Monsieur le président, madame la ministre, monsieur Magras, mes chers collègues, je me réjouis que, aujourd’hui, en séance publique, sur l’initiative de notre commission de l’économie, nous puissions, ensemble, débattre du tourisme outre-mer.
En effet, ce secteur est vital pour l’équilibre de l’économie ultramarine. Or, depuis près de dix ans, il connaît un réel déclin aux Antilles, ce que retrace parfaitement, dans son excellent rapport d’information, notre collègue Michel Magras, qui, en tant qu’habitant de Saint-Barthélemy, sait de quoi il parle.
Mes chers collègues, j’ai l’intime conviction que le tourisme peut irriguer abondamment l’économie et la société de nos territoires insulaires, contribuant ainsi de façon encore plus importante à la production locale de richesses, donc à l’investissement et à l’emploi productifs.
Néanmoins, je dois l’avouer, je suis tout aussi convaincu que ce résultat ne sera atteint de façon durable que si les décideurs, en particulier locaux, prennent clairement position sur l’importance stratégique qu’ils accordent au tourisme et s’ils indiquent en toute transparence à la population les voies et moyens permettant de tirer pleinement profit de cette industrie.
Dans nos territoires, le tourisme est souvent perçu comme une activité fortement consommatrice de subventions, juteuse pour les promoteurs et à l’origine d’emplois précaires et subalternes. D’où une certaine attitude contre-productive au sein de la population, soulignée et regrettée par nombre d’observateurs et d’analystes.
À mon sens, et avant toute chose, seule une démarche claire et volontariste des responsables publics pourra susciter l’implication de la population dans ce secteur à fort potentiel, qui prendra ainsi toute sa place dans le développement socio-économique local.
Ce préalable posé, la redynamisation du secteur touristique passe aussi par des choix stratégiques dont nous ne pouvons faire l’économie.
Se pose, tout d’abord, la question de la clientèle.
Faut-il privilégier une clientèle de masse ou une clientèle choisie ? Je pense personnellement que vouloir agir tous azimuts est contre-productif, les ressources disponibles pour la promotion de nos destinations étant nécessairement limitées eu égard à l’ampleur de certains marchés que nous convoitons. Il me semble donc nécessaire de faire des choix judicieux et de cibler des segments de clientèle qui seraient véritablement captifs, parce qu’ils seraient sensibles aux avantages comparatifs de nos offres touristiques.
Disant cela, je veux pointer ce que j’appelle le fantasme du marché américain. Depuis les années soixante, le touriste américain, avec son pouvoir d’achat en principe élevé, a toujours constitué une cible alléchante, que nous avons placée au cœur de nos stratégies de développement touristique.
Or, si ces touristes ont représenté à certains moments jusqu’à 40 % de nos visiteurs en Guadeloupe, force est de constater que cette clientèle est de plus en plus difficile à attirer et, surtout, à fidéliser. Plusieurs motifs peuvent expliquer cette situation, parmi lesquels la barrière de la langue, le faible intérêt pour nos goûts et modes de vie ou encore l’image dégradée de nos sociétés. Convoiter cette clientèle peut donc se révéler fort coûteux, alors même que le retour sur investissement est loin d’être garanti.
Au contraire, je pense que nous gagnerions à réactiver le marché canadien, davantage à notre portée en raison de la plus grande proximité psycho-sociologique de nos populations respectives. De même, la clientèle européenne me semble receler d’importantes potentialités, dont l’exploitation pourrait être favorisée par la desserte des Antilles à partir de l’aéroport de Roissy.
Se pose ensuite la question de la qualité du produit offert à notre clientèle.
De ce point de vue, nous disposons de réels atouts qu’il convient de mieux valoriser.
À l’évidence, si nous voulons tirer le meilleur parti du tourisme de croisière en Guadeloupe, nous gagnerions à adapter le port de Pointe-à-Pitre et son environnement immédiat, qu’il s’agisse de sa configuration, de l’ambiance qui y règne, de l’activité économique qui s’y déroule ou encore de la sécurité publique. À mon avis, ce sont là d’indispensables préalables.
Il me semble également utile de s’interroger sur les types de structures qu’il convient de développer pour accueillir ces touristes.
On le sait, le parc hôtelier se dégrade depuis plusieurs années et, comme le souligne M. Magras, la situation risque d’être catastrophique si une action vigoureuse de rénovation n’est pas conduite.
Toutefois, il me semble nécessaire de développer aussi d’autres formes d’hébergement. Disant cela, je pense aux structures plus petites, à dimension familiale, comme les gîtes ou les guest houses, qui offrent le double avantage, d’une part, de créer une relation de proximité entre la population et le touriste, favorisant ainsi la découverte et l’échange, et, d’autre part, d’emporter l’adhésion de la population, qui trouvera dans ce dispositif un intérêt socio-économique réel et concret, ce qui est important.
Nos territoires insulaires sont parfaitement adaptés à ce type de structures, qui s’y développent d’ailleurs de façon quasi-spontanée, c’est-à-dire désordonnée et empirique. Il faut les aider à s’organiser et à se regrouper pour faciliter leur développement et améliorer la qualité de leurs services, afin d’en faire profiter le plus grand nombre de Guadeloupéens. En retour, ces derniers éprouveront plus de fierté à participer au développement du tourisme, car, pour l’heure, leur participation à cette activité se résume hélas trop souvent à des emplois de bas de gamme, peu valorisants. Il faut leur faire appréhender autrement le tourisme et les touristes ! Il y a là un enjeu socio-économique et politique d’importance majeure.
Faire face à cet enjeu passe aussi, inévitablement, par la maîtrise des langues étrangères, telles que l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Pour cela, il faut agir à trois niveaux : former le personnel hôtelier, proposer des formations pour les adultes, enfin, comme le préconise M. Magras, développer l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge.
La question de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement prend aussi toute sa place dans la relance du développement touristique. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire. Faut-il souligner, à côté du problème des panneaux publicitaires, pointé par M. Magras, le rôle joué par les carcasses de voitures et les dépôts sauvages de déchets dans la défiguration de nos paysages et, partant, dans le ternissement de l’image de nos territoires ?
Il devient urgent de définir une stratégie globale, à l'échelle territoriale, pour améliorer la situation, notamment en concentrant les moyens financiers de nos collectivités. Au-delà d’une simple question de relooking de nos îles, c’est le bien-être même de nos populations qui est en cause.
Accroître l’attractivité de nos îles passe aussi par la protection et la valorisation de nos sites naturels, qui, de l’avis de tous, sont de véritables trésors de diversité biologique, géologique ou faunistique. Nous avons là une richesse extraordinaire, mais comment les touristes pourraient-ils s’en rendre compte si ce patrimoine n’est pas mis en valeur ?
C’est sur ce patrimoine qu’il faut s’appuyer pour développer une offre touristique originale et diversifiée, enrichie par le réel art de vivre guadeloupéen. En ce sens, les îles de l’archipel, en particulier Marie-Galante, offrent de réelles opportunités.
En définitive, le rapport d’information de notre collègue Michel Magras a le mérite de réaliser un bon état des lieux et de proposer un choix clair, celui d’un tourisme intégré et choisi, en lieu et place d’un tourisme subi. J’adhère parfaitement à cette idée, car je suis absolument convaincu que ce n’est pas en avançant à reculons que nous pourrons actualiser tout le bénéfice potentiel que recèle le secteur du tourisme en Guadeloupe.
Au contraire, seule une volonté politique locale affirmée, exprimée sans ambiguïté aux populations et aux visiteurs et accompagnée d’une stratégie de valorisation de nos multiples atouts, de mobilisation de nos forces vives et de promotion judicieusement ciblée peut créer les conditions d’une nouvelle dynamique de développement durable et qualitatif du tourisme dans nos territoires.
J’espère donc que notre débat d’aujourd’hui contribuera à mettre en lumière tout l’intérêt de cette démarche volontariste proposée par notre collègue Michel Magras.