Le groupe de travail sur la simplification des normes d'urbanisme, de la construction et des sols a été lancé en février 2016, lors d'une réunion présidée par le président du Sénat, Gérard Larcher. Il s'inscrit dans le prolongement de la consultation des élus locaux réalisée à l'occasion du congrès des maires 2014. Près de 4 200 réponses avaient été reçues. Elles montraient que les préoccupations essentielles des élus portent sur l'urbanisme et la construction.
L'objectif du groupe de travail est donc de passer du constat de ces difficultés à la formulation de propositions législatives de simplification dans une proposition de loi transpartisane, capable de nous rassembler sur des propositions pragmatiques, améliorant la vie des élus et permettant de positionner le Sénat en tant qu'institution sur le thème de la simplification.
La composition du groupe de travail a été conçue de façon à assurer la représentation de l'ensemble du Sénat, commissions permanentes et groupes politiques. Chaque commission a eu droit à deux représentants es qualités. La nôtre a en outre vu ses deux membres désignés comme rapporteurs.
Ce groupe a réalisé un travail important avec plus de 20 tables-rondes et auditions, à l'occasion desquelles plus de 80 personnalités issues d'une cinquantaine d'organismes ont été reçues. Le groupe de travail a surtout lancé une consultation nationale à destination des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux, des professionnels de l'urbanisme et des citoyens. À sa clôture, elle avait reçu plus de 10 000 réponses.
Accélérer la réalisation des projets locaux et stabiliser le droit sont donc nos deux priorités. Nous avons choisi de nous concentrer sur une douzaine de propositions, ce qui n'épuise pas le champ des simplifications possibles mais permet d'aboutir à une proposition de loi qui, tout en étant ambitieuse, reste d'une taille raisonnable, permettant un examen dans le temps limité d'une « niche » parlementaire. Nous avons également décidé de soumettre notre projet de texte à une étude d'impact de la part d'un grand cabinet d'avocats spécialisé, de manière à sécuriser autant que possible les dispositifs juridiques.
Notre première piste de simplification concerne le contentieux de l'urbanisme. Il y a unanimité pour dire que les délais de jugement restent beaucoup trop longs. Un dossier peut être potentiellement « bloqué » pendant 4 ans et 3 mois par un contentieux. Et ce n'est qu'une moyenne. Nous avons donc souhaité prolonger l'ordonnance du 18 juillet 2013, dite « Labetoulle » en prévoyant une série de dispositions accélératrices :
-la première, permettrait au juge administratif de soulever d'office la cristallisation des moyens alors qu'il est aujourd'hui contraint d'attendre la demande des parties ;
-la deuxième, imposerait aux requérants la rédaction de conclusions récapitulatives qui lieraient les parties : cela permettrait de faciliter et d'accélérer le travail des juges et des parties et de sécuriser juridiquement les dispositifs de jugement pour les cas d'appel ;
- la troisième, instaurerait un mécanisme de caducité de l'instance sur le modèle de la procédure civile : tout requérant qui ne produirait pas dans un certain délai un document demandé par le juge serait réputé s'être désisté ;
- la quatrième, prorogerait jusqu'au 1er décembre 2023 la suppression de l'appel dans les zones tendues, adoptée en 2013, pour lui donner le temps de produire tous ses effets ;
- une cinquième disposition viserait à réduire le nombre des recours abusifs en facilitant l'octroi par le juge de dommages et intérêts en supprimant l'exigence actuelle d'un « préjudice excessif » difficile à démontrer et peu mobilisé par les juges.
Ces propositions, bien accueillies par le ministère de l'urbanisme, et qui ne pèsent en rien sur les collectivités, constitueraient un levier significatif pour désengorger les juridictions. Ce serait aussi un socle pour une proposition forte largement réclamée : mettre en place par voie législative des délais de jugement en matière d'urbanisme. Cet encadrement, outre qu'il constituerait un signal politique adapté à la gravité de la situation, serait aussi un puissant encouragement adressé au juge pour qu'il se saisisse des outils que nous mettons à sa disposition.
Un autre sujet de fond est apparu au fil des auditions et, surtout, au travers de la consultation nationale, celui du dialogue entre les collectivités, les porteurs de projets et les services de l'État. Les élus se sentent abandonnés, confrontés à des injonctions contradictoires des différentes administrations (DDT, DREAL...) qui travaillent en silos et adoptent trop souvent une posture contrôleuse et répressive alors qu'elles devraient être facilitatrices. Les acteurs ont besoin de plus de certitudes sur les règles qui leur seront appliquées. Il faut donc travailler vers plus de clarté et de sécurité du droit applicable à chacun, dans une logique inspirée du rescrit.
Nous souhaitons que soit mise en place une enceinte institutionnalisée de dialogue dans chaque département. Pour ne pas créer une nouvelle commission, nous avons choisi de transformer une instance existante mais largement dévitalisée : la commission de conciliation en matière d'élaboration de documents d'urbanisme. Nous voulons lui donner un nouveau rôle :
- établir un dialogue préalable État-collectivités-acteurs économiques sur certains projets. La saisine de cette instance serait une faculté ouverte aux acteurs, mais filtrée par les élus. Présidée par le préfet, elle aurait pour objectif de sensibiliser l'État et les élus sur tel ou tel projet, d'identifier en amont les difficultés potentielles, d'aider le préfet à arbitrer des différends. Elle devrait renforcer la capacité d'arbitrage du préfet entre les services de l'État. Elle favoriserait également la culture de travail « en mode projet » des services de l'État, appelée de ses voeux par le rapport Duport. En revanche, après de nombreux échanges, nous n'avons pas souhaité lui donner d'attributions décisionnelles, pour ne pas donner prise au contentieux et pour ne pas rajouter une nouvelle étape aux processus déjà longs d'élaboration de projets locaux ;
- permettre l'identification et la remontée des difficultés locales en matière d'application des normes et de proposition de simplifications. Sur la base de ce travail, le préfet serait chargé de remettre au Gouvernement un rapport régulier en matière de simplification. Ainsi serait comblé un vide signalé notamment par le secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SG MAP) en matière de remontées du terrain vers l'administration centrale.
En complément, il nous a paru indispensable de réaffirmer que les services de l'État doivent être organisés de façon à faciliter l'action des collectivités dans le contexte difficile que vous connaissez : désengagement de l'État en matière de soutien aux collectivités dans le domaine du droit des sols, fragilisation des préfectures et des sous-préfectures, interministérialité à la peine... Nous proposons donc que le Législateur affirme le principe selon lequel les collectivités doivent disposer dans chaque département d'un référent juridique unique en matière d'urbanisme et de projets. Cela paraît une évidence, mais une évidence dont on est troublé qu'elle ne soit pas partout mise en oeuvre.
Une troisième série de propositions figurera dans la proposition de loi de simplification. Elles concernent un sujet plus technique mais néanmoins important : la simplification du régime des zones d'aménagement concerté (ZAC). Nous pourrions par exemple donner à l'aménageur la faculté de fusionner dossiers de création et de réalisation de ZAC. Cette disposition pourrait être utile pour des ZAC de faible ampleur. On pourrait également donner aux aménageurs la faculté de reporter l'étude d'impact au moment du dossier de réalisation, lorsque la faculté précédente n'a pas été utilisée.
Nous souhaitons aussi sécuriser les opérations d'aménagement en cas d'annulation du plan local d'urbanisme. Vous savez qu'aujourd'hui, suite à l'annulation d'un PLU, les permis d'aménager délivrés antérieurement à l'annulation sont juridiquement sécurisés. En revanche les permis de construire subséquents ne le sont pas, ce qui est absurde, car une opération d'aménagement n'a de sens que si elle débouche sur la réalisation des constructions. Nous voulons mettre fin à ce problème et sécuriser les permis de construire, en tout cas dès lors que l'annulation du PLU est fondé sur des motifs d'illégalité externe (incompétence, forme, procédure...).
Enfin, nous souhaitons clarifier les conditions de construction d'extensions ou d'annexes en zones agricoles et revenir sur une rédaction malencontreuse issue de la Loi Macron pour éviter que, par une interprétation restrictive, les services instructeurs considèrent que la délimitation d'une zone d'implantation concerne non seulement les annexes mais aussi les extensions aux constructions existantes ce qui, de fait bloque lesdites extensions contrairement à l'intention du législateur.