Intervention de Jean-Marc Gabouty

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er juin 2016 à 9h00
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty, rapporteur :

Nous en arrivons aux articles concernant l'adaptation du droit du travail aux usages numériques. L'article 25 crée un droit à la déconnexion pour le salarié dans l'utilisation des outils numériques, qui devra être intégré à la négociation annuelle obligatoire, dans chaque entreprise, sur la qualité de vie au travail.

L'article 27 bis, introduit par l'Assemblée, instaure une ébauche de statut ad hoc pour les travailleurs indépendants utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique. Il institue une responsabilité sociale de la plateforme envers les travailleurs qui en dépendent. Sous certaines conditions, ceux-ci pourraient ainsi bénéficier d'une protection en matière d'accident du travail, d'un accès à la formation professionnelle et du droit de faire valoir leurs revendications professionnelles.

Le projet de loi comporte également un chapitre très hétéroclite consacré aux TPE et aux PME. L'article 28 ébauche ainsi un régime de rescrit social pour les entreprises employant moins de trois cents salariés. L'article 29 qui autorise les employeurs, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, à appliquer directement des accords types négociés par la branche, pourrait constituer un puissant levier de changement en leur sein faisant ainsi le lien et l'équilibre entre les accords de branche et les accords d'entreprise.

On a également vu apparaître à l'improviste, dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, un article 29 bis A sur le dialogue social dans les réseaux de franchise qui repose sur une erreur conceptuelle essentielle. Il cherche à assimiler un réseau de franchise à une unité économique et sociale, à un groupe de sociétés intégrées et entretenant entre elles des relations juridiques et capitalistiques sous le contrôle d'une société mère. La réalité est assez différente : il n'existe ni lien de subordination entre le franchiseur et les salariés des franchisés, ni lien entre les franchisés eux-mêmes. Prévoir la création d'une « instance de dialogue du réseau de franchise » revient à nier le caractère d'entreprise indépendante de chaque franchisé, soumis à ce titre au droit commun en matière de dialogue social.

L'article 29 bis permettra aux entreprises employant moins de dix salariés de provisionner pour un risque lié à un contentieux prud'homal qui peut parfois menacer leur survie.

C'est évidemment l'article 30 relatif au licenciement économique qui a suscité le plus d'interrogations. Compte tenu de sa définition légale lapidaire, la chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée, par le passé, à combler les silences de la loi. Elle reconnaît depuis longtemps la possibilité, pour un employeur, de procéder à un licenciement économique pour sauvegarder la compétitivité de son entreprise. Mais beaucoup regrettent un manque d'objectivation des critères utilisés en cas de difficultés économiques ainsi que le choix du périmètre du groupe pour apprécier ces dernières. Même si la chambre sociale se limite le plus souvent au périmètre européen du groupe auquel appartient l'entreprise, il lui arrive de l'étendre au niveau mondial, ce qui paraît excessif et nuit à l'attractivité de notre pays auprès des investisseurs étrangers. Dans la plupart des pays avec lesquels nous nous trouvons en concurrence, le juge n'effectue qu'un contrôle de l'erreur manifeste des choix de l'employeur. Le projet de loi initial prévoyait de renvoyer à la négociation collective la détermination des durées minimales des difficultés économiques justifiant un licenciement économique. Les députés, en commission, ont refusé cette approche, considérant que la négociation collective n'avait pas sa place sur ce sujet. Au final, si le texte consacre la notion jurisprudentielle de sauvegarde de la compétitivité, il apparaît très en retrait par rapport aux ambitions initiales du Gouvernement pour deux raisons. D'une part, les situations dans lesquelles un licenciement consécutif à une baisse significative des commandes sera présumé reposer sur une cause réelle et sérieuse sont déconnectées de la réalité du fonctionnement des entreprises. D'autre part, la restriction du périmètre d'appréciation des difficultés économiques aux entreprises appartenant au même groupe que l'entreprise considérée, implantées en France et exerçant dans le même secteur d'activité, a été supprimée. Nous vous proposerons donc de modifier la rédaction de cet article, sans en changer l'esprit.

L'article 39 vise à favoriser la reconduction des contrats saisonniers, qui est une faculté aujourd'hui peu utilisée. Il prévoit à cette fin une négociation entre partenaires sociaux et habilite le Gouvernement à déterminer, par ordonnance, les modalités de reconduction s'appliquant à défaut d'accord. Quant à l'article 41 bis A, tout en consacrant dans la loi l'existence des transferts conventionnels, fréquemment utilisés dans le secteur de la propreté, il dispose que lorsqu'un employeur accueille des salariés transférés d'un site après avoir remporté un marché, les salariés de l'entreprise d'accueil ne sont pas fondés à exiger les mêmes avantages que ceux dont bénéficient les salariés transférés et qui ont été accordés par l'ancien employeur.

À l'article 44 qui réforme la médecine du travail, le Gouvernement propose de remplacer la visite d'aptitude à l'embauche par une visite « d'information et de prévention » après l'embauche, sauf pour les travailleurs affectés à des postes présentant des risques particuliers. Cette visite serait effectuée après l'embauche par tout professionnel de santé membre de l'équipe pluridisciplinaire, au premier rang desquels figure l'infirmier, et non plus seulement par le médecin du travail.

Les règles relatives à l'inaptitude font, elles aussi, l'objet de plusieurs modifications, le principal objectif étant de clarifier les conditions dans lesquelles la rupture du contrat de travail est possible. Le texte étend à l'inaptitude d'origine non professionnelle les assouplissements apportés par la loi Rebsamen du 17 août 2015 au régime de l'inaptitude d'origine professionnelle. Dans tous les cas, y compris pour les salariés en CDD, l'employeur est ainsi exonéré de son obligation de reclassement lorsque l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé serait incompatible avec un reclassement. Le projet de loi réforme par ailleurs les modalités de contestation de l'avis d'aptitude ou d'inaptitude devant l'inspecteur du travail.

Les articles 45 et suivants visent à renforcer la lutte contre la fraude au détachement. Il s'agit à la fois de protéger les travailleurs détachés et de lutter contre la concurrence sociale déloyale dont sont victimes les entreprises françaises. Les mesures proposées, qui s'inscrivent dans le prolongement des textes adoptés à ce sujet depuis 2014, prévoient d'étendre l'obligation de vigilance du donneur d'ordres à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance, de permettre la suspension d'une prestation de services lorsque l'employeur n'a pas transmis de déclaration de détachement à l'inspection du travail, ou encore de renforcer les échanges d'informations entre les différents corps d'inspection.

L'article 51 prolonge la réforme de l'inspection du travail, engagée depuis 2013 et qui doit conduire à la fusion des corps de contrôleurs et d'inspecteurs du travail, tandis que l'article 51 quater ratifie l'ordonnance du 7 avril 2016 qui renforce les pouvoirs de l'inspection du travail.

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