Nous sommes ouverts à la discussion.
Il est vrai que j'ai une holding basée à l'étranger ; mais résidant moi-même à l'étranger, je n'ai pas de raison de l'installer en France...Quant à mon choix d'habiter en Suisse, il s'explique par la difficulté de conduire des affaires sur notre territoire. En 1991, créer une société à responsabilité limitée (SARL) au capital de 50 000 euros relevait du parcours du combattant ; encore étais-je en mesure, à l'époque, de faire moi-même les fiches de salaire ! À New York, recruter prend deux minutes ; se séparer d'un salarié, deux minutes trente ; et celui-ci trouvera un autre travail en trois minutes... Nous sommes entourés de gens plus simples que nous. Certes, nous sommes intelligents, mais l'intelligence nuit à la rapidité, dont l'entrepreneur a grand besoin.
Cela empêche-t-il d'investir ? Au contraire, un groupe international a des capacités d'investissement plus importantes. L'optimisation fiscale n'est pas la fraude fiscale : qui, parmi vous, s'efforce en remplissant sa déclaration de revenus de payer plus d'impôts ? L'optimisation est une notion mathématique, et elle est confiée à des directeurs fiscaux.
Comment ai-je levé autant de capital ? À vrai dire, je suis moins bon que l'agence France-Trésor, qui en lève plus que moi, à de meilleurs taux, sur un bilan moins brillant que celui de mon groupe ! Nous avons les mêmes banquiers. De qui s'agit-il ? De fonds, qui sont rarement installés à Paris mais sont plutôt à Londres, New York ou Pékin. Ils sont gérés par des personnes physiques, parmi lesquelles il y a beaucoup de Français. À Londres, des Français prêtent à des Français...Comme ces fonds sont nombreux, je traite avec des intermédiaires : par exemple, BNP Paribas. Pourquoi ne sont-ils pas à Paris ? Parce que tout y est trop compliqué. À vous d'harmoniser tout cela...
J'ai appris ce qu'est le service public lorsque j'ai repris, en 1994, le réseau de Montreuil. Je signais alors des conventions avec les communes au gré à gré. J'ajoute que mes parents étaient professeurs.
Oui, SFR paie ses impôts en France, et il en paie beaucoup ! C'est grâce à moi - ou à cause de moi - puisque je l'ai rendu profitable. Numericable croulait sous les pertes et les dettes, et n'avait donc jamais payé d'impôts. Je l'ai repris, et à partir de 2009 il a fallu en payer.
La consolidation n'est pas indispensable pour moi. La France représente un peu moins de la moitié de mon chiffre d'affaires. Pourquoi ne s'est-elle pas faite ? Bonne question ! J'ai fait une proposition le 3 juin 2015, en mettant même un prix sur la table. L'État, qui avait dit oui, s'y est finalement opposé, un dimanche, publiquement. Et il a soutenu le champion national, six mois plus tard, mais l'opération s'est alors avérée trop compliquée. Je ne pense pas que le marché gardera longtemps quatre opérateurs, mais je n'ai pas l'intention de prendre l'initiative en ce domaine. La consolidation aurait été bénéfique au consommateur français et aurait aidé les industriels français à se développer à l'étranger. Résultat : Orange fait de petites acquisitions en Afrique au lieu d'acheter British Telecom ou Telecom Italia. De fait, le marché national, qui constitue 60 % de son chiffre d'affaires, est difficile. Devons-nous être fier qu'en France, un service qui coûte 80 euros ailleurs soit vendu 14 euros ? Les industriels chinois ont réussi en vendant cher sur le marché domestique et moins cher ailleurs. Après tout, prendre un café chaque jour coûte 45 euros par mois. Est-ce normal que ce soit plus cher qu'un abonnement au très haut débit, pour lequel des milliards d'euros ont dû être investis ?
Je suis très fier de ce que j'ai fait pour la presse. On ne m'a rien demandé, et j'ai sauvé un titre, puis un autre. J'ai trouvé un modèle économique qui sera imité, en intégrant ces titres dans un groupe télécom. Je n'interviens nullement dans les rédactions. Les titres disponibles sur l'application SFR sont visibles par douze millions de personnes, et vus par des centaines de milliers de lecteurs. Je numérise la presse, en développant notamment les vidéos. Nous avons lancé hier soir BFM Sports, et lancerons bientôt BFM Paris. Il y a longtemps que de nouvelles chaînes n'étaient pas apparues.
Mon concurrent n'a pas accéléré le déploiement de la fibre parce que le Gouvernement l'a décrété, mais parce que je l'avais fait et qu'il a essayé de me rattraper. Il est d'ailleurs étrange qu'il tire la fibre là où je l'ai déjà installée... En achetant SFR, j'ai trouvé une situation où Orange avait 80 % de la zone AMII. Cela me rappelait le plan câble ! En zone dense, SFR avait cinq ans d'avance. Pourquoi France Telecom aurait-il dû prendre la même avance sur moi ailleurs ? J'ai demandé un partage égal. Là où nous avions du câble, nous rétrocédions le droit de déploiement à Orange. Sinon, pourquoi nous limiter ? Je veux investir plus. Nous pourrions aller jusqu'à 7,5 millions de prises chacun. Cela dit, je suis prêt à faire des doublons, car je ne souhaite pas être locataire du réseau des autres. À moins que vous ne souhaitiez reconstituer un monopole en faveur d'Orange...Mais quand le câble était géré par France Télécom, cela ne fonctionnait pas. C'est moi qui l'ai fait marcher, après l'avoir acheté. À New York, le réseau téléphonique et le réseau câblé étaient concurrents : le premier n'a que 30 % du marché. En France, il en a 80 % !
Je suis moins gêné par les dispositions du projet de loi sur la République numérique que par les lois précédentes. Le plan fibre ne convient pas. Nous serons les seuls à atteindre l'objectif, qui était de 12 millions de foyers fibrés en 2017 : Orange n'atteindra que 9 millions de foyers.