Intervention de Jean Desessard

Réunion du 7 juin 2016 à 21h30
Modernisation des principales filières agricoles dans le cadre de la réforme de la pac — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise agricole que nous traversons actuellement met à rude épreuve des filières, notamment l’élevage.

Des mécanismes d’intervention européens ont été mis en œuvre : doublement des plafonds d’intervention pour le lait et le beurre, mesures de stockage privé pour le porc, relance de l’investissement innovant et structurant, régulation temporaire à travers la dérogation au droit de la concurrence, aides financières, notamment en direction des producteurs laitiers. Cependant, ces mécanismes ne répondent en rien aux problèmes sur le fond et les signaux d’alarme sont toujours au rouge. Aussi le Gouvernement les a-t-il complétés par un certain nombre de mesures de nature à soulager les agriculteurs dans cette période difficile pour leur trésorerie : « année blanche » pour les dettes bancaires et plan d’investissement s’élevant à 3 milliards d’euros sur trois ans. Malheureusement, ces mesures apparaissent comme de simples pansements.

Si la nouvelle PAC a rééquilibré les subventions vers les petites et moyennes exploitations, vers de meilleures pratiques environnementales, avec la diversification des cultures, le maintien des prairies permanentes et des surfaces d’intérêt écologique, le partage de ces aides n’est pas satisfaisant.

Dans le cas des aides à l’agriculture biologique, une avalanche de demandes d’aides à la conversion a épuisé les crédits prévus jusqu’en 2020. En conséquence, certaines régions ont réagi en urgence en plafonnant les aides afin de mieux répartir l’enveloppe.

Ce plafonnement pourrait être mis en œuvre pour les nombreuses aides de la PAC afin d’éviter que seules les grosses exploitations en profitent, et ce au détriment des jeunes agriculteurs et des exploitations familiales. Les écologistes pensent qu’il serait également intéressant de transférer une partie des aides du premier pilier de la PAC vers le deuxième pilier. Cela n’est pas un problème strictement français, puisque l’Allemagne connaît le même phénomène de pénurie des aides à la conversion dans plusieurs Länder.

C’est dire à quel point avait été sous-estimé le dynamisme de la filière bio en Europe, qui apparaît aujourd’hui comme un rempart contre la crise et une assurance de pouvoir vendre ses produits à un prix couvrant enfin les coûts de l’exploitation. Or tel n’est pas le cas actuellement pour 60 % des exploitations en France, qui ont un revenu courant avant impôt et hors subvention négatif.

Avec cette PAC, les agriculteurs travaillent à perte et souffrent du moindre retard de paiement des aides.

Je veux aussi revenir sur l’échec des aides aux légumineuses fourragères, qui ne couvrent finalement que 150 000 hectares au lieu des 700 000 attendus. Il s’agissait pourtant d’un point très important du plan Protéine visant à relocaliser une partie de l’alimentation animale aujourd’hui importée et souvent issue d’OGM.

Le problème restera entier tant qu’existera un mouvement de fond d’une partie de la profession qui souhaite une financiarisation totale de l’agriculture, des terres agricoles et des activités associées, ou qui prône en permanence l’extension, l’automatisation et la standardisation des produits à outrance, nous conduisant à des aberrations environnementales comme la ferme des mille vaches.

Au rythme actuel, si l’on ne change pas de logique, 15 % de la profession aura disparu d’ici à 2020. Ne resteront que des exploitations toujours plus grandes et consommatrices de pesticides, d’antibiotiques, d’intrants chimiques.

Il convient de noter l’incohérence entre les objectifs affichés de la PAC et la réalité de l’évolution actuelle des filières. Nous devons dès à présent réfléchir à la PAC d’après 2020, qui devra visiblement accentuer les efforts vers la transition agroécologique, le soutien à l’agriculture bio, le stockage naturel du carbone dans les sols avec le « 4 pour 1 000 », dont la France fait la promotion à travers l’agenda des solutions issu de la COP 21, ou encore vers l’autonomie fourragère et la polyculture élevage.

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