Intervention de Henri Cabanel

Réunion du 7 juin 2016 à 21h30
Modernisation des principales filières agricoles dans le cadre de la réforme de la pac — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Henri CabanelHenri Cabanel :

La filière viticole, que je connais particulièrement bien, constitue un exemple bien vivant de ce qu’une PAC efficace peut apporter à notre agriculture.

À partir de 2008, une vaste réforme de l’organisation commune du marché du vin a été mise en place. Son objectif était d’équilibrer le marché vitivinicole pour limiter, voire éliminer les mesures d’intervention. Les budgets ont ainsi été réorientés au profit de mesures plus positives et ont renforcé la compétitivité de nos vins. Cette réforme prévoyait une restructuration rapide du secteur vitivinicole, basée notamment sur un régime d’arrachage volontaire primé sur une durée de trois ans. Il s’agissait de permettre aux producteurs ne pouvant pas affronter la concurrence de sortir dignement de la filière et d’éliminer du marché les excédents de production et les vins ne correspondant plus au marché, donc au goût des consommateurs.

Les subventions destinées à la distillation de crise et à la distillation en alcool de bouche ont été progressivement supprimées. Les montants correspondants ont été réaffectés sous la forme d’enveloppes nationales.

Le montant des paiements de l’enveloppe 2014-2015 du programme quinquennal français de l’OCM vitivinicole a été consommé sur une stratégie de filière voulue par les professionnels : 103 millions d’euros pour les investissements des entreprises, 101 millions d’euros pour la restructuration et reconversion du vignoble, 45 millions d’euros pour la promotion sur les marchés des pays tiers et 34 millions d’euros pour les prestations viniques.

Ce programme assurera ainsi le financement de mesures structurantes sur le premier pilier. Cela permettra au secteur de rester dynamique. La restructuration du vignoble, les aides à la promotion à l’export et l’effort sur les investissements ont été privilégiés, avec les résultats que l’on connaît !

La viticulture n’a pas choisi le droit à paiement de base comme dans les autres filières. Cela constitue un modèle duplicable. Les négociations sur la future réforme de la PAC doivent le prendre en compte.

Par ailleurs, et nous sommes nombreux à le dire, la volatilité des prix est malheureusement désormais la norme des marchés agricoles. Elle constitue aujourd'hui l’enjeu majeur de la politique agricole commune. Les politiques doivent accompagner les acteurs les plus exposés pour atténuer les effets négatifs des variations vertigineuses des prix.

Dans ce contexte, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner ici, l’Europe ne peut plus uniquement fonder sa politique agricole sur des aides directes découplées. Celles-ci ne sont pas adaptées aux situations de volatilité des prix, alors que l’objectif de « stabiliser les marchés » est souhaitable.

Il s’agit aujourd’hui de passer d’une politique de soutien direct à l’hectare à une politique de gestion des risques mutualisée. Nous avons déposé une proposition de loi en ce sens avec mes collègues socialistes Franck Montaugé et Didier Guillaume. Elle fait suite à notre proposition de résolution, qui a été discutée ici même le 6 avril dernier. Elle visait à mettre en œuvre des mécanismes de stabilisation des revenus au niveau européen et elle a été adoptée à l’unanimité.

La gestion des risques climatiques, sanitaires et environnementaux est une mesure économique structurante. Les récentes catastrophes naturelles que viennent de connaître certains agriculteurs montrent la nécessité d’ouvrir ce débat.

Dans le cadre du second pilier a été créé le programme national de gestion des risques et d’assistance technique. Il nous faut continuer à consolider le financement de la gestion de risques à l’horizon de 2020.

Dans cette logique, si nous souhaitons une PAC réellement efficiente, il est inéluctable d’opérer un basculement d’une partie du montant des aides découplées vers des mécanismes de gestion des risques soit par une plus grande mobilisation des outils déjà existants au sein du second pilier, soit par la création de nouveaux outils au sein du premier pilier.

Lors du Conseil informel des ministres européens de l’agriculture à Amsterdam le 31 mai dernier, vous avez, monsieur le ministre, mis l’accent sur le fait que les dispositifs relatifs aux risques climatiques et sanitaires doivent être complétés par un outil efficace de prise en charge des aléas économiques – assurance chiffre d’affaires, outil de stabilisation des revenus. Nous partageons votre analyse.

Nous vous soutenons encore quand vous défendez le remplacement de la réserve de crise européenne par une mesure d’épargne de précaution obligatoire afin de donner un caractère contracyclique à la PAC.

Le Parlement a son mot à dire ! Nous aurons à en rediscuter ce mois-ci lors du débat de la proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture.

La PAC 2014-2020 a innové en ajoutant du paiement vert au paiement de base. Il est conditionné par le maintien des prairies permanentes, la diversité des assolements et l’aménagement de surfaces d’intérêt écologique. Ces mesures permettent d’accompagner les exploitations agricoles qui s’engagent dans le maintien ou le développement de pratiques combinant performance économique et environnementale.

Là encore, la position exprimée par la France à Amsterdam est allée dans ce sens puisque vous avez, monsieur le ministre, défendu avec ambition la conservation et la simplification du dispositif de verdissement.

La réelle difficulté de la PAC réside dans sa complexité. Malgré la volonté du commissaire à l’agriculture Phil Hogan de la simplifier, le fossé est considérable entre l’administration qui produit la réglementation et les acteurs qui ont d’énormes difficultés à l’appliquer. Si l’on comprend aisément que des règles sont nécessaires, encore faut-il qu’elles soient applicables et surtout qu’elles ne changent pas aussi souvent.

Les régions sont devenues autorités de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural et participent ainsi au plus près des agriculteurs à la mise en place des programmes régionaux, auxquels s’ajoute un programme national pour la gestion des risques en agriculture qu’il me semble nécessaire d’activer.

Il est primordial, monsieur le ministre, que vous puissiez convaincre vos collègues européens de la nécessité de construire un projet agricole européen pouvant répondre aux défis alimentaires, environnementaux et sociétaux. Ce projet devrait avoir pour ambition d’offrir à nos agriculteurs une vision suffisante à moyen et long terme. Ils pourront ainsi vivre dignement de leur métier.

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