Intervention de Françoise Weber

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 26 mai 2016 : 1ère réunion
Problématique des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture dans les outre-mer — Audition de l'agence nationale de sécurité sanitaire anses

Françoise Weber, directrice générale adjointe en charge des produits réglementés :

L'ANSES a une très vaste responsabilité, puisqu'elle est chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Elle exerce donc une expertise très transversale sur l'ensemble des risques auxquels la population et l'environnement sont exposés, risques liés aux aliments, aux modes de vie ou au travail.

Depuis le 1er juillet, elle a en outre la responsabilité de délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et des supports de culture.

Par le passé, elle n'était responsable que de l'évaluation scientifique de ces produits, la décision finale revenant au ministère de l'agriculture. Désormais, elle prend aussi en charge la décision, laquelle tient compte d'éléments allant bien au-delà de la seule évaluation scientifique tels que des mesures de gestion ou de contrôle des risques, la praticabilité des conditions d'emploi ou l'intérêt agronomique des produits.

Elle accomplit ces missions dans le respect de ses principes fondateurs : rigueur et indépendance de l'expertise. La mise en place d'un dispositif de phytopharmacoviligance témoigne aussi de sa préoccupation d'une détection précoce des signaux relatifs aux effets nocifs de ces produits. L'agence a désormais les moyens de mener des études indépendantes dans ce domaine. Enfin, elle travaille dans un souci d'ouverture et de dialogue avec la société.

Dans ses travaux sur les produits utilisés outre-mer, elle a une exigence très haute de sécurité sanitaire et applique les critères européens qui sont parmi les plus stricts au monde. Cela explique, concernant la gamme de produits disponibles, les différences constatées avec les pays voisins extérieurs à l'Union européenne.

L'ANSES est néanmoins sensible aux besoins de l'outre-mer et très engagée dans la recherche de solutions spécifiques.

Ainsi, elle dispose sur l'île de La Réunion d'une unité spécifique dédiée à la recherche sur les agents pathogènes et particulièrement active en matière de protection des végétaux implantés. Il s'agit d'un laboratoire national de référence, en charge de la validation de méthodes de diagnostic très importantes et engagé dans de nombreuses collaborations avec le CIRAD, l'INRA et les acteurs locaux.

L'ANSES s'implique également dans la recherche de solutions au niveau ministériel, à travers le comité des usages outre-mer et orphelins. Cette structure, dans laquelle elle est très active, a pour mission de repérer les besoins prioritaires et de rechercher des solutions. Certaines ont déjà pu être trouvées, pour des usages mineurs.

Nous comptons maintenir cet engagement sur les sujets propres à l'outre-mer. En témoigne la présence de Jérôme Laville, agronome expérimenté à qui nous avons confié la responsabilité de porter les préoccupations outre-mer dans toutes nos activités relatives aux produits phytopharmaceutiques.

Nous avons également mis en place des procédures prioritaires, notamment pour les usages mineurs qui n'intéressent pas les firmes. Les dossiers sont allégés et traités dans un délai de six mois au lieu d'un an.

Malgré tous ces efforts, beaucoup reste à faire car les besoins phytopharmaceutiques en outre-mer ne trouvent souvent pas de solutions.

Pour les grandes cultures, comme la banane ou la canne à sucre, on en trouve, mais la couverture demeure fragile. Pour les usages mineurs, les besoins sont immenses et non couverts.

En outre, les conditions d'emploi prévues dans les dossiers par les firmes ne sont pas toujours adaptées à l'outre-mer. Malheureusement, la réglementation ne nous laisse pas beaucoup de capacité d'initiative dans ce domaine, puisque, si nous pouvons limiter les conditions d'emploi, nous ne pouvons pas en proposer de nouvelles.

Cela ne nous empêche pas d'intervenir auprès de toutes les parties prenantes, notamment dans le cadre du comité ministériel, pour essayer de trouver des solutions.

Selon nous, la lutte biologique, notamment les macroorganismes, suscite beaucoup d'espoir. Nous travaillons sur ces solutions, ainsi que sur la sécurité des agriculteurs et des consommateurs, avec, par exemple, des études portant sur les travailleurs dans les bananeraies ou les spécificités de la consommation outre-mer.

Un des problèmes que nous rencontrons est lié à la quasi-inexistence des modèles ultramarins dans les modèles scientifiques que nous utilisons, notamment prenant en compte les conditions climatiques spécifiques et la grande diversité des sols. De la même manière, nos modèles alimentaires se réduisent au périmètre européen.

La France étant l'un des principaux pays concernés par les régions ultrapériphériques, nous travaillons à développer des modèles spécifiques et à les porter au niveau européen afin qu'ils puissent être pris en compte dans les prochains documents guides servant de base à l'évaluation. Il s'agit de modèles d'exposition environnementale des sols et des eaux et d'un modèle de consommation caribéen.

L'ANSES est donc très engagée sur deux fronts. D'une part, elle cherche à assurer la délivrance des autorisations de mise sur le marché dans les meilleures conditions de sécurité et d'efficacité agronomique ; d'autre part, elle développe une très grande expertise en matière de protection des végétaux et de recherche d'alternatives.

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