Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de la convention de Minamata sur le mercure, qui tire son nom d'une baie du Japon polluée par le mercure déversé par une usine chimique et dont la population a été gravement intoxiquée pendant une trentaine d'années. Les symptômes physiques et neurologiques graves et permanents observés ont été désignés sous le nom de maladie de Minamata.
En février 2009, le 25ème Conseil d'administration du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), la plus haute autorité sur les questions d'environnement au sein du système onusien, a décidé d'encadrer l'utilisation de ce métal lourd dans un instrument juridiquement contraignant. Les négociations ont conduit à l'adoption de la convention de Minamata par 140 États, en janvier 2013. C'est la première convention contraignante qui traite exclusivement du mercure et de ses composés.
Le mercure est une substance hautement toxique aux effets néfastes sur la santé humaine : il peut affecter le cerveau, le système nerveux, la vision, l'ouïe, les reins, les poumons, le système immunitaire et le système cardio-vasculaire. Ce neurotoxique cause des dégâts neurologiques irréversibles. Aucun niveau d'exposition au mercure élémentaire n'est sans risque pour le corps humain. Y sont particulièrement sensibles: les foetus, les nouveau-nés et les jeunes enfants du fait d'une exposition in utero et/ou de l'alimentation au lait maternel en raison de la sensibilité de leur système nerveux en développement, ainsi que les personnes subissant une exposition chronique à des niveaux élevés de mercure, comme les populations qui pratiquent la pêche de subsistance ou qui ont une activité professionnelle en relation avec le mercure.
Le mercure est une substance hautement toxique aux effets néfastes sur l'environnement : il est particulièrement dangereux du fait de sa persistance dans l'environnement. Une fois rejeté, il peut circuler sous différentes formes dans l'air, l'eau, les sédiments, les sols et le biote. Il peut ainsi être transporté sur de très longues distances dans l'atmosphère et a tendance à s'accumuler dans les régions plus froides. Environ 200 tonnes de mercure se déposent chaque année au nord du cercle arctique, généralement loin des sources d'émissions. Dans les milieux aquatiques, au contact des bactéries, le mercure se transforme en méthylmercure, la forme la plus toxique du mercure qui possède la capacité de s'accumuler dans les organismes - c'est la bioaccumulation - et de se concentrer le long des chaînes alimentaires - c'est la bioamplification -, en particulier dans la chaîne alimentaire aquatique, notamment les mammifères marins et les grands poissons prédateurs : les espadons, les requins, les maquereaux, les perches, les bars et les thons. Cette charge toxique se transmet à ceux qui les consomment, y compris les êtres humains. La concentration actuelle est 10 à 12 fois supérieure à celle existante à l'époque préindustrielle.
Cette convention s'attaque aux principales sources d'émission et de rejets par l'homme de mercure dans la biosphère : selon l'évaluation mondiale du mercure du PNUE en 2013, le total des émissions anthropiques de mercure, c'est-à-dire du fait de l'homme, dans l'atmosphère en 2010 est estimé à 1 960 tonnes. En 2010, les sources anthropiques de mercure sont responsables de 30 % des émissions atmosphériques de mercure. Pour le reste, 10 % proviennent de sources géologiques naturelles et 60 % proviennent de « réémissions » de rejets anthropiques passés de mercure déposés dans les sols, les sédiments, les étendues d'eau, les décharges. Les deux principales sources d'émissions atmosphériques sont l'extraction minière artisanale et à petite échelle d'or pour 727 tonnes et la combustion du charbon pour 474 tonnes. S'agissant des rejets de mercure dans l'eau, le PNUE les estime à 1 000 tonnes par an. 185 tonnes proviendraient de sites industriels et 3 à 33 tonnes d'anciennes mines et de sites de dépôt et de traitement des déchets. L'orpaillage artisanal à petite échelle libèrerait également, en plus des émissions atmosphériques, environ 800 tonnes de mercure dans l'eau et les sols.
Cette convention met en place une gestion mondiale contraignante du mercure pour protéger la santé humaine et l'environnement : elle interdit notamment l'exploitation de nouvelles mines de mercure et ordonne l'arrêt de l'exploitation des gisements en cours dans un délai maximale de 15 ans. Il n'existe pas d'extraction minière de mercure sur le territoire français. Elle contrôle les échanges commerciaux internationaux de mercure par l'établissement d'une procédure de « consentement écrit ». Elle fixe des listes évolutives d'interdiction ou de restriction pour les produits contenant du mercure, comme les piles au mercure interdites à partir de 2020. Les amalgames dentaires au mercure, produits qui n'ont pas d'alternatives viables, sont soumis à des exigences spécifiques figurant déjà dans la règlementation française : amalgames encapsulés et élimination des déchets d'amalgames par l'utilisation de séparateurs d'amalgames. Elle fixe également des listes évolutives d'interdiction ou de restriction pour les procédés industriels utilisant du mercure ou des composés de mercure, comme la fabrication de chlore-alcali interdite à partir de 2025. Six usines situées sur le territoire français utilisent encore des cellules d'électrolyse à cathode à mercure en France et deux d'entre elles ont achevé leur reconversion. Dans l'Union européenne, l'interdiction d'utilisation de cathodes à mercure est prévue en 2017. Des dérogations peuvent être obtenues sur demande motivée, pour 5 ans, renouvelables une fois.
La Convention contrôle aussi l'extraction minière artisanale et à petite échelle d'or. La France pourrait choisir de déclarer l'orpaillage illégal en Guyane et ainsi présenter un plan d'action avec un rapport tous les trois ans à la Conférence des Parties. La Guyane compte 60 chantiers d'orpaillage légaux pour une production déclarée de 2 tonnes mais on estime à environ 10 tonnes par an la production d'or qui échappe à tout contrôle et est exfiltrée illégalement. Actuellement il y aurait 230 chantiers illégaux et 5 tonnes de mercure seraient rejetées chaque année dans le milieu naturel par les orpailleurs clandestins, auxquelles il faut ajouter des émissions de mercure liées de manière intrinsèque à l'extraction aurifère. Les mesures déjà prises par la France correspondent en grande partie aux actions préconisées par la Convention. Depuis le 1er janvier 2006, la France a interdit l'utilisation du mercure pour l'orpaillage en Guyane et de nombreuses opérations de lutte contre l'orpaillage illégal -destruction des puits, assèchement des filières logistiques - ont également été menées, notamment dans le cadre de l'opération « HARPIE ». 275 chantiers et sites ont ainsi été détruits en deux ans, soit près de 57 %. Ces opérations sont complétées par la transformation des sites illégaux en sites légaux et par un plan d'actions visant notamment à mettre en place une filière légale d'orpaillage et à soutenir la coopération régionale avec les deux pays limitrophes, le Suriname - 510 km de frontières communes - et le Brésil -730 km de frontières communes.
La Convention prévoit d'apporter des soutiens aux pays en développement et aux pays à économie de transition pour la mise en oeuvre de la convention en désignant notamment, comme mécanisme de financement, le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) qui est déjà l'instrument financier de 4 conventions environnementales. L'impact financier pour la France sera toutefois limité, puisqu'intégré dans la contribution française au FEM qui s'élève à un total de 281,04 millions de dollars pour la période 2015-2018.
Le suivi de la mise en oeuvre de la convention est confié à un Comité composé de 15 membres désignés par les Parties chargé notamment d'examiner les rapports qui lui sont adressés. L'efficacité de la Convention sera ensuite évaluée au plus tard 6 ans après sa date d'entrée en vigueur, puis à intervalles réguliers.
Enfin, la convention appelle à une coordination du secrétariat de la Convention de Minamata avec le secrétariat d'autres conventions sur les produits chimiques et les déchets (Bâle, Rotterdam et Stockholm) : la France défend cette position dans le souci de limiter les coûts.
Sous le bénéfice de ces observations, je recommande l'adoption de ce projet de loi. En effet, la Convention de Minamata permettra d'améliorer la prévention des risques liés au mercure ainsi que la protection de la santé humaine et de l'environnement, en cohérence avec les actions entreprises par la France sur son territoire, et notamment en Guyane française. Compte tenu de l'ampleur de la réglementation européenne sur le mercure, aucune modification des dispositions législatives et réglementaires nationales n'est à prévoir. Pour permettre la ratification de la Convention par l'Union européenne et ses Etats-membres, la Commission vient de transmettre le nouveau « paquet mercure » au Conseil et au Parlement européen. Il s'agira essentiellement d'adopter un nouvel acte législatif abrogeant le règlement européen de 2008, seul acte juridique l'Union portant spécialement sur le mercure, en le remplaçant et en le complétant.
Au 5 avril 2016, 128 pays, dont la France et l'Union européenne, ont signé la Convention et 25 États l'ont ratifiée. C'est la première convention que les États-Unis ont ratifiée dans le domaine de la gestion des produits chimiques et des déchets.
L'examen en séance publique est fixé au jeudi 16 juin 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.