Intervention de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Réunion du 28 juin 2011 à 14h30
Tourisme et environnement outre-mer — Suite d'un débat organisé à la demande de la commission de l'économie

Photo de Soibahadine Ibrahim RamadaniSoibahadine Ibrahim Ramadani :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à la suite du rapport d’information de notre collègue Michel Magras, réalisé au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur le tourisme en Guadeloupe et en Martinique, nous avons le plaisir de débattre aujourd’hui du tourisme et de l’environnement en outre-mer – deux thèmes qui sont désormais indissociables, car on ne peut imaginer, pour nos territoires insulaires, une politique touristique qui ignorerait les enjeux environnementaux.

À ce propos, je note avec satisfaction l’intérêt renouvelé pour l’outre-mer manifesté à l’occasion du Conseil interministériel de la mer du 10 juin dernier, dans le cadre de la politique de protection de l’environnement marin, à laquelle Mayotte prend toute sa part avec le Parc naturel marin, dont le Président de la République nous a fait l’honneur de venir lancer la création le 18 janvier 2010. Couvrant une superficie de 70 000 kilomètres carrés, le Parc naturel marin de Mayotte jouera un rôle essentiel dans la protection de la biodiversité marine, contribuera à mieux réguler les activités maritimes, notamment la pêche, et constituera un élément majeur dans le développement d’une politique touristique moderne.

L’isolement dont Mayotte a souffert jusqu’à ces dernières années, d’une part, a contribué à préserver ce patrimoine, et, d’autre part, a constitué un frein à l’ouverture du territoire sur sa région et à son inscription dans les grands réseaux touristiques du monde. Cependant, l’essor des liaisons aéroportuaires, marqué par l’arrivée de plusieurs compagnies aériennes régionales et nationales, permet, peu à peu, un meilleur désenclavement du jeune département, à tel point que nous sommes passés de 6 700 touristes en 1995 à près de 53 000 touristes en 2010, en provenance essentiellement de la métropole et de la Réunion.

Malgré une demande touristique en forte hausse, un des plus gros handicaps du département réside dans sa capacité d’hébergement, car, en 2007, l’île ne disposait que de 750 lits avec une dizaine d’hôtels et une trentaine de gîtes. À ce rythme, il sera très difficile de respecter les engagements du plan d’aménagement et de développement durable, le PADD, qui prévoit l’accueil d’environ 150 000 touristes par an à l’horizon 2020.

Pour répondre à cet objectif, le plan d’aménagement et de développement durable, document d’urbanisme de référence valant schéma de mise en valeur de la mer, validé par le Conseil d’État le 15 janvier 2008, a identifié neuf sites stratégiques pouvant accueillir des projets hôteliers d’envergure, en dérogation à la loi littoral du 3 janvier 1986, conformément à l’ordonnance n° 2005-868 du 28 juillet 2005 relative à l’actualisation et à l’adaptation du droit de l’urbanisme à Mayotte.

C’est dans ce cadre que l’État et le département ont lancé, depuis janvier dernier, des appels à projet concernant quatre des neuf sites identifiés par le PADD à Bandrélé, Sada et Bouéni. À ce jour, une dizaine de projets concourent pour la construction de complexes hôteliers sous forme de « safari lodge » et d’« écolodge ».

Outre le PADD, le schéma de développement et d’aménagement du tourisme et des loisirs de Mayotte, réalisé par le comité du tourisme, s’inscrit dans une perspective de développement durable et retient, pour l’horizon 2020, la réalisation de plusieurs actions d’envergure, notamment l’aménagement d’équipements structurants tels que l’aéroport et les gares maritimes, l’aménagement du littoral de Mamoudzou, des plages et des pontons, des pôles de mouillage, des centres administratifs et économiques, des circuits de randonnées, de jardins botaniques, de grandes opérations d’investissement dont le coût global est estimé à plus de 500 millions d’euros.

L’autre grand chantier, inscrit dans le contrat de projet 2008-2013, est la construction d’un complexe aéroportuaire, avec une nouvelle aérogare qui devrait être livrée dans deux ans, ainsi qu’une piste longue adaptée aux longs courriers, capable d’ouvrir Mayotte à l’international, à l’horizon 2015 – du moins nous l’espérons –, et d’accueillir 715 000 passagers en 2020.

À ce titre, une commission particulière du débat public, dont les travaux commencent officiellement aujourd’hui, a été installée afin de permettre la concertation autour de ce grand projet dont le coût est estimé à 230 millions d’euros et qui est considéré par la Commission nationale du débat public comme revêtant « un caractère d’intérêt national », tant il « constitue un élément essentiel du dispositif de continuité territoriale », et pouvant « favoriser le développement des activités économiques » du département, notamment dans le domaine touristique.

S’agissant du respect de l’environnement, on peut noter que, d’une part, une évaluation a été réalisée sur les conséquences éventuelles sur l’écosystème marin, et, d’autre part, les mesures d’accompagnement, qui pourront être détaillées durant le débat public, concerneront non seulement la période de travaux, mais aussi celle de l’exploitation de l’aéroport, car, au même titre que les projets d’aménagement touristique arrêtés par le PADD, la construction d’une piste longue à Mayotte bénéficie d’une dérogation à la loi littoral.

Face aux grands enjeux actuels, les pouvoirs publics et les professionnels ont pris conscience que Mayotte ne pourra se diriger vers un tourisme de masse, potentiellement destructeur à la fois pour le patrimoine naturel et pour le patrimoine culturel du département. Avec les exigences du PADD, la construction d’un complexe aéroportuaire répondant aux normes environnementales et le Parc naturel marin, Mayotte prend le chemin d’un tourisme « plutôt vert ».

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