Intervention de Ségolène Neuville

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 juin 2016 à 16h35
Audition de Mme Ségolène Neuville secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Ségolène Neuville, secrétaire d'État :

Élue départementale depuis 2008, je connais l'engagement de beaucoup d'entre vous au sein des conseils départementaux et j'y suis sensible. Loin de minimiser le rôle des départements, je travaille en étroite collaboration avec l'ADF.

La prévalence des troubles du spectre autistique chez les enfants n'est pas connue. On l'évalue à 1 % mais les études épidémiologiques sont peu nombreuses et les critères de diagnostic ont évolué. Désormais, des formes d'autisme de gravité très variable sont regroupées. Sur la base du chiffre de 1 %, 150 000 enfants seraient concernés mais beaucoup souffrent de troubles d'une gravité relative. Il faut aussi prendre en compte les personnes non diagnostiquées, en particulier dans les établissements psychiatriques. Le diagnostic, complexe, fait intervenir plusieurs spécialistes : médecins mais aussi orthophoniste, psychomotricien, psychologue.

Le diagnostic précoce, confié aux centres de ressource autisme (CRA), reste une priorité du quatrième plan autisme. Une mission conduite par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a pointé une exécution très inégale sur le territoire et un développement insuffisant du diagnostic décentralisé : il y a parfois un an d'attente dans les CRA, et le domicile peut être très éloigné de la ville-centre. C'est pourquoi l'Igas préconise, pour les diagnostics les plus simples, des équipes de proximité labellisées par les CRA. J'ai engagé une concertation sur l'autisme pour mettre en oeuvre ces mesures. Un décret précisera le mode de fonctionnement et les missions des CRA, qui pour le moment fonctionnent de manière disparate, parfois adossés à un CHU, parfois non.

Il ne m'appartient pas de définir les méthodes à utiliser pour l'accompagnement des troubles du spectre autistique. En revanche, la HAS, après avoir passé en revue la littérature disponible sur le sujet, a formulé en 2012 une série de recommandations étayées. Elle privilégie les méthodes éducatives. Ma mission consiste à faire appliquer ces méthodes dans tous les établissements et services financés par l'argent public. L'immense majorité des professionnels partagent ce point de vue. Il reste à former les agents du secteur sanitaire et médico-social et l'ensemble des professionnels en contact avec des enfants, qu'ils soient enseignants ou personnels de MDPH.

Pour les professions de santé, la formation est délivrée dans le cadre universitaire - collège enseignant pour la formation initiale, développement professionnel continu (DPC) récemment revu et adapté pour la formation continue.

Pour les travailleurs sociaux, un audit que j'ai demandé a fait apparaître que 30 des 226 établissements ayant participé délivrent une formation conforme aux recommandations de 2012. Le chantier est par conséquent d'importance.

Pour les MDPH, la formation incombe aux CRA qui ont déjà formé 30 000 professionnels, tous secteurs confondus. La formation spécifique sur l'autisme est en cours d'élaboration. Pour les enseignants, outre les CRA, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espe) délivrent des modules spécifiques sur le handicap. Je travaille au quotidien avec Najat Vallaud-Belkacem à la mise au point de modules numériques à disposition des enseignants, sur le handicap et l'autisme en particulier. C'est un travail titanesque.

Pour les AVS, nous avons mis en place un nouveau diplôme d'État d'accompagnant d'élève handicapé, délivré au terme de deux ans d'études. Celles qui ont une expérience préalable - ce sont à 99 % des femmes - peuvent faire valoir la VAE. C'est une véritable professionnalisation des AVS, avec à la clé des contrats pérennes et un véritable diplôme. Ceux qui le souhaitent pourront obtenir une certification autisme, en cours de validation.

Les formes que prend la scolarisation d'un enfant handicapé dépendent du diagnostic. L'enfant peut être orienté vers un institut médico-éducatif ; nous avons commencé à transférer les unités d'enseignement vers les écoles afin de mélanger les enfants au sein des établissements - mais non des classes. C'est salutaire pour les parents mais aussi pour les enfants eux-mêmes : ceux qui sont handicapés côtoient ceux qui n'ont pas de handicap et ces derniers s'immunisent contre les préjugés.

La deuxième option consiste à les placer au sein des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). La troisième est le service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), assuré par des professionnels de santé - psychologue, psychomotricien, orthophoniste. Enfin, l'accompagnement individualisé par AVS se déroule en classe, avec les autres enfants.

En maternelle, 60 unités d'enseignement ont été ouvertes, avec un ratio de un pour un, pour les enfants de trois à six ans qui rejoindront ensuite une classe de CP générique. Objectif : 110 unités en 2017. Nous souhaitons ouvrir des unités d'enseignement du même type à l'école primaire, pour les enfants autistes qui n'ont pas bénéficié de cet enseignement en maternelle.

Pour les étudiants et jeunes adultes, 25 universités ont élaboré un schéma d'accessibilité. Les grandes écoles y travaillent, ainsi que sur l'accessibilité numérique pour les déficients auditifs et visuels. Une mission sur l'insertion professionnelle, dont le périmètre inclut les études supérieures, a été confiée à Josef Schovanec. Les résultats seront intégrés au quatrième plan autisme.

La pratique du packing, qui consiste à envelopper l'enfant dans des draps humides et froids, est très polémique. En 2012, la HAS s'est prononcée contre son utilisation, sauf pour les études cliniques. À l'époque, une seule étude clinique, commencée en 2007, était en cours, dont les résultats devraient être publiés prochainement. Au total, une quarantaine d'enfants étaient concernés. La circulaire que vous évoquez s'adresse exclusivement aux établissements médicaux-sociaux. Ils ne réalisent pas d'études cliniques, celles-ci étant exclusivement menées dans des établissements sanitaires. Elle rappelle simplement que les Cpom signés avec ces établissements excluront le recours à cette pratique. Je partage avec vous, madame Archimbaud, la conviction que les responsables politiques n'ont pas à se prononcer sur les méthodes thérapeutiques. Cependant, la France a été rappelée à l'ordre par le comité des droits de l'enfant de l'ONU, qui a qualifié le packing de maltraitance. La circulaire n'apporte rien de nouveau puisque le packing était déjà écarté hors du cadre des études cliniques réalisées par des établissements sanitaires.

J'avais annoncé, avec Marisol Touraine, un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros pour mettre fin aux départs forcés en Belgique - ce n'est pas une enveloppe destinée à résorber le déficit de places. Le nombre de places pour les enfants est fixé dans le cadre d'une enveloppe fermée pour les établissements belges conventionnés. Seul le nombre de places adultes peut augmenter, dans le cadre d'un cofinancement de l'assurance maladie et des conseils départementaux. Chaque conseil départemental peut choisir de conventionner, ou non, avec les établissements côté belge. La Caisse nationale d'assurance maladie fera parvenir à l'ensemble des caisses primaires une lettre réseau sur la mise en place du dispositif, pour éviter que celles-ci ne bloquent les départs relevant d'un libre choix de la famille. Il y a en Belgique des établissements de qualité mais aussi des entreprises plus commerciales qui n'accueillent que des Français, où la qualité des soins est difficile à évaluer. L'accord franco-wallon ratifié en 2013 prévoit des inspections communes et la possibilité d'un dé-conventionnement en cas de manquement. Le cas s'est déjà produit.

Lorsqu'une demande est adressée à l'assurance maladie, cette dernière contacte la MDPH le plus proche du domicile, pour trouver une solution locale à travers un plan d'accompagnement associant l'ensemble des parties prenantes. Il faut identifier les personnes susceptibles de partir pour proposer des solutions sur mesure : renforcement de personnel dans un établissement, formations complémentaires. Au-delà de l'aspect arithmétique des départs, ceux qui partent sont souvent les cas les plus problématiques. C'est pourquoi les solutions individuelles sont nécessaires mais d'autant plus difficiles à mettre en oeuvre que nous avons l'habitude de raisonner en termes de politique publique.

Sur les 15 millions d'euros mis à disposition dans ce cadre, 10 millions ont été distribués aux ARS. L'ensemble de l'enveloppe n'a pas été dépensé, alors que tous déploraient au début l'insuffisance des fonds... Le dispositif se met en place progressivement.

Je ne conteste pas le besoin de places dans certains territoires, en particulier pour les handicaps les plus lourds et les polyhandicaps. Nous y pourvoirons mais il convient avant tout de mettre en place une réponse accompagnée pour tous et de lutter contre les départs forcés en Belgique.

Autre dispositif mentionné dans la circulaire budgétaire transmise en avril aux ARS : les pôles de compétences. Plus souples, ces plateformes adossées à des établissements ou services médico-sociaux accompagneront les enfants privés de solution financée ou remboursée par la sécurité sociale, en proposant des vacations de professionnels libéraux prises en charge par l'assurance maladie. Les financements sont fléchés dans la circulaire. Nous passerons par les appels à candidatures, plus rapides que les appels à projets. Je vous encourage à en informer les associations car ce dispositif souple peut résoudre nombre de situations.

Je reconnais la lourdeur administrative des appels à projets mais je ne suis pas l'auteur de la loi...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion