Vous avez compris, mes chers collègues, qu'en entrant dans le détail du dossier j'en ai saisi toute la complexité et je ne suis pas certain, n'étant pas motoriste, de pouvoir répondre à certaines questions très pointues. Néanmoins, je vais vous apporter quelques précisions.
Nos réunions ont été très ouvertes, nous avons entendu autant de personnes qu'il était possible d'entendre, mais, en qualité de rapporteur, monsieur Filleul, il me revenait d'établir le rapport. C'est un énorme travail qui a été réalisé et, dans ce cadre, je n'ai pas envisagé d'organiser une pré-réunion pour une présentation, en petit comité, du rapport.
En revanche, vous avez raison d'évoquer notre rencontre avec les représentants d'Airparif.
Il n'est certes pas indiqué dans le rapport que la part de la pollution causée par les véhicules diesel Euro 6 dans le litre d'air que l'on respire à Paris, par exemple, est très faible. Nous avons découvert, à l'occasion de cette audition, que nos amis allemands pouvaient aussi contribuer à cette pollution, que l'abrasion jouait un rôle certain, etc.
L'opinion publique a donc été focalisée sur la question du diesel, mais il faut raison garder : les véhicules diesel Euro 6 ne sont pas les premiers responsables de la pollution.
En travaillant sur le dossier, j'ai également découvert la convergence entre diesel et essence en matière d'émissions et la différence entre le « diesel Euro 6 » et les autres diesels. Ainsi, si nous voulons réellement traiter le problème de la pollution de l'air, notre priorité doit être, non pas de focaliser l'attention sur les véhicules diesel Euro 6, mais de s'attaquer au gisement majeur de pollution, soit au parc ancien.
Il existe donc d'autres pistes et, en entendant une palette très large d'acteurs, nous sommes parvenus à la conclusion que l'on nous poussait probablement à regarder le doigt, alors que le sage désignait la lune !
L'opinion publique est effectivement un peu perdue. L'industrie automobile n'a pas respecté la transparence qui s'imposait. La Commission européenne a détecté le problème d'écart en 2011. Des scientifiques l'avaient mis à jour, mais l'information n'était pas sortie d'un cercle fermé. Et voilà que le citoyen de base découvre autre chose que ce qu'on lui a vendu ! Cela explique la perte de crédibilité des autorités publiques au sens large.
Le rapport préconise donc le respect de la plus grande transparence, même si la « vérité » scientifique évolue en permanence.
En 2015, 68 % du parc automobile fonctionne au diesel, mais, comme je l'ai signalé, les ventes enregistrent une chute brutale.
Qu'en est-il de la durée de transition ? En 2011, année où j'ai établi un rapport sur le véhicule électrique, il n'y en avait pas sur le marché. En 2016, cette catégorie atteint 1 % des ventes de véhicules neufs. Certains pays, comme la Norvège, sont très avancés dans ce domaine et l'on trouve des autocars électriques chinois à Barcelone.
Cela m'amène d'ailleurs à évoquer la politique industrielle de notre pays. Aujourd'hui, population et médias réclament des véhicules décarbonés, c'est-à-dire électriques. Ces véhicules existent... en Chine ! Par conséquent, où allons-nous ? Quand, demain, le Stif ou la RATP souhaiteront commander 600 bus électriques, vers qui se tourneront-ils ? À mes yeux, il y a là un véritable problème de fond.
Les véhicules électriques ont incontestablement un avenir. Voilà quatre ou cinq ans, personne n'en avait ; aujourd'hui, nous sommes trois dans la salle à rouler en Zoé !
Le facteur de la vétusté est pris en compte grâce aux contrôles techniques, tout véhicule ne répondant pas à la norme devant être obligatoirement réparé. J'ai même fait entrer dans la loi certains contrôles de particules, qui n'existaient pas par le passé.
La question des véhicules hybrides n'entrait pas dans le périmètre du rapport. Je ne me prononcerai pas sur le sujet, qui doit néanmoins être approfondi. Dans ce domaine, l'industrie française a incontestablement pris du retard, notamment face aux Japonais.
La qualité des carburants n'était pas non plus au coeur de la problématique, mais c'est sans aucun doute une piste de progrès, qui doit être examinée de plus près.
Par ailleurs, si le moteur diesel n'a pratiquement pas évolué entre 1945 et les années 1990, aujourd'hui, une norme nouvelle est publiée tous les deux ou trois ans. Dans un tel contexte, il faut effectivement travailler à l'information du consommateur.
Je l'ai dit, je suis favorable à une évolution vers des véhicules décarbonés, et la volonté affichée par les pouvoirs publics en la matière sera fondamentale. Pour autant, on ne pourra pas, du jour au lendemain, supprimer le diesel et imposer les véhicules électriques.
L'action publique doit porter sur le gisement de dépollution, c'est-à-dire le parc de véhicules diesel antérieurs à Euro 6.
Un précédent gouvernement - de droite - avait établi un système de bonus-malus, une sorte de prime à la casse. Le système a été abandonné sous la pression de Bercy, car les volumes de bonus augmentaient, tandis que ceux des malus diminuaient.
À son tour, Ségolène Royal a instauré une prime de 10 000 euros, mais à ce jour, son succès est limité. C'est donc une mesure d'annonce, qui ne produit pas les effets suffisants sur le terrain. Mais il faudrait effectivement revenir à un dispositif de bonus-malus.
Nous souhaitons que tous les véhicules puissent être testés en conditions réelles. C'est un vrai sujet de mobilisation !
S'agissant des véhicules légers diesel, dès lors que tout véhicule à énergie fossile produit des polluants atmosphériques, la solution est connue. Les Chinois et les Allemands s'attaquent également à ce créneau. Nous, nous savons ce qu'il va se passer, mais sommes incapables d'anticiper ces évolutions, d'où le grave problème que je signalais précédemment autour de la politique industrielle de notre pays.
Il en va de même pour les véhicules à hydrogène. Au Japon, Toyota sort ses premiers véhicules à destination du grand public, avant de prochaines sorties aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre et au Danemark. En dix ans, le groupe est passé du prototype à 1 million d'euros à la voiture commercialisable à 30 000 euros. En France, seule l'absence de pompe à hydrogène freine son avancée.
J'insiste donc sur le retard pris par notre politique industrielle. Depuis nos performances sur le filtre à particules, plus aucun progrès n'a été enregistré et, face à la mondialisation, notre position risque de devenir intenable. Il faut donc s'orienter le plus rapidement possible vers la décarbonation.