendre la règle non plus seulement aux habitations occupées à titre permanent, mais également aux logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière. C’est ce qu’a fait l’Assemblée nationale.
Il ne me reste plus, au nom de mes collègues centristes, qu’à féliciter notre commission pour le travail accompli. Je salue en particulier sa présidente et j’adresse une mention spéciale à notre collègue Paul Blanc, qui termine en beauté sa carrière parlementaire ; les personnes en situation de handicap ont toujours été au cœur de ses préoccupations, parce qu’elles étaient d’abord les préoccupations de son cœur !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, six ans près le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nous constatons les difficultés de sa mise en œuvre.
La présente proposition de loi, consécutive au rapport réalisé en 2009 avec mon collègue Paul Blanc, Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005, a été rédigée au début de l’année 2010. Plus d’un an s’est écoulé entre sa rédaction, son passage au Sénat, à l’Assemblée nationale et son retour en deuxième lecture au sein de la Haute Assemblée.
Je le rappelle, la première lecture s’était déjà déroulée en deux temps : cinq articles avaient été étudiés au mois de juin 2010, la suite de la proposition de loi ayant été examinée au mois d’octobre 2010. En attendant, la situation des MDPH est toujours aussi fragile !
Ce constat, que nous ne pouvons que déplorer, signe le désengagement de l’État vis-à-vis du handicap, malgré les déclarations du Président de la République.
En effet, en dépit d’une importante campagne d’affichage, comme cela a été le cas lors de la deuxième conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 8 juin dernier au Centre Pompidou, avec la présence massive des membres du Gouvernement – pas moins de onze ministres et secrétaires d’État se sont succédé à la tribune –, les associations présentes sont restées sur leur faim. Nous y reviendrons.
Passons à la proposition de loi de Paul Blanc.
Comme nous l’avions signifié en première lecture, le titre Ier relatif à l’amélioration du fonctionnement des MDPH est en conformité avec les préconisations de notre rapport : consolidation du statut juridique du GIP, mesures tendant à stabiliser le personnel et à le former, ouverture plus large des MDPH au public, précisions sur les missions et les engagements des différents opérateurs nationaux et départementaux, notamment en termes de financements futurs nécessaires à la pérennité de leur action, formations restreintes et procédure simplifiée d’organisation de la CDAPH, ...
En revanche, le titre II ne nous satisfait toujours pas.
Nous présenterons un amendement à l’article 10 relatif à la contestation des décisions de la CDAPH, afin de réintégrer dans les pièces à fournir au médecin expert auprès du tribunal non seulement le rapport médical établi par le médecin de la MDPH, mais également l’évaluation pratiquée par l’équipe pluridisciplinaire et le projet de vie.
Progressivement, les MDPH ont mis en place des instances de conciliation et de médiation, qui interviennent en cas de désaccord avec les décisions prononcées par la CDAPH. Dans bien des cas, les solutions proposées ont permis d’éviter les recours contentieux.
Toutefois, plusieurs MDPH que nous avons visitées ont exprimé des inquiétudes quant à l’iniquité des décisions prises par les tribunaux du contentieux de l’incapacité, les TCI, et par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, la CNITAAT. Les causes principales en sont le manque de formation des médecins experts et des magistrats ainsi que l’absence de reconnaissance de la pluridisciplinarité des évaluations réalisées par les MDPH. Nous préconisions alors une disposition législative précisant que l’approche pluridisciplinaire devait s’appliquer pour les décisions prises par les TCI et la CNITAAT.
Notre amendement a donc pour objet de réintroduire la transmission de l’évaluation pratiquée par l’équipe pluridisciplinaire au médecin du tribunal et au juge.
L’article 10 bis, introduit à l’Assemblée nationale, vise à prévoir l’élaboration tous les cinq ans d’un plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés, un PRITH. Nous ne pouvons que regretter la suppression des programmes départementaux d’insertion des travailleurs handicapés, les PDITH, qui fonctionnaient parfaitement bien. Il s’agissait d’organes de proximité en lien étroit avec l’ensemble des acteurs intervenant dans l’insertion des travailleurs handicapés, ce qui n’est pas le cas des PRITH.
Nous en arrivons aux articles 14 bis et 14 ter.
L’article 14 bis prévoit des mesures de substitution pour l’accessibilité des bâtiments neufs.
Durant l’année 2009, le Gouvernement avait déjà tenté d’étendre les possibilités de dérogation aux règles d’accessibilité prévues par la loi, y compris pour le cadre bâti.
Le 21 juillet 2009, le Conseil d’État a dû annuler un décret du mois de mai 2006 visant à accorder toute une série de dérogations remettant en cause le principe d’accessibilité.
Un peu plus tard, le Gouvernement a tenté une nouvelle fois de modifier directement la loi du 11 février 2005 dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2009, en instaurant des dérogations pour les constructions de bâtiments neufs.
Il ne s’agissait pas de dérogations !
Heureusement, le Conseil constitutionnel a censuré l’article en question !
Aujourd’hui, vous récidivez. Vous étendez même ces mesures de substitution à l’accessibilité dans les résidences saisonnières ou temporaires ! Vous affaiblissez la loi de 2005 ; c’est inacceptable pour les personnes à mobilité réduite. On se demande vraiment si vous avez la volonté de faciliter la vie des personnes handicapées !
Pourtant, dans son discours de clôture de la conférence nationale du handicap, Nicolas Sarkozy a demandé avec force au FIPHFP le déblocage de 150 millions d’euros pour rendre accessibles les écoles de la fonction publique et aménager les postes de travailleurs handicapés dans les petites communes.
Ce discours a été accueilli avec des réserves – on a parlé d’« affichage » et d’« effet d’annonce » –, car les 150 millions d’euros étaient déjà budgétés par les actions du FIPHFP. Aucun fonds supplémentaire ne va intervenir !
Notre Président n’a vraiment peur de rien ! Lors de cette journée, il déclarait : « C’est pourquoi l’accessibilité est un domaine primordial, sur lequel nous devons faire porter tous nos efforts. […] Dois-je rappeler que notre horizon est 2015 ? » – vous l’avez d’ailleurs rappelé, madame la ministre – « Je ne céderai pas sur cette échéance. Ce serait une étrange façon de gouverner que de se fixer un objectif ambitieux, puis de reculer l’exigence au fur et à mesure qu’on s’en approche ! » Mais de qui se moque-t-on ?
Le Président de la République a même insisté en affirmant que l’effort ne se relâcherait pas, précisant par ailleurs que 10 000 nouveaux enfants handicapés rejoignent à chaque rentrée scolaire les rangs de l’école, ce qui est au demeurant exact. Il a annoncé le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire « plus nombreux, mieux formés, mieux payés et disposant de véritables perspectives de carrière » à la rentrée de septembre !
Or les associations se battent depuis plus de huit ans pour faire reconnaître le métier d’auxiliaire de vie scolaire, afin de garantir aux jeunes handicapés l’accès à une scolarisation de qualité.
Sur le plan parlementaire, depuis 2003, 116 questions au Gouvernement ont été posées au Sénat et 540 à l’Assemblée nationale sur la situation des AVS sans obtenir de réponse satisfaisante.
Rappelons que les AVS étaient recrutés au niveau du bac avec des contrats de deux ans renouvelables au minimum. Ils étaient formés et assuraient, ainsi, un accompagnement scolaire adapté aux jeunes. Aujourd’hui, ces contrats sont remplacés par des contrats de six mois pour les EVS qui sont recrutés sans qualification et ne bénéficient d’aucune formation et d’aucun encadrement. De plus, leurs contrats peuvent s’arrêter en plein milieu de l’année scolaire ! Les enfants handicapés se retrouvent ainsi privés d’auxiliaires de vie scolaire pendant plusieurs semaines.
Le problème récurrent de précarisation et de déqualification des accompagnants à la vie scolaire a entraîné ces dernières années des recours importants devant le tribunal administratif. Dans mon département, douze recours ont été déposés l’année dernière et dix cette année.
Encore une fois, nous constatons que l’État est en train de se désengager sur le plan des AVS comme il le fait pour l’accessibilité, et ce malgré les déclarations tonitruantes du Président de la République.
D’ailleurs, vous avez rejeté en première lecture, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, nos amendements sur l’accompagnement scolaire des enfants handicapés.
Le décalage entre les déclarations de M. Sarkozy et les moyens mis en œuvre sur le terrain signe, effectivement, un désintérêt certain du Gouvernement à l’égard de la politique du handicap et constitue une remise en cause permanente de la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Compte tenu de ces éléments et malgré l’intérêt du titre Ier, fidèle aux préconisations que nous avions faites avec Paul Blanc dans notre rapport sur les MDPH, je voterai, comme mon groupe, contre cette proposition de loi.
Nous ne pouvons absolument pas accepter la remise en cause de l’accessibilité prévue par les articles 14 bis et 14 ter, et la non prise en compte de la situation des AVS.
Monsieur le rapporteur, je suis au regret de ne pouvoir voter ce texte avec vous.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà un an ou presque que le texte que nous examinons aujourd'hui a été soumis en première lecture à la Haute Assemblée.
Un an, au cas particulier, c’est long, quand on sait que ce texte visait un double objectif : faciliter l’ensemble des démarches auxquelles sont soumises les personnes handicapées ou leur famille et améliorer l’ensemble du dispositif relatif à la politique du handicap. Deux domaines qui, me semble-t-il, méritaient une célérité particulière pour améliorer le confort, au sens large du terme, d’une population qui a droit à toute notre attention et optimiser le fonctionnement du guichet unique que sont les maisons départementales des personnes handicapées, soumises à une politique de coproduction aujourd'hui encore trop complexe.
Au terme des débats des deux assemblées, je veux bien oublier le poids des délais auxquels nous avons été contraints pour me féliciter, avec les membres du groupe du RDSE auquel j’appartiens, des dispositions retenues.
Fort opportunément, le législateur a entendu les difficultés auxquelles sont quotidiennement confrontées les personnes handicapées : accès facilité aux MDPH avec un assouplissement des modalités d’accueil ; prise en compte de la notion de proximité pour rapprocher la personne handicapée des lieux et modalités de décision, au regard de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ; reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé aux jeunes disposant d’une convention de stage ; accessibilité généralisée dans les bâtiments neufs, mais selon des règles moins contraignantes et plus réalistes en cas d’impossibilité technique ou pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière.
En ce qui concerne cette dernière mesure, nous aurions pu craindre qu’elle ne vidât les dispositions de la loi de 2005 de leur contenu. En réalité, il s’agit d’une mesure pragmatique et de simple bon sens.
Ont été également prises en compte les difficultés nées du rapprochement de différents acteurs, qui, en fusionnant au sein du GIP-MDPH, ne réglaient pas un certain nombre de problèmes statutaires et organisationnels. Il fallait donner à la nouvelle entité MDPH à la fois plus de souplesse et une meilleure vision stratégique.
La souplesse est venue des aménagements statutaires : durée et renouvellement des détachements, modalités de remboursement des mises à disposition, formation commune au sein du CNFPT pour l’ensemble des personnels, quels que soient leurs statuts.
Une meilleure vision stratégique a été apportée via des contrats d’objectifs et de moyens ainsi que des plans régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés, deux dispositifs qui valent engagement des acteurs cosignataires et devraient assurer aux MDPH, à défaut d’un financement stable, du moins un financement connu d’avance leur permettant d’élaborer une véritable politique locale.
Il n’en reste pas moins qu’il revient à l’État d’être pleinement garant de la bonne application des lois sur le handicap, le fédérateur entre acteurs locaux n’ayant pas toujours des objectifs partagés : sécurité sociale, Pôle emploi, associations d’aide à la personne.
Je ne manquerai pas, néanmoins, de regretter sur ce point que l’on n’ait pas pu maintenir le principe, adopté en première lecture, de l’intégration de la prise en charge de l’aide ménagère dans la prestation de compensation du handicap.
Enfin, la proposition de loi rappelle l’obligation faite aux entreprises et aux administrations d’accueillir un pourcentage encore aujourd'hui non atteint de personnes handicapées sur des postes de travail conséquemment aménagés. La possibilité donnée jusque-là aux entreprises dites « à quota zéro » de s’exonérer d’une sur-contribution a été heureusement révisée.
Au total, et sans vouloir entrer plus avant dans le détail de cette proposition de loi, je relève combien chacun, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, a cherché à trouver un véritable équilibre indispensable pour protéger celles et ceux qui ont les plus lourds besoins
Il n’en reste pas moins vrai – mais ce texte était-il le bon véhicule ? – que deux problèmes majeurs se posent concernant le handicap ou du moins deux catégories de personnes dites « handicapées ». Je veux parler des autistes, d’une part, et des personnes âgées, d’autre part.
S’agissant des autistes, nous manquons singulièrement de dispositifs adaptés pour faciliter leur prise en charge, et les familles d’enfants et d’adolescents autistes se sentent littéralement abandonnées !
Quelles structures, quels moyens, quels équipements, quels accompagnements sont-ils prévus ?
Autant certaines formes de handicap ont été clairement identifiées et traitées, autant l’autisme reste un monde impénétrable, pas seulement au regard de la personne autiste, mais aussi au regard des personnes, des services publics, de l’État qui devraient les accompagner.
S’agissant des personnes âgées, je ne peux me résoudre à les placer dans la « case » des personnes handicapées. Quel sens peut avoir un schéma global du handicap et des personnes âgées ? Être âgé n’est pas forcément un handicap, ce peut être une richesse et c’est une richesse, tout du moins jusqu’à ce que la maladie ou une fragilité particulière vienne amenuiser les capacités de nos aînés. Un plan particulier mériterait, à l’évidence, d’être élaboré pour prendre en compte dans sa juste mesure la notion de vieillissement.
Le vieillissement des personnes handicapées est un tout autre sujet. Je reste toujours en attente d’un schéma du handicap qui accompagnerait tout au long de sa vie un enfant, un adolescent, un adulte, en lui évitant les ruptures si difficiles à vivre à chaque tranche institutionnelle d’âge, tant pour lui-même que pour ses proches.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, j’espère que les deux vœux que je formule aujourd'hui seront pris en compte dans de bons délais afin que soit opportunément complété le dispositif présenté ce soir, dispositif en faveur duquel je voterai, comme l’ensemble des membres du RDSE.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée il y a plus d’un an par notre collègue Paul Blanc appelle aujourd’hui de notre part deux réactions très différentes l’une de l’autre, selon que l’on considère la première partie du texte, consacrée à l’organisation des maisons départementales des personnes handicapées, ou sa seconde partie, relative à la politique du handicap.
En effet, nous estimons que les propositions formulées sur les MDPH vont dans le bon sens. Les principales difficultés auxquelles elles sont confrontées sont connues de tous : ce sont d’abord et avant tout des problèmes financiers et de personnels, liés notamment à la durée des contrats de mise à disposition.
L’examen de la proposition de loi aura donc été l’occasion d’établir un diagnostic commun et d’apporter des correctifs. Ceux-ci ne sauraient être efficaces qu’à la condition sine qua non que le Gouvernement respecte dans la durée les engagements auxquels il aura consenti au travers des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.
De la même manière, nous saluons l’effort qui est fait quant à la formation des professionnels intervenant au sein des MDPH. Les personnes en situation de handicap et les associations qui les représentent font régulièrement état d’un accueil insatisfaisant : les projets personnalisés des personnes en situation de handicap sont souvent réduits à une simple dimension médiale ou administrative. Le fait que, demain, tous les acteurs des MDPH puissent bénéficier de formations spécifiques est de nature à permettre l’émergence d’une culture commune rappelant – c’est notre souhait – que les missions des MDPH résident dans une approche globale de nos concitoyens faisant appel à ces structures.
Notre constat est autrement plus critique en ce qui concerne la seconde partie du texte.
Nous regrettons que l’article 13 de la proposition de loi, concernant la compensation du handicap, ait été supprimé. Contrairement aux engagements pris à l’occasion des débats sur la loi du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap ne couvre pas la totalité des frais liés aux dépenses d’aide à l’autonomie. Cela résulte à la fois de critères d’éligibilité trop restrictifs et de l’instauration de tarifs plafonds. Le fonds départemental de compensation, qui devait compléter la prestation de compensation du handicap, ne joue pas pleinement son rôle en raison de l’exclusion de certaines dépenses ou de certains bénéficiaires – je pense à ceux percevant encore l’allocation compensatrice pour tierce personne.
Tout cela a pour effet de faire supporter aux personnes en situation de handicap et à leurs proches d’importants « restes à charge ».
Par ailleurs, le moins que l’on puisse dire c’est que la proposition de loi est déjà dépassée au regard de la deuxième conférence nationale du handicap. Celle-ci a été marquée par l’expression de la volonté d’aboutir à une société plus juste, plus solidaire et qui permettrait à chacune et à chacun de trouver sa place.
À cet égard, nous ne pouvons que dénoncer deux mesures de ce texte qui prévoient d’apporter des dérogations aux principes d’accessibilité pour tous, principes définis dans la loi de 2005.
Vous avez beau dire qu’il ne s’agit pas de dérogations, mais de substitutions, les faits sont têtus. Au final, les personnes en situation de handicap les subiront comme autant de mesures les reléguant au rang de citoyens de seconde zone.
Je ne prendrais qu’un exemple. Interrogeant M. Paul Blanc sur ce que pourrait être une mesure de substitution, il m’a répondu – il me dira si je me trompe – que, dans les logements neufs, toutes les salles de bains ou les cabinets de toilette pourraient ne pas être aux normes d’accessibilité, mais que l’architecture intérieure permettra, en cassant un placard adossé à cet effet, d’agrandir la pièce afin qu’une personne en situation de handicap puisse y accéder.
Mes chers collègues, cela ne nous satisfait pas, et ce pour deux raisons.
Cette mesure, dite de « substitution », …
Ce n’est pas une mesure de substitution !
… présente l’inconvénient majeur de priver les personnes en situation de handicap de la possibilité de se rendre chez des amis et de mener une vie sociale. C’est pourtant ce que nous souhaitons tous pouvoir faire ici !
Le fait que les nouveaux logements ne soient pas conçus dès leur réalisation pour être accessibles à tous conduit à priver celles et ceux qui souffrent de handicaps des plaisirs simples de la vie, comme aller dîner chez des amis, au seul motif que les couloirs ou les toilettes ne seraient pas adaptés.
Lors de son discours concluant la deuxième conférence nationale du handicap, le Président de la République a affirmé que le fait de pouvoir côtoyer des personnes handicapées était une chance. Dommage que sa majorité adopte aujourd’hui des articles qui auront pour conséquence de reléguer chez eux des personnes en situation de handicap, qui ne demandent rien d’autre que d’être considérées comme de simples citoyens.
Les pressions économiques exercées par les entrepreneurs ou les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics ne sauraient être plus importantes que la condition que nous faisons à une partie de nos concitoyens.
Notre droit interdit les discriminations et sanctionne celles et ceux qui s’y livrent. Or les mesures qui nous sont proposées conduiront à légaliser de telles pratiques. Plus grave encore : elles donneront quitus à ceux qui seront tentés, notamment sous prétexte de simplifier les normes, de renoncer à l’idéal émancipateur de l’accessibilité pour tous.
Notre profond mécontentement a une seconde raison. Elle repose sur l’avis de celles et ceux qui, soucieux de faire avancer la société de demain, travaillent aujourd’hui dans la perspective d’une conception universelle de l’architecture : ils considèrent que les mesures de substitution n’ont pas de sens.
Nous débattrons bientôt de la perte d’autonomie. Le vieillissement de la population et l’aspiration légitime des personnes vieillissantes à vivre le plus longtemps possible à leur domicile nous imposent d’être imaginatifs dès à présent : de cette façon, les espaces publics comme privés pourront être adaptés aux situations qui se présenteront demain. Pour cela, il est nécessaire de s’engager dans la voie que les associations préconisent, celle du « design pour tous ».
Comme je l’ai expliqué au cours de la première lecture, le fait d’élargir les couloirs, les toilettes et les salles de bains, comme celui d’installer des barres d’appui ou des rampes, permet non seulement de faciliter la vie des personnes en situation de handicap, mais aussi celles des personnes âgées et des parents qui déplacent une poussette. Faire avancer la politique du handicap, c’est faire avancer la société tout entière !
Sur ce sujet, la France a d’ailleurs ratifié une convention internationale ; les sénateurs du groupe CRC-SPG souhaitent que notre pays honore ses engagements.
Je veux enfin aborder la question de l’emploi. Elle est primordiale. Or si certaines mesures que cette proposition de loi comporte vont dans le bon sens, elles ne sont pas de nature à améliorer de manière significative la condition des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage est largement supérieur à celui du reste de la population.
Alors que l’Assemblée nationale finissait à peine l’examen de la proposition de loi déposée par Paul Blanc, et par conséquent avant même que le Sénat en ait été saisi en deuxième lecture, votre majorité a adopté, dans le cadre de la discussion d’une proposition de loi relative à l’alternance, une disposition qui modifie les conditions d’imputabilité d’un salarié en situation de handicap au regard de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Désormais, les entreprises bénéficiant de la mise à disposition du salarié d’un groupement pourraient, dès lors que celui-ci est en situation de handicap, et alors même qu’elles n’en sont pas l’employeur, être dispensées de leurs obligations légales.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous refusons que notre pays perde de vue les objectifs que nous nous sommes collectivement fixés en 2005, le groupe CRC-SPG votera contre la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quel dommage ! Oui, vraiment quel dommage que l’excellent travail de nos collègues Paul Blanc et Annie Jarraud-Vergnolle, coauteurs du rapport d’information Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005, que concrétise cette proposition de loi, soit définitivement entaché d’une disposition contredisant totalement le fond et l’esprit de la loi de 2005 ainsi que la démarche pragmatique et constructive dans laquelle le présent texte s’était élaboré.
L’article 14 bis, tout un chacun l’aura identifié, adopté conforme et qui n’est donc même plus en débat, a soulevé la colère des associations représentatives des personnes handicapées. Du coup, cela a amoindri la portée des avancées réelles des autres dispositions que nous avions soutenues lors de la première lecture. Je le regrette d’autant plus sincèrement que les deux problèmes majeurs auxquels les MDPH sont confrontées, l’instabilité des personnels et les incertitudes financières, commençaient à trouver une voie de règlement possible ; sans doute n’était-elle pas la meilleure, mais nous en étions d’accord, sous réserve que soit préalablement résolue la question, que le Gouvernement se refuse toujours à affronter, de l’abondement national de la prestation de compensation du handicap.
En deuxième comme en première lecture, nous approuvons les dispositions relatives au statut des maisons départementales des personnes handicapées, confirmées et stabilisées sous la forme de groupements d’intérêt public.
De la même façon, nous approuvons les dispositions relatives au statut de leurs personnels, en dépit d’une hésitation qui conforte finalement les emplois mis à disposition dans la durée, pour cinq ans au lieu de trois, assortis, à la suite d’une initiative pour une fois bienvenue du Gouvernement, d’un préavis allongé de trois à six mois.
Enfin, pour m’en tenir à l’essentiel, nous continuons d’approuver les dispositions relatives à l’emploi ainsi que celles relatives à la restructuration, sous l’autorité de l’État, des organismes de gestion et de placement.
Pour ce qui concerne le financement, l’article 5 de la proposition de loi recueille globalement notre accord, dans la mesure où il resserre le cadre juridique d’engagement de l’État en adossant à la convention constitutive une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens qui précisera le montant de la subvention de fonctionnement allouée et le nombre d’équivalents temps plein couverts ; en outre, cette CPOM sera elle-même assortie d’un avenant financier annuel.
Depuis l’ouverture de ce débat – il y a un an et quatre jours… –, et même si la pression d’un contentieux s’est malheureusement révélée nécessaire pour amener le Gouvernement à respecter ses engagements, les circulaires et l’instruction ministérielles du 8 avril 2011 ont enfin ouvert les crédits indispensables au fonctionnement des MDPH, soit 4, 26 millions d’euros pour 2010, 47, 15 millions d’euros pour 2011 en loi de finances et 17, 9 millions d’euros en loi de finances rectificative pour le remboursement de la dette contractée sur la période 2006-2009. De plus, pour une meilleure lisibilité, les sommes allouées au financement des MDPH, précédemment réparties au sein de trois programmes distincts, ont été regroupées dans le seul programme « Handicap et dépendance ».
Avec ces mesures financières, cette proposition de loi marquait une progression et manifestait la volonté, forcée pour les uns, spontanée pour les autres, d’améliorer de façon concrète le formidable service de proximité que constitue aujourd’hui le réseau des maisons départementales des personnes handicapées. Il est d’autant plus regrettable que ces avancées soient « gagées » par l’abandon du principe d’accessibilité au surplus maquillé de la manière pour ainsi dire la plus « malhonnête » !
Je parle bien de « gage », car la petite brèche ouverte à cet endroit, que vous vous évertuez non sans hypocrisie à présenter comme une substitution – or si toute dérogation n’est pas forcément une substitution, toute substitution est nécessairement une dérogation –, suffira à emporter la digue.
J’en veux pour seule preuve que l’adoption de l’article 14 bis par la majorité sénatoriale a donné le signal à nos collègues députés qui se sont alors empressés de multiplier les demandes de dérogation, arguant pour chaque secteur de spécificités et de particulières contraintes, qui pour l’hôtellerie indépendante, qui pour les centres de vacances, qui pour les résidences de tourisme… Au point que Mme Bérengère Poletti, estimant les bornes dépassées, a solennellement mis en garde ses collègues : trop, c’est trop ! Il est impensable de revenir en arrière. Vous allez perdre la fierté de ce qui a été fait pour les personnes handicapées.
Cette position était forte, claire, courageuse et conforme à l’intérêt général.
Un dernier mot sur ce point, madame la ministre. Comme vous l’avez fait encore le 8 juin dernier lors de la conférence nationale du handicap, vous affirmez tenir malgré tout pour intangible le principe d’accessibilité inscrit dans la loi du 11 février 2005. Vous le qualifiez de « principe irréfragable ». « Irréfragable » signifie : qui ne souffre aucune preuve contraire. « Intangible » signifie : qui ne peut pas être modifié.
Pour défendre des dispositions qui signent clairement le renoncement à un principe fondamental, assurément très ambitieux mais indispensable à la réalisation effective du droit pour tous à une vie digne, il aurait été moins choquant que vous vous prévaliez, par exemple, des conclusions du rapport Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.
J’ai souvenir, madame la ministre, de vous avoir déjà demandé à plusieurs reprises, dans cet hémicycle : « Quand direz-vous la vérité aux Françaises et aux Français ? » De toute évidence, ce n’est pas encore aujourd’hui…
Vous-même, monsieur le rapporteur, avez affirmé que cette proposition de loi répondait à des problèmes pratiques qu’il appartient au législateur de résoudre ; telle est la tâche que vous vous étiez assignée.
Mais le renoncement au principe d’accessibilité, que vous défendez en même temps, ouvre la boîte de Pandore au fond de laquelle se trouvent aussi l’article 13 de la loi du 11 février 2005 et l’exclusion annoncée des personnes handicapées de la future réforme de la prise en charge de la dépendance.
Et ce principe de convergence, inscrit dans la loi et que les maisons communes de l’autonomie devaient incarner, pose également la question de la structuration de l’offre d’accueil et d’hébergement ainsi que celle de son financement.
À cet égard, j’aurai l’occasion de vous parler à nouveau des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, ou MAIA, brusquement généralisées – c’est certainement une bonne décision –, et adossées sur les fonds issus de la contribution solidarité autonomie perçue par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – c’est certainement une moins bonne décision –, au détriment du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap.
En un mot, nous sommes confrontés à un problème de cohérence, de vision, de projet global, réfléchi, pesé, concerté, préparé. Nous verrons ce qu’il en sera de la réforme de la perte d’autonomie annoncée depuis 2007…
Aujourd’hui, nous sommes plus trivialement confrontés à une forme de chantage, sûrement tout à fait involontaire. Mais, à nos yeux, rien ne peut justifier le renoncement que vous nous proposez !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Paul Blanc, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a écouté avec la plus grande attention cette discussion générale extrêmement riche et fructueuse.
Vous avez soulevé, monsieur Pignard, le problème de la lenteur avec laquelle la proposition de loi avait été examinée. Je vous réponds que légiférer sur un tel sujet, surtout lorsqu’est prise en compte l’étendue du champ auquel la loi du 11 février 2005 s’applique, constitue nécessairement une tâche complexe. Par ailleurs, vous savez mieux que quiconque qu’il a fallu ménager l’ensemble des contraintes qui pèsent sur le calendrier parlementaire.
Vous avez souligné que certaines mesures représentaient des avancées importantes, notamment pour ce qui concerne l’amélioration du fonctionnement des MDPH ainsi que la situation de leurs personnels. J’ai pris bonne note des regrets que vous avez exprimés, mais j’observe que, de façon générale, vous avez délivré pour ainsi dire un satisfecit à la proposition de loi ; le Gouvernent y est particulièrement sensible.
Le ton de l’intervention de Mme Annie Jarraud-Vergnolle, en revanche, était quelque peu différent. Vous aussi avez soulevé, madame le sénateur, la longueur du temps nécessaire pour légiférer. Mais le reproche que vous avez adressé aux nombreux membres du Gouvernement qui ont choisi de se rendre, le 8 juin dernier, à la conférence nationale du handicap m’a plongée dans la perplexité ; l’étonnement m’a saisie à vous entendre, et j’imagine que Roselyne Bachelot a réagi de la même façon. L’une comme l’autre, nous avons en effet mis notre point d’honneur à permettre que, dans le cadre de la collégialité gouvernementale, l’ensemble de nos collègues puissent assister à ce rendez-vous, non pour applaudir à l’une de nos déclarations, mais afin que chacun apporte sa contribution au débat par la présentation des conséquences spécifiques de la loi du 11 février 2005 dans le domaine de ses attributions. Ainsi le bilan d’étape attendu par les associations de personnes handicapées a-t-il pu être dressé.
Vos objections portaient également sur la question de l’accessibilité et sur l’article 14 ter de la proposition de loi. Comme j’aurai l’occasion de le faire à propos de plusieurs interventions, je veux vous dire que le Gouvernement s’est constamment attaché à un principe de réalité.
Paul Blanc, à travers sa proposition de loi, dont c’est là l’immense apport, ainsi que Sylvie Desmarescaux, dont je salue la présence dans cet hémicycle et dont la contribution a été éminente, se sont précisément attachés à ce principe de réalité. Je ne vous cache pas que, sur le terrain, les objections émanent de tout bord et que les conditions de la mise en accessibilité de la cité, objectif reconnu par tous, approuvé par chacun, « principe irréfragable », réaffirmé par Roselyne Bachelot-Narquin, mais aussi par le Président de la République, « élément intangible » du pacte républicain souligné lors de la conférence nationale du handicap, suscitent des interrogations permanentes.
Vous le savez bien, madame le sénateur, il peut arriver que ce principe d’accessibilité générale soit mis en échec par un site, par la complexité d’une situation. Dans ce cas, les incantations n’y font rien. C’est pourquoi le principe de substitution tel qu’il est posé par ce texte est extrêmement utile.
Je vous prie de croire en mon engagement, mesdames, messieurs les sénateurs, moi qui ai porté ce dossier au sein du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a fait adopter la loi du 11 février 2005.
Le principe de réalité nous impose de chercher encore et toujours les voies et moyens qui permettront à nos compatriotes handicapés d’avoir toute leur place au sein de la cité. D’ici à 2015, admettez-le, la substitution sera, dans certains cas, préférable à la dérogation ou à l’absence de toute mesure à leur attention. Dans ce domaine, l’échec serait pire que tout.
Parmi d’autres sujets, vous avez évoqué le FIPHFP. Au titre de l’accessibilité, 50 millions d’euros étaient prévus, mais à des conditions extrêmement restrictives. Grâce à la conférence nationale du handicap, 150 millions d’euros supplémentaires ont été débloqués, avec des conditions d’emploi beaucoup plus souples. Sauf à méconnaître quelques règles basiques d’arithmétique, il me semble que c’est une avancée.
Par ailleurs, vous avez évoqué la question des auxiliaires de vie scolaire, sujet de préoccupation partagé par tous, en premier lieu par les parents souhaitant inscrire leur enfant handicapé à l’école de la République.
Je ne peux pas vous laisser dire que la situation régresse. La proposition de créer des assistants de scolarisation, portée par Paul Blanc dans le cadre de la mission que lui a confiée le Président de la République sur la scolarisation des enfants handicapés, permet de tourner la page, si je puis dire, de cette difficile et douloureuse situation. Personne n’ignore que les assistants de vie scolaire occupaient des postes précaires et que, parfois, leur profil était inadapté à la situation parfois très complexe des enfants dont ils devaient s’occuper, faute, de surcroît, de disposer du temps nécessaire à l’exercice de cette charge.
Encore une fois, madame le sénateur, je ne peux vous laisser parler de régression.
Savez-vous donc combien de questions ont été posées au Gouvernement à ce sujet ?
Madame Escoffier, vous avez démontré que vous aviez une connaissance précise de la politique du handicap telle qu’elle est conduite dans notre pays. Votre contribution a été importante, car vous avez montré tout l’enjeu de la proposition de loi, très attendue, qui permet d’améliorer sensiblement la loi de 2005. Ces progrès, nous les devons à Paul Blanc et à votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs.
Madame le sénateur, vous avez dit regretter que l’on n’ait pas pu maintenir le principe, adopté en première lecture, de l’intégration de la prise en charge de l’aide ménagère dans la prestation de compensation du handicap.
Pareillement, j’ai bien noté les préoccupations que vous avez exprimées s’agissant de la prise en charge des autistes. C’est un sujet extrêmement délicat sur lequel Roselyne Bachelot-Narquin, ainsi qu’elle me le disait en aparté, continue d’être mobilisée.
La prise en charge et l’accompagnement des personnes autistes suscitent de réelles difficultés. Pour être précise, je rappellerai que 206 millions d’euros de crédits ont été alloués au plan autisme porté en 2008 par Roselyne Bachelot-Narquin, afin de créer 4 100 places d’accueil. À ce jour, 52 % des objectifs du plan ont été atteints.
J’ajoute, parce que c’est un point très sensible, que 371 places dites « expérimentales », pour un montant de 19, 2 millions d’euros, ont été créées. Elles nous permettront d’avoir une approche beaucoup plus volontariste et précise des méthodes comportementalistes, que les parents attendent, même si elles font encore débat.
S’agissant des personnes âgées dépendantes, je rappelle que les concertations engagées dans le cadre du débat sur la dépendance seront closes à la fin du mois de juin. La question du handicap vieillissant est naturellement au cœur de ces préoccupations, ainsi que nous l’avions annoncé. Sur les 2 500 places prévues dans le plan de création de places lancé en 2008, 800 sont d’ores et déjà autorisées. Les personnes âgées vieillissantes ont besoin de voir leur cas pris en compte de manière spécifique.
Madame Pasquet, vous avez souligné quelques points positifs de cette proposition de loi, ce dont je me réjouis. En particulier, vous avez évoqué les avancées que contient sa première partie. En revanche, j’ai été quelque peu choquée de vous entendre parler de « citoyens de seconde zone ». Qui a prononcé ces mots, madame le sénateur ? Personne sur aucune de ces travées, personne au Gouvernement ! Il est inimaginable ne serait-ce que d’avoir en tête cette expression, alors même que l’engagement en faveur de nos compatriotes handicapés n’a jamais été aussi fort et n’a jamais suscité une telle mobilisation.
Je vous laisse bien volontiers vos termes, madame le sénateur, qui ne reflètent pas l’engagement du Gouvernement ni le vôtre, au fond, je le sais bien.
Je le répète, nous ne pouvons laisser se développer une situation de blocage au motif que la société ne comprendrait pas les enjeux de l’accessibilité. Pour éviter ce blocage, nous préférons en effet l’idée de la substitution, seule à même de nous permettre d’avancer sur le sujet.
Monsieur Daudigny, au cours de votre exposé, très argumenté, vous avez balayé un certain nombre de sujets, décernant ici et là quelques satisfecit.
En tant que président de conseil général, c’est un fin connaisseur de ces questions !
Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même nous en réjouissons. Ainsi, vous approuvez les dispositions relatives au financement des MDPH – l’effort est important –, à leur statut et à celui de leurs personnels. Je vous en remercie.
Le financement atteint 4, 26 millions d’euros pour l’année 2010, 47, 15 millions d’euros pour 2011 et, afin d’apurer l’écart, 17, 9 millions d’euros pour 2006 et 2009, soit un total de 69, 31 millions d’euros. Il s’agit là d’un effort tout à fait important.
Sur la question de l’accessibilité, vous opposez les mêmes objections que Mme Jarraud-Vergnolle. Vous ne m’en voudrez donc pas si celles-ci appellent de ma part les mêmes réponses. Dans ce domaine, je pense que les positions doctrinales sont fragiles.
Nous devons avancer sur cette question en interrogeant toujours la capacité de notre société à dépasser ces obstacles. C’est pourquoi la proposition de loi autorise, en les encadrant strictement, les dérogations au principe général d’accessibilité dès lors que celui-ci apparaît irréalisable. Pour autant, nous ne renonçons pas à travailler sur ce sujet, car il nous semble qu’il est préférable d’approfondir cette piste plutôt que de renoncer ou d’être incompris.
Cela étant, je le répète, l’engagement pour 2015 est intangible, irréfragable, mais il n’empêche que les difficultés de mise en œuvre du principe d’accessibilité doivent être traitées. C’est ce à quoi s’emploie Paul Blanc dans sa proposition de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces questions doivent être mises en perspective avec le débat sur la dépendance, car ces deux sujets s’imbriquent et, même, se télescopent, si je puis dire.
Les débats interdépartementaux et interrégionaux que Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même avons animés nous ont beaucoup appris. L’apport des associations de personnes handicapées, comme toujours sur ces sujets, a été irremplaçable et nous a permis de mieux comprendre les enjeux liés à la perte d’autonomie et à son accompagnement.
Avant de terminer, je veux redire à Paul Blanc mon amitié et mon admiration pour l’immense travail qu’il a accompli.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte élaboré par la commission.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
TITRE IER
AMÉLIORATION DU FONCTIONNEMENT DES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – Après l’article L. 146-4 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 146-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 146 -4 -1. – Le personnel de la maison départementale des personnes handicapées comprend :
« 1° Des personnels mis à disposition par les parties à la convention constitutive. Pour les fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique de l’État, la mise à disposition est prononcée pour une durée maximale de cinq ans, renouvelable par périodes ne pouvant excéder cette durée. Elle donne lieu à remboursement, selon les modalités prévues à l’article L. 146-4-2 et dans des conditions précisées par décret. La durée du préavis prévue dans la convention de mise à disposition ne peut être inférieure à six mois. Les modalités selon lesquelles l’agent peut demander à mettre fin à sa mise à disposition et selon lesquelles l’État est tenu de faire droit à sa demande sont prévues par un décret en Conseil d’État ;
« 2° Le cas échéant, des fonctionnaires régis par le statut général de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, placés en position de détachement ;
« 3° Le cas échéant, des agents contractuels de droit public recrutés par la maison départementale des personnes handicapées pour une durée déterminée ou indéterminée et soumis aux dispositions applicables aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
« 4° Le cas échéant, des agents contractuels de droit privé recrutés par la maison départementale des personnes handicapées.
« Les personnels sont placés sous l’autorité du directeur de la maison départementale des personnes handicapées dont ils dépendent et sont soumis à ses règles d’organisation et de fonctionnement. »
III et IV. –
Supprimés
L'article 2 est adopté.
(Non modifié)
I. – Après le même article L. 146-4, il est inséré un article L. 146-4-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 146 -4 -3. – Le Centre national de la fonction publique territoriale est compétent pour définir et assurer, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la formation professionnelle des personnels des maisons départementales des personnes handicapées, quel que soit leur statut.
« La cotisation due par chaque maison départementale des personnes handicapées au Centre national de la fonction publique territoriale est déterminée selon les conditions prévues à l’article 12-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. »
II. –
Non modifié
Chacun en conviendra, la question de la formation des professionnels qui travaillent au sein des maisons départementales des personnes handicapées est primordiale.
Il s’agit, et c’est ainsi que nous le comprenons, de permettre que les différents agents qui interviennent au sein des MPDH aux côtés des personnes en situation de handicap puissent accéder à des formations professionnelles qui leur soient utiles dans l’exercice de leurs missions et, par voie de conséquence, qui soient utiles aux usagers. Cette formation est d’autant plus indispensable que les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap sont très différentes des unes des autres et peuvent conduire à des situations de sur-handicap.
Nous accueillons donc avec satisfaction cet article, qui, outre qu’il permet une meilleure compréhension des enjeux, des difficultés, des réponses à apporter ainsi que des conditions particulières d’accueil, devrait permettre l’émergence d’une culture commune. Cette culture peut être d’autant plus facilement partagée qu’elle résulte d’un lieu commun de formation connu pour ses qualités : le Centre national de la fonction publique territoriale.
Nous avons toutefois une interrogation. En effet, si cet article complète la liste des missions du CNFPT afin d’autoriser celui-ci à assurer la formation professionnelle des personnels des MDPH, quel que soit leur statut, un doute demeure sur le financement.
Le paragraphe II de cet article, qui n’a pas fait l’objet de modification depuis son adoption en première lecture au Sénat, prévoit que, pour les fonctionnaires territoriaux mis à disposition de la MDPH, la cotisation continuera d’être versée par les conseils généraux et que les MDPH s’acquitteront elles-mêmes des cotisations dues pour les personnels contractuels et les fonctionnaires hospitaliers ou d’État placés en position de détachement.
Les fonctionnaires hospitaliers ou d’État mis à leur disposition demeurent, quant à eux, dépendants de leur administration d’origine.
De fait, nous craignons que ces salariés ne puissent pas bénéficier, dans les mêmes conditions que leurs collègues, de ces formations, leur administration d’origine pouvant être rétive à engager des dépenses de formation qui ne sont pas indispensables au fonctionnement de leurs propres services et pour des agents qui exécutent leurs missions dans d’autres lieux que leur administration d’origine.
Ne croyez-vous pas, madame la ministre, qu’il s’agit là d’un risque bien réel et qu’il faudrait donc travailler à l’élaboration d’un dispositif prenant par exemple la forme d’une compensation financière en direction des administrations dont ces agents dépendent ?
L'article 4 est adopté.
(Non modifié)
I. –
Non modifié
II. – Après l’article L. 146-4 du même code, il est inséré un article L. 146-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 146 -4 -2. – La convention constitutive du groupement précise notamment les modalités d’adhésion et de retrait des membres et la nature des concours qu’ils apportent.
« Est annexée à cette convention constitutive une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens signée entre la maison départementale des personnes handicapées et les membres du groupement et dont le contenu est fixé par arrêté ministériel.
« La convention pluriannuelle détermine pour trois ans les missions et objectifs assignés à la maison départementale des personnes handicapées, ainsi que les moyens qui lui sont alloués pour les remplir. Elle fixe en particulier le montant de la subvention de fonctionnement versée par l’État et précise, pour la part correspondant aux personnels mis à disposition, le nombre d’équivalents temps plein qu’elle couvre. En aucun cas cette part ne peut être inférieure au montant versé par le groupement au titre du remboursement mentionné au 1° de l’article L. 146-4-1 et figurant dans la convention de mise à disposition.
« Un avenant financier précise chaque année, en cohérence avec les missions et les objectifs fixés par la convention pluriannuelle, les modalités et le montant de la participation des membres du groupement. Elle mentionne le montant du concours versé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au conseil général et destiné à contribuer au fonctionnement de la maison départementale. »
III. – Les conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens prévues à l’article L. 146-4-2 du code de l’action sociale et des familles doivent être signées au plus tard le 1er janvier de la deuxième année suivant la date de promulgation de la présente loi. Elles entrent en vigueur au 1er janvier de cette même année.
L’article 5 est en quelque sorte le jumeau de l’article 2 ou, plus précisément, celui sans lequel les engagements forts que l’État a pris à l’article 2 ne pourraient pas être concrétisés. Vous comprendrez donc que nous y soyons très attachés.
Nous sommes d’autant plus attachés à ce dispositif que, dans les départements, dont beaucoup d’entre nous sommes également les représentants, les dettes de l’État se sont accumulées, sans que le Gouvernement le reconnaisse. Je me souviens d’ailleurs que, lors de l’examen de la proposition de loi en première lecture, la secrétaire d’État alors chargée de ce dossier m’affirmait que j’avais tort de parler de dettes.
Les efforts financiers engagés depuis lors par le Gouvernement, à travers la loi de finances rectificatives pour 2010 et celle pour 2011, qui se sont concrétisés par le déblocage de près de 23 millions d’euros, me donnent rétrospectivement raison.
Mais, surtout, et c’est là le plus important, la proposition de loi semble régler la totalité des dettes passées et permet d’éteindre les actions juridiques en cours et à venir, ce qui, là encore, est une bonne chose. Il n’est en effet pas souhaitable que le Gouvernement attende, comme cela a été le cas avec le fonds de protection de la petite enfance, d’être condamné pour s’acquitter de ses dettes à l’égard des départements.
Nous serons donc très vigilants quant à l’application de l’article 5. Nous prenons certes acte de vos engagements, madame la secrétaire d’État, mais nous n’ignorons pas qu’un engagement peut parfois être oublié, y compris lorsqu’il est défini dans des conventions pluriannuelles. Toutefois, je ne peux nier que celles-ci constituent une avancée. Elles permettent clairement aux différents acteurs d’avoir une visibilité sur les années à venir, ce qui participe à sécuriser à la fois les professionnels et les usagers.
Pour autant, comme je l’ai déjà exprimé en première lecture, l’absence de parallélisme entre la durée de ces conventions – trois ans – et celle des contrats de mise à disposition – cinq ans – risque de soulever quelques difficultés, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Malgré ces réserves, nous considérons que l’article 5 va dans le bon sens. Je pense par exemple au fait que la participation de l’État ne peut être inférieure aux sommes avancées par le groupement pour le paiement des salaires, pour autant que l’évaluation des besoins des MDPH en personnels soit juste. Sans doute serait-il souhaitable, afin de prévenir toute contestation, que les associations qui représentent les personnes en situation de handicap ou leurs proches soient associées à la phase de définition des besoins en personnels.
Par ailleurs, aucun mécanisme de réévaluation exceptionnelle de la convention n’est prévu. Or on peut très bien imaginer que, durant une période couverte par une convention, les besoins s’accroissent, notamment à la suite de l’ouverture sur le territoire départemental d’un établissement médico-social. Cela pourrait entraîner une augmentation du nombre de demandeurs, donc des besoins nouveaux. Or la convention étant fixée pour trois ans, les MDPH et les départements devront assumer seuls les dépenses liées à ces besoins nouveaux, ce que nous regrettons. Sans doute aurait-il fallu prévoir une clause de révision exceptionnelle à la demande des groupements.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Pasquet, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
les missions
insérer les mots :
, les besoins constatés localement.
La parole est à M. Guy Fischer.
Dans une autre vie, lorsque j’étais conseiller général du Rhône, avec M. Michel Mercier et Mme Muguette Dini, j’ai été confronté à la question qui nous occupe aujourd’hui.
Aux termes de l’alinéa 6 de l’article 5, « un avenant financier précise chaque année, en cohérence avec les missions et les objectifs fixés par la convention pluriannuelle, les modalités et le montant de la participation des membres du groupement ».
Or Mme Pasquet a souligné, lors de la discussion générale et dans son intervention sur l’article 5, combien le financement des MDPH était un élément essentiel. À cet égard, il faut rendre hommage à Paul Blanc, qui a su clarifier les modalités de ce financement. Nous ne sommes toutefois pas entièrement satisfaits. Si nous l’étions, nous ne jouerions pas notre rôle d’opposant.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Nous nous efforçons toujours, dans la mesure du possible, de faire en sorte que les problèmes soient résolus dans l’excellence.
Sourires
Les problèmes financiers rencontrés ces dernières années par les MDPH, qui résultent principalement de difficultés liées à la fois au manque de personnels et au statut de ces derniers, ont eu des conséquences importantes pour les usagers. Ceux-ci ont vu l’examen de leur dossier différé, ce qui a conduit à des retards dans le versement des prestations qui leur étaient dues. Lorsque l’on connaît l’importance de ces prestations, il est évident que tout doit être mis en œuvre pour qu’une telle situation ne se renouvelle pas.
Cela étant, nous prenons acte des engagements du Gouvernement. Nous voterons donc l’article 5.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Sans doute me répondra-t-on qu’elle est inutile…
Si l’annexe doit être conforme aux objectifs et aux missions des MDPH, il n’est pas précisé qu’elle doit également être conforme aux besoins constatés. D’aucuns diront que cela est implicite dans la mesure où l’annexe renvoie aux missions des MDPH. Au vu du passé, nous considérons que cette précision demeure importante. Voilà pourquoi nous présentons cet amendement.
Cet amendement apporte effectivement une précision inutile, monsieur Fischer. Malgré mon désir de vous être agréable, je ne puis donc émettre qu’un avis défavorable.
Le principe même de l’avenant financier est d’adapter les dispositions de la convention pluriannuelle aux réalités pratiques parmi lesquelles figurent les besoins constatés à l’échelon local. Votre précision viendrait donc à terme complexifier la rédaction de l’article 5, qui, en l’état, est suffisamment protecteur de la santé financière des MDPH.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Malgré la joie que me vient de me procurer l’annonce de la nomination de Christine Lagarde à la tête du FMI
Vifs applaudissementssur les travées de l’UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'article.
Nous sommes favorables aux orientations de l’article 5. Je voudrais néanmoins soulever un problème en lien avec l’article 2.
Je ne reviendrai pas sur la question des personnels des MDPH, qui a déjà été longuement évoquée ; j’insisterai simplement sur la gestion des ressources humaines.
La directrice de la MDPH de l’Aisne a réalisé un travail très enrichissant de comparaison entre les données nationales fournies par la CNSA et les données locales. Il en ressort en particulier la très forte augmentation des emplois créés et des agents qui sont recrutés par le GIP, pour lesquels le financement repose sur la bonne volonté du conseil général du département concerné.
Je souhaite donc que le financement des postes indispensables à la prise en charge de nouvelles missions des MDPH définies par la loi puisse être prévu dans les conventions.
Je souhaite également que ces conventions traitent de la gestion des ressources humaines. La valorisation des postes, la construction d’une identité commune entre des personnels d’horizons différents, l’instauration d’un dialogue social durable constituent des tâches considérables, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif. Cette mission est actuellement assurée par le directeur ou la directrice de la MDPH.
La gestion des ressources humaines devrait, à mes yeux, faire l’objet d’une attention particulière. En ce sens, une mesure réglementaire visant à créer une cellule d’appui assortie d’un budget correspondant pourrait utilement être mise en place.
L'article 5 est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 146-7 du même code est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La maison départementale des personnes handicapées organise son activité et fixe ses horaires d’ouverture au public de telle sorte que les personnes handicapées et leurs familles puissent accéder aux services qu’elle propose ou à la permanence téléphonique qu’elle a mise en place dans les conditions fixées par la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens mentionnée à l’article L. 146-4-2. » ;
2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour les appels d’urgence, la maison départementale des personnes handicapées met à disposition des personnes handicapées et de leurs familles un numéro téléphonique en libre appel gratuit pour l’appelant, y compris depuis un terminal mobile. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le coût du libre appel gratuit pour l'appelant doit être pris en compte par la convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens.
La parole est à M. Jean Desessard.
Le cinquième aliéna de l’article 6 est ainsi rédigé : « Pour les appels d’urgence, la maison départementale des personnes handicapées met à disposition des personnes handicapées et de leurs familles un numéro téléphonique en libre appel gratuit pour l’appelant, y compris depuis un terminal mobile. »
Par le présent amendement, je souhaite préciser que le coût des appels gratuits pour les appelants doit être intégré dans la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens. En effet, certaines MDPH connaissent une situation de détresse financière et frôlent le dépôt de bilan. C’est pourquoi chacune de leur dépense supplémentaire doit être minutieusement prise en compte.
La commission est défavorable à cet amendement.
L’article 5 dispose que la convention pluriannuelle détermine les moyens qui sont alloués aux MDPH pour remplir leurs missions et atteindre les objectifs qui leur sont assignés. L’accueil téléphonique constitue bien une mission des MDPH. Par conséquent, il est évident que le coût lié à la prise en charge d’un numéro téléphonique en libre appel gratuit pour l’appelant sera intégré dans la convention triennale.
J’aurais souhaité faire plaisir à M. Desessard, mais je ne peux que me rallier à l’excellente argumentation de Paul Blanc. Inscrire dans la loi ce qui fait la substance de la convention reviendrait à alourdir inutilement le texte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 241-5 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase de l’avant-dernier alinéa est complétée par les mots : « ou, le cas échéant, de la section locale ou de la section spécialisée » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Sauf opposition de la personne handicapée concernée ou de son représentant légal, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées peut, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, siéger en formation restreinte et adopter une procédure simplifiée de prise de décision. Lorsqu’elles sont constituées, les formations restreintes comportent obligatoirement parmi leurs membres un tiers de représentants des personnes handicapées et de leurs familles désignés par les associations représentatives. »
II. – L’article L. 241-7 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou, le cas échéant, par la section locale ou la section spécialisée » ;
2° Au second alinéa, après le mot : « commission », sont insérés les mots : « ou la section ». –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 146-3 du même code, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’évaluation des demandes et l’attribution des droits et prestations mentionnés au premier alinéa relèvent de la compétence de la maison départementale des personnes handicapées du département où le demandeur réside, dès lors que cette résidence est acquisitive d’un domicile de secours, dans les conditions prévues aux articles L. 122-2 et L. 122-3 du présent code. Lorsqu’elle n’est pas acquisitive d’un domicile de secours, la maison départementale des personnes handicapées compétente est celle du département du domicile de secours du demandeur.
« Le cas échéant, lorsqu’une personne réside dans un département distinct de celui de son domicile de secours et que l’équipe pluridisciplinaire compétente n’est pas en mesure de procéder elle-même à l’évaluation de sa situation, le président du groupement d’intérêt public mentionné à l’article L. 146-4 peut déléguer cette évaluation à la maison départementale des personnes handicapées du département d’accueil selon des modalités définies par convention.
« Pour les Français établis hors de France, la maison départementale des personnes handicapée compétente pour instruire leurs demandes est celle par l’intermédiaire de laquelle un droit ou une prestation leur a été antérieurement attribué. En cas de première demande, les Français établis hors de France peuvent s’adresser à la maison départementale des personnes handicapées du département de leur choix. »
II. –
Non modifié
III. – Après le même article L. 245-2, sont insérés des articles L. 245-2-1 et L. 245-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 245 -2 -1. – Lorsque le bénéficiaire acquiert un nouveau domicile de secours, le service de la prestation de compensation s’effectue selon les éléments de prise en charge qui la composent à cette date. Le président du conseil général peut saisir la commission prévue à l’article L. 146-9 aux fins du réexamen du droit à la prestation de compensation dans des conditions fixées par décret.
« Art. L. 245-2-2. –
Suppression maintenue
» –
Adopté.
L'amendement n° 4, présenté par Mme Pasquet, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les deux ans qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences pour les départements des règles applicables en matière de compétence territoriale des maisons départementales des personnes handicapées.
La parole est à M. Guy Fischer.
L’article 8 de la proposition de loi aborde la question de la compétence territoriale des MDPH.
Cette question a une incidence double : pour l’usager, quant au lieu où il doit établir sa demande ; pour les départements, d’un point de vue financier.
Après que le Sénat a fait le choix de retenir la notion de domicile de secours comme critère premier d’attribution des compétences des MDPH, l’Assemblée nationale a décidé de revenir au critère initial, celui du lieu de résidence. Elle a toutefois jugé bon d’amender cette notion en précisant que, si le lieu de résidence est acquisitif d’un domicile de secours, c’est la MDPH du département de résidence qui est compétente. À défaut, la MDPH compétente est celle du département du domicile de secours du demandeur.
Certains observateurs, notamment des représentants des départements, craignent que la solution retenue ici n’ait pour effet de faire peser un effort financier sur les départements qui se sont engagés dans une politique dynamique. Aussi ceux qui accueillent dans leur département un nombre élevé d’établissements seraient appelés à contribuer plus que ceux qui en accueillent peu.
Cette question est d’autant plus importante que le Gouvernement considère que l’article 72-2 de la Constitution, qui prévoie la compensation intégrale des politiques transférées de l’État au département, n’est pas applicable au motif que la création de la PCH n’a pas constitué un transfert de compétences auparavant exercées par l’État et que, par voie de conséquence, aucune obligation constitutionnelle de financement ne s’applique à cette prestation, outre celle de ne pas remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales.
Il résulte de notre analyse que la PCH est financée essentiellement, et de plus en plus, par les conseils généraux, et dans une moindre mesure par une contribution de la CNSA. Or le poids financier de la PCH est toujours plus lourd et il vient se greffer aux charges que supportent les départements au titre du RSA ou de l’APA. Nous craignons que ces derniers soient à terme contraints d’adapter leurs dépenses en matière de PCH, de différencier leur politique en faveur des personnes en situation de handicap, lesquelles seront alors financièrement sanctionnées.
C’est pourquoi nous souhaitons, même si je connais la réponse que recevra ma suggestion, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conséquences financières de l’article 8, afin d’évaluer la pertinence et les effets sur les départements de cette mesure.
La navette parlementaire a permis d’aboutir à un texte équilibré qui concilie le droit des personnes handicapées à voir leurs démarches administratives simplifiées et le souci de ne pas faire peser sur les MDPH des charges démesurées.
En retenant le domicile de secours comme critère premier de la compétence des MDPH, le Sénat avait adopté des dispositions, qui, tout en ayant le mérite de la simplicité, faisaient naître des difficultés pour les personnes changeant de département. Le domicile de secours ne pouvant être acquis qu’au bout de trois mois, la personne handicapée était alors confrontée à une période transitoire durant laquelle elle devait continuer d’adresser des demandes à la MDPH de son département d’origine.
La PCH restait donc servie par le département ayant été saisi de la demande, jusqu’à l’extinction des droits ouverts, ce qui revenait à faire payer une collectivité sur le territoire de laquelle la personne n’avait plus son domicile de secours.
La formulation retenue par l'Assemblée nationale permet d’atteindre un équilibre.
Le demandeur peut s’adresser à la MDPH du département de son lieu de résidence, dès lors que cette dernière est acquisitive d’un domicile de secours. Dans le cas contraire, la MDPH compétente est celle du département du domicile de secours.
Le transfert de la charge de la PCH est également clarifié, le président du conseil général ayant la possibilité de saisir la CDAPH pour réexaminer le droit à la prestation de compensation dans des conditions qui seront fixées par décret.
Enfin, l'Assemblée nationale a conforté le dispositif de conventionnement qui avait été introduit par le Sénat, en permettant à l’équipe pluridisciplinaire compétente de déléguer le traitement des demandes à la MDPH du département d’accueil. Un tel dispositif simplifie le travail des équipes pluridisciplinaires et permet une répartition équilibrée et concertée des dossiers entre MDPH.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
La loi du 11 février 2005 prévoit que le Gouvernement dépose, à la suite de la conférence nationale du handicap, un rapport sur la mise en œuvre générale de la politique nationale du handicap.
Ce sujet qui vous est cher pourra donc être traité dans ce cadre-là, monsieur le sénateur.
Lors de l’examen des lois de décentralisation, nous avions décidé que le domicile de secours resterait, pour une personne handicapée, le domicile initial. Cette décision a le mérite de ne pas faire supporter la charge financière aux départements d’accueil – je pense notamment à la Lozère, qui a eu le mérite, à un moment où les structures étaient rares, de créer des établissements pour accueillir les handicapés les plus lourds – et d’inciter les départements à s’équiper pour pouvoir accueillir un maximum de personnes handicapées.
Je tiens à appeler votre attention sur ce point, mes chers collègues, car je ne voudrais surtout pas que l’on revienne sur une disposition qui permet aux personnes handicapées devant être accueillies en institution de conserver une liberté de choix.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
L’article L. 241-10 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par exception à l’article 226-13 du même code, les membres de l’équipe pluridisciplinaire peuvent, dans la limite de leurs attributions, échanger entre eux tous éléments ou informations à caractère secret dès lors que leur transmission est strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à l’évaluation de sa situation individuelle et à l’élaboration du plan personnalisé de compensation du handicap visé à l’article L. 114-1-1 du présent code.
« Les membres de l’équipe pluridisciplinaire peuvent communiquer aux membres de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 tous éléments ou informations à caractère secret dès lors que leur transmission est strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à la prise de décision.
« Afin de permettre un accompagnement sanitaire et médico-social répondant aux objectifs énoncés au 3° de l’article L. 311-3, les membres de l’équipe pluridisciplinaire peuvent échanger avec un ou plusieurs professionnels qui assurent cet accompagnement les informations nécessaires relatives à la situation de la personne handicapée, dès lors que celle-ci ou son représentant légal dûment averti a donné son accord. » –
Adopté.
TITRE II
AUTRES DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLITIQUE DU HANDICAP
(Non modifié)
I. – Après le 4° de l’article L. 143-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Aux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa de l’article L. 241-9 du code de l’action sociale et des familles. »
I bis. – Après le même article L. 143-1, il est inséré un article L. 143-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 143-1-1. – Pour les contestations mentionnées au 5° de l’article L. 143-1, le médecin de la maison départementale des personnes handicapées concernée transmet, sans que puisse lui être opposé l’article 226-13 du code pénal, à l’attention exclusive du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente, l’intégralité du rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d’incapacité ou à la décision critiquée. Le requérant est informé de cette notification. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
II et III. – §(Non modifiés)
III bis. – Après l’article L. 143-9 du même code, il est inséré un article L. 143-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 143 -9 -1. – Les notifications des décisions rendues par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées rappellent à la personne les voies de recours, ainsi que le droit de demander l’intervention d’une personne qualifiée chargée de proposer des mesures de conciliation conformément à l’article L. 146-10 du code de l’action sociale et des familles ou de bénéficier des procédures de traitement amiable des litiges prévues à l’article L. 146-13 du même code. »
IV et V. – §(Non modifiés)
VI. – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 143-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 143 -11. – Chaque année, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail rend public un rapport sur son activité. »
L'amendement n° 8, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et peut obtenir copie intégrale des pièces précitées, sur sa demande, auprès de la maison départementale pour personnes handicapées
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
La possibilité, pour le requérant, d’obtenir copie du rapport médical et du rapport pluridisciplinaire ayant contribué à la fixation du taux d’incapacité ou à la décision critiquée a été supprimée, sans justification, par l’Assemblée nationale.
Concerné au premier chef, le requérant doit pouvoir disposer des mêmes éléments que les autres parties, et ce en vertu du principe d’égalité des droits.
Cet amendement est d’ores et déjà satisfait par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner ».
En conséquence, ma chère collègue, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complété par un article L. 5211-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-5. – Tous les cinq ans, le service public de l’emploi élabore, sous l’autorité du représentant de l’État dans la région, un plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés. Ce plan, coordonné avec les politiques d’accès à la formation et à la qualification professionnelles des personnes handicapées, comprend :
« 1° Un diagnostic régional englobant les diagnostics locaux établis avec la collaboration des référents pour l’insertion professionnelle des maisons départementales des personnes handicapées ;
« 2° Un plan d’action régional pour l’insertion des travailleurs handicapés comportant des axes d’intervention et des objectifs précis ;
« 3° Des indicateurs régionaux de suivi et d’évaluation des actions menées au niveau régional. »
La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur, a introduit le présent article, qui a pour objet de conférer une meilleure visibilité aux plans régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés.
La question de l’accès à l’emploi doit être une priorité nationale, de même que celles du maintien dans l’emploi et de la formation professionnelle des personnes en situation de handicap. Nous constatons en effet, d’une part, que le nombre de personnes en situation de handicap sans emploi demeure trop important et, d’autre part, que, malgré quelques avancées, la part des entreprises ne satisfaisant pas à l’obligation d’embauche demeure beaucoup trop importante.
En la matière, le Gouvernement a fait le choix, depuis 2005, de s’inscrire dans une logique strictement incitative. Six ans après, et compte tenu des progrès importants qu’il reste à accomplir, sans doute serait-il souhaitable d’aller plus loin, notamment en rehaussant le montant de la pénalité financière à la charge des entreprises refusant de satisfaire à cette obligation légale.
Je note d’ailleurs que nous avons, comme l’Assemblée nationale, beaucoup à faire. L’année dernière, alors que j’évoquais cette question, il m’a été répondu que, dans le cadre de la réforme du règlement du Sénat, une solution serait trouvée. Je constate aujourd’hui avec regret que la fonction publique parlementaire demeure la seule à être dispensée de cet effort de solidarité nationale. Croyez bien que je le regrette !
Si notre société doit avancer collectivement sur ce sujet, État et Gouvernement doivent montrer l’exemple. Si nous considérons tous que le travail constitue l’un des principaux, et même sans doute le premier vecteur d’intégration sociale, alors il serait temps que cessent les tentatives de contournement.
Comme vous le savez, le 1er juin dernier, le Conseil d’État a annulé pour excès de pouvoir le décret du 21 octobre 2009, qui permettait de déroger aux règles d’accessibilité applicables aux lieux de travail neufs. Si ce décret a été annulé, c’est que la loi du 11 février 2005 n’avait pas autorisé de telles dérogations, partant du postulat que la possibilité de déroger à ces principes reviendrait de facto à ce qu’ils ne soient jamais respectés.
Ce décret étant annulé, madame la secrétaire d’État, vous n’avez d’autre choix que d’en prendre un autre, non pour prévoir de nouvelles dérogations, mais pour définir les conditions d’accessibilité. À ce stade du débat, je souhaiterais que vous puissiez nous communiquer la date de parution de ce nouveau texte ainsi que les principales dispositions qu’il contiendra.
En l’absence d’un tel décret, qui prendrait le contre-pied de celui qui a été annulé par le Conseil d’État, la loi de 2005 ne serait pas applicable, au détriment de l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap.
L'amendement n° 5, présenté par Mme Pasquet, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
sous l’autorité du représentant de l’État dans la région
insérer les mots :
et après consultation des associations représentatives
La parole est à M. Guy Fischer.
C’est peu dire que les personnes en situation de handicap subissent de véritables entraves en matière d’accès à l’emploi. Même si la loi a fait évoluer les mentalités et les comportements, il reste beaucoup d’efforts à faire.
Pourtant, l’accès à l’emploi est indispensable à plus d’un titre. Il permet tout d’abord aux personnes en situation de handicap de gagner leur vie et de ne plus dépendre uniquement de prestations sociales notoirement insuffisantes. Il a ensuite une valeur sociale particulière, dans une société où le travail est un déterminant identitaire. Personne ne peut se satisfaire du fait que le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteigne 11 % en décembre 2010 !
Quant à ceux qui travaillent, il faut, là encore, lire attentivement les données. Parmi les recrutements enregistrés par Cap emploi au cours de l’année 2010, 73 % des embauches ont eu lieu en CDD et 42 % des contrats de travail ont été conclus à temps partiel, contre seulement 17, 6 % pour les salariés des secteurs privé et public. Si l’on peut concevoir que, pour certaines personnes en situation de handicap, il puisse être nécessaire d’adapter les horaires de travail, les contrats précaires en durée et en temps de travail apparaissent plus souvent subis que choisis.
C’est donc dans ce contexte que l’article 10 bis de la proposition de loi intervient pour prévoir que, tous les cinq ans, le service public de l’emploi élabore, sous l’autorité du représentant de l’État dans la région, un plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés.
Notre amendement n’entend absolument pas remettre en cause cet outil. Toutefois, il nous est apparu utile d’associer les associations représentatives des personnes en situation de handicap à l’élaboration de ce document. Celles-ci interviennent dans la gestion des différents fonds nationaux destinés à faciliter le maintien ou le retour à l’emploi de ces personnes. Leur expertise en la matière est importante, et c’est pourquoi nous proposons qu’elles soient consultées.
Cette mention ne paraît pas utile dans la mesure où les modalités de consultation des acteurs de la politique du handicap sont déjà prévues par la circulaire de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle du 26 mai 2009. Celle-ci prévoit en effet la possibilité de créer des instances de consultation auprès du comité de pilotage du plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés, afin d’associer les partenaires sociaux et les représentants des personnes handicapées à l’élaboration et au suivi de cet outil.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Monsieur Fischer, en matière d’emploi des personnes handicapées, nous ne devons jamais oublier les difficultés tenant à leur niveau de formation initiale. Nous devons donc impérativement maintenir notre effort de scolarisation des enfants handicapés pour combler ce déficit à l’avenir.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 10 bis est adopté.
(Non modifié)
I. – Après le 1° de l’article L. 5311-4 du même code, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, avec avis consultatif ; ».
II. – Avant la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la cinquième partie du même code, il est ajouté une section 1 A ainsi rédigée :
« Section 1 A
« Pilotage des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées
« Art. L. 5214 -1 A. – L’État assure le pilotage de la politique de l’emploi des personnes handicapées. Il fixe, en lien avec le service public de l’emploi, l’association chargée de la gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés et le fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, les objectifs et priorités de cette politique.
« Art. L. 5214 -1 B. – Une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens est conclue entre l’État, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, l’association chargée de la gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés, le fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
« Cette convention prévoit :
« 1° Les modalités de mise en œuvre par les parties à la convention des objectifs et priorités fixés en faveur de l’emploi des personnes handicapées ;
« 2° Les services rendus aux demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi et aux employeurs privés et publics qui souhaitent recruter des personnes handicapées ;
« 3° Les modalités de mise en œuvre de l’activité de placement et les conditions du recours aux organismes de placement spécialisés mentionnés à l’article L. 5214-3-1, en tenant compte de la spécificité des publics pris en charge ;
« 4° Les actions, prestations, aides ou moyens mis à disposition du service public de l’emploi et des organismes de placement spécialisés par l’association et le fonds mentionnés au premier alinéa du présent article ;
« 5° Les modalités du partenariat que les maisons départementales des personnes handicapées mettent en place avec le service public de l’emploi, l’association et le fonds mentionnés au premier alinéa et les moyens qui leur sont alloués dans ce cadre pour leur permettre de s’acquitter de leur mission d’évaluation et d’orientation professionnelles ;
« 6° Les conditions dans lesquelles un comité de suivi, composé des représentants des parties à la convention, assure l’évaluation des actions dont elle prévoit la mise en œuvre.
« Pour son application, la convention fait l’objet de déclinaisons régionales ou locales associant les maisons départementales des personnes handicapées et l’ensemble des acteurs concourant à l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi. Les organismes de placement spécialisés sont consultés pour avis. Ces conventions régionales et locales s’appuient sur les plans régionaux d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. » –
Adopté.
(Non modifié)
L’article L. 323-8-6-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa du I est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Peuvent bénéficier du concours de ce fonds :
« 1° Les employeurs publics mentionnés à l’article L. 323-2 ;
« 2° Les organismes ou associations contribuant par leur action à l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique et avec lesquels le fonds a conclu une convention ;
« 3° La Poste jusqu’au 31 décembre 2011.
« Peuvent également saisir ce fonds les agents reconnus travailleurs handicapés au sens de l’article L. 5212-13 et rémunérés par les employeurs publics mentionnés à l’article L. 323-2. » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Les crédits de la section “Fonction publique de l’État” doivent exclusivement servir à financer des actions réalisées soit à l’initiative des employeurs mentionnés à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État et, jusqu’au 31 décembre 2011, de La Poste, soit, à l’initiative du fonds, en vue de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein de la fonction publique de l’État, ainsi que la formation et l’information des agents participant à la réalisation de cet objectif.
« Les crédits de la section “Fonction publique territoriale” doivent exclusivement servir à financer des actions réalisées soit à l’initiative des employeurs mentionnés à l’article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, soit, à l’initiative du fonds, en vue de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein de la fonction publique territoriale, ainsi que la formation et l’information des agents participant à la réalisation de cet objectif.
« Les crédits de la section “Fonction publique hospitalière” doivent exclusivement servir à financer des actions réalisées soit à l’initiative des employeurs mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, soit, à l’initiative du fonds, en vue de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein de la fonction publique hospitalière, ainsi que la formation et l’information des agents participant à la réalisation de cet objectif.
« Des actions communes à plusieurs fonctions publiques peuvent être financées par les crédits relevant de plusieurs sections. »
L'amendement n° 6, présenté par Mme Pasquet, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les salariés de la fonction publique reconnus travailleurs handicapés au sens de l'article L. 5212-13 du code travail peuvent saisir le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Pendant trois ans à compter de la publication de la présente loi, cette saisine n'est possible que pour les aides qui sont directement attachées à la personne, et notamment les prothèses, orthèses, fauteuils roulant et les aides humaines.
La parole est à M. Guy Fischer.
L'article 11 bis est adopté.
(Non modifié)
Après la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la cinquième partie du même code, il est inséré une section 1 bis ainsi rédigée :
« Section 1 bis
« Organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées
« Art. L. 5214 -3 -1. – Des organismes de placement spécialisés, chargés de la préparation, de l’accompagnement et du suivi durable dans l’emploi des personnes handicapées, participent au dispositif d’insertion professionnelle et d’accompagnement spécifique prévu pour les travailleurs handicapés mis en œuvre par l’État, le service public de l’emploi, l’association chargée de la gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés et le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.
« Ils sont conventionnés à cet effet et peuvent, à cette condition, mobiliser les aides, actions et prestations proposées par l’association et le fonds mentionnés au premier alinéa.
« Les organismes de placement spécialisés assurent, en complémentarité avec l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, une prise en charge adaptée des demandeurs d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans des conditions définies par une convention. » –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 4111-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le mot : « professionnel », sont insérés les mots : «, ainsi que ceux des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, a du 5° et 12° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles accueillant des jeunes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation et au 4° du même I, ainsi que ceux des établissements et services conventionnés ou habilités par la protection judiciaire de la jeunesse, dispensant des formations professionnelles au sens du V du même article, » ;
2° Les mots : « leurs élèves » sont remplacés par les mots : « les jeunes accueillis en formation professionnelle ».
II. – L’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Participent de la formation professionnelle les actions de préformation, de formation et de préparation à la vie professionnelle menées dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, a du 5° et 12° du I du présent article accueillant des jeunes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation et au 4° du même I, ainsi que dans les établissements et services conventionnés ou habilités par la protection judiciaire de la jeunesse. » –
Adopté.
(Non modifié)
I. –
Non modifié
II. – L’article L. 5213-19 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 5213 -19. – Les entreprises adaptées et les centres de distribution de travail à domicile perçoivent pour chaque travailleur handicapé employé, dès lors que celui-ci remplit les conditions mentionnées à l’article L. 5213-13, une aide au poste forfaitaire versée par l’État, dans la limite d’un effectif de référence fixé annuellement par la loi de finances.
« En outre, compte tenu des surcoûts résultant de l’emploi majoritaire de ces travailleurs handicapés, les entreprises adaptées et les centres de distribution de travail à domicile reçoivent de l’État une subvention spécifique, destinée notamment au suivi social, à l’accompagnement et à la formation spécifiques de la personne handicapée, pour favoriser son adaptation à son poste de travail.
« Les modalités d’attribution de l’aide au poste et de la subvention spécifique sont précisées par décret. »
L’aide au poste joue un rôle très important dans l’accessibilité à l’emploi des personnes en situation de handicap. Elle est destinée à apporter une compensation financière aux entreprises adaptées qui emploient majoritairement des travailleurs handicapés à efficience réduite.
L’article 12 bis prévoit une nouvelle rédaction de l’article L. 5213-19 du code du travail. Il tend notamment à supprimer la référence à la notion « d’efficience réduite ». Si cette notion est floue et peut engendrer des situations différentes d’un département à un autre, sa suppression ne manque pas d’inquiéter.
Nous avons été contactés par des représentants de plusieurs associations œuvrant dans le domaine du handicap et par des représentants des organisations syndicales. Ceux-ci redoutent que cette suppression n’entraîne de manière indirecte la suppression même de ces aides au poste, pourtant indispensables pour les entreprises adaptées.
Le contexte est particulier : cette nouvelle rédaction de l’article 12 bis fait suite à la décision prise par le Gouvernement, dans la loi de finances pour 2011, de supprimer 500 aides au poste. Cette décision, lourde de conséquences, constitue une véritable aberration d’un point de vue économique. C’est la traduction d’une conception de la politique sociale de notre pays à destination des personnes en situation de handicap qui repose sur les seules dépenses qu’elles génèrent.
Si une personne qui travaille en secteur adapté coûte en effet un peu d’argent à l’État, il ne faut pas perdre de vue que, en travaillant, elle crée également des richesses dont elle- même, l’entreprise adaptée et celles pour qui elle opère profitent.
Selon Emmanuelle Dal’Secco, journaliste au magazine Déclic-Handicap International : « Ces dépenses d’État sont donc, avant tout, un investissement et pas seulement un coût. » D’ailleurs, une étude menée par KPMG pour l’Union nationale des entreprises adaptées, l’UNEA a très clairement démontré que, au final, les ressources fiscales et sociales générées par l’emploi des personnes travaillant en entreprises adaptées étaient, pour l’État, supérieures aux dépenses engagées. Toujours selon cette journaliste, « les indemnités de chômage que les licenciés ont touchées sont supérieures aux aides allouées lorsqu’ils sont en poste. Cette mesure n’aura pas d’autre effet que d’aggraver le déficit public ».
Les craintes sont donc grandes. Aussi, sous réserve de l’affirmation que cette disposition n’aura pas pour effet de réduire les subventions dont il est question, nous ne voterons pas cet article.
L'article 12 bis est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 5212-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’ouverture de droits à la prestation de compensation du handicap, à l’allocation compensatrice pour tierce personne ou à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé à l’égard des jeunes de plus de seize ans qui disposent d’une convention de stage vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Cette reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé n’est valable que pendant la durée du stage. » –
Adopté.
(Non modifié)
Au second alinéa de l’article L. 5212-10 du même code, après la référence : « L. 5212-6 », sont insérés les mots : « d’un montant supérieur à un montant fixé par décret ».
L'amendement n° 12, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le second alinéa de l'article L. 5212-10 du même code est ainsi rédigé :
« La limite de la contribution annuelle par bénéficiaire non employé est portée, dans des conditions définies par décret, à 1 500 fois le salaire horaire minimum de croissance pour les entreprises qui n'ont occupé aucun bénéficiaire de l'obligation d'emploi, qui n'appliquent aucun accord collectif mentionné à l'article L. 5212-8 pendant une période supérieure à trois ans et dont l'ensemble des contrats prévus à l'article L. 5212-6 qu'elles ont passés n'excède pas, en volume de travail fourni, un seuil fixé par décret. »
La parole est à M. Jean Desessard.
La loi handicap dispose que toute entreprise de plus de vingt salariés doit employer au minimum 6 % de travailleurs handicapés.
Lorsqu’une entreprise ne remplit pas complètement son obligation, elle doit verser une contribution de six cents fois le salaire horaire minimum de croissance par bénéficiaire non employé.
Mais lorsqu’une entreprise néglige vraiment trop son obligation – c'est-à-dire qu’elle n’a employé aucun bénéficiaire de l’obligation d’emploi –, cette contribution est majorée à 1 500 fois le salaire horaire minimum de croissance. On parle alors de « sur-contribution ».
Selon le code du travail, une entreprise mérite cette majoration si elle réunit trois conditions : quand elle n’emploie pas de bénéficiaire de l’obligation d’emploi ; quand elle n’a passé aucun contrat de fourniture ou de sous-traitance avec des entreprises adaptées, des centres de distribution de travail à domicile ou des établissements ou services d’aide par le travail ; quand elle n’applique aucun accord collectif prévoyant la mise en œuvre d’un programme en faveur des travailleurs handicapés.
Or, pour l’entreprise qui souhaite éviter la sur-contribution, l’une des trois conditions est plus facile que les autres à contourner. En effet, comme le code du travail ne prévoit aucun seuil minimum d’achat de fourniture pour bénéficier de l’exonération, on peut imaginer qu’une entreprise commande trois stylos, pour un montant dérisoire, et puisse quand même être exonérée de la sur-contribution.
C’est pourquoi le rapporteur de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a souhaité éviter cet effet d’aubaine, en proposant un amendement qui instaure un montant minimal d’achat auprès d’une entreprise adaptée ou d’un établissement et service d’aide par le travail, un ESAT, permettant aux entreprises dites « à quota zéro » de s’exonérer de la surcontribution.
Mais, en fait, la rédaction qui nous a été proposée ne résout pas le problème. En effet, la question de la part de main-d’œuvre de travailleur en situation de handicap dans les fournitures achetées à l’entreprise adaptée ou à l’ESAT reste entière.
Prenons un exemple : les fournitures de bureau.
Pour 200 euros, on peut acheter une imprimante de taille moyenne. Pour 200 euros, on peut aussi acheter environ dix cartons de papier pour impression, en gros cinquante ramettes. Le travailleur en situation de handicap, qui effectue par exemple de la manutention, doit fournir dix fois plus d’efforts pour transporter les dix cartons de papier que l’imprimante. Alors que, dans tous les cas, le montant du contrat pour les entreprises est toujours de 200 euros, dans un cas, le temps de travail du travailleur handicapé varie de un à dix. Or c’est le travail de personnes handicapées que la loi veut favoriser, pas le simple commerce de biens ou de services dont les personnes handicapées seraient l’alibi.
C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que les montants de la contribution et de la sur-contribution sont définis comme des multiples du salaire minimum, et non pas un simple montant libellé en euros. D’où l’intérêt de préciser, grâce à cet amendement, qu’il faut prendre en compte le « volume de travail fourni ».
Cette modification est tout à fait dans l’esprit du code du travail. L’article L. 5212-6, qui définit ces contrats, fait en effet référence à la proportion de travail fourni dans les ateliers et les centres qui emploient des travailleurs handicapés.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement qui, dans l’esprit de celui du rapporteur de l’Assemblée nationale, rend effectivement impossible un usage abusif des contrats de fourniture ou de sous-traitance pour éviter la sur-contribution.
L’intérêt de cette nouvelle rédaction n’est pas évident.
La rédaction proposée par le texte actuel de l’article 12 est satisfaisante. La commission a donc émis un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable, car la précision apportée par cet amendement est de nature non pas législative, mais réglementaire.
Mme la secrétaire d'État vient de dire que cette disposition était de nature réglementaire. Si j’ai bien compris, cela signifie qu’elle y accorde de l’importance, qu’elle la trouve sensée et qu’elle prendra en compte toute sa pertinence au moment de rédiger les décrets d’application…
M. le président. Pour le Gouvernement, un amendement sénatorial est toujours sensé, que l’avis soit favorable ou défavorable !
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 12 quater est adopté.
(Non modifié)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont organisés et assurés de façon permanente, un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l’accessibilité prévues à l’article L. 111-7 et aux prestations que ceux-ci doivent fournir aux personnes handicapées.
« Ces mesures sont soumises à l’accord du représentant de l’État dans le département après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. »
II. – Dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application du dispositif visé au I.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir un instant sur la genèse de l’article 14 bis, qui n’est plus en navette – puisqu’il a été adopté conforme par l’Assemblée nationale –, mais qui suscite toujours beaucoup d’inquiétudes.
Vous le savez, j’ai beaucoup tenu à ce que le principe d’accessibilité généralisée figure dans la loi du 11 février 2005. Nous avions alors résumé ce principe dans la formule « l’accès de tous à tout ». Et celui-ci devra pleinement s’appliquer dès 2015, c’est-à-dire dans quatre ans.
À l’époque, j’avais également beaucoup insisté pour que le bâti neuf, mais aussi les nouveaux matériels roulants soient immédiatement rendus accessibles, sans exception.
En revanche, pour l’existant, la loi a dû tenir compte d’éventuelles contraintes d’aménagements, notamment pour les bâtiments les plus anciens, et a prévu des dérogations.
Aussi, c’est sans fondement légal que des mesures réglementaires autorisant des dérogations pour des constructions neuves ont été prises en mai 2006, avec l’aval du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Fort heureusement, mais malheureusement trop tardivement, la vigilance des associations représentatives des personnes handicapées a permis au Conseil d’État de déclarer l’illégalité de ces deux textes.
Mais, entre temps, des permis de construire ont été accordés sur le fondement de ces mesures. Alors que faire ? Démolir les logements sociaux et les établissements qui sont sortis de terre ou essayer de trouver un moyen de « légaliser » ces constructions sans ouvrir la boîte de Pandore ?
L’éthique de conviction m’inclinerait au maintien des principes sans prendre en compte les dommages que causeront ces destructions ; l’éthique de responsabilité, autrement dit le principe de réalité, m’a conduit à rechercher une solution qui permette de concilier le principe que nous nous sommes fixé d’une accessibilité sans faille pour le neuf, et la poursuite des projets de construction déjà autorisés.
Aussi, pour résoudre cette difficulté juridique, j’ai dû me résoudre à prévoir, la mort dans l’âme, des mesures de substitution pour le bâti neuf. J’ai personnellement veillé à ce que le dispositif soit très encadré.
Premièrement, le maître d’ouvrage doit apporter la preuve de l’impossibilité « technique » – précision apportée en séance publique par Sylvie Desmarescaux – avérée de respecter les normes en matière d’accessibilité et doit obligatoirement proposer une solution alternative pour que le bâtiment soit accessible.
Deuxièmement, le décret en Conseil d’État prévoyant les cas où ces mesures de substitution pourront être prises sera soumis à l’avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Troisièmement, les souplesses accordées ne peuvent être de portée générale ; par exemple, une mesure de substitution prise pour permettre le passage de poussettes ou de fauteuils roulants n’exonère pas de l’application rigoureuse des normes concernant l’accessibilité aux malvoyants.
Quatrièmement, la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité aura à se prononcer sur les mesures de substitution proposées par le maître d’ouvrage ; le Sénat a souhaité que cet avis soit conforme, c’est-à-dire que le préfet soit tenu de le suivre. Il s’agit là d’une garantie supplémentaire.
J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur, mais, malheureusement, le groupe CRC-SPG votera contre cet article 14 ter A, et il regrette fortement que l’article 14 bis ait été adopté conforme, ce qui nous empêche de redéposer un amendement de suppression.
Avec ces deux articles, c’est bien le principe d’accessibilité universelle, tel que prévu dans la loi du 11 février 2005, qui est remis en cause. Même si on nous parle de substitution, on a renoncé à l’accessibilité universelle.
Certes, le terme « dérogations » n’est pas utilisé et vous lui préférez la notion sans doute plus neutre de « mesures de substitution ». Pour autant, si les mots changent, les réalités demeurent identiques. L’accessibilité est pour les personnes en situation de handicap un véritable parcours.
Celles et ceux qui, dans cet hémicycle ou au Gouvernement, soutiennent ces articles considèrent que le chemin pris pour réaliser ce parcours et aller d’un point à un autre ne compte pas tant finalement que le fait pour les personnes en situation de handicap d’arriver à destination.
Pour nous, tel n’est pas le cas et l’accessibilité se pose à la fois en termes de finalité et en termes de moyens.
Que des personnes en chaise roulante puissent aller d’un lieu à un autre et se retrouver au même endroit que des amis ou des concitoyens valides est effectivement une chose importante.
Qu’elles soient pour le faire obligées d’emprunter un parcours différent n’est pas acceptable, particulièrement si des mesures d’aménagement auraient pu éviter cette situation. Cela a pour effet de les placer de fait en situation de marginalité par rapport aux autres citoyens.
Si nous voulons faire changer collectivement le regard sur les différents handicaps, nous devons tout leur faire toute leur place dans la cité, ce qui est radicalement différent de ce qui est proposé ici et qui revient, au final, à leur aménager une place congrue dans notre société.
Cette idée de substitution a d’ailleurs conduit l’un de nos collègues, M. Doligé, à proposer, dans un rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales remis à Nicolas Sarkozy le 16 juin 2011, de généraliser ces mesures de substitution. Non seulement parce que les normes d’accessibilité seraient compliquées à mettre en œuvre, mais également parce qu’elles reviendraient cher aux collectivités locales.
De la même manière, l’article 14 bis a été, disons-le, clairement imposé à la suite des pressions des entreprises du bâtiment et des travaux publics et des promoteurs, …
… qui considèrent que ces normes entraînent des surcoûts trop importants.
Comment pouvons-nous nous satisfaire de cette situation ? Comment accepter que la seule réponse à nos concitoyens en situation de handicap, qui veulent se rendre à la mairie, à l’école, à l’université, réside dans des solutions plus indignes les unes que les autres, comme le fait de passer par des sous-sols ou d’emprunter, comme le souligne l’Association des paralysés de France, l’APF, dans un communiqué de presse, par des locaux à poubelles ?
Cette association, profondément choquée par ces articles, a engagé une grande campagne médiatique dénonçant celles et ceux qui, en adoptant ces articles, les priveraient de leur liberté de circulation. Intitulée « des bâtons dans les roues », elle exprime clairement les conséquences qu’aurait l’adoption de ces deux articles.
Pour notre part, nous considérons que notre pays doit avancer rapidement vers la voie de l’accessibilité universelle, c'est-à-dire d’une conception de l’espace public et privé permettant à toutes et à tous de se mouvoir, tout simplement de vivre, sans que leur handicap, leur état de santé ou encore leur âge soit un facteur limitatif.
Ce concept « universel » devrait être, dans le contexte d’un pays où l’espérance de vie s’allonge, une chance face au défi que constitue la perte ou l’absence d’autonomie.
En lieu et place, vous nous proposez un nouveau recul : nous ne pouvons l’accepter.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, je ne peux accepter les propos scandaleux que vient de tenir Isabelle Pasquet à notre endroit.
Nous avons tous ici la volonté de tout mettre en œuvre pour rendre les locaux accessibles, dans la cité comme dans les logements.
Vous nous mettez plus bas que terre, madame Pasquet, en prétendant que nous ne voulons pas répondre aux exigences de la loi de 2005. Je me porte en faux contre cette assertion sans fondement.
Nous n’avons subi aucune pression des lobbies, que ce soit des résidences de tourisme ou des résidences pour les logements étudiants.
Mais, soyons clairs, la conception de l’accessibilité universelle, que, à vous entendre, vous auriez sans doute appliquée de façon extraordinaire, ne peut absolument pas être mise en pratique dans certains cas.
En tant que présidente de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, je puis vous dire que le rapport que nous avons rendu a été élaboré en concertation avec tous les membres de cet organisme et les associations de handicapés. Bien évidemment, tout n’est pas parfait, j’en suis consciente, mais je suis certaine que nous avons tous la volonté de rendre la cité accessible à tous.
Vos propos sont vraiment inadmissibles à l’égard des élus que nous sommes.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste.
Il y a vraiment des choses que l’on ne peut pas laisser dire dans cette enceinte et je tiens à remercier Sylvie Desmarescaux de ses propos que j’approuve totalement.
Je veux dire également combien j’ai apprécié l’intervention de notre collègue Anne-Marie Escoffier, que j’ai écoutée tout à l'heure avec beaucoup d’intérêt. Elle a en effet admis que nous étions confrontés à toutes sortes de difficultés et qu’il fallait faire preuve de bon sens et de pragmatisme en prévoyant des règles plus réalistes et moins contraignantes. Ses propos étaient à l’opposé de la démagogie qui règne ici sur certaines travées.
Puisque mon rapport a été cité à deux reprises – il ne contient d’ailleurs que des propositions qui seront ensuite examinées, amendées, discutées et sont donc susceptibles d’évoluer – je vais expliquer à Yves Daudigny la manière dont j’ai procédé.
J’ai reçu les membres de l’Association des maires de France, de l’Association des régions de France, notamment son président, dont on connaît les sensibilités politique, de l’ADF, l’Assemblée des départements de France, les maires ruraux et bien d’autres encore. Tous ont souligné les problèmes en matière d’accessibilité auxquels ils étaient confrontés et nous ont demandé de faire des propositions de nature à y porter remède. Je n’ai fait que retranscrire dans mon rapport, avec des mots choisis, les propos qui ont été tenus par ceux-là mêmes qui appartiennent à votre sensibilité politique, mon cher collègue, qu’il s’agisse aussi bien du président de l’ADF que de celui de l’ARF, sans parler des maires ruraux.
Les propositions que je formule traduisent les propos des présidents de conseils généraux, dont la majorité est à gauche, et des présidents de conseils régionaux, dont la quasi-totalité est également à gauche. Je pourrais vous donner les comptes rendus des auditions, et vous verrez que leurs propos ont été extrêmement précis. Après six ans d’application de la loi de 2005, ils n’ont engagé que 4 milliards d’euros sur les 20 milliards prévus. Ils se demandent donc comment ils vont faire pour engager les 16 milliards d’euros durant les quatre prochaines années pour réussir à mettre en œuvre cette loi à l’horizon 2015. C’est une vraie question, et nous avons le droit d’en débattre afin de trouver des solutions.
Je ne vous dis pas que les solutions que je propose sont les bonnes ; peut-être y en a-t-il d’autres ! Mais de là à dire, comme l’a fait notre collègue Isabelle Pasquet, que certains font passer les handicapés par les locaux à poubelles, il y a une marge ! Moi aussi, j’ai été meurtri par ces propos scandaleux ! Enfin, chers collègues, est-ce que l’un d’entre nous, dans sa commune, son conseil général, ses écoles, fait passer les handicapés dans le dédale des sous-sols et des locaux à poubelles ?...
Qui le fait ? C’est scandaleux de raconter de telles choses ! Nous sommes tous parfaitement capables de gérer ces problèmes de manière intelligente, …
… avant même que la loi ne rende l’application du dispositif obligatoire.
Je vous invite, ma chère collègue, à retirer vos propos ; j’espère qu’ils ont dépassé votre pensée !
Non ! Je ne fais que répéter ce que m’ont dit les associations ! Je n’invente rien !
En tout cas, je pense que je vais publier des extraits de certaines des auditions que j’ai conduites, car c’est de la pure démagogie que de dire que les articles 12 bis, 12 ter et 12 quater vous heurtent ! Si vous saviez ce que m’ont dit les représentants de ces instances sur le sujet, vous seriez particulièrement surprise ! Mon rapport est soft ; j’aurais pu retranscrire mot à mot ce qui m’a été dit, en citant les personnes ; je m’en suis dispensé, et à certains moments je le regrette.
Lundi prochain, nous examinerons une proposition de loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. Je vais me régaler ! Je vais pouvoir vous montrer comment certains de nos collègues prônent en public des principes auxquels ils se disent attachés et comment en privé ils tiennent des propos différents, du genre : comment on va faire… cela va coûter cher ! Venez, mes chers collègues, à cette séance ! Nous allons dire ouvertement ce que certains pensent tout bas sans oser le dire tout haut !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ce que vous venez de dire, mon cher collègue, ne va pas du tout dans le sens du discours du rapporteur !
Qu’il y ait une contradiction entre les principes et le point de vue des gestionnaires, quoi de plus normal ! Cela a existé de tout temps ! Il y a les principes, nous sommes là pour les édicter en légiférant, et puis il y a le gestionnaire qui doit les appliquer mais qui est parfois ennuyé par les choix qu’il doit faire. Cela n’empêche que le législateur doit prendre des positions très claires.
Même si le rapporteur affirme se reconnaître dans vos propos, ceux-ci sont quelque peu différents des siens.
On pouvait penser au départ qu’il s’agissait de régler des exceptions, des cas isolés, pour lesquels il n’y avait pas d’autre solution ; c’était compréhensible. Mais ce que vous venez de nous exposer, monsieur Doligé, est fort différent. Vous venez de nous confier que la quasi-totalité des représentants de l’ADF et de l’ARF vous ont demandé de changer les règles. Mais là, c’est ouvrir les vannes !
Les nombreuses personnes, de gauche, de droite, que vous avez rencontrées …
… ont exprimé l’envie de ne pas appliquer le dispositif prévu. Mais alors, il ne s’agit plus d’exception !
Il y a quelque confusion sur cette question. Je vais donc essayer de remettre les choses en place, et mon explication vaudra avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 7 et 9 de suppression de l’article.
Avec beaucoup d’humour, Éric Doligé a stigmatisé, à juste titre, les contradictions des sénateurs socialistes et communistes. Les mêmes qui, en tant qu’élus locaux demandent des arrangements, une fois dans cet hémicycle s’arc-boutent sur les principes.
Pour ma part, je n’entrerai pas dans cette discussion, me bornant à parler de la loi telle qu’elle est, car l’intervention de Mme Pasquet m’a semblé tout à fait étonnante.
Levons un malentendu : aujourd'hui, s’agissant des logements neufs, les textes prévoient une obligation d’accessibilité totale pour les parties communes. Cette règle n’est pas remise en cause. Ne nous racontez donc pas d’histoires sur les circuits imposés aux handicapés dans les locaux de poubelles ! L’accessibilité des parties communes est une disposition intangible de la loi.
Le texte dont nous débattons actuellement prévoit une obligation d’adaptabilité totale pour les parties privatives, c'est-à-dire les logements eux-mêmes, et non pas d’accessibilité.
Cela signifie que le logement n’est pas directement accessible, le promoteur n’ayant pas l’obligation, par exemple, d’équiper directement la salle de bains d’une douche de plain-pied, mais que celle-ci pourra être adaptée par des travaux simples, qui ne touchent pas au gros œuvre. Ainsi, on pourra facilement remplacer la baignoire d’origine – les parents de jeunes enfants préfèrent une baignoire à une douche ! – par une douche de plain-pied parce que les arrivées d’eau et les évacuations auront été conçues dès l’origine pour permettre une telle évolution.
Ces dispositions sont parfaitement adaptées aux logements ordinaires loués à l’année dans la mesure où elles permettent à une personne handicapée de se porter acquéreur d’un appartement ou d’une maison neuve ou de louer ce logement en sachant qu’elle pourra l’adapter à ses besoins à moindres frais.
Selon vous, ces mêmes règles devraient s’appliquer aux logements occupés temporairement, les logements de vacances ou les logements étudiants. Mais c’est faire une fausse promesse aux personnes handicapées ! Vous leur faites croire qu’il y aura accessibilité alors qu’il s’agit d’adaptabilité. D’ailleurs, comment voulez-vous qu’elles fassent faire des travaux pour sept jours de location ? Tout cela n’a aucun sens !
Pour notre part, nous proposons une vraie accessibilité. En effet, le législateur prévoit qu’un certain nombre de logements soient non plus adaptables, mais accessibles. Je ne sais pas si j’arrive à me faire bien comprendre ! Pourtant, c’est simple et évident ! C’est une véritable avancée pour les personnes handicapées que nous proposons : plutôt que d’avoir un parc de logements adaptables, une partie du parc sera accessible. C’est clair, non ?...
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mme Pasquet, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 9 est présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l’amendement n° 7.
Étant donné les réactions de nos collègues, je ne jetterai pas d’huile sur le feu et me contenterai de faire une explication de vote sur ces amendements identiques, monsieur le président.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 9.
Comme ma collègue Isabelle Pasquet, je ne développerai pas mon argumentation, préférant me concentrer sur l’amendement suivant.
Le Gouvernement a déjà fait part de son avis défavorable.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Hier, nous avons examiné une proposition de loi pour le développement de l’alternance.
Durant tout l’examen de ce texte, on n’a cessé de nous dire qu’une partie des mesures prévues avaient été approuvées par les partenaires sociaux. Certes, on ne peut que se satisfaire que les élus écoutent les partenaires sociaux. Mais j’estime que nous les écoutons également. À croire qu’il ne s’agit pas des mêmes ! Nous écoutons également les associations et, en l’espèce, les associations de handicapés.
Je n’ai pas inventé l’histoire des locaux à poubelles. Je n’ai fait que répéter ce que ces associations m’ont confié, parce qu’elles sont indignées de constater de telles situations.
Il en va de même pour l’expression « citoyen de seconde zone » que j’ai utilisée tout à l'heure, madame la secrétaire d’État. Les handicapés se sentent vraiment parfois comme des citoyens de seconde zone.
C’est en ce moment le cas des membres de l’APF, l’Association des paralysés de France, qui sont obligés de suivre nos débats dans le salon Victor-Hugo, parce que les tribunes ne sont pas accessibles aux handicapés !
Madame la ministre, bravo pour votre démonstration sur les tuyaux dans les salles de bains, mais l’article 14 ter A n’en est pas plus limpide pour cela !
Permettez-moi de donner lecture du principal paragraphe de l'article 14 ter A : « Pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont organisés et assurés de façon permanente, un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l’accessibilité prévues à l’article L. 111-7 et aux prestations que ceux-ci doivent fournir aux personnes handicapées. »
On parle ici non pas d’adaptabilité, mais d’accessibilité ! Un décret fixera les exigences : il peut soit les augmenter – et je n’ai pas compris dans les propos du rapporteur qu’il allait en être ainsi ! –, soit les réduire, et l’intervention de notre collègue Éric Doligé allait plutôt dans ce sens.
Même si vous nous avez fait une brillante démonstration, comme à votre habitude, madame la ministre, …
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation est complétée par les mots : « en vertu du principe de conception universelle ».
L'amendement n° 11, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Le Menn, Mmes Alquier, Printz et Schillinger, M. Desessard, Mme Blondin, M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
avis
par le mot :
accord
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Il nous a effectivement signifié qu’en 2005 il était vraiment opposé aux dérogations dans le bâti neuf. C’est dommage que depuis…
Il nous a dit aussi qu’il avait dû, la mort dans l’âme, accepter aujourd’hui les substitutions dans les bâtiments neufs. Je trouve dommage qu’on en soit arrivé là !
Au cours de la discussion générale, j’ai cité des déclarations du Gouvernement : selon Mme Bachelot-Narquin, l’accessibilité reste un principe irréfragable. « C’est pourquoi l’accessibilité est un domaine primordial », a dit M. Sarkozy lors de la deuxième conférence nationale du handicap, le 8 juin 2011.
Ces déclarations vont tout à fait dans le sens des engagements pris par la France. Je pense à la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et au décret n° 2010-356 du 1er avril 2010 portant publication de la convention relative aux droits des personnes handicapées, qui engage notre pays à promouvoir et à appliquer le principe de « conception universelle ».
De plus, l’Union européenne a rendu opposable, pour ses propres instances, la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Par conséquent, ladite convention pourra être invoquée devant la Cour européenne de justice, mettant ainsi la France en porte-à-faux.
Alors, madame la ministre, pourquoi s’être engagé en signant cette convention si c’était pour revenir en arrière aujourd’hui ?
On a beaucoup entendu, dans cet hémicycle et ailleurs, un argument économique que l’on peut effectivement concevoir : celui d’un surcoût éventuel.
Actuellement, une réflexion est lancée avec le débat national sur la dépendance. À cette occasion, d’ailleurs, madame la ministre, vous vous rendez dans toutes les régions. Ainsi, vous êtes venue dans ma circonscription, les Pyrénées-Atlantiques. L’accessibilité des personnes dépendantes se rapproche de celle des personnes handicapées.
Le fait que les personnes devant bénéficier d’espaces accessibles seront de plus en plus nombreuses renforce la nécessité d’appliquer dès aujourd’hui le principe de conception universelle, afin d’éviter d’avoir à rattraper un retard faute d’anticipation.
J’en viens à l’argument du surcoût. Dans un rapport d’octobre 2008 intitulé Design for all : implications for bank operations, la Banque mondiale estime entre 15 % et 20 % les pertes de marchés touristiques en raison de l’inaccessibilité des infrastructures. Quand on connaît la place et l’importance du tourisme en France, on ne peut qu’être surpris par cet article 14 ter A.
Il est de plus précisé dans ce rapport que, lorsqu’il existe – ce qui n’est pas toujours le cas – un surcoût lié à l’accessibilité dans la construction de bâtiments neufs, ce surcoût n’excède jamais 1 % de la construction totale.
Aussi, et c’est l’objet de l’amendement n° 10, est-il nécessaire d’affermir et de concrétiser le principe de conception universelle en l’intégrant au code de la construction et de l’habitation.
En effet, l’accessibilité des bâtiments fait partie intégrante de l’approche inhérente au développement durable. Son importance a notamment été soulignée dans l’article 3 de la loi dite Grenelle I, lequel inscrit dans ses objectifs la prise en compte systématique de l’accessibilité.
Cet amendement est de nature à mettre fin aux nombreux régimes dérogatoires qui restreignent la portée du principe de conception universelle.
L’amendement n° 11 est relatif à l’avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Nous préférerions qu’il s’agisse d’un accord.
M. Jean Desessard applaudit.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
J’ajoute que la notion de « conception universelle » amène également à traiter de la question de tous les handicaps. À se concentrer sur l’article 14 quater, peut-être a-t-on quelque peu oublié cet aspect-là.
Madame Annie Jarraud-Vergnolle, vous parliez de nos compatriotes handicapés moteurs, mais il faut penser aussi à ceux qui, parce qu’ils sont aveugles, autistes ou déficients intellectuels, voient leurs conditions d’accessibilité rendues singulièrement difficiles.
L’effort du Gouvernement porte précisément, Sylvie Desmarescaux le sait bien, sur cet aspect des choses, afin que l’ensemble de nos compatriotes handicapés, sans exclusive, puissent participer totalement à la vie et à la citoyenneté dans notre pays.
Je voudrais revenir sur l’amendement n° 11.
En tant que rapporteur de la première grande loi sur le handicap, la loi Veil du 30 juin 1975, à l’Assemblée nationale, j’ai eu le grand honneur de participer à la création du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Mon cher collègue, deux dates sont importantes.
La première, c’est justement celle du 30 juin 1975, date de la première grande loi sur le handicap. Valéry Giscard d’Estaing était président de la République et Jacques Chirac, Premier ministre. Je suis très fier d’avoir été le rapporteur de cette loi, adoptée le 17 juin 1975.
La seconde date est celle du 11 février 2005. Il a fallu attendre jusque-là pour faire adopter la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Effectivement, Jacques Chirac était président de la République et Jean-Pierre Raffarin, ici présent, Premier ministre.
Entre-temps, des présidents et des gouvernements socialistes se sont succédé. Qu’avez-vous fait ?
Je suis assez fier de le dire ici, nous pouvons sans aucun complexe, en conscience, dire que nous, nous avons fait le maximum pour les personnes handicapées, en les respectant et sans chercher à les utiliser à des fins partisanes !
Permettez-moi de profiter de mon temps de parole pour rendre hommage à Paul Blanc, un médecin qui connaît les problèmes des handicapés.
Au sein de votre commission, madame la présidente Muguette Dini, et dans cet hémicycle, il a transmis des messages très forts. Parfois, il est arrivé qu’il ne soit pas bien traité... Pourtant, il mérite non seulement notre respect, mais aussi un peu de notre admiration, comme cela a été dit.
Lui qui a décidé de ne pas se représenter aux élections sénatoriales il peut être fier de ce qu’il a accompli au Sénat. Pour ma part, je sais ce qu’il nous a permis de faire au conseil régional de Languedoc-Roussillon. Certes, c’est du passé, mais son action au Sénat est d’actualité. Bravo à Paul Blanc !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Permettez-moi de revenir sur les propos de Mme la secrétaire d'Etat concernant notamment l’accessibilité des personnes handicapées. Je prendrai deux exemples qui, précisément, n’ont rien à avoir avec l’accessibilité physique.
Le premier concerne les sous-titreurs, qui connaissent des difficultés en raison de la diminution d’un quart de leurs interventions concernant tant le sous-titrage par télétexte pour les malentendants que l’audiodescription pour les malvoyants.
Le deuxième exemple est celui de la précarité des auxiliaires de vie scolaire, ce qui ne permet pas de rendre accessible l’école ordinaire à l’ensemble des enfants orientés par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH.
Madame la secrétaire d'État, je suis tout à fait d’accord avec vous pour assurer une accessibilité à l’ensemble des personnes, cela quel que soit leur handicap. J’ai travaillé pendant trente ans dans le domaine du handicap, j’ai dirigé des établissements ; par conséquent, je connais ce secteur-là. Une adaptation est effectivement nécessaire pour permettre l’accessibilité, quel que soit le handicap des personnes.
Par conséquent, ce n’est pas à moi qu’il faut rappeler que le handicapé physique n’est pas le seul concerné par cette proposition de loi. Tous les handicaps doivent l’être !
M. Jacques Blanc nous a rappelé les deux dates historiques et a rendu hommage à M. Paul Blanc. C’est très bien, mais il n’a pas répondu à la question principale soulevée par l’amendement n° 11 !
Vous avez créé, avez-vous dit, le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Mais c’était pour lui donner un pouvoir !
S’agissant d’une exception, vous auriez pu accepter de lui donner un pouvoir. Vous n’avez pas seulement créé ce Conseil pour lui demander un avis de temps en temps : il faut quand même lui donner la possibilité de décider !
Après avoir cité deux dates historiques, j’attendais que vous preniez date aujourd’hui pour que ce Conseil donne désormais son accord, et pas simplement un avis. Vous avez raté une occasion d’entrer dans l’histoire, monsieur Jacques Blanc !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'article.
Je tiens à expliquer mon vote, car nous sommes sous un feu nourri d’arguments qui laisseraient à penser que nos positions ne sont pas cohérentes.
Il est vrai qu’il y a eu parfois des confusions. Monsieur Doligé, c’est une chose de rendre accessibles des bâtiments anciens, mais c’est une autre chose d’envisager les constructions neuves pour aujourd’hui et pour demain.
Je profiterai de cette explication de vote pour présenter de nouveau une argumentation cohérente justifiant les positions que nous avons défendues.
Plusieurs paramètres illustrent la nécessité d’affermir et de concrétiser le principe de conception universelle et de construction pour tous – personnes handicapées et personnes âgées –, afin de le codifier dans le code de la construction et de l’habitation.
Tout d’abord, l’accessibilité des bâtiments fait partie intégrante de l’approche de développement durable.
Son importance a été soulignée dans l’article 3 de la loi dite Grenelle I, qui place l’accessibilité parmi les objectifs à prendre en compte systématiquement.
De plus, la France vient de ratifier la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées depuis le décret du 1er avril 2010 ; or cette Convention engage à promouvoir et à appliquer le principe de conception universelle.
Ensuite, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNPH, a adopté une résolution, le 20 mai 2010, tendant à faire appliquer le principe de la conception universelle en droit positif.
Aussi, l’Union européenne a rendu opposable à ses propres instances la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées, si bien que ladite Convention pourra être invoquée devant ses juridictions, dont la Cour de justice des Communautés européennes.
Enfin, d’un point de vue économique, la conception universelle constitue le choix le plus pertinent.
En effet, en plein débat – qui va bientôt se terminer – sur la dépendance ou la perte d’autonomie, appliquer la conception universelle aujourd’hui permettrait de ne pas solliciter à nouveau demain la solidarité nationale pour l’adaptation des logements, en particulier pour les personnes âgées dans le contexte de l’allongement de la vie.
Deuxième élément, la Banque mondiale évalue également entre 15 % et 20 % les pertes de marchés touristiques en raison de l’inaccessibilité des infrastructures. L’accessibilité d’une France touristique constituerait un attrait non négligeable en termes de qualité d’accueil et de prestations.
Enfin, troisième élément, lorsqu’il en existe un, le surcoût lié à l’accessibilité dans la construction de bâtiments neufs n’excède pas 1 %, toujours selon le rapport de la Banque mondiale Design for all : implications for bank operations, d’octobre 2008.
L'article 14 ter A est adopté.
(Non modifié)
Le dernier alinéa du 7° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« À la demande des personnes morales et des établissements mentionnés au premier alinéa du présent 7°, formulée dans les dix ans suivant le dépôt légal des œuvres imprimées, les fichiers numériques ayant servi à l’édition des œuvres dont la date de dépôt légal est postérieure au 4 août 2006 sont déposés au Centre national du livre ou auprès d’un organisme désigné par décret.
« Le Centre national du livre ou l’organisme désigné par décret conserve sans limitation de date les fichiers numériques ayant servi à l’édition de ces œuvres et les met à la disposition des personnes morales et des établissements mentionnés au premier alinéa du présent 7° dans un standard ouvert au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Il garantit la confidentialité de ces fichiers et la sécurisation de leur accès.
« Les personnes morales et les établissements mentionnés au premier alinéa du présent 7° détruisent les fichiers mis à leur disposition une fois effectué le travail de conception, de réalisation et de communication de supports au bénéfice des personnes physiques mentionnées au même premier alinéa ; ». –
Adopté.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Marc Juilhard, pour explication de vote.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du groupe UMP et en mon nom personnel, je tiens à remercier notre excellent rapporteur, Paul Blanc, de son engagement aux côtés des personnes handicapées. Je salue également la grande qualité de ses nombreux travaux dans le domaine du handicap, travaux que Mme la ministre Bachelot-Narquin et, à l’instant, Jacques Blanc viennent de rappeler.
Grâce à l’examen de cette proposition de loi, nous avons modifié et précisé la loi du 11 février 2005, qui constituait déjà une avancée considérable pour la reconnaissance des droits des personnes handicapées. Avec ce texte, nous allons inscrire dans la loi un nouveau progrès en leur faveur.
Je ne reprendrai pas tous les points de cette proposition de loi. Je reviendrai sur deux de ses éléments qui nous paraissent essentiels.
D’une part, l’équilibre financier des maisons départementales des personnes handicapées sera recherché à travers la mise en place d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens d’une durée de trois ans entre chaque maison départementale, l’État, le conseil général et, le cas échéant, les autres membres du groupement.
D’autre part, concernant la gestion des personnels des MDPH, il était important de trouver des solutions afin de stabiliser les équipes. Celles qui sont proposées dans la proposition de loi vont dans le bon sens, qu’il s’agisse de l’assouplissement des mises à disposition ou du versement par l’État d’une subvention de fonctionnement « globalisée », en début de période.
Je voudrais achever mon propos en saluant les associations représentatives des personnes handicapées et leur rôle éminent. Inscrites à la fois dans l’action quotidienne et dans la réflexion au service des personnes handicapées, elles utilisent leur connaissance privilégiée du terrain pour présenter des propositions constructives. Je tenais à leur rendre hommage et à leur assurer que nous soutenons leur action.
Cette proposition de loi était particulièrement attendue. Le groupe UMP, qui lui apporte bien évidemment son soutien, souhaite qu’elle soit rapidement mise en œuvre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce texte.
Aujourd’hui, les MDPH constituent dans le paysage social français des organismes incontournables, de par leur rôle de guichet unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées. Leurs difficultés ont été parfaitement identifiées : une construction administrative complexe et des incertitudes financières ont largement déstabilisé leur fonctionnement.
Nous avons dit à plusieurs reprises combien le texte proposé aujourd’hui marquait des avancées intéressantes et traçait des pistes que nous pouvions soutenir. J’évoquerai rapidement la réaffirmation du statut de GIP, groupement d’intérêt public, la mise en place des CPOM, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, l’affirmation du rôle de l’État en tant que pilote des politiques publiques de l’emploi au bénéfice des personnes handicapées, ainsi que la reconnaissance de l’existence légale des Cap Emploi.
Malgré notre approbation en matière de statut des personnels, nous regrettons que, après avoir introduit certaines avancées, vous ayez ensuite fait marche arrière. Ces agents resteront gérés par leur administration d’origine, même si nous avons bien noté qu’ils seront désormais placés sous l’autorité du directeur de la MDPH et soumis aux règles de fonctionnement de celle-ci.
Nous regrettons également que vous ayez renoncé, en cours de route, à exonérer les MDPH de la taxe sur les salaires.
Par ailleurs, nous déplorons vivement l’absence de réflexions et d’avancées concernant le financement de la PCH, dont on sait qu’elle pèse aujourd’hui de plus en plus lourdement sur les finances des départements, leur imposant des contraintes auxquelles ils ont beaucoup de mal à faire face.
Notre désaccord a été évident tout au long de ces débats. Il porte sur l’interprétation de ce texte en matière d’accessibilité. Nous pensons pour notre part qu’il ouvre des brèches dans le principe d’accessibilité. Permettez-moi de citer, madame Bachelot-Narquin, les propos que vous avez tenus devant l’Assemblée nationale et que nous pourrions faire nôtre : « L’accessibilité, ce n’est pas simplement une question technique : c’est un outil majeur de citoyenneté. Le concept d’accessibilité dépasse largement cet aspect technique. Les principes qui ont été inscrits au fronton de la loi de 2005 sont absolument irréfragables. »
Je pourrais également citer la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, laquelle stipule que les États signataires doivent garantir aux personnes handicapées la liberté de choix nécessaire à la vie en société et prendre les mesures appropriées pour leur assurer la pleine jouissance de ce droit. Les personnes handicapées doivent en particulier avoir la même liberté de choix de leur lieu de résidence et de leur voisinage que les autres, sans être obligées de vivre dans un milieu particulier.
Au-delà de ce texte, il s’agit bien d’un débat de société, qui porte non seulement sur les personnes handicapées, mais aussi sur les personnes âgées en perte d’autonomie, les mères de famille, les enfants et toute personne ayant perdu, à un moment donné, une partie de son autonomie. Ce débat porte sur notre capacité à nous doter d’un environnement permettant à chacun de vivre dignement.
Vous comprendrez donc que les dernières dispositions que vous avez adoptées nous amèneront à voter, ce que nous regrettons profondément, contre ce texte.
Je voudrais néanmoins souligner le travail de notre collègue Paul Blanc et lui adresser en cet instant, même si nous ne siégeons pas du même côté de l’hémicycle que lui, un message de sympathie.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne pouvait que saluer le rapport d’information de M. Paul Blanc et de Mme Annie Jarraud-Vergnolle et ses vingt-cinq propositions pour améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées.
La proposition de loi qui a suivi était attendue par les associations et comportait de nombreux points positifs, permettant notamment de soulager la situation financière très tendue de certaines MDPH.
J’évoquerai la conception écologiste des politiques du handicap en matière d’accessibilité.
Les politiques du handicap ont trait au vivre-ensemble. Il s’agit notamment de rendre accessibles les bâtiments, dans une approche de développement durable, comme le soulignait l’article 3 du Grenelle I. Ce sont les bâtiments qui doivent s’adapter aux hommes et aux femmes, et non l’inverse.
C’est aussi la ville qu’il faut rendre plus accessible, plus facile à vivre. Car les améliorations destinées aux personnes ayant des difficultés à se déplacer et à s’orienter bénéficient à toutes et à tous. Il s’agit notamment de trottoirs plus larges, d’infrastructures plus accessibles, d’ascenseurs plus nombreux, notamment dans le métro, et de bus adaptés. Tous ces aménagements permettent d’améliorer aussi le quotidien des parents avec poussette, des seniors, des voyageurs avec bagages encombrants et de tous ceux qui subissent une incapacité temporaire.
L’accessibilité, c’est donner aux personnes en situation de handicap la liberté de se déplacer et donc de rompre leur isolement, ce qui constitue un premier pas vers leur insertion dans la vie économique et sociale.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’amélioration de la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, nous attendons toujours la publication d’un certain nombre de décrets d’application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je pense notamment aux décrets concernant les consultations médicales de prévention, la situation des aidants familiaux et les conditions de travail.
J’en reviens à cette proposition de loi et à son approche du vivre-ensemble.
L’introduction d’un cavalier législatif a rendu ce texte inacceptable. L’article 14 bis remet en effet en cause la mise en accessibilité des bâtiments neufs et donc la loi du 11 février 2005.
Comment imaginer une mesure aussi pernicieuse alors que, par une décision en date du 1er juin dernier, le Conseil d’État vient d’annuler la possibilité de déroger aux règles d’accessibilité applicables aux lieux de travail neufs ? Ces dérogations étaient rendues possibles par un décret du 21 octobre 2009, contesté par quatre associations de personnes handicapées.
Je salue cette décision, qui conforte l’esprit de la loi de 2005. D’ailleurs, le Conseil d’État a précisé que « le législateur n’a pas entendu permettre au pouvoir réglementaire d’ouvrir des possibilités de dérogations aux règles relatives à l’accessibilité en ce qui concerne un bâtiment neuf ou la partie neuve d’un bâtiment ».
Au regard de ces éléments, nous ne pouvons que nous interroger sur la présence d’un tel cavalier dans ce texte.
Par conséquent, bien que cette proposition de loi introduise certaines avancées en matière de fonctionnement des MDPH, nous voterons contre, pour marquer notre opposition à ses articles 14 bis et 14 ter A.
Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit dans la discussion générale.
Certes, cette proposition de loi introduit des avancées importantes en matière de fonctionnement des MDPH.
Je l’ai déjà dit, je regrette la suppression de l’article 13, relatif à la PCH, qui demeure à nos yeux la pierre angulaire de la politique du handicap.
Par ailleurs, vous ne m’empêcherez pas de penser, malgré toutes les explications que vous nous avez données, que, au travers des articles 14 bis et 14 ter A, nous avons en quelque sorte renoncé à l’accessibilité universelle, ce que je regrette.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte.
Monsieur Paul Blanc, je tiens à vous le dire, je n’ai jamais cherché à vous attaquer personnellement. J’ai en effet beaucoup de respect pour votre travail, que vous menez avec conviction et sincérité. Je sais que, lorsqu’on est aussi impliqué que vous, on peut parfois être blessé par certains propos, qui ne visent pourtant que des idées.
Il était important pour moi de vous le dire, d’autant que vous ne serez plus parmi nous à partir d’octobre. Je pense d’ailleurs que, s’agissant du handicap, nous aurions parfois pu nous retrouver sur des positions sinon identiques du moins similaires.
Je serai très brève.
Tout d’abord, je remercierai Paul Blanc, dont je sais avec quelle conviction et même quelle tendresse il s’est intéressé au problème du handicap.
Ensuite, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, je tiens à dire que je voterai cette proposition de loi, qui me convient tout à fait.
J’ajouterai toutefois qu’il serait bon que les démarches administratives exigées par les MDPH soient harmonisées et simplifiées. Certains établissements, en effet, se croient obligés d’invoquer sans fin des décrets, vous demandant de produire quinze fois les mêmes papiers, notamment pour obtenir la PCH. L’harmonisation de l’ensemble de ces démarches rendrait un service irremplaçable aux familles. Faut-il un décret ou un règlement ? Je n’en sais rien ! En tout cas, il faut faire en sorte de simplifier le travail des familles. Je vous en remercie à l’avance, madame la ministre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
À mon tour, je voudrais saluer avec beaucoup d’affection et d’amitié Paul Blanc, en mon nom personnel et au nom de mes collègues ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mon cher collègue, le travail de longue haleine que vous avez mené mérite un sacré coup de chapeau !
En effet, cette proposition de loi constitue une réelle avancée, même si, bien évidemment, comme tout texte, quel qu’il soit, il n’apporte pas une satisfaction totale : il y a toujours le revers de la médaille…
En cet instant, je veux rendre hommage également aux associations qui œuvrent en permanence pour faire reconnaître les handicaps, qu’ils soient, comme l’a dit Mme Montchamp, mentaux, physiques ou liés à l’âge. Chaque jour, elles nous apportent leurs compétences et leur dévouement ; qu’elles en soient remerciées.
Enfin, monsieur Desessard, je vous ferai remarquer que je ne suis pas une cavalière, mais une élue : l’article 14 bis, qui a été introduit sur mon initiative dans la proposition de loi, n’est absolument pas un cavalier. Il vise simplement à assouplir certains points.
J’avais été très précise dans mes propos, et je pense– n’y voyez aucun orgueil de ma part – que cet ajout a amélioré la proposition de loi initiale. Au départ, étaient prises en compte l’impossibilité technique et l’impossibilité financière. Je suis revenue sur l’impossibilité financière, ne gardant que l’impossibilité technique. Il s’agit donc d’une réelle avancée en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées.
Je le répète, en tant qu’élue nationale mais aussi en tant qu’élue locale, il me paraît essentiel de favoriser l’accessibilité. Nous pouvons tous être concernés par le handicap ; je le suis à travers l’un des membres de ma famille, et je sais que d’autres dans cette assemblée le sont à travers des proches. Nous avons tous la volonté de répondre aux attentes des personnes handicapées.
Sur un tel sujet, je considère que nous aurions dû aboutir à un consensus. Vous semblez dire que cette proposition de loi représente une avancée certaine mais que, à cause de l’article 14 bis, vous ne la voterez pas. Eh bien, du fond du cœur, je le regrette foncièrement.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Bien entendu, je vais voter cette excellente proposition de loi.
Je voudrais simplement, cher Paul Blanc – même si cela en devient presque gênant pour vous
Sourires
– dire combien je me réjouis de voir cette proposition de loi, que nous devons à votre initiative, votre opiniâtreté et votre générosité, achever ce soir son parcours législatif. Acceptez l’expression de notre admiration et de notre gratitude !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La parole est à M. le rapporteur.
Tout d’abord, je voudrais dire un grand merci au groupe UMP mais aussi aux groupes de l’Union centriste et du RDSE, qui ont voté ce texte, …
Sourires
…ainsi qu’aux non-inscrits bien entendu.
Ce texte, je le dois aussi au dialogue permanent que j’ai noué avec les associations, que je reçois depuis de nombreuses années à l’occasion du budget dédié aux solidarités. Je voudrais leur dire que je me suis efforcé de trouver un équilibre. En effet, j’ai toujours eu la crainte qu’à vouloir trop en faire on ne finisse par les desservir.
Marques d’approbation sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Sans vouloir faire de politique politicienne, je voudrais toutefois revenir sur ce qu’a dit Jacques Blanc, qui a omis de préciser que, en 1987, c’était Philippe Séguin qui avait présenté le texte sur l’insertion des travailleurs handicapés en milieu ordinaire, alors que Jacques Chirac était Premier ministre. Chers collègues de gauche, en définitive, tous les textes majeurs qui traitent du handicap ont été élaborés par la droite, qui est aussi la majorité actuelle. Aujourd'hui, il est donc inconcevable que vous nous fassiez des procès d’intention.
Vous rendez hommage à la loi de 2005. Permettez-moi de rappeler que cette loi – j’ai entre les mains le procès-verbal de la séance du 27 janvier 2005 – a été votée par les groupes de l’Union centriste, du RDSE, de l’UMP et par les non-inscrits, les groupes CRC et socialiste ayant voté contre.
Mon vœu le plus cher, puisque, aujourd'hui, vous défendez la loi de 2005, c’est que, dans quelques années, vous défendiez de la même façon la proposition de loi que nous venons de voter !
Rires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, en mon nom personnel et au nom de Roselyne Bachelot-Narquin, vous remercier pour la richesse des débats, le travail effectué et le réalisme dont vous avez su, les uns et les autres, faire preuve afin que ce texte, construit et porté par Paul Blanc, trouve aujourd'hui son aboutissement.
Je partage pleinement votre souhait que le réalisme, principe auquel vous êtes attaché, cher Paul Blanc, et qui est essentiel au succès de la participation et de la citoyenneté de nos compatriotes handicapés, vive à travers ce texte qui est le vôtre, auquel votre nom sera désormais attaché.
J’ai, comme vous, quelques vifs souvenirs des débats sur la loi du 11 février 2005. Je pense que nombreux ici sont les sénateurs qui s’en souviennent, notamment Bernadette Dupont et Sylvie Desmarescaux, mais aussi Jacques Blanc. Ce sont, cher Paul Blanc, des souvenirs très riches et chers à notre cœur.
Je sais que les personnes handicapées nous écoutent aujourd’hui, comme vous l’avez vous-même dit, madame Pasquet. Je veux leur dire que le Président de la République, lorsqu’il a rappelé les principes intangibles de la loi du 11 février 2005, l’a fait avec toute la force qui s’attache à sa fonction, celle de Président de tous les Français. C’est un point extrêmement important, que nous devons tous avoir à l’esprit
La route est longue et difficile vers la participation et la citoyenneté de tous dans tous les actes de la vie en société. Nous ne devons jamais renoncer au principe de réalisme : c’est ainsi que nous atteindrons les objectifs que nous nous sommes fixés et qui sont nombreux dans tous les domaines. Nous ne pouvons nous contenter de rester face à face, Gouvernement d’un côté, associations et Parlement de l’autre. Il faut que tous nos compatriotes s’impliquent dans la politique du handicap, se saisissent de ce texte et le fassent vivre. C’est par sa clairvoyance et son implication sur ces sujets que chaque Français peut construire l’accessibilité.
Je voudrais, pour terminer, vous exprimer, au nom de Roselyne Bachelot et en mon nom, cher Paul Blanc, notre gratitude et, si vous m’y autorisez, notre très grande affection.
Bravo ! et appl audissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RSDE.
La présidence s’associe à l’hommage qui a été rendu par la Haute Assemblée à notre collègue Paul Blanc.
Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, Philippe Dallier, Alain Fouché, Jean-Claude Frécon, Charles Guené, Edmond Hervé, Benoît Huré, Pierre Jarlier, Mme Élisabeth Lamure, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, MM. Philippe Marini, Jean-Louis Masson, Jacques Mézard, Mme Catherine Morin-Desailly et M. Rémy Pointereau membres de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
Je rappelle au Sénat que la liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, François Pillet, François Zocchetto, Alain Anziani, Jean-Pierre Michel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ;
Suppléants : M. Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Yves Détraigne, Mme Virginie Klès, M. Jacques Mézard et Mme Catherine Troendle.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 28 juin 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-165 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 29 juin 2011 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
1. Proposition de loi visant à améliorer et sécuriser l’exercice du droit de préemption (n° 323, 2010-2011).
Rapport de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 616, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 617, 2010-2011).
À dix-huit heures trente et, éventuellement, le soir :
2. Proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale (n° 720, 2009-2010).
Rapport de M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l’économie (n° 618, 2010 2011).
Texte de la commission (n° 619, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt et une heures dix.