Un dispositif du projet de loi est trop peu mentionné dans le débat public, alors même que le Gouvernement le présente comme la réforme majeure du quinquennat : je veux parler du compte personnel d'activité (CPA). Il a fait l'objet d'importants travaux préparatoires, avec un rapport de préfiguration par France Stratégie et une concertation en bonne et due forme avec les partenaires sociaux qui ont élaboré une position commune, qu'aucune organisation patronale n'a toutefois signée. Chacun partage les objectifs du CPA : améliorer la sécurisation des parcours professionnels des salariés et donner corps à un concept, la sécurité sociale professionnelle, cher à la CGT, mais qui a depuis été très largement repris par les autres syndicats et les partis politiques. Ce sont toutefois ses modalités de mise en oeuvre qui font débat, l'exemple récent des comptes personnels de formation (CPF) et de prévention de la pénibilité (C3P) incitant à la plus grande prudence. Le CPA est un outil individuel, attaché à son titulaire tout au long de sa carrière, quelles que soient ses évolutions professionnelles ou ses changements de statut. Les droits qui y sont inscrits sont conservés jusqu'à leur utilisation ou à la clôture du compte. Dans le texte de l'Assemblée nationale, le CPA a vocation à être ouvert dès 16 ans pour les salariés et les personnes à la recherche d'un emploi ou souhaitant s'insérer sur le marché du travail et à être conservé jusqu'au décès à travers le compte d'engagement citoyen (CEC), que le Gouvernement a ajouté in extremis lors de l'examen du projet de loi par le Conseil d'État, en réponse à la contestation exprimée par certaines organisations estudiantines ou lycéennes. Il récompense, par des heures de formation supplémentaires, les activités d'intérêt général, associatives ou bénévoles. Ce faisant, il amalgame des formes d'engagement très disparates : le service civique, la réserve militaire, l'activité de maître d'apprentissage ou encore certaines formes de bénévolat associatif. Elles ont peu en commun et si certaines révèlent un sens civique aigu et relèvent de l'intérêt général, d'autres, comme l'activité de maître d'apprentissage, mériteraient d'être reconnues au niveau de l'entreprise ; elles ne reposent pas toujours sur le volontariat. Était-il dans ces conditions opportun d'intégrer ce CEC au CPA ? Telle est la principale question.
Le CPA regroupe également le CPF, entré en vigueur le 1er janvier 2015, et le C3P, qui ne sera pleinement applicable que le 1er juillet prochain. Alors que la montée en puissance de ces comptes est loin d'être achevée, on peut légitimement s'interroger sur la pertinence du choix du Gouvernement de les intégrer à un dispositif nouveau qui reste encore théorique et dont la création suppose de relever plusieurs défis techniques. Le C3P se révèle inapplicable en raison de sa trop grande complexité, en particulier pour les TPE. Le CPF connaît des difficultés de fonctionnement et un déploiement plus lent qu'anticipé, notamment pour les salariés.
Il convient donc de ne pas se montrer trop ambitieux pour le CPA, au risque de décevoir les attentes de ses futurs bénéficiaires. Ne renouvelons pas les erreurs commises avec le C3P, unanimement considéré comme un accident administratif majeur dont la défaillance trouve ses causes dans la conception d'origine. Plutôt que de réfléchir à l'extension de son périmètre avant même son inscription dans la loi, il serait plus opportun de s'assurer que nous créons un dispositif viable, que tous les actifs pourront s'approprier facilement et qui correspond véritablement à leurs besoins.
Le texte amorce en outre une rationalisation des différents dispositifs en faveur des jeunes éloignés du marché du travail et généralise la garantie jeunes, expérimentée depuis 2013. Il vise aussi à promouvoir la valorisation des acquis de l'expérience (VAE), dont le développement est encore trop timide, notamment en abaissant la durée minimale d'activité exigée.
Le projet de loi comporte par ailleurs quelques dispositions relatives à l'apprentissage, que je vous invite à enrichir. Initialement, seules une extension du barème de la taxe d'apprentissage aux écoles de production et une meilleure publicité des taux d'insertion des apprentis étaient prévues. Le Gouvernement, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, a introduit par amendement deux expérimentations. La première porte sur l'affectation des fonds libres du quota de la taxe d'apprentissage, afin de confier cette tâche dans deux régions - a priori Bretagne et Grand Est - au conseil régional. C'est une expérimentation intéressante pour évaluer la qualité du pilotage régional de l'apprentissage. Il ne faut donc pas en modifier le périmètre. Une seconde propose de porter de 25 à 30 ans, dans les régions volontaires, la limite d'âge pour entrer en apprentissage.