La réunion est ouverte à 9h30.
Mes chers collègues, nous allons commencer par examiner les amendements de séance à la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural.
Article additionnel après l'article 3
L'amendement n° 4 propose d'autoriser le document d'urbanisme des communes dont le territoire comporte un plan d'eau de plus de 1 000 hectares à réduire la bande d'interdiction des constructions à 50 mètres de ces plans d'eau - contre 100 mètres aujourd'hui. Cela concernerait 150 communes environ. Je ne suis pas favorable à une telle évolution.
Cela mérite réflexion tout de même. Ma région comporte de nombreux lacs de montagne. Or, les constructions se voient davantage à 150 m du rivage lorsqu'elles sont bâties sur des combes qu'en bordure immédiate d'un lac. Dans mon département, il ne nous a pas été possible d'obtenir un permis de construire pour implanter près d'un lac un musée retraçant 5 000 ans d'évolution de cette aire naturelle ; il nous a été suggéré de le construire à l'intérieur du village, mais cela n'aurait pas le même impact ! Le projet de loi montagne, dont nous attendons le dépôt, devrait permettre de faire évoluer la législation sur ce point.
La dimension paysagère est l'un des aspects du problème, mais l'impact de telles constructions sur les plans d'eau est tout aussi important. Il faut une règle nationale protectrice ; je suis très défavorable à cet amendement pour ma part.
Si l'on cherche à tenir compte des territoires et de leurs réalités, imposer une bande de 100 m non constructible, cela n'a pas de sens, sauf dans certains cas peu fréquents où il existe des risques naturels. À titre personnel, je soutiendrai cet amendement.
On a affaire, en bordure des lacs de montagne, à des espaces à la fois remarquables et très convoités, soumis à une pression constante à l'urbanisation. Seule l'application stricte de la loi littorale a permis jusqu'à présent de les préserver d'un développement anarchique des constructions. Nous devons donc toucher à ces règles avec prudence, en prenant soin de bien évaluer l'impact d'une modification éventuelle.
Qu'on puisse réfléchir à une évolution du régime d'urbanisation des bordures de lac, je suis tout à fait prêt à l'admettre. Ces communes ont en effet besoin de se développer elles aussi, ce qui suppose qu'elles puissent mobiliser du foncier. Mais un aménagement des règles doit se faire dans une approche globale et concertée. L'acte II de la loi montagne, annoncé par le Gouvernement, constituera un cadre adéquat pour y parvenir.
L'idée figurant dans cet amendement d'une délimitation de la bande littorale sur la base d'un diagnostic approfondi et concerté de chaque commune riveraine d'un lac de montagne me semble intéressante. Pensons sur ce point à l'exemple récent de la loi sur le patrimoine : celle-ci passe d'un périmètre uniforme de protection des abords de 500 mètres à un périmètre délimité au cas par cas en fonction d'un diagnostic urbain et patrimonial. Peut-être pourrait-on s'inspirer de cette approche « chirurgicale » dans le cas qui nous occupe. Mais il faudra quand même préciser la procédure et les garde-fous.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4.
Article 6
L'amendement AFFECO. 1, de réécriture globale de l'article, tend à imposer la prise en compte, dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU), des capacités effectives de mobilisation des terrains disponibles dans l'énonciation des dispositions prises pour densifier les espaces bâtis et la limitation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Ces capacités effectives, lorsqu'elles sont réduites, viendront alors justifier une extension de l'urbanisation, et en conséquence justifier le choix d'objectifs de modération de consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain réellement adaptés aux contraintes foncières locales.
De cette manière serait davantage prise en considération que par le seul critère de la « taille des parcelles » la difficulté qui se pose en pratique dans de nombreuses communes rurales.
En effet, dans bien des cas, lorsque qu'un bâti existant a été construit sur une parcelle relativement vaste - par exemple, de 2 000 ou 3 000 m² - l'espace de la parcelle laissé libre est considéré comme un espace consommable et susceptible en conséquence d'être ouvert à l'urbanisation. Cela découle de la volonté, exprimée par le législateur, d'urbaniser d'abord par une densification des espaces déjà urbanisés, et seulement dans un second temps d'ouvrir à l'urbanisation de nouveaux secteurs. Et c'est ce qui conduit, au niveau local, les services de l'État à considérer que les documents d'urbanisme doivent favoriser en priorité la densification des zones urbanisées peu denses par des constructions sur des terrains de plus faible emprise, en général de moins de 500 m².
Mais les objectifs chiffrés de consommation d'espace définis par les services déconcentrés en tenant compte du « potentiel de densification » des zones bâties peu denses sont alors purement théoriques. Un tel chiffrage fait en effet abstraction de la possibilité réelle, notamment dans les zones rurales, de procéder à des opérations de densification, dans la mesure où elles induisent nécessairement de diviser des parcelles existantes pour que celles-ci accueillent l'édification de constructions nouvelles.
Si des divisions foncières peuvent apparaître économiquement viables dans des bourgs ou des zones plus fortement urbanisées, ce qui peut dès lors inciter les propriétaires des parcelles concernées à les diviser en vue de les donner à construire, elles ne le sont pas dans les zones les plus rurales. De sorte qu'en réalité, l'objectif de densification ne peut être atteint que par l'emploi de mécanismes de mobilisation du foncier lourds - comme la préemption ou l'expropriation - souvent hors de portée des petites communes.
Il en résulte qu'ainsi calculé, l'objectif chiffré de consommation de l'espace se transforme en une impossibilité complète de construire, faute d'un foncier susceptible d'accueillir - de manière effective - une urbanisation. La planification urbaine trouve ici plus qu'ailleurs sa limite dans le respect du droit de la propriété foncière.
Cependant, si la prise en considération des possibilités effectives de mobilisation du foncier est particulièrement nécessaire dans les communes rurales, elle est aussi pertinente dans d'autres parties du territoire. C'est la raison pour laquelle l'amendement proposé présente un caractère général, et ne se limite pas aux seules communes de montagne ou communes à faible densité démographique comme l'envisageait la rédaction initiale de l'article 6.
Donner ainsi une portée générale au dispositif de l'article 6 peut paraître logique. Mais les conséquences sur les milieux naturels risquent d'être importantes. Les propriétaires de pavillons achetés dans les années 70 et 80 possédant un terrain important ont déjà tendance à le lotir lorsqu'ils revendent. Avec cet amendement, on ouvre très largement les vannes, avec les risques inhérents en termes de perte de terrains agricoles et naturels.
L'amendement prévoit simplement la prise en compte des capacités réelles d'utilisation du foncier...
Attention, il y a là en filigrane un enjeu important pour nos terres agricoles dans les années à venir. Dans mon département, l'agriculture est confrontée à la spéculation immobilière. Au moment où elle se relance, vous la condamnez à mort, à terme, avec un tel amendement ! Et dans les secteurs où une pression foncière est exercée, vous mettez les élus locaux dans une situation intenable !
Cet amendement concerne avant tout les zones urbanisées...
L'amendement AFFECO. 1 est adopté.
Article additionnel après l'article 6
L'amendement n° 2 rect. bis propose de compléter l'article relatif à la prescription de l'élaboration des PLU, dont la rédaction actuelle a pu conduire à l'annulation de certains d'entre eux. Il s'agit d'un cavalier et je demanderai donc à son auteur de le retirer.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rect. bis.
Article additionnel après l'article 7
L'amendement n° 1 propose de faciliter la définition des STECAL - les secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées - dans les PLU des collectivités non métropolitaines.
Comme vous le savez, depuis la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (« loi ALUR »), le règlement peut délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs où sont autorisées les constructions, mais il ne peut le faire qu'à titre exceptionnel. Cet amendement propose de ne conserver le caractère exceptionnel des STECAL que pour les communes métropolitaines et de revenir au régime antérieur à la loi ALUR pour les territoires ultramarins.
Je suis très réservé quant à cet amendement, car, très honnêtement, je n'ai aucun élément d'impact. Je note que l'exposé des motifs de cet amendement met en avant le cas particulier de la Réunion. Mais qu'en est-il des autres territoires ultramarins où cette disposition s'appliquerait également ?
Je note en outre que l'exposé des motifs souligne le caractère massif et structurel de la pression sur le foncier causée par la forte croissance démographique de l'île de la Réunion. Or, si le problème est à ce point aigu et durable, ce n'est pas avec les STECAL qu'on va le régler. Il faut une approche globale et structurelle pour traiter ce problème. Je rappelle que les STECAL sont un outil destiné à donner un peu de souplesse dans des territoires ruraux soumis à une pression foncière relativement faible. Ils sont là pour permettre au bâti d'évoluer à la marge dans les territoires ruraux et ne sont en aucun cas un outil permettant de réguler une forte pression foncière.
Je prends en définitive cet amendement comme un amendement d'appel permettant d'interroger le Gouvernement sur l'adaptation des règles d'urbanisme au cas spécifique des territoires ultramarins.
L'auteur de cet amendement m'a demandé de le co-signer. Cependant je reconnais qu'il est difficile d'étendre le dispositif à tout l'outre-mer. Cela ne s'applique pas, par exemple, à la collectivité de Saint-Barthélemy ; nous y faisons même le contraire. Je ne sais pas ce qui a cours dans les autres départements d'outre-mer... Dans les collectivités d'outre-mer, ce sont les collectivités qui fixent leurs règles d'urbanisme ; il n'y a donc pas d'enjeu à cet égard.
Je suis très défavorable à cet amendement. Certes, les outre-mer connaissent des situations très différentes. Mais ils ont en commun une pression très importante sur les terres agricoles, du fait par exemple des achats fonciers de retraités souhaitant s'y installer, mais aussi des programmes de défiscalisation existants. Aussi il convient absolument de protéger ces espaces convoités.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
L'amendement n° 3 vise à autoriser une commune à procéder au classement de nouveaux terrains en zone constructible en utilisant la procédure de révision simplifiée.
Sur le fond, j'avoue ne pas bien comprendre le dispositif. Dès lors que n'est pas remise en cause l'économie générale d'un PLU, on peut d'ores-et-déjà le faire évoluer soit par la révision simplifiée, soit par la modification. L'article L. 153-34 dit très clairement que, lorsque la révision a uniquement pour objet de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou est de nature à induire de graves risques de nuisance, sans qu'il soit porté atteinte aux orientations définies par le plan d'aménagement et de développement durables, le projet de révision peut se faire sous une forme allégée.
Donc, sous réserve d'avoir bien compris cet amendement dont le dispositif est rédigé de manière assez curieuse, je dirai qu'il est satisfait par le droit en vigueur.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Article 10
L'amendement n° AFFECO. 2 est un amendement de coordination rédactionnelle.
La commission adopte l'amendement n° AFFECO. 2.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les amendements ; la discussion sur ce texte aura lieu cet après-midi et éventuellemnt ce soir en séance.
J'avais exprimé le souhait, la semaine dernière, que l'on intègre le terme d'« extension » dans le texte de la proposition de loi. Il faut en effet permettre à une entreprise déjà implantée de s'étendre si elle en a besoin. J'ai été contacté plusieurs fois, dans ma circonscription, à cet effet. A défaut de prévoir une telle possibilité, on oblige ces entreprises à déménager régulièrement
Monsieur le rapporteur s'était engagé à y réfléchir ; or, je n'ai pas relevé d'amendement de sa part en ce sens. Qu'en est-il ?
Attention, vous risquez d'aboutir à l'effet contraire de celui recherché : si l'on intègre la possibilité d'une extension potentielle qui peut-être n'aura jamais lieu, il devient difficile de trouver des terrains répondant à ces contraintes. Il me semble préférable de laisser le maire décider au vu des circonstances locales.
L'article 3 me paraît répondre exactement à votre demande, cher collègue, c'est pourquoi il ne m'a pas semblé utile de proposer une nouvelle modification du texte sur ce point. Il permet en effet aux exploitations agricoles de s'agrandir si elles en ont besoin.
Mais si elles le souhaitent dans des espaces urbanisés, ou bien pour des activités spécifiques, comme le séchage en grange, ce n'est pas possible. Il y a de moins en moins de sièges d'exploitation dans nos villages, ne les contraignons pas autant !
Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.
Le groupe de travail sur la simplification des normes d'urbanisme, de la construction et des sols a été lancé en février 2016, lors d'une réunion présidée par le président du Sénat, Gérard Larcher. Il s'inscrit dans le prolongement de la consultation des élus locaux réalisée à l'occasion du congrès des maires 2014. Près de 4 200 réponses avaient été reçues. Elles montraient que les préoccupations essentielles des élus portent sur l'urbanisme et la construction.
L'objectif du groupe de travail est donc de passer du constat de ces difficultés à la formulation de propositions législatives de simplification dans une proposition de loi transpartisane, capable de nous rassembler sur des propositions pragmatiques, améliorant la vie des élus et permettant de positionner le Sénat en tant qu'institution sur le thème de la simplification.
La composition du groupe de travail a été conçue de façon à assurer la représentation de l'ensemble du Sénat, commissions permanentes et groupes politiques. Chaque commission a eu droit à deux représentants es qualités. La nôtre a en outre vu ses deux membres désignés comme rapporteurs.
Ce groupe a réalisé un travail important avec plus de 20 tables-rondes et auditions, à l'occasion desquelles plus de 80 personnalités issues d'une cinquantaine d'organismes ont été reçues. Le groupe de travail a surtout lancé une consultation nationale à destination des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux, des professionnels de l'urbanisme et des citoyens. À sa clôture, elle avait reçu plus de 10 000 réponses.
Accélérer la réalisation des projets locaux et stabiliser le droit sont donc nos deux priorités. Nous avons choisi de nous concentrer sur une douzaine de propositions, ce qui n'épuise pas le champ des simplifications possibles mais permet d'aboutir à une proposition de loi qui, tout en étant ambitieuse, reste d'une taille raisonnable, permettant un examen dans le temps limité d'une « niche » parlementaire. Nous avons également décidé de soumettre notre projet de texte à une étude d'impact de la part d'un grand cabinet d'avocats spécialisé, de manière à sécuriser autant que possible les dispositifs juridiques.
Notre première piste de simplification concerne le contentieux de l'urbanisme. Il y a unanimité pour dire que les délais de jugement restent beaucoup trop longs. Un dossier peut être potentiellement « bloqué » pendant 4 ans et 3 mois par un contentieux. Et ce n'est qu'une moyenne. Nous avons donc souhaité prolonger l'ordonnance du 18 juillet 2013, dite « Labetoulle » en prévoyant une série de dispositions accélératrices :
-la première, permettrait au juge administratif de soulever d'office la cristallisation des moyens alors qu'il est aujourd'hui contraint d'attendre la demande des parties ;
-la deuxième, imposerait aux requérants la rédaction de conclusions récapitulatives qui lieraient les parties : cela permettrait de faciliter et d'accélérer le travail des juges et des parties et de sécuriser juridiquement les dispositifs de jugement pour les cas d'appel ;
- la troisième, instaurerait un mécanisme de caducité de l'instance sur le modèle de la procédure civile : tout requérant qui ne produirait pas dans un certain délai un document demandé par le juge serait réputé s'être désisté ;
- la quatrième, prorogerait jusqu'au 1er décembre 2023 la suppression de l'appel dans les zones tendues, adoptée en 2013, pour lui donner le temps de produire tous ses effets ;
- une cinquième disposition viserait à réduire le nombre des recours abusifs en facilitant l'octroi par le juge de dommages et intérêts en supprimant l'exigence actuelle d'un « préjudice excessif » difficile à démontrer et peu mobilisé par les juges.
Ces propositions, bien accueillies par le ministère de l'urbanisme, et qui ne pèsent en rien sur les collectivités, constitueraient un levier significatif pour désengorger les juridictions. Ce serait aussi un socle pour une proposition forte largement réclamée : mettre en place par voie législative des délais de jugement en matière d'urbanisme. Cet encadrement, outre qu'il constituerait un signal politique adapté à la gravité de la situation, serait aussi un puissant encouragement adressé au juge pour qu'il se saisisse des outils que nous mettons à sa disposition.
Un autre sujet de fond est apparu au fil des auditions et, surtout, au travers de la consultation nationale, celui du dialogue entre les collectivités, les porteurs de projets et les services de l'État. Les élus se sentent abandonnés, confrontés à des injonctions contradictoires des différentes administrations (DDT, DREAL...) qui travaillent en silos et adoptent trop souvent une posture contrôleuse et répressive alors qu'elles devraient être facilitatrices. Les acteurs ont besoin de plus de certitudes sur les règles qui leur seront appliquées. Il faut donc travailler vers plus de clarté et de sécurité du droit applicable à chacun, dans une logique inspirée du rescrit.
Nous souhaitons que soit mise en place une enceinte institutionnalisée de dialogue dans chaque département. Pour ne pas créer une nouvelle commission, nous avons choisi de transformer une instance existante mais largement dévitalisée : la commission de conciliation en matière d'élaboration de documents d'urbanisme. Nous voulons lui donner un nouveau rôle :
- établir un dialogue préalable État-collectivités-acteurs économiques sur certains projets. La saisine de cette instance serait une faculté ouverte aux acteurs, mais filtrée par les élus. Présidée par le préfet, elle aurait pour objectif de sensibiliser l'État et les élus sur tel ou tel projet, d'identifier en amont les difficultés potentielles, d'aider le préfet à arbitrer des différends. Elle devrait renforcer la capacité d'arbitrage du préfet entre les services de l'État. Elle favoriserait également la culture de travail « en mode projet » des services de l'État, appelée de ses voeux par le rapport Duport. En revanche, après de nombreux échanges, nous n'avons pas souhaité lui donner d'attributions décisionnelles, pour ne pas donner prise au contentieux et pour ne pas rajouter une nouvelle étape aux processus déjà longs d'élaboration de projets locaux ;
- permettre l'identification et la remontée des difficultés locales en matière d'application des normes et de proposition de simplifications. Sur la base de ce travail, le préfet serait chargé de remettre au Gouvernement un rapport régulier en matière de simplification. Ainsi serait comblé un vide signalé notamment par le secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SG MAP) en matière de remontées du terrain vers l'administration centrale.
En complément, il nous a paru indispensable de réaffirmer que les services de l'État doivent être organisés de façon à faciliter l'action des collectivités dans le contexte difficile que vous connaissez : désengagement de l'État en matière de soutien aux collectivités dans le domaine du droit des sols, fragilisation des préfectures et des sous-préfectures, interministérialité à la peine... Nous proposons donc que le Législateur affirme le principe selon lequel les collectivités doivent disposer dans chaque département d'un référent juridique unique en matière d'urbanisme et de projets. Cela paraît une évidence, mais une évidence dont on est troublé qu'elle ne soit pas partout mise en oeuvre.
Une troisième série de propositions figurera dans la proposition de loi de simplification. Elles concernent un sujet plus technique mais néanmoins important : la simplification du régime des zones d'aménagement concerté (ZAC). Nous pourrions par exemple donner à l'aménageur la faculté de fusionner dossiers de création et de réalisation de ZAC. Cette disposition pourrait être utile pour des ZAC de faible ampleur. On pourrait également donner aux aménageurs la faculté de reporter l'étude d'impact au moment du dossier de réalisation, lorsque la faculté précédente n'a pas été utilisée.
Nous souhaitons aussi sécuriser les opérations d'aménagement en cas d'annulation du plan local d'urbanisme. Vous savez qu'aujourd'hui, suite à l'annulation d'un PLU, les permis d'aménager délivrés antérieurement à l'annulation sont juridiquement sécurisés. En revanche les permis de construire subséquents ne le sont pas, ce qui est absurde, car une opération d'aménagement n'a de sens que si elle débouche sur la réalisation des constructions. Nous voulons mettre fin à ce problème et sécuriser les permis de construire, en tout cas dès lors que l'annulation du PLU est fondé sur des motifs d'illégalité externe (incompétence, forme, procédure...).
Enfin, nous souhaitons clarifier les conditions de construction d'extensions ou d'annexes en zones agricoles et revenir sur une rédaction malencontreuse issue de la Loi Macron pour éviter que, par une interprétation restrictive, les services instructeurs considèrent que la délimitation d'une zone d'implantation concerne non seulement les annexes mais aussi les extensions aux constructions existantes ce qui, de fait bloque lesdites extensions contrairement à l'intention du législateur.
Parmi nos propositions figurent aussi des dispositions répondant à la demande de stabilité des documents d'urbanisme.
Nous souhaitons à cet égard limiter l'effet perturbateur qu'exercent sur les PLU les obligations de mise en compatibilité. Le code de l'urbanisme prévoit de façon légitime une obligation de compatibilité des documents supérieurs aux PLU. Cette obligation est cependant un facteur d'alourdissement et de renchérissement considérable pour la gestion des PLU, car elle leur impose d'être modifiés ou révisés à intervalles rapprochés pour suivre l'évolution parfois rapide et désynchronisée des documents supérieurs.
Il faut donc donner aux élus de la prévisibilité sur le calendrier d'évolution d'un PLU. Pour cela, nous prévoyons d'instaurer un rendez-vous périodique triennal, où serait posée la question de sa mise en compatibilité éventuelle. Au lieu d'être dictée par les calendriers des documents supérieurs, la mise en compatibilité du PLU ne serait ainsi examinée qu'à l'occasion de ce rendez-vous. On déciderait alors s'il y a lieu d'introduire des changements nécessaires à la mise en compatibilité avec les documents supérieurs et on procéderait à tous les changements nécessaires dans une seule procédure, selon un calendrier connu à l'avance, au lieu de les introduire au fil de l'eau. Le premier avantage serait une cristallisation d'au moins trois ans des PLU.
Par ailleurs, les délais pour mettre le PLU en compatibilité seraient comptés à partir du moment où, suite au rendez-vous triennal prévu, la décision éventuelle d'engager une évolution du PLU serait prise par l'EPCI ou la commune. Le second avantage serait donc que la nouvelle procédure assouplirait le délai de mise en compatibilité, puisque l'on passerait d'un délai strict de trois ans maximum actuellement à un délai adapté à la situation de la collectivité, qui serait compris entre 3 et 6 ans.
Autre avantage souligné par le ministère du logement, qui est aujourd'hui très conscient du besoin de stabilité du droit, ce dispositif pourrait servir de socle facultatif pour la définition du calendrier d'entrée en vigueur des futures lois en matière d'urbanisme. Ces lois pourraient en effet prévoir que les PLU se mettent à jour des dispositions législatives nouvelles lors des rendez-vous triennaux.
Au-delà de cet axe structurant, qui est au coeur des compétences de notre commission, nous avons voulu répondre à trois sujets sensibles issus de la consultation : l'archéologie préventive, les architectes des bâtiments de France (ABF) et l'accessibilité.
Je passe sur l'archéologie et l'accessibilité, qui relèvent des commissions de la culture et des affaires sociales, mais je vais m'arrêter un instant sur les ABF.
La protection des abords des monuments historiques est le point essentiel qui cristallise les critiques issues de la consultation nationale. Nous ne pouvions pas ne rien faire, mais nous ne voulions pas tomber dans un populisme anti-ABF. Les griefs sont, à titre principal, au nombre de quatre : imprévisibilité des avis rendus, variabilité des décisions, sentiment d'inégalité des pétitionnaires et pointillisme.
Le groupe de travail a souhaité préserver le modèle français de protection des abords et prolonger la refonte de ce régime engagée par le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui a prévu que la protection des abords serait désormais applicable à des périmètres délimités par l'autorité administrative et remplaçant le fameux périmètre automatique de cinq cents mètres avec covisibilité. Le groupe s'est inscrit dans les pas de la commission de la culture.
Le coeur de notre proposition est de mieux associer l'ABF au PLU en contrepartie de deux choses : des prescriptions ex ante et une motivation renforcée de ses décisions. Quel est notre proposition ?
Les communes et EPCI se verraient offrir une faculté de demander à l'ABF ses prescriptions pour ce périmètre des abords. Avantage : établir un dialogue collectivité-ABF. L'ABF peut ne pas en proposer, mais doit expliquer pourquoi.
Si l'ABF propose des prescriptions, la commune aura la possibilité d'intégrer ou non ces prescriptions au PLU. Dans ce cas, l'ABF devra motiver ses décisions sur le fondement de ses propres prescriptions. Comme on le voit, ce dispositif ne réduit aucunement la compétence de l'ABF, qui continuerait à rendre des avis conformes sur les autorisations de travaux dans les abords des monuments. Au contraire, on renforce sa compétence, puisqu'il aura le droit de proposer des prescriptions. De même, les collectivités conservent leur liberté : liberté de demander des prescriptions à l'ABF et liberté de les intégrer ou non au document d'urbanisme. Simplement, ce dispositif crée les conditions d'un dialogue et permet à chaque acteur de définir et donc d'expliciter les règles qu'ils devront respecter.
Nous sommes conscients de proposer une évolution innovante et nous avons souhaité l'entourer de garanties. Cette évolution ne serait pas imposée et généralisée d'emblée, mais serait expérimentée pendant trois ans, à partir du volontariat des collectivités ou de leurs groupements. Le préfet recevrait les candidatures et serait amené à établir une priorité entre les dossiers. Avantage : Cet examen par l'État est une garantie visant à éviter l'engorgement des services des ABF qui est la principale crainte du ministère de la culture. Au plus tard six mois après la fin de l'expérimentation, et sur la base des remontées du terrain, le Gouvernement présenterait au Parlement un rapport d'évaluation proposant les suites à lui donner.
Seconde garantie : une période de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi est prévue avant que puisse démarrer les expérimentations. Cela permet d'établir le dialogue entre les parties prenantes, étudier les premiers dossiers, et laisse le temps au pouvoir règlementaire pour organiser ses services à cet effet. Cela donne aussi du temps aux services territoriaux de l'architecture et du patrimoine, mais aussi aux préfets et aux représentants de l'État comme aux collectivités pour s'approprier le nouveau dispositif,
Nous attendons de cette réforme un meilleur dialogue donc une plus grande confiance entre les acteurs et davantage de fluidité et de transparence dans les décisions, gages essentiels de simplifications au quotidien. Nous pensons par ailleurs tenir là l'occasion de purger l'antagonisme élus-services du patrimoine.
Je tiens à féliciter les deux rapporteurs du groupe de travail sur la simplification des normes. Vos propositions sont fines et judicieuses ; certains sujets, comme celui de l'architecte des bâtiments de France (ABF), sont sensibles et appellent des formulations pragmatiques et réalistes. N'oublions pas que si la qualité du patrimoine français est si souvent soulignée, c'est aussi grâce aux ABF, qui ont parfois évité des aberrations urbanistiques et architecturales.
Je souhaite faire quelques remarques d'ordre philosophique. Nous avons examiné, ce matin, les amendements sur la proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural. Nous avons longuement débattu de la zone des 50 mètres, puis des 100 mètres en bordure des lacs de montagne... mais la question, au fond, me semble être la suivante : qui doit décider de la manière dont est aménagé un territoire ? Sont-ce les élus locaux ? Les parlementaires ? L'Etat ?
Je comprends les élus qui trouvent qu'on légifère trop ; je pense surtout qu'on légifère mal ! Notre vécu du territoire nous pousse à entrer trop dans le détail. Mais, trop précises, les règles deviennent difficiles à appliquer partout. Je crois fermement à la différenciation territoriale, pour permettre aux élus d'ajuster les règles à leur territoire, dans le respect, bien entendu, du cadre général fixé par la loi. Cette différenciation territoriale ne porte en rien atteinte à l'unité et à l'égalité de la République. D'ailleurs, si l'ensemble des normes en matière d'environnement sont respectées, c'est justement parce qu'elles peuvent être adaptées à chaque territoire.
Je voudrais revenir sur l'accessibilité. J'y suis évidemment très favorable. À condition que tout le monde soit obligé de respecter les règles du jeu... car j'ai constaté que dans de nombreux restaurants parisiens, les normes d'accessibilité n'étaient pas respectées. Les mêmes normes s'appliquent beaucoup plus sévèrement dans les territoires ruraux ! Là où il y a du monde, où passent 300, 400 personnes par jour, la tolérance est plus grande ! Là où il n'y a que cinq personnes, la norme s'applique dans toute sa sévérité !
Pour l'application des normes d'accessibilité, il faudrait commencer à prendre en compte la fréquentation des lieux.
Concernant la continuité, je suis saisi par de nombreux maires qui me demandent ce qu'est la continuité d'urbanisation pour un village. À 50 mètres de la dernière maison, est-on encore dans la continuité ? Beaucoup de permis de construire sont refusés car ils ne satisfont pas une exigence de continuité qui est délicate à apprécier sur le terrain. Peut-on être plus précis afin de mieux encadrer la délivrance des permis de construire ?
Je rejoins le sentiment de Gérard Bailly. Lorsque les normes, sont trop nombreuses, elles conduisent à fermer les stations-services, les bistros, les commerces de proximité... Comment maintenir la population dans les territoires ruraux si tous les services disparaissent ?
L'ABF, quant à lui, a un rôle positif à jouer, si tant est qu'il accepte le dialogue ! Je connais un secteur classé ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) qui, sans l'ABF, aurait subi des dégâts considérables. Il faut des ABF, mais il faut pouvoir échanger avec eux.
Je remercie nos deux collègues pour leur travail particulièrement intéressant. Je voudrais partager trois remarques.
Tout d'abord, il est urgent de raccourcir la durée des procédures, bien plus longues que dans la plupart des autres pays européens. Cela ralentit l'économie et les investissements.
Ensuite - et cela a été très bien évoqué - nous avons besoin de stabilité dans les normes. Il s'écoule souvent des temps longs entre la conception et la réalisation effective d'un projet. Combien ont investi à un instant T et se sont retrouvés dans une situation précaire car avant la fin du développement, une nouvelle norme était apparue qui compromettait leur projet ? C'est un vrai problème.
Enfin, il y a une difficulté évidente d'interprétation des lois que nous votons. Mon propos va peut-être vous sembler maladroit, mais j'ai l'impression que certains, pour justifier leur existence, compliquent celle des autres...
Je voudrais rebondir sur les propos de Michel Magras... il ne faut pas s'excuser de parler de philosophie ! Dans un monde idéal, il y a les règles générales et le bon sens pour les appliquer. Aujourd'hui, le business est partout, il y a des enjeux, des pressions... c'est ce qui nous contraint à édicter de plus en plus de règles. Nous devons revenir à moins de règles, des règles plus générales, et davantage de sagesse dans leur application.
J'ai émis à plusieurs reprises le souhait que le groupe de travail rencontre les associations de défense de l'environnement, comme France nature environnement. Je crois que leur audition aura lieu prochainement.
Sur le sujet de l'accessibilité, je partage l'analyse de Gérard Bailly : l'application de la loi est surprenante ! A Paris, ces normes ne sont pas toujours respectées. Elles entraînent malheureusement parfois, ailleurs sur le territoire, des fermetures qui signifient la fin des centres villes et centres-bourgs...
Je suis favorable à l'instauration d'un rapport annuel du préfet, mais je pense que les conclusions de ce rapport doivent également être présentées aux parlementaires, qui, avec la loi sur le non-cumul des mandats, ne sont ou ne seront plus nécessairement des élus locaux. Ce n'est d'ailleurs pas une mauvaise chose, mais il faut que les parlementaires sachent comment faire évoluer la loi.
Concernant la différenciation territoriale, nous y sommes bien sûr tout à fait favorables. À titre personnel, je tiens au droit à l'expérimentation, et c'était déjà le cas lorsque, en tant que député, j'ai voté la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2001, a rappelé ce droit à la différenciation. Un colloque a eu lieu sur ce sujet l'an dernier au Sénat. J'ai personnellement travaillé longuement, dans le cadre de l'écriture d'une thèse, sur les adaptations mineures, ces dérogations aux règles du droit de l'urbanisme. Il existe donc déjà des choses, et il faut poursuivre dans cette voie pour que les projets ne restent pas bloqués. Cela peut être souligné dans le rapport.
Michel Magras l'a dit : les élus locaux trouvent qu'on légifère trop. Jusqu'où doit-on légiférer ? Comment doit-on légiférer ? Voilà la réflexion qui a été au centre des travaux du groupe de travail, et qui reste d'ailleurs ouverte. On nous dit : « Les documents d'urbanisme sont trop précis, vous donnez le bâton pour vous faire battre ! ». C'est l'avis des autorités judiciaires. On nous dit aussi : « Vous n'établissez que des grands principes, on ne comprend pas quelle est votre volonté, quels sont les équilibres, quelles règles s'appliquent ! ». C'est l'avis des services de l'Etat. La commission des sites a, elle aussi, un avis...
Force est de constater qu'aujourd'hui, le droit souple a bien plus de poids que la volonté du législateur. Soyons lucides ! La situation est schizophrénique : plus on essaie d'être précis et d'aller dans le détail, moins on laisse de marge à l'interprétation ; mais plus on est précis, et plus on est en contradiction avec le bon sens local !
Nous avons notre part de responsabilité dans tout ceci : ce matin, à 10h00, nous débattons sur la simplification des normes d'urbanisme, alors qu'à 9h30, nous venons de voter des amendements qui ajoutent une couche de règles au droit existant. Je ne dis pas que ce n'est pas légitime, mais je crois qu'il y a un besoin impérieux d'une prise de conscience collective.
C'est pourquoi les propositions que je formule avec François Calvet sont limitées et organisées selon deux principes. Tout d'abord, sécuriser les projets, notamment vis-à-vis du contentieux. Il faut savoir qu'une procédure de contentieux en urbanisme dure en moyenne 4,5 ans : ce n'est plus possible, d'autant que les sommes perdues sont chaque fois colossales ! Ensuite, réduire les zones susceptibles de faire l'objet d'interprétations variées. Pour cela, nous proposons un travail en amont des projets avec une commission de conciliation. Cela donnera à tous les acteurs un cadre et un arbitre : une fois les règles du jeu établies, le dialogue pourra être constructif.
Daniel Gremillet a souligné que souvent, au nom de la simplification, on complexifiait les choses : nous l'avons tous vécu ! En urbanisme, il faut faire très attention, car tout est lié. Il suffit de voir les interactions pas toujours évidentes entre la loi Montagne et la loi Littoral...
Le problème, soulevé par nombre d'entre vous, des différences d'interprétation de la loi, est crucial. Aujourd'hui, Marc Daunis l'a rappelé, on est face à un urbanisme de projet. Si les règles sont trop contraignantes, rien ne pourra se faire. Il faut laisser les porteurs de projets respirer, c'est le meilleur moyen de permettre l'émergence de projets forts et de laisser sa place à l'imagination.
Concernant le rôle de l'ABF, le pétitionnaire a actuellement l'impression d'être face à une tour d'ivoire. Nous allons tenter de rétablir le dialogue.
Enfin, j'ai bien entendu les remarques sur l'accessibilité. C'est hélas un sujet compliqué. Nous proposons la mutualisation, entre les différents établissements recevant du public, des places de stationnement réservées aux handicapés dans les petits bourgs. Encore une fois, c'est un sujet vraiment délicat. Beaucoup de possibilités d'assouplissement existent. Mais elles sont très méconnues. Il faut vraiment travailler sur l'amélioration de l'accès au droit. La rigueur souvent dénoncée des normes tient aussi souvent à une méconnaissance des souplesses offertes par ces règles qui sont alors appliquées dans une rigueur excessive.
Un dernier mot sur la continuité pour répondre à la question de Gérard Bailly. Les règlements nationaux doivent être des fondamentaux, stables. Dès lors qu'un sujet surgit au niveau local, notre première tentation est de légiférer, de détailler les choses... ce n'est pas la bonne méthode ! La raison pour laquelle nos travaux n'abordent pas la question de la continuité est simple : une réflexion est déjà en cours sur la révision de la loi Montagne. Nous avons essayé d'éviter les télescopages avec les révisions ou lois en cours de discussion afin de rester cohérents avec notre objectif de stabilisation des normes.
Les propositions du groupe de travail se veulent consensuelles et de bon sens.
Je vous remercie, mes chers collègues. Acte est donné de cette communication.
La réunion est levée à 11h10.