Sous prétexte que la population n'est pas d'accord, il faudrait que cette loi ne voie pas le jour. Je n'ai jamais considéré que les politiques devaient être à la remorque de l'opinion. À eux de montrer la voie en faisant preuve de pédagogie. J'entends qu'on utilise dans ce débat un lexique qui est en désaccord avec l'idée que je me fais de la fonction sénatoriale. « Texte incohérent », « déséquilibré », « touffu », « esprit de résignation » : ces expressions n'apportent rien au débat, ne démontrent rien. Où est la rigueur scientifique de notre raisonnement ? Notre mission consiste à discuter d'un projet de loi ; les anathèmes ne sont pas de mise.
L'article 2, très contesté, opère une grande évolution pour ne pas dire une révolution en modifiant totalement la relation à l'intérieur de l'entreprise. Jusqu'à présent, cette relation s'établissait sur la base des accords de branche ou des conventions collectives, qui s'imposaient à l'employeur et ses salariés. Le texte propose d'impliquer les salariés dans les décisions qui les concernent. Encore faut-il qu'il y ait suffisamment de sujets ouverts à la négociation dans l'entreprise. Sinon, donner la primauté aux accords d'entreprise n'aurait aucun sens.
Ce projet de loi reste imparfait et le débat s'impose. Ceux qui l'ont engagé doivent accepter des modifications. Il n'est pas pour autant besoin de revenir à une version antérieure, qui n'a pas été négociée car il serait alors impossible de voter la loi.
Il me semble indispensable de définir la manière dont les efforts et les profits seront partagés entre les salariés, les actionnaires et les dirigeants des entreprises. Quant à la visite d'aptitude, il faut bien se rendre compte que l'employeur est en première ligne lorsqu'un salarié occupe un poste avec des répercussions en termes de santé. Autant on peut apprécier des inaptitudes physiques, autant il est difficile de repérer les inaptitudes psychiques. Un poste de réceptionniste ne conviendra pas à un salarié en difficulté dans ses relations avec les autres. D'où l'importance de donner à la médecine du travail les moyens de mettre en oeuvre une visite où elle déterminera l'aptitude des salariés à occuper leur poste.