Intervention de Dominique Watrin

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er juin 2016 à 9h00
Instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Nous ne partageons pas le contenu du rapport, ce qui ne retire en rien à la qualité des rapporteurs ni à l'intense travail d'audition qui a été mené ces dernières semaines. J'ai participé à certaines d'entre elles et j'ai trouvé enrichissants les échanges que nous avons eus avec les divers intervenants.

Sur le fond, nous ne sommes pas surpris par vos conclusions, messieurs les rapporteurs : vous ne remettez pas en cause la nouvelle architecture du droit du travail, qui donne la primauté aux accords d'entreprise sur les accords de branche et les contrats de travail. Vous proposez même de remettre en cause plus profondément la protection des salariés en matière de licenciements économiques et le statut des saisonniers. Vous voulez en revenir au texte initial : vous approuverez sans doute la possibilité d'accroissement du temps de travail sur douze semaines ou le renforcement du pouvoir unilatéral des chefs d'entreprise, notamment en ce qui concerne les forfaits jours, alors que notre pays a été condamné par les instances européennes puisque certains cadres travaillent plus de 45 heures par semaine.

Comme vous l'avez dit, l'inversion de la hiérarchie des normes était déjà engagée. M. Fillon en 2004, M. Bertrand en 2008, M. Warsmann en 2012... Vous ne proposez pas de supprimer l'article 2, véritable colonne vertébrale de ce texte. Mme la ministre du travail nous a dit que nous ne savions pas le lire mais nous avons très bien compris de quoi il s'agissait. Quand le ministre Vidalies pense rassurer les routiers en leur disant qu'ils ne risquent rien et que leurs heures supplémentaires seront toujours payées 25 % et non pas 10 % puisqu'ils bénéficient d'un décret spécifique, il avoue du même coup que pour tous les autres salariés, il suffira d'un accord d'entreprise pour modifier la donne. Le chômage massif pèsera lourd lors des négociations.

Vous approuvez aussi le non-paiement de certaines heures supplémentaires avec le lissage jusqu'à trois ans de l'organisation de la durée du travail. Entre vos propositions et ce projet de loi, la matrice est identique : c'est le programme du Medef et les recommandations de la Commission européenne.

Nos collègues du groupe socialiste ne pourront en aucun cas se prévaloir d'un quelconque équilibre du projet de loi : leur responsabilité est d'aider le Gouvernement à sortir du déni de réalité dans lequel il s'est enfermé. Ainsi, l'article 11, que la droite ne remet pas en cause, traite des accords de préservation et de développement de l'emploi, qui se traduisent par de nouveaux sacrifices pour les salariés, en termes de productivité, de flexibilité, de rémunération, de durée de travail, alors que les actionnaires et les PDG ne font aucun geste. Au final, nous nous retrouvons avec la suppression de 13 % des effectifs chez Renault et entre 7 500 et 12 500 suppressions d'emplois chez PSA. Or, l'article 11 va encore plus loin, y compris pour les entreprises qui ne connaissent pas de difficultés économiques.

Mme la ministre nous oppose que les syndicats ne signeront jamais des accords défavorables aux salariés, mais ce projet de loi ne prévoit-il pas que des syndicats minoritaires pourront contourner l'opposition de syndicats majoritaires ? Quid du référendum d'entreprise ?

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce rapport et contre ce projet de loi qui est rejeté par deux des trois plus grandes organisations syndicales et par une majorité de Français selon les sondages.

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