La réunion est ouverte à 9 h 30.
Nous entendons ce matin Louis Nègre, pour un point d'information sur les travaux qu'il a menés sur la question des émissions des véhicules à moteur diesel.
Nous avons déjà eu l'occasion de nous interroger sur ce sujet, certains voyant dans le diesel l'origine de tous les maux en matière de pollution, d'autres y voyant une technologie sur laquelle l'industrie française est très en pointe.
Deux tables rondes ont été organisées, notamment en amont de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et, en octobre dernier, après le scandale Volkswagen. À la suite de cette affaire, le ministère de l'environnement a mis en place une commission à laquelle Louis Nègre a participé.
Notre collègue a souhaité effectuer un travail très approfondi sur le sujet, au travers d'auditions nombreuses. Nous sommes heureux de prendre connaissance de ses conclusions.
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les enseignements tirés des auditions que nous avons menées sur les émissions des véhicules diesel récents, avec les autres membres du groupe de travail « Mobilités et transports », que je remercie pour leur participation : Annick Billon, Jean-Jacques Filleul, Jean-François Longeot, Didier Mandelli, Rémy Pointereau et Charles Revet.
Pour mémoire, nous avions décidé d'approfondir cette question à l'issue d'une première table ronde organisée devant la commission en janvier 2015, sur les « effets des motorisations diesel sur la santé et l'environnement ».
Cette table ronde intervenait dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont j'étais le rapporteur. Elle avait fait apparaître une suspicion sur la fiabilité des mesures d'émissions des véhicules diesel, qui a été largement médiatisée depuis septembre 2015, avec l'affaire Volkswagen.
À partir de cette date, d'autres initiatives ont été lancées. Notre commission a organisé une seconde table ronde sur les « mesures des émissions des véhicules à moteur diesel » en octobre dernier. Au même moment, l'Assemblée nationale a créé une mission d'information sur l'offre automobile française, tandis que la ministre de l'environnement, Ségolène Royal, a mis en place une commission indépendante chargée d'une enquête sur les émissions des véhicules, à laquelle je participe. En s'appuyant sur les mesures effectuées pour cette commission indépendante, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a lancé plusieurs enquêtes.
À l'étranger, de nombreux États ont procédé à des tests similaires, et une commission d'enquête a été créée au sein du Parlement européen. Sans doute avez-vous d'ailleurs eu vent, par la presse, des récentes suspicions de fraudes concernant le constructeur japonais Mitsubishi...
Je me félicite que l'ensemble de ces travaux soient guidés par une volonté de transparence, qui a malheureusement trop longtemps fait défaut dans ce domaine. Or, quand on ne dit pas toute la vérité au citoyen, comment lui demander d'avoir confiance en nos institutions ? Il y a là un problème plus global, qui, me semble-t-il, doit intéresser les parlementaires que nous sommes.
Dans le cadre du groupe de travail « Mobilités et transports » de la commission, nous avons entendu un grand nombre de spécialistes, ainsi que les principaux acteurs concernés : des experts internationaux - universitaires ou représentants d'associations environnementales, dont la célèbre ICCT, qui a alerté les autorités américaines à propos de Volkswagen -, l'Ademe, l'Anses, le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique, Airparif, l'Institut français du pétrole - l'IFPEN -, le Centre d'étude et de recherche technologique en aérothermique et moteur, ainsi que les constructeurs Peugeot et Renault.
Je vais vous présenter une synthèse de ces travaux et les conclusions que j'en ai tirées. Mais il faut garder à l'esprit que, dans ce domaine comme dans d'autres, les connaissances évoluent - et les technologies aussi. Il faut donc régulièrement se mettre à jour.
Notre interrogation était la suivante : suite au durcissement continu de la réglementation européenne, quel est l'impact des émissions des véhicules diesel récents, conformes à la norme Euro 6, entrée en vigueur en 2015 ?
Lorsque l'on s'intéresse aux conséquences du trafic routier sur l'environnement, il faut regarder deux catégories d'émissions : d'une part, les émissions de CO2 - elles ne présentent pas de danger direct pour l'homme, mais ce gaz à effet de serre est à la base du réchauffement climatique -, d'autre part, les émissions de polluants atmosphériques, qui altèrent la qualité de l'air et dont les impacts négatifs sur la santé sont avérés.
Le CO2 est donc un enjeu de santé pour notre planète, les polluants atmosphériques un enjeu de santé publique pour les êtres humains.
Parmi ces polluants figurent les particules fines, les oxydes d'azote, dits « NOx », les hydrocarbures et le monoxyde de carbone. La liste vaut si l'on s'en tient aux seuls polluants réglementés, mais il en existe de nombreux autres, sur lesquels des études commencent à voir le jour.
Si le moteur diesel a de meilleures performances en matière d'émissions de CO2, il produit davantage de particules fines et de NOx.
Pour les moteurs diesel récents, ce sont les NOx qui constituent le sujet de préoccupation principal, car la question des particules fines a été réglée en grande partie.
Pour mémoire et très rapidement, les particules fines se répartissent en trois catégories : les particules primaires émises à l'échappement des véhicules ; les particules secondaires formées dans l'air à partir de gaz précurseurs émis à l'échappement, en particulier les NOx ; s'y ajoutent les particules liées à l'abrasion - freins, pneus, routes -, souvent oubliées.
Il est aujourd'hui considéré que la norme Euro 5, entrée en vigueur en 2011, a permis de traiter la question des particules primaires, en obligeant de fait les constructeurs à doter tous leurs véhicules diesel de filtres à particules. Le plafond d'émission de particules autorisé est effectivement passé de 140 mg/km, pour la norme Euro 1, entrée en vigueur au début des années 1990, à 4,5 mg/km, soit trente fois moins.
La norme Euro 5 a complété ce plafond exprimé en masse par un plafond exprimé en nombre de particules, pour mieux tenir compte de la question des particules ultrafines.
Elle a aussi pris en considération le fait que les nouveaux moteurs à essence à injection directe émettent également des particules primaires, en leur imposant le même plafond de 4,5 mg/km, alors que les véhicules à essence n'étaient auparavant soumis à aucune contrainte dans ce domaine. La norme Euro 6 l'a accompagné d'un plafond exprimé en nombre, pour ces mêmes véhicules à essence.
Les experts considèrent que les filtres à particules sont efficaces contre ces particules primaires, lorsque, bien sûr, ils fonctionnent normalement. Voici, à ce titre, un extrait d'un avis de l'ADEME de juin 2014 : « Les véhicules diesel équipés émettent [...] un niveau de particules équivalent à celui des émissions issues des moteurs à essence ». Je ne reviendrai pas sur la pratique délictueuse consistant à ôter le filtre à particules, appelée défapage, abordée dans le cadre de la loi de transition énergétique.
Le problème des particules secondaires est plus complexe, celles-ci ne pouvant être filtrées mécaniquement à l'échappement. Comme elles sont en partie issues des NOx, elles renvoient elles aussi à ce sujet.
Je précise néanmoins que des études récentes ont mis en lumière le rôle des derniers moteurs à essence à injection directe dans la production d'aérosols organiques secondaires - AOS -, dans des proportions supérieures aux autres moteurs.
Enfin, les particules liées à l'abrasion restent une préoccupation, mais qui ne dépend pas du type de moteur thermique. Elles sont devenues proportionnellement plus visibles avec la diminution des émissions de particules primaires de combustion et, en 2013, représentaient plus de 40 % des émissions de particules du transport routier. Or, on n'en parle pratiquement pas !
Je ferme cette parenthèse sur les particules pour revenir aux NOx. Ce terme englobe l'ensemble des oxydes d'azote, mais, parmi eux, c'est le dioxyde d'azote - ou NO2 - qui est dangereux. Il s'agit d'un gaz toxique très irritant pour les voies respiratoires. De plus, il conduit à la formation de particules secondaires et d'ozone, eux aussi nocifs pour la santé.
Outre qu'un véhicule diesel émet plus de NOx, la proportion de NO2 au sein de ces NOx y est plus importante. Il a en outre été constaté que l'installation de certains filtres à particules pouvait encore augmenter cette part de NO2 parmi les NOx.
La réglementation européenne sur les émissions des véhicules régit les NOx pris dans leur ensemble, sans isoler en particulier le NO2. La justification qui nous a été donnée repose sur le fait que le monoxyde d'azote émis à l'échappement, non toxique à ce stade, se transforme inévitablement en NO2, toxique, une fois dans l'air. La question est de savoir quand et comment s'opère cette transformation, ce qui, à mon sens, ne rend pas totalement inintéressant le fait de quantifier la part de NO2 parmi les NOx émis à l'échappement, d'autant que c'est techniquement possible.
Bien que plus tardive que celle qui traite des particules, la réglementation sur les NOx a, elle aussi, été durcie au fil des ans. C'est à partir de la norme Euro 3, en vigueur en 2001, que ces émissions ont été limitées à 500 mg/km pour les véhicules diesel et 150 mg/km pour les véhicules à essence.
La norme Euro 6 établit désormais ce plafond à 80 mg/km pour les moteurs diesel et 60 mg/km pour les moteurs à essence, ce qui devrait en théorie conduire, là aussi, à une certaine convergence entre les deux motorisations.
Malheureusement, des écarts considérables entre ces limites théoriques d'émissions et leur niveau effectif, en conduite réelle, ont été mis au jour. Ils témoignent de failles importantes dans le processus européen d'homologation des véhicules. Nous l'avions constaté, ici même, dès janvier 2015.
Les tests d'homologation sont réalisés en laboratoire, sur des prototypes configurés par le constructeur pour être plus performants. On dénomme « voitures en or » ces véhicules qui, par exemple, ont des pneus sur-gonflés pour limiter les frottements ou l'alternateur débranché.
Le constructeur peut en outre choisir dans quel pays il décide d'homologuer son véhicule, ce qui peut l'inciter à rechercher le système le plus souple, alors que le véhicule peut ensuite être commercialisé dans toute l'Europe.
Le test en lui-même, dénommé NEDC, est très peu représentatif de l'usage réel des véhicules : il ne s'effectue que sur 11 km, avec une vitesse moyenne proche de 34 km/h, et à des températures clémentes - entre 20°C et 30°C.
En outre, l'essentiel de la procédure de l'homologation se joue avant la production du véhicule en série, peu de tests étant réalisés par la suite pour vérifier la conformité de la production, c'est-à-dire la conformité des véhicules commercialisés aux prototypes homologués, ou la conformité en service, censée vérifier la performance des systèmes de dépollution dans la durée, jusqu'à un certain kilométrage (160 000 km).
Les failles de cette réglementation sont apparues lorsque des organismes de recherche et des associations environnementales ont commencé à mesurer les émissions des véhicules en conditions réelles de conduite, en les faisant circuler sur route avec un dispositif de mesure relativement récent, appelé PEMS, pour Portable Emissions Measurement System, installé derrière leur coffre.
Si ce type de mesure est plus représentatif de la réalité, il rend les comparaisons entre véhicules plus difficiles, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas testés rigoureusement dans les mêmes conditions - notamment de température ou de météorologie. La notion de conduite « en usage réel » est par ailleurs relative, chaque conducteur ayant sa propre façon de conduire. Il s'agit néanmoins d'un indicateur précieux de la performance des véhicules « dans la vie réelle ».
Plusieurs organismes ont relevé un grand écart entre les émissions mesurées lors des tests d'homologation, qui respectent les plafonds autorisés, et les émissions mesurées en conduite réelle, qui ne les respectent pas.
Ces dernières atteignent, en moyenne, 4 à 5 fois la quantité des émissions autorisées pour les véhicules Euro 6, d'après la Commission européenne. Ce rapport atteint même le chiffre de 7 dans l'étude d'une association, et il s'agit, là encore, d'une moyenne. Il s'est accru avec le durcissement des normes d'émissions : plus celles-ci ont été sévères, plus les véhicules s'en sont écartés en conditions réelles de conduite.
Cet écart a été confirmé, plus récemment, par plusieurs autorités ayant réalisé de telles mesures depuis le scandale Volkswagen, comme la commission mise en place par Ségolène Royal : sur 23 véhicules Euro 6 testés à ce jour, 13 d'entre eux atteignent l'équivalent de 5 fois la limite d'émissions de NOx autorisées. Ce rapport peut aller jusqu'à 11 fois pour certains véhicules !
Cet écart se constate, bien que dans des proportions différentes, chez un grand nombre de constructeurs, qui ont su tirer parti des failles de la procédure d'homologation européenne, en « optimisant » les tests d'homologation.
Dans le cas de l'affaire Volkswagen, la situation est différente, puisqu'il s'agit d'une fraude avérée : un logiciel a été installé sur les véhicules pour détecter le cycle de test d'homologation et activer à plein le système de dépollution des NOx, qui est bridé le reste du temps.
La réglementation européenne interdit clairement cette utilisation d'un dispositif dit d'« invalidation ». Il n'est malheureusement pas impossible que d'autres constructeurs aient procédé à des fraudes similaires - des enquêtes sont en cours dans le monde entier à ce sujet.
Pour autant, même si les autres constructeurs n'ont fait qu'exploiter les failles de la réglementation, certains procédés interrogent.
Des constructeurs ont justifié leurs dépassements des plafonds d'émissions en conduite réelle par le fait que leurs véhicules ont été testés à des températures auxquelles les systèmes de dépollution ne peuvent fonctionner, sauf à détériorer le moteur. De fait, la réglementation européenne autorise le recours à un dispositif d'invalidation dans ce cas.
Mais, à y regarder de plus près, on se rend compte que la plage de température dans laquelle les systèmes de dépollution concernés fonctionnent bien peut être assez réduite. En tout cas, elle ne correspond pas à la réalité des usages du véhicule.
Cela pose, une fois encore, la question de la transparence sur la réalité du fonctionnement des systèmes de dépollution, d'autant que le règlement européen impose bien la limitation des émissions de polluants « tout au long de la vie normale des véhicules, dans des conditions d'utilisation normales ».
Ainsi, même lorsqu'il n'y a pas de fraude avérée, les écarts entre tests d'homologation et tests effectués en conduite réelle sont choquants, et l'on peut regretter que la prise de conscience à ce sujet ait été aussi tardive, comme le fait que les constructeurs n'aient pas, dans l'ensemble, « joué le jeu » de la transparence.
Il ne s'agit pas, en effet, d'un problème de technologie : même s'ils sont peu nombreux, certains véhicules respectent les normes européennes, y compris lorsque leurs émissions sont mesurées en conduite réelle. Le respect de ces normes est donc possible !
Chez d'autres véhicules, on constate des écarts moins importants entre les émissions dite « réelles » et le plafond réglementaire, la proportion étant de l'ordre de 1,3 à 2.
Pour réduire les émissions de NOx, les constructeurs ont installé sur la totalité des véhicules un système de recirculation des gaz dit « EGR », auquel ils ajoutent en général, soit un piège à NOx, soit la technologie SCR. Le piège à NOx, moins onéreux, est très présent sur le marché européen, mais il est moins efficace que la technologie SCR, plus chère et exigeant le recours à un additif composé d'urée. Les constructeurs ayant choisi cette technologie, malgré son coût et ses contraintes - l'utilisateur doit régulièrement faire procéder à la recharge de l'additif - obtiennent de meilleurs résultats.
Une fois ce bilan dressé, quelles recommandations pouvons-nous faire ?
La Commission européenne a engagé une procédure de révision de la procédure d'homologation, qui, vous l'aurez compris, était devenue indispensable.
Cette révision se divise en deux volets : la modification des tests d'homologation, qui sont définis par un comité technique, dans la mesure où il s'agit d'un acte d'exécution du règlement européen ; la modification de la procédure d'homologation en elle-même, aussi appelée « procédure de réception des véhicules », qui a fait l'objet d'une proposition de nouveau règlement par la Commission européenne.
S'agissant des tests d'homologation, il a été décidé que le test en laboratoire serait maintenu, malgré ses insuffisances, ce qui s'explique par la nécessité d'avoir un étalon de comparaison fiable entre les véhicules.
Mais le test NEDC devrait être remplacé en 2017 par un nouveau test, plus dynamique et proche de la réalité, dénommé WLTC. Ce cycle consiste en un parcours de 23 km, à une moyenne de 46 km/h, avec des pointes à 130 km/h, alors que le précédent ne dépassait pas 120 km/h. Il devra être effectué dans des conditions normalisées, pour éviter au maximum les optimisations relatives à la charge de la batterie, la masse du véhicule, etc.
Par ailleurs, ce test en laboratoire est accompagné, depuis le début de l'année 2016, d'un test en conditions de conduite réelles, à l'aide d'un PEMS, dont les résultats ne sont pour l'instant pas pris en compte.
Dans un deuxième temps, il devra y avoir une convergence progressive entre les résultats des deux tests. Pour cela, les États membres ont établi un facteur de conformité, qui détermine l'ampleur du dépassement autorisé des plafonds d'émissions réglementaires, lorsque les émissions sont mesurées en conduite réelle.
Les États membres ont trouvé un accord le 28 octobre 2015, fixant ce facteur de conformité à 2,1 pour septembre 2017, ce qui signifie que les émissions mesurées en conduite réelle ne pourront être supérieures de 110 % aux valeurs limites fixées par le règlement, puis à 1,5 en janvier 2020, ce qui autorise un écart de 50 %.
Cette marge de tolérance a été justifiée par le fait que le PEMS est une technologie récente et n'est pas aussi précis qu'un laboratoire de mesure.
Cet accord a fait beaucoup de bruit, certains considérant qu'une trop grande marge de tolérance était accordée aux constructeurs, d'autres estimant qu'il fallait leur laisser du temps pour adapter leurs véhicules.
Le 3 février 2016, le Parlement européen a finalement décidé de ne pas faire usage de son droit de veto, ce qui signifie que ce règlement devrait entrer en vigueur. Pour certains députés, il était préférable de voter un texte, même insuffisant, plutôt que de le rejeter et retarder encore l'adoption d'un dispositif contraignant.
La Commission européenne s'est engagée, de son côté, à ce que le comité technique réexamine chaque année le niveau de ce facteur de conformité. Il est aussi prévu qu'à l'avenir, la quantité de particules fines émises soit mesurée par le PEMS, mais aucune date n'a été prévue pour l'instant.
S'agissant du deuxième aspect de la réforme, c'est-à-dire la procédure d'homologation en elle-même, la proposition du règlement de la Commission européenne du 27 janvier 2016 prévoit plusieurs avancées.
Premièrement, une transformation du mode de financement des services techniques réalisant les tests d'homologation, afin de garantir leur indépendance. Les constructeurs ne les paieraient plus directement, mais verseraient une redevance à l'État, qui la redistribuerait ensuite auprès des services techniques.
Deuxièmement, la réalisation d'audits réguliers et indépendants de ces services techniques. Ces audits devront permettre de vérifier la qualité des mesures effectuées.
Troisièmement, l'introduction de contrôles réguliers, effectués par sondage, sur les véhicules déjà commercialisés. Il s'agira de repérer les véhicules qui ne sont pas conformes au modèle homologué.
Quatrièmement, la mise en place d'un système de supervision de la procédure de réception des véhicules par la Commission européenne. Celle-ci, qui n'a aujourd'hui aucun pouvoir dans ce domaine, pourrait désormais suspendre l'activité des services techniques insuffisamment rigoureux et faire procéder elle-même à des tests de vérification ex post, alors que cette responsabilité relève aujourd'hui des États membres dans lesquels les tests d'homologation ont été effectués. Elle pourrait aussi demander le retrait des véhicules non conformes et imposer des sanctions aux constructeurs.
Ces mesures vont dans le bon sens, même si l'on peut regretter qu'elles interviennent aussi tard - nous en sommes, pour ce règlement européen, au début de la procédure, alors que la Commission a commencé à travailler sur cette distorsion en 2011.
Elles pourraient certainement être améliorées ou complétées, par exemple par une identification de la proportion de NO2 émise à l'échappement ou par un meilleur encadrement de l'utilisation de dispositifs d'invalidation justifiés par la nécessité de protéger le moteur, car cette disposition peut donner lieu à des dérives, comme on l'a vu.
De façon générale, davantage de transparence doit être exigée sur le fonctionnement concret de ces systèmes de dépollution. Il faudra s'assurer que ces mesures sont effectivement mises en oeuvre, y compris dans leur esprit, pour éviter que les constructeurs se livrent à de nouvelles « optimisations ».
L'autre question qui se pose est celle de savoir si la technologie diesel a encore un avenir.
Nous devons évidemment nous projeter, le plus rapidement possible, dans une économie décarbonée. Je rappelle qu'une étude sénatoriale réalisée, voilà quelques mois, sur le coût de la pollution de l'air en France a évalué celui-ci à 100 milliards d'euros. Si l'on compare ce montant au budget de l'État, on comprend qu'il y a là un véritable sujet de préoccupation.
Je suis donc très favorable au développement des véhicules électriques ou à hydrogène, sous réserve que leur bilan environnemental à l'échelle du cycle de vie soit effectivement meilleur que celui des autres véhicules.
Il faut ainsi veiller à l'origine de l'énergie utilisée, et s'attacher à résoudre la question du recyclage des batteries. De la même façon, pour les véhicules à hydrogène, la prudence doit être de mise, dans la mesure où plus de 95 % de l'hydrogène est aujourd'hui obtenu à partir de ressources fossiles comme le charbon ou le gaz naturel. On peut en produire par électrolyse de l'eau, mais à un coût très élevé.
Ces technologies ne sont, en 2016, pas encore suffisamment développées techniquement et industriellement pour se substituer totalement aux véhicules à moteur thermique. Elles sont encore chères, et les infrastructures de recharge ou d'approvisionnement doivent être étendues. Toutefois, ces technologies progressent rapidement.
Durant cette période de transition, le diesel restera pertinent sur certains segments de marché, surtout si les constructeurs dont les véhicules s'écartent des normes en conduite réelle s'engagent dans la correction de ces écarts, comme cela semble être le cas.
La technologie diesel reste plus intéressante que celle qui utilise de l'essence au regard de la lutte contre le réchauffement climatique, même si les derniers moteurs à essence affichent des performances meilleures que par le passé en matière d'émissions de CO2 - je dis bien « affichent », car il s'agit en général de données mesurées en cycle NEDC, dont on a vu les limites.
Un véhicule diesel consomme structurellement moins qu'un véhicule à essence, parce que son rendement énergétique est meilleur et que le gazole a une densité énergétique plus élevée que l'essence. Il émet en conséquence moins de CO2 - l'écart est d'environ 10 % à 20 %.
C'est pourquoi un organisme comme l'ICCT - qui a pourtant contribué à la découverte du scandale Volkswagen - encourage le développement de moteurs diesel propres, en insistant sur le fait que le respect des normes actuelles en conduite réelle est technologiquement possible.
La réglementation européenne pour les émissions de CO2 diffère de celle qui concerne les émissions de polluants, dans la mesure où c'est la moyenne de l'ensemble des véhicules effectivement vendus sur une année par un constructeur qui est plafonnée, et non les émissions de chaque véhicule pris individuellement. Ce plafond, de 130 g/km aujourd'hui, sera réduit à 95 g/km à partir de 2020. Lorsqu'il n'est pas respecté, les constructeurs sont soumis à des pénalités pouvant être importantes.
Dans ce contexte, et sauf boom des ventes de véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène, d'ici à 2020, les motorisations diesel, bien que de plus en plus chères, seront encore nécessaires pour que les constructeurs respectent ces plafonds, et l'Europe ses engagements en matière d'émissions de CO2.
Mais le discours dépréciatif dont le diesel fait l'objet pourrait rendre leur vente plus difficile, ce qui compliquera la tâche des constructeurs, dans la mesure où la moyenne des émissions de CO2 est calculée, non pas sur la gamme proposée, mais sur l'ensemble des véhicules effectivement vendus dans l'année.
Un rééquilibrage s'est déjà produit en faveur de l'essence, puisque la proportion des véhicules diesel neufs vendus en France a chuté de 73 % en 2012 à 58 % en 2015.
Outre la détérioration de l'image du diesel et l'évolution des besoins de mobilité des Français, ce recul s'explique surtout par le renchérissement du coût du diesel imposé par le développement des systèmes de dépollution consécutif au durcissement des normes. De fait, les constructeurs ne proposent plus cette technologie diesel pour les véhicules d'entrée de gamme. L'augmentation du coût du diesel devrait d'ailleurs se poursuivre avec les réformes en cours et conduire certains consommateurs à se tourner vers des véhicules hybrides.
Sur le plan des émissions de polluants, on observe un phénomène progressif de convergence entre les motorisations essence et diesel.
D'un côté, les nouveaux moteurs à essence à injection directe émettent davantage de particules primaires et secondaires que par le passé. De l'autre côté, les moteurs diesel des constructeurs ayant joué le jeu ont réduit leurs émissions de NOx, et les plafonds auxquels ils sont soumis se rapprochent de ceux qui sont fixés pour les moteurs à essence : 80 mg/km pour les véhicules diesel et 60 mg/km pour les véhicules essence.
On ne sait d'ailleurs pas dans quelle mesure les véhicules à moteur à essence à injection directe respectent ce plafond de NOx en conditions réelles de conduite. Il faudrait réaliser des tests pour le mesurer.
Pour résumer, l'avenir appartient aux énergies décarbonées, et le plus tôt sera le mieux. Mais durant cette période de transition, le discours ambiant sur le diesel doit être nuancé. S'il est certain que le diesel ancien était très polluant, la norme Euro 6 l'a tout de même fait évoluer.
Il est effectivement scandaleux d'avoir laissé prospérer de tels écarts entre les plafonds d'émission et les émissions réelles pendant tant d'années, et des réponses doivent y être apportées, sur le plan répressif comme préventif, pour que les véhicules soient moins polluants à l'avenir.
Mais, dans l'attente du développement de véhicules fonctionnant avec une énergie sans carbone, la technologie diesel en elle-même ne doit pas nécessairement être abandonnée, surtout qu'elle est sur le point d'atteindre une sorte de maturité, ce qui n'est pas nécessairement le cas des derniers moteurs à essence à injection directe. Dans ce contexte, interdire tous les véhicules diesel en centre-ville, même les plus récents, comme certains le proposent, pourrait s'avérer contre-productif, si cela conduit à les remplacer par des véhicules à moteur à essence à injection directe.
De plus, les évolutions technologiques dont nous parlons ne se font pas du jour au lendemain, et nécessitent des investissements importants de la part des constructeurs, dans la durée. Balayer d'un revers de main une technologie, c'est se priver de tous les développements et améliorations qui y ont été apportés. Il faudra néanmoins s'assurer que les rejets d'ammoniac engendrés par la technologie SCR resteront limités.
Cet appel à un discours nuancé s'applique aussi aux poids lourds, en particulier aux autobus et autocars.
J'évoque rapidement cette question, car la loi de transition énergétique a imposé des contraintes aux entités publiques responsables de services de transport en matière de renouvellement de leur flotte, qui devra s'effectuer par des véhicules « à faibles émissions » de polluants et de gaz à effet de serre, définis par décret.
Or, le projet de décret qui nous a été transmis exclut totalement les véhicules essence et diesel Euro VI, alors qu'ils peuvent être très performants. En outre, on ne retrouve pas le même problème d'écart entre valeurs d'homologation et valeurs réelles d'émissions chez les poids lourds, celles-ci étant mesurées différemment.
L'un des biais de ce décret est de déterminer les véhicules « à faibles émissions » en fonction de la technologie utilisée, et non du niveau d'émissions de polluants ou de gaz à effet de serre effectivement mesuré. Cela n'est pas conforme au principe de neutralité technologique que nous avions recommandé dans le cadre de la loi de transition énergétique et que le représentant de l'Ademe, lui-même, a soutenu devant nous.
Pour terminer, cette question des véhicules diesel récents ne doit pas nous faire perdre de vue d'autres leviers fondamentaux d'amélioration de la qualité de l'air. En restant dans le domaine des transports, le parc de véhicules diesel ancien en circulation demeure la première des priorités. Là se trouve le plus grand gisement actuel d'amélioration de la qualité de l'air pour nos concitoyens.
Une autre question, à peine abordée, mériterait d'être travaillée : celle du parc des deux-roues en circulation, qui constitue une source importante de polluants atmosphériques. Or, les deux-roues sont particulièrement bien adaptés à l'énergie électrique : ils sont moins lourds que les voitures, ce qui facilite le recours à cette technologie tant sur le plan technique qu'économique, et effectuent en général des trajets courts, ce qui simplifie les recharges. Dans ce contexte, il faudrait, me semble-t-il, mener une action plus volontariste sur les deux-roues.
Chers collègues, la complexité du sujet m'a obligé à être un peu long, mais j'espère vous avoir apporté des éléments d'information et d'analyse utiles, comme cela m'avait été demandé, et suis à votre disposition pour toutes les questions que vous auriez à ce sujet.
Merci pour cette présentation. Je vais maintenant laisser la parole à nos collègues.
Ayant eu le plaisir de suivre l'essentiel des auditions, je partage les constats et orientations que Louis Nègre vient de présenter.
Comme lui, ma position a pu évoluer au cours de ce travail. J'ai notamment le souvenir de notre rencontre avec les représentants d'Airparif, un moment fort qui nous a permis de comprendre que les émissions de polluants n'étaient pas dues aux seules voitures, mais provenaient aussi de l'ensemble de nos comportements, voire de rejets de régions ou pays voisins.
Je partage également l'idée selon laquelle le diesel deviendra un carburant comme les autres, dès lors que les constructeurs automobiles voudront bien employer la technologie SCR.
Les positions adoptées par Louis Nègre sur l'économie carbonée permettent de progresser dans la problématique et j'apprécie que ce dernier soit en « avance » par rapport à ses collègues de la droite. Il importe effectivement que nous puissions évoluer vers une société sans pollution.
Il n'a pas été rappelé qu'à l'heure actuelle les règles européennes ne prévoient pas de normes pour la combustion des deux-roues.
Ce ne serait pas mal d'en être à Euro 6 !
Cette remarque incidente faite, je me permets de déplorer, même si, à nouveau, je partage les attendus du rapport, qu'une dernière réunion du groupe de travail n'ait pas été organisée, dans un souci de transparence totale, afin de partager le contenu de ce document et d'en débattre. Je le dis avec d'autant plus de force que j'ai été de ceux qui ont suivi le dossier et ont vu leur position évoluer au gré des auditions.
Mais ce rapport apportera beaucoup, et il faudra s'en imprégner !
Je salue également la qualité du rapport de Louis Nègre, qui, une fois de plus, a travaillé avec passion.
Sur un plan général, l'opinion publique est déboussolée et, après avoir vu le diesel encouragé pendant des années, s'interroge sur la crédibilité des responsables politiques.
Quelle est la proportion exacte de véhicules à essence et de véhicules diesel dans le parc entier, camions et voitures confondus ?
Le rapporteur évoque une transition... Combien de temps prendra-t-elle ? Compte tenu de leur développement, les véhicules électriques ne vont-ils pas s'implanter avant même que la transition entre diesel et essence ne soit opérée, ce qui, naturellement, ne fera pas l'affaire des pétroliers ?
Enfin, ce sont les plus démunis, c'est-à-dire les détenteurs des voitures diesel les plus anciennes, qui vont être pénalisés, car ils devront se débarrasser de véhicules ayant perdu toute valeur. Pourra-t-on envisager des dispositifs de dédommagement ?
Je salue la précision de ce rapport, qui porte sur un sujet complexe.
En fin de présentation, la vétusté des véhicules et la nécessaire révision du parc diesel ancien ont été évoquées. Or les tests sont effectués sur des véhicules neufs, en situation de conduite normale. Le facteur de la vétusté, laquelle, à mon sens, peut aggraver ou modifier l'émission de particules, est-il pris en compte dans ces tests ?
La proportion de véhicules neufs diesel serait passée de 73 % à 58 %, mais peut-être faut-il tenir compte de la longévité des véhicules diesel... Parce que leur durée de vie est plus longue, on en change moins ! Mais, de ce fait, ne sont-ils pas plus polluants ?
Je crois beaucoup aux véhicules hybrides, qui utilisent leur propre énergie ou une énergie externe en complément du carburant fossile. De ce fait, la consommation de carburant fossile est moindre, ainsi que les émissions, notamment de NOx.
Selon moi, mais ce n'était pas l'objet du rapport, un travail est également à mener sur la qualité des carburants, mais personne ne s'exprime vraiment sur le sujet... Nous ne savons pas s'il est possible d'aller plus loin, en particulier sur le diesel.
Je conclurai en indiquant que je roule en Zoé, véhicule électrique, depuis deux ans. J'en suis très satisfait. Beaucoup peut encore être fait, notamment sur la longévité des batteries. Mais cette voiture est agréable à plusieurs titres : à la satisfaction de ne pas polluer, s'ajoute celle d'une conduite beaucoup plus calme.
Je m'associe aux remerciements exprimés à Louis Nègre pour ce rapport très complet.
Ayant participé aux travaux de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air, je peux confirmer le niveau effrayant atteint par ce coût. On se souviendra que, dans le cadre de cette enquête, un des témoins nous a trompés sur les chiffres relatifs à la pollution au diesel.
La pollution de l'air est tout de même liée, en grande partie, à l'utilisation de l'automobile. À ce titre, je voudrais revenir sur le mensonge éhonté de Volkswagen et, aujourd'hui, sur la probable affaire Mitsubishi. Avec de tels scandales, quelle crédibilité le grand public accordera-t-il aux résultats futurs ? La population n'est-elle pas en droit de s'interroger : puisqu'on lui ment, pourquoi devrait-elle changer de véhicules ou modifier ses comportements ?
Comment un consommateur qui souhaite acheter un véhicule peut-il s'orienter dans l'ensemble des normes en vigueur ? Les concessionnaires, tout aussi perdus, risquent de lui tenir des discours discordants, les uns ayant retenu que le diesel respectant les normes actuelles est moins nocif que l'essence, les autres qu'un problème d'accès des véhicules diesel aux centres-villes pourrait se poser dans quelques années.
Bien évidemment, je suis favorable aux énergies décarbonées, mais il faut tenir compte du problème social qui a été évoqué. Interdira-t-on aux détenteurs de véhicules diesel anciens de rouler en ville ? Les obligera-t-on à changer de voitures ? Seront-ils accompagnés financièrement dans ces démarches ?
Sur les 23 véhicules Euro 6 testés par la commission mise en place par Mme Royal, seuls 10 présenteraient des résultats inférieurs à 5 fois le niveau d'émissions autorisé, certains respectant même ce plafond. Mais, d'après mes informations, il s'agit des véhicules les plus chers.
Sait-on s'il serait possible de pratiquer, un jour, de tels tests en situation réelle sur des véhicules à essence, notamment à injection directe ?
Vous vous êtes exprimé, monsieur Nègre, sur le projet de décret, qui, légitime pour les véhicules particuliers, serait plus étonnant pour les autobus et poids lourds. D'après le représentant de l'IFPEN, les normes pour ces véhicules sont effectivement sévères et respectées et, en conséquence, on peut faire confiance à la norme Euro VI.
Vous n'avez pas évoqué les véhicules utilitaires légers fonctionnant au diesel, malgré la prégnance du sujet. Les artisans et commerçants qui utilisent ce type de véhicules sont extrêmement préoccupés par l'évolution de la réglementation.
Je remercie à mon tour Louis Nègre pour la qualité de son rapport. En l'entendant présenter ce condensé très technique et très clair, je regrette moins de ne pas avoir pu participer aux auditions.
Je partage également l'objectif d'une orientation vers une économie décarbonée, mais la question se pose du rythme de cette évolution, des moyens qui lui sont consacrés, de l'information du consommateur et de l'aide aux plus démunis. Le sujet devra être traité à l'avenir.
Je peine à comprendre le rôle respectif de l'Union européenne et de la France dans ce domaine. Le point mériterait des éclaircissements. Les autorités françaises conservent-elles des prérogatives spécifiques ? Quelles sont-elles ? Quelle est la part de responsabilité de chacun quant aux failles constatées ? D'autres fraudes ont-elles été commises ?
Il est aussi absurde de prétendre que le diesel est bon que d'affirmer le contraire. La solution, évidemment, n'est pas binaire et il faudra être en mesure de fournir des éléments d'information et d'analyse à nos compatriotes.
Il me semble donc qu'il manque un chapitre à ce rapport, concernant les solutions à mettre en place. Faut-il adresser une proposition de résolution sur les règlements en cours ? Le gouvernement français doit-il prendre position sur ces règlements ou mettre en place une réglementation nouvelle ? Faut-il instaurer une prime à la casse ?
Je voudrais, à la suite des précédents intervenants, féliciter le rapporteur pour la qualité de ses travaux. Sa synthèse met en lumière la convergence entre moteurs à essence et moteurs diesel en termes de pollution par émission de particules fines. En définitive, compte tenu des progrès considérables dans le domaine du diesel, les véhicules à injection directe d'essence se révèlent polluer davantage que ceux qui utilisent le diesel !
S'agissant de la transparence et des normes, parfois nécessaires, ne faudrait-il pas, à un moment donné, effectuer les tests d'homologation en situation de conduite réelle ?
Dans ses recommandations, le rapporteur évoque la nécessité de revoir le parc de véhicules diesel anciens, le plus polluant, et la reconversion vers les véhicules hybrides ou véhicules à hydrogène. Parallèlement, nos constructeurs semblent mettre un frein à leurs recherches sur le diesel. Comment l'industrie automobile française se positionne-t-elle sur ces sujets, notamment par rapport aux autres pays européens ?
Je m'associe à l'ensemble des félicitations exprimées.
Tous les véhicules doivent pouvoir être comparés selon les mêmes règles. C'est pourquoi le test en laboratoire ne me choque pas en soi : il peut parfaitement servir de base.
Qu'en est-il des améliorations portant sur le carburant lui-même ? J'ai du mal à imaginer que l'on ne puisse pas progresser sur ce sujet.
Peut-on développer un peu la question des moteurs à hydrogène ? Je crois, moi aussi, aux véhicules électriques, mais il faut bien distinguer véhicules familiaux et utilitaires. Difficile d'imaginer des poids lourds roulant à l'électricité !
Enfin, je m'arrêterai sur l'utilisation qui sera faite de ce rapport. Le public est réellement désorienté. Il faudrait donc que ce rapport puisse déboucher sur des préconisations concrètes, susceptibles d'être transmises aux différents gouvernements - ceux-ci changeant plus souvent que l'on ne change d'automobile...
Je me joins aux félicitations exprimées. Le rapport fait apparaître un questionnement sur les agences d'homologation nationales. Le versement d'une contribution à l'État constitue un premier développement intéressant, mais n'est-il pas nécessaire, au-delà, de créer une agence européenne chapeautant ces agences d'homologation ?
Je salue également la qualité et l'objectivité de ce rapport.
Dans le cadre des auditions, nous avons rencontré un constructeur français ayant beaucoup travaillé sur les filtres à NOx. Mais quel est l'avis du rapporteur sur la question des véhicules à hydrogène ? Les constructeurs japonais et allemands se sont lancés dans cette technologie. Il ne faudrait pas que les constructeurs français, qui ont déjà pris du retard sur les véhicules électriques et les véhicules hybrides à essence, en prennent également sur le développement de ces véhicules à hydrogène. À ce titre, je signale qu'une technologie a également été mise au point par l'un de nos constructeurs - l'hybride à air -, mais, du fait d'un marché insuffisant, elle ne peut être développée.
Vous avez compris, mes chers collègues, qu'en entrant dans le détail du dossier j'en ai saisi toute la complexité et je ne suis pas certain, n'étant pas motoriste, de pouvoir répondre à certaines questions très pointues. Néanmoins, je vais vous apporter quelques précisions.
Nos réunions ont été très ouvertes, nous avons entendu autant de personnes qu'il était possible d'entendre, mais, en qualité de rapporteur, monsieur Filleul, il me revenait d'établir le rapport. C'est un énorme travail qui a été réalisé et, dans ce cadre, je n'ai pas envisagé d'organiser une pré-réunion pour une présentation, en petit comité, du rapport.
En revanche, vous avez raison d'évoquer notre rencontre avec les représentants d'Airparif.
Il n'est certes pas indiqué dans le rapport que la part de la pollution causée par les véhicules diesel Euro 6 dans le litre d'air que l'on respire à Paris, par exemple, est très faible. Nous avons découvert, à l'occasion de cette audition, que nos amis allemands pouvaient aussi contribuer à cette pollution, que l'abrasion jouait un rôle certain, etc.
L'opinion publique a donc été focalisée sur la question du diesel, mais il faut raison garder : les véhicules diesel Euro 6 ne sont pas les premiers responsables de la pollution.
En travaillant sur le dossier, j'ai également découvert la convergence entre diesel et essence en matière d'émissions et la différence entre le « diesel Euro 6 » et les autres diesels. Ainsi, si nous voulons réellement traiter le problème de la pollution de l'air, notre priorité doit être, non pas de focaliser l'attention sur les véhicules diesel Euro 6, mais de s'attaquer au gisement majeur de pollution, soit au parc ancien.
Il existe donc d'autres pistes et, en entendant une palette très large d'acteurs, nous sommes parvenus à la conclusion que l'on nous poussait probablement à regarder le doigt, alors que le sage désignait la lune !
L'opinion publique est effectivement un peu perdue. L'industrie automobile n'a pas respecté la transparence qui s'imposait. La Commission européenne a détecté le problème d'écart en 2011. Des scientifiques l'avaient mis à jour, mais l'information n'était pas sortie d'un cercle fermé. Et voilà que le citoyen de base découvre autre chose que ce qu'on lui a vendu ! Cela explique la perte de crédibilité des autorités publiques au sens large.
Le rapport préconise donc le respect de la plus grande transparence, même si la « vérité » scientifique évolue en permanence.
En 2015, 68 % du parc automobile fonctionne au diesel, mais, comme je l'ai signalé, les ventes enregistrent une chute brutale.
Qu'en est-il de la durée de transition ? En 2011, année où j'ai établi un rapport sur le véhicule électrique, il n'y en avait pas sur le marché. En 2016, cette catégorie atteint 1 % des ventes de véhicules neufs. Certains pays, comme la Norvège, sont très avancés dans ce domaine et l'on trouve des autocars électriques chinois à Barcelone.
Cela m'amène d'ailleurs à évoquer la politique industrielle de notre pays. Aujourd'hui, population et médias réclament des véhicules décarbonés, c'est-à-dire électriques. Ces véhicules existent... en Chine ! Par conséquent, où allons-nous ? Quand, demain, le Stif ou la RATP souhaiteront commander 600 bus électriques, vers qui se tourneront-ils ? À mes yeux, il y a là un véritable problème de fond.
Les véhicules électriques ont incontestablement un avenir. Voilà quatre ou cinq ans, personne n'en avait ; aujourd'hui, nous sommes trois dans la salle à rouler en Zoé !
Le facteur de la vétusté est pris en compte grâce aux contrôles techniques, tout véhicule ne répondant pas à la norme devant être obligatoirement réparé. J'ai même fait entrer dans la loi certains contrôles de particules, qui n'existaient pas par le passé.
La question des véhicules hybrides n'entrait pas dans le périmètre du rapport. Je ne me prononcerai pas sur le sujet, qui doit néanmoins être approfondi. Dans ce domaine, l'industrie française a incontestablement pris du retard, notamment face aux Japonais.
La qualité des carburants n'était pas non plus au coeur de la problématique, mais c'est sans aucun doute une piste de progrès, qui doit être examinée de plus près.
Par ailleurs, si le moteur diesel n'a pratiquement pas évolué entre 1945 et les années 1990, aujourd'hui, une norme nouvelle est publiée tous les deux ou trois ans. Dans un tel contexte, il faut effectivement travailler à l'information du consommateur.
Je l'ai dit, je suis favorable à une évolution vers des véhicules décarbonés, et la volonté affichée par les pouvoirs publics en la matière sera fondamentale. Pour autant, on ne pourra pas, du jour au lendemain, supprimer le diesel et imposer les véhicules électriques.
L'action publique doit porter sur le gisement de dépollution, c'est-à-dire le parc de véhicules diesel antérieurs à Euro 6.
Un précédent gouvernement - de droite - avait établi un système de bonus-malus, une sorte de prime à la casse. Le système a été abandonné sous la pression de Bercy, car les volumes de bonus augmentaient, tandis que ceux des malus diminuaient.
À son tour, Ségolène Royal a instauré une prime de 10 000 euros, mais à ce jour, son succès est limité. C'est donc une mesure d'annonce, qui ne produit pas les effets suffisants sur le terrain. Mais il faudrait effectivement revenir à un dispositif de bonus-malus.
Nous souhaitons que tous les véhicules puissent être testés en conditions réelles. C'est un vrai sujet de mobilisation !
S'agissant des véhicules légers diesel, dès lors que tout véhicule à énergie fossile produit des polluants atmosphériques, la solution est connue. Les Chinois et les Allemands s'attaquent également à ce créneau. Nous, nous savons ce qu'il va se passer, mais sommes incapables d'anticiper ces évolutions, d'où le grave problème que je signalais précédemment autour de la politique industrielle de notre pays.
Il en va de même pour les véhicules à hydrogène. Au Japon, Toyota sort ses premiers véhicules à destination du grand public, avant de prochaines sorties aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre et au Danemark. En dix ans, le groupe est passé du prototype à 1 million d'euros à la voiture commercialisable à 30 000 euros. En France, seule l'absence de pompe à hydrogène freine son avancée.
J'insiste donc sur le retard pris par notre politique industrielle. Depuis nos performances sur le filtre à particules, plus aucun progrès n'a été enregistré et, face à la mondialisation, notre position risque de devenir intenable. Il faut donc s'orienter le plus rapidement possible vers la décarbonation.
Dans le cadre d'une visite du centre technique de PSA à Vélizy, un petit véhicule hybride à air nous a été présenté. Comme je l'ai souligné, ce projet ne peut être développé, faute de marché suffisant. En revanche, le groupe PSA sortira un véhicule hybride à essence rechargeable d'ici à deux ans.
Oui, il en existe en France, avec quelques stations. Mais, à nouveau, j'ai utilisé des autocars à hydrogène à Munich voilà déjà dix ans !
L'hydrogène est probablement ce qui se fera de mieux à l'avenir. Mais plusieurs questions se posent : d'une part, la pile à combustible actuellement utilisée comporte du platine ; d'autre part, des deux modes de production de l'hydrogène, l'un est très onéreux et l'autre repose sur l'utilisation d'énergie fossile.
Enfin, je suis d'accord sur le fait que les tests en laboratoire peuvent être conservés. Quant à l'agence européenne, nous préconisons bien un contrôle de l'ensemble des dispositifs par la Commission européenne, mais pour l'instant, nous n'en sommes qu'aux débuts.
La réunion est levée à 11 heures 15.