Je remercie Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, d'avoir répondu à notre invitation. Lors de questions au Gouvernement ce printemps, vous aviez indiqué votre disponibilité à venir présenter un bilan du troisième plan autisme devant la commission des affaires sociales. Entre temps est intervenue, le 19 mai, la Conférence nationale du handicap qui a abordé les thèmes du logement, de l'emploi, de l'éducation et de la formation. De notre côté, nous avons confié à Claire-Lise Campion et à Philippe Mouiller un travail sur la situation des personnes handicapées prises en charge dans les établissements situés en dehors du territoire français. Ils ont conduit des auditions, se sont déplacés en Belgique et dans plusieurs départements. Leur travail conduit bien évidemment à se pencher sur les conditions de prise en charge en France et les moyens de les améliorer.
Je vous propose d'évoquer en introduction le plan autisme et les principaux sujets sur le handicap. Le débat s'ouvrira ensuite, notamment à partir du travail actuellement en cours au sein de notre commission. Je vous prie d'excuser Mme Campion qui est dans l'impossibilité d'assister à notre réunion.
Je vous remercie de m'avoir invitée : c'est ma première audition par votre commission.
Je souhaite vous exposer, de manière générale, le sens de l'action du Gouvernement en matière de politique du handicap, tout en mettant l'accent sur l'actualité et les décisions prises par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap du 19 mai. Je répondrai bien sûr à vos questions sur l'évaluation du troisième plan autisme et sur l'exode en Belgique de certaines personnes handicapées.
La politique du handicap mobilise la Nation toute entière, au-delà des alternances, au-delà des clivages. La dernière grande loi date de 2005. Notre responsabilité collective est de la mettre en oeuvre. Son objectif essentiel est que l'émancipation et la liberté de choix soient une réalité pour toutes les personnes en situation de handicap, conformément à la convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées, que la France a ratifiée en 2010.
Pour que l'émancipation et la liberté de choix soient une réalité, nous devons diversifier les réponses proposées aux personnes en situation de handicap, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La loi de 2005, puis la ratification de la convention des Nations-Unies en 2010, font que le temps où il y avait d'un côté l'ensemble de la société et de l'autre les personnes en situation de handicap est révolu. Désormais, nous devons aller vers une société beaucoup plus inclusive. C'est le sens qu'a donné le Président de la République à la Conférence nationale du handicap.
Qu'est-ce que l'inclusion ? Il ne s'agit pas que d'une exigence pour les pouvoirs publics. C'est une exigence collective, tant pour les responsables politiques, que pour les associations, les entreprises et toute la société.
Nous devons prendre conscience que le handicap d'une personne ne la résume pas. Les personnes en situation de handicap ont des compétences, des projets, des aspirations. Or, elles vivent des difficultés importantes au quotidien, que nous devons lever. Il nous faut rendre accessibles le bâti, les transports et l'espace public, rendre accueillante l'ensemble de la société - l'école, les entreprises, les loisirs, la culture... Cela implique de faire changer le regard sur le handicap. Enfin, il est nécessaire de permettre la compensation du handicap et donc de développer tous les accompagnements nécessaires.
La Conférence nationale du handicap, qui s'est tenue à l'Élysée, a été l'occasion de donner la parole à des personnes en situation de handicap et de rendre compte de la feuille de route du Gouvernement. Certains objectifs ont été tenus, d'autres restent à consolider. Pour aboutir à l'accessibilité universelle, de nouvelles avancées devront être accomplies par notre Gouvernement mais aussi par ceux qui lui succèderont.
Tout d'abord, quelques mots sur l'accessibilité des établissements recevant du public (ERP) : cet objectif a été fixé par la loi de 2005 puis est venue la loi de ratification de l'ordonnance accessibilité du 5 août 2015 qui a défini une méthode et des modalités pour y parvenir. Au 1er mai 2016, sur environ un million d'ERP en France, 490 000 étaient entrés dans une démarche de mise en accessibilité, dont 400 000 avaient déposé un Ad'AP et 90 000 avaient fait une demande de prorogation. En outre 300 000 ERP étaient déjà accessibles au 1er janvier 2015. On compte donc 200 000 établissements demeurés en dehors de la démarche Ad'AP. Leurs gestionnaires s'exposent aux sanctions pénales inscrites dans la loi de 2005 ainsi qu'aux sanctions administratives prévues dans l'ordonnance « accessibilité » du 26 septembre 2014 ratifiée par le Parlement et qui est désormais applicable puisque le décret a été publié le 13 mai.
Le déploiement du dispositif Ad'AP réclame toutefois une attention constante. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité qu'une mission soit confiée à votre collègue Claire-Lise Campion afin de procéder au suivi concerté de ce dispositif car beaucoup de questions restent posées. Pour l'instant, nous avons eu un retour rapide sur le nombre d'Ad'AP déposés mais nous ne savons toujours pas s'il s'agit principalement d'Ad'AP sur trois ans et s'il y a beaucoup de demandes de dérogations. Un logiciel spécifique va permettre d'obtenir des remontées plus précises et plus rapides à partir de cet automne.
Pour une société plus accueillante, la première des priorités, c'est l'école : 290 000 élèves en situation de handicap sont désormais accueillis dans les écoles de la République, soit un tiers de plus qu'à la rentrée 2011. Plusieurs dispositifs existent, comme les classes réservées - les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) - mais aussi les enfants accueillis dans une classe mais accompagnés par un auxiliaire de vie scolaire (AVS). Actuellement, 85 000 personnes remplissent cette fonction. Jusqu'à présent, 55 000 étaient en contrat aidés et 30 000 en contrats d'accompagnement d'élève en situation de handicap, c'est-à-dire un contrat à durée déterminée signé avec l'éducation nationale. À partir de 2014, ces CDD ont été transformés en CDI, à condition que ces personnes aient effectué au moins six ans. Pour les contrats précaires, le Président de la République, a annoncé lors de la Conférence nationale du handicap, la transformation des contrats aidés d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) en postes pérennes. Au départ, ces personnes seront en CDD et, dès lors qu'elles auront travaillé six ans dans ce domaine, elles passeront en CDI. En parallèle, un nouveau diplôme de niveau V vient d'être créé par le ministère des affaires sociales, dénommé « accompagnant éducatif et social », qui prévoit trois spécialisations, dont l'une a trait à l'éducation inclusive.
Après l'école, il faut donner la possibilité aux personnes en situation de handicap de pouvoir travailler comme tout le monde, dans des conditions adaptées à chaque handicap. Dans le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, il est prévu de créer l'emploi accompagné. Il s'agit d'apporter un soutien aux salariés handicapés ainsi qu'à leurs employeurs à tout moment du parcours professionnel. Pour l'instant, des prestations diverses existent, qu'il s'agisse de l'Agefiph, du FIPHFP, de certaines associations avec des financements non pérennes. Ainsi, l'adaptation du poste de travail pour une personne en fauteuil se fera grâce à l'Agefiph ou au FIPHFP. En revanche, une personne bipolaire aura besoin d'un accompagnement dans son emploi et l'employeur devra également être accompagné, afin de donner le meilleur environnement possible à cette personne pour qu'elle continue à travailler. Les associations qui représentent les personnes avec un handicap psychique souhaitent donc que cette disposition de la loi travail soit votée. Ce dispositif sera porté par le service public de l'emploi et ses partenaires, avec l'appui des établissements et des services d'aide par le travail, les ESAT, qui disposent d'une véritable expertise en ce domaine.
Pour soutenir le développement de l'emploi accompagné, 5 millions d'euros seront inscrits au projet de loi de finances pour 2017 afin de soutenir les projets locaux.
La formation professionnelle sera également renforcée car plus de 20 % des travailleurs en situation de handicap sont au chômage. Souvent, leur formation initiale est d'un niveau inférieur à celle de la population générale.
Les personnes en situation de handicap auront le droit au compte personnel d'activité (CPA) et au compte personnel de formation (CPF). En outre, ces comptes bénéficieront aussi aux personnes en établissement et service d'aide par le travail (Esat). C'est une avancée très importante car les personnes en Esat pourront obtenir un diplôme et travailler en milieu ordinaire. Des jeunes en Esat aimeraient bien, au cours de leur vie professionnelle, aller dans des milieux ordinaires, mais ils craignent de ne plus avoir ensuite de place en Esat. Le projet de loi prévoit un droit au retour.
Enfin, le soutien au pouvoir d'achat des travailleurs disposant de revenus modestes reste une priorité. C'est l'objectif de la nouvelle prime d'activité qui est cumulable avec l'allocation adulte handicapé (AAH). Les premiers versements auront lieu en juillet et le dispositif sera rétroactif à partir de janvier, ayant tardé à se mettre en oeuvre du fait que les caisses d'allocations familiales ne l'avaient pas prévu. Le simulateur comprend désormais l'AAH. Les personnes peuvent donc déposer leurs demandes, y compris les travailleurs en Esat. Le Président de la République a également annoncé que tous les bénéficiaires de pensions d'invalidité et de rentes accident du travail - maladie professionnelle, pourront cumuler ces pensions et ces rentes avec la prime d'activité.
L'émancipation concrète, c'est permettre à ceux qui le souhaitent d'avoir leur logement. La formule de l'habitat partagé se développe, ce qui implique une mise en commun d'une partie de la prestation de compensation du handicap, mais ce n'est pas très simple à mettre en oeuvre. Un groupe de concertation avec les départements essaye d'avancer sur cette question. Il n'est pas question de mutualiser la prestation de compensation du handicap, car il s'agit d'une prestation par nature individuelle, mais de faciliter sa mise en commun partielle pour favoriser les habitats partagés.
Nous travaillons avec Emmanuelle Cosse à lever les derniers obstacles juridiques qui pourraient bloquer le développement de ces formes de logements accompagnés. Une convention devrait être conclue entre l'État et l'Union sociale pour l'habitat. Le Président de la République souhaite créer 1 500 places supplémentaires par an en pensions de famille, c'est-à-dire en maisons relais spécifiquement dédiées au handicap. Pour l'instant, ces maisons concernent surtout les personnes en situation de précarité. Or, ces maisons relais permettent d'obtenir un financement pour avoir un maître de maison en permanence. Une maison relais permet de travailler avec un service d'accompagnement à la vie sociale : plusieurs personnes peuvent ainsi être accueillies.
Nous combattons aussi les lourdeurs administratives qui empêchent l'émancipation. C'était un des engagements pris lors de la Conférence nationale handicap de décembre 2014. Nous avons allongé la durée de l'AAH 2 qui est passée de deux à cinq ans pour éviter la reconstitution trop fréquente de dossiers, nous avons également allongé la durée de validité des certificats médicaux de trois à six mois, nous avons simplifié les procédures de reconnaissance du handicap pour l'accès à l'emploi, nous avons dématérialisé certains échanges avec les MDPH, même si des progrès doivent encore être accomplis. Simplification très attendue, la « carte mobilité-inclusion », votée par le Sénat à l'unanimité lors de l'examen du projet de loi pour une République numérique, remplacera à compter du 1er janvier 2017 les cartes de priorité, d'invalidité et de stationnement, au profit d'un document unique et moderne.
Enfin, le délai de renouvellement de l'AAH 1, qui concerne les allocataires dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 %, sera allongé au-delà de dix ans. Il s'agit de l'une des propositions du rapport du député Christophe Sirugue sur la simplification des minima sociaux.
Créer les conditions de l'émancipation, c'est aussi donner au secteur médico-social toute sa place. Diverses réformes sont engagées qui paraissent extrêmement administratives et techniques. La réforme de la tarification est indispensable : les différences de coûts et de prix peuvent être considérables d'un établissement à un autre. Cette réforme est engagée depuis deux ans avec tous les acteurs concernés et elle est encore loin d'aboutir. La généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens permettra aux associations gestionnaires de plusieurs types d'établissements et de services d'avoir une vision plus globale et de faire passer les personnes d'un dispositif à un autre de façon plus souple. Les financeurs, qu'il s'agisse des conseils départementaux ou de l'assurance maladie, pourront fixer des objectifs plus généraux. Nous avons aussi transféré le financement des Esat de l'État à l'assurance maladie à partir de 2017.
J'en viens à la mise en oeuvre du troisième plan autisme. Ce plan avait pour objectif de mettre l'accent sur les bonnes pratiques recommandée par la Haute autorité de santé (HAS) et l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) en 2012 avec notamment la question des diagnostics, des interventions précoces et de la scolarisation. Bien sûr, de nombreux chantiers demeurent, comme la question de l'égalité de l'accès des enfants à des diagnostics précoces et de qualité : un rapport récent de l'Igas sur les centres de ressource autisme relève des inégalités territoriales.
Il convient également de garantir les bonnes pratiques d'intervention pluridisciplinaires pour les enfants comme pour les adultes, de développer des parcours diversifiés de scolarisation et accroître l'offre d'accompagnement médico-social en particulier pour les adultes. Le Président de la République m'a demandé lors de la Conférence nationale de préparer, sur la base de l'évaluation du troisième plan autisme, un quatrième plan d'ici la fin de l'année. Ce plan sera construit avec les personnes autistes dans le souci constant de tenir compte de l'avancée des connaissances et des bonnes pratiques recommandées par la HAS et de l'Anesm. Pour mieux prendre en compte les expériences et rassembler les compétences, j'ai demandé à Josef Schovanec, qui lui-même a des troubles du spectre autistique, de travailler dans mon cabinet sur une mission sur l'insertion professionnelle et la participation sociale des adultes autistes. C'était un point faible du troisième plan. Il est temps d'y remédier. Josef Schovanec cite souvent l'exemple de Wikipedia qui est alimenté par des personnes autistes.
Au-delà de l'autisme, c'est l'ensemble du secteur médico-social qui évolue. Le Président de la République a fixé deux priorités essentielles à cette évolution. D'abord, il faut confirmer le virage inclusif des établissements et des services médico-sociaux. Nous avons là des compétences remarquables qui doivent être au service de l'éducation inclusive, de l'emploi, du logement, de la participation sociale. La seconde priorité est de répondre aux besoins des personnes qui nécessitent une attention toute particulière et ce, à tous les âges de la vie.
Afin de soutenir les réformes déjà engagées, le Président de la République a décidé de consacrer 240 millions d'euros supplémentaires au secteur médico-social. Cette stratégie pluriannuelle permettra d'apporter des réponses nouvelles. Plutôt que de parler de places, je préfère la notion de réponses car il faut prendre en compte les personnes et non les lieux. L'objectif n'est pas de caser des personnes dans des places mais d'apporter des réponses adaptées à leurs besoins. Sur cette enveloppe de 240 millions, 180 millions seront consacrés, sur cinq ans, à l'accompagnement des personnes et 60 millions à un plan d'aide à l'investissement incluant les Esat car la qualité de vie des personnes passe aussi par la qualité de l'environnement d'accueil.
Un volet de cette stratégie pluriannuelle devra être consacré au polyhandicap, qui conduit aujourd'hui à des situations parmi les plus complexes et les plus dramatiques qui soient pour les familles. Ce plan d'amélioration en faveur du polyhandicap devra être précisé rapidement, en concertation avec les associations et les personnes concernées.
Personne ne doit être laissé sans solution. C'est bien le sens de la mission que j'ai confiée à Marie-Sophie Desaulle au lendemain de la Conférence nationale du handicap de 2014 pour mettre en oeuvre la réponse accompagnée pour tous. Vingt-quatre départements pionniers se sont engagés dans la première phase de déploiement. Les MDPH qui s'engagent sont en première ligne et elles bénéficieront d'un soutien exceptionnel de 8 millions d'euros sur trois ans pour mieux assurer leur rôle.
En outre, un soutien de 15 millions d'euros sera aussi apporté aux départements pour la mise en place du nouveau système d'information harmonisé des MDPH qui permettra enfin de disposer d'une meilleure connaissance des besoins, d'améliorer le suivi des orientations et le parcours des personnes. Une semaine après mon arrivée dans ce secrétariat d'État, un grand quotidien national titrait sur le scandale des personnes qui partent en Belgique. S'il est aisé de savoir que nous disposons de 490 000 places dans le médico-social, il est bien plus compliqué de connaître le nombre de personnes en situation de handicap car certaines peuvent être comptabilisées deux fois tandis que d'autres échappent à tout recensement : il n'existe pas de surveillance épidémiologique pour le handicap. Passer par les MDPH pour obtenir ce chiffre n'est pas non plus possible car chaque maison a son propre système d'information. En outre, les MDPH ne suivent pas les personnes une fois qu'elles ont été orientées. L'enjeu de l'information est essentiel : nous y travaillons depuis deux ans avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Avec le soutien des 15 millions annoncé par le Président de la République, je suis persuadée que ce système sera aisément accepté par les MDPH.
Ces dispositifs permettront de lutter contre les départs forcés en Belgique.
Dans l'idée de promouvoir des innovations techniques, numériques et sociales, je lancerai bientôt un concours « Innovation et handicap » doté d'une enveloppe prévisionnelle de 2 millions par le Commissariat général à l'investissement, afin de soutenir le développement d'un certain nombre d'innovations.
Le caractère interministériel de cette politique est évident : lors de la Conférence nationale, la ministre de l'éducation nationale, la ministre du travail, la ministre du logement, le secrétaire d'État au budget et le Premier ministre étaient présents. Nous allons renforcer les fonctions du secrétariat général au Comité interministériel du handicap.
Je compte sur vous pour veiller de façon à la fois attentive et exigeante à ce que notre législation prévoie des adaptations pour nos concitoyens en situation de handicap. J'ai pu compter sur vous pour l'ordonnance « accessibilité » et pour la carte mobilité inclusive : je vous en sais gré. Je sais que vous serez attentifs aux dispositions en faveur du handicap dans la loi travail.
Vous avez présenté une belle synthèse des propositions que le Président de la République a faites devant le Conférence nationale du handicap.
Concernant l'accessibilité, je ne reviendrai pas sur le travail accompli par le Sénat. La délégation aux collectivités travaille à la simplification des normes en matière d'urbanisme et la commission des affaires sociales y a été associée : aujourd'hui, beaucoup de collectivités méconnaissent les possibilités de dérogations. Des maires s'inquiètent des travaux d'accessibilité alors qu'ils pourraient bénéficier de réponses adaptées. Malgré le travail de communication fait par la délégation ministérielle à l'accessibilité, de grandes incompréhensions demeurent. Il faut donc accentuer l'information auprès des collectivités.
Concernant les écoles, les enseignants devraient être formés à l'accueil de jeunes en situation de handicap, surtout dans les unités de maternelles. Aujourd'hui, les programmes de formation sont très courts : ils se limitent parfois à quelques heures.
Le projet de loi « travail » comporte diverses améliorations pour les travailleurs en situation de handicap. Le Sénat va améliorer les dispositifs en matière de droits et de formations. Nous ne pouvons en revanche traiter de l'implication des Esat en matière de formation du fait des contributions financières qui tombent sous le coup de l'article 40 de la Constitution. J'imagine que vous êtes déjà saisie du sujet.
La réforme de la tarification du secteur médico-social est plutôt bien accueillie mais les structures sont inquiètes car elles manquent de visibilité sur l'avenir et certaines craignent de voir leurs dotations diminuer. Des projets sont à l'arrêt dans l'attente de la nouvelle tarification ; il faut donc hâter le pas. En revanche, les établissements ont bien accueilli le transfert de l'État vers l'assurance maladie, ce qui est effectivement bien plus cohérent.
J'ai entendu les annonces du Président de la République sur le financement du nouveau plan autisme : j'appelle à beaucoup de prudence, au regard de ce qui avait été annoncé pour le troisième plan et de ce qui a été, en définitive, accompli. Je constate néanmoins la volonté de faire avancer le sujet.
Pour comprendre les départs en Belgique, il faut savoir quels étaient les besoins non satisfaits.
J'ai été heureux d'entendre le Président de la République annoncer 15 millions de plus pour les MDPH. En novembre, j'en avais demandé 10 et vous m'aviez dit que ce n'était pas nécessaire. Je suis content de savoir que tel n'est plus le cas cinq mois plus tard.
Le chantier est vaste, il a progressé depuis quelques années et je sais que les associations soulignent votre implication personnelle, madame la ministre.
Je m'associe à ce que viens de dire M. Mouiller.
Je me félicite de l'annonce que vous avez faite sur les MDPH : elles seront les principales actrices du « zéro sans solution ». Elles pourront aussi se positionner pour les heures d'accompagnement des élèves dans les écoles. Je me réjouis de votre annonce sur les AVS en m'inquiétant tout de même des six ans pour obtenir un CDI : c'est bien long. Mais l'école inclusive doit également prendre en compte les codeurs, pour accompagner les enfants sourds en classe. Il faudrait mettre en place un site d'information pour que les parents et les codeurs se rencontrent afin qu'aucun ne reste sur le bord du chemin.
Le groupe CRC est favorable à l'accessibilité mais la solidarité nationale est nécessaire pour aider certaines communes. Ainsi, des villages de montagne sont en difficulté. Récemment, je suis allée dans une petite commune dont la très belle église a des marches. Comment faire ? Tous ces villages doivent faire appel à des bureaux d'études qui leur demandent fort cher pour leur Ad'AP. Est-ce que la prochaine loi montagne pourrait améliorer la situation ?
Nous pourrions aller plus loin en matière de numérique, notamment pour la téléphonie, afin que l'égalité ne reste pas un vain mot. Le coût des forfaits pour les aveugles devrait ainsi être revu à la baisse. La loi numérique pourrait faire une plus grande place à l'accessibilité.
La reconnaissance de qualification des travailleurs handicapés (RQTH) et la retraite anticipée pour ces personnes devraient être traitées. Un pacte pour l'emploi avait permis 3 000 aides au poste sur trois ans : pourrait-il être relancé ?
Certains parents sont contraints de quitter leur emploi pour s'occuper de leur enfant autiste. Comment prendre en compte cette problématique ?
Je m'associe à ce qui vient d'être dit. La formation des enseignants et de toutes les personnes en contact avec les personnes en situation de handicap doit être améliorée.
Dans une école de mon département, il a été dit à un jeune autiste qu'il ne pourrait pas participer à la kermesse même s'il était accompagné par son AVS : il n'a pu donc danser avec sa classe, ce qui est inadmissible.
Lorsqu'un enfant a un comportement différent, il est extrêmement difficile d'obtenir un bilan, qu'il s'agisse d'un orthophoniste ou d'un psychomotricien. Dans l'Aisne, les besoins sont importants mais nous manquons de fonds. Les restes à charge sont de plus en plus élevés pour les familles tandis que les départements connaissent de grandes difficultés financières.
Lors du passage à l'enseignement supérieur, il est extrêmement difficile d'obtenir des accompagnements pour les jeunes en situation de handicap. En outre, aucune aide spécifique n'est prévue pour l'orientation de ces jeunes. Les choix se font par défaut et certains diplômes ne débouchent pas sur un emploi.
Dans les entreprises, les personnes en situation de handicap disposent d'une reconnaissance de cinq ans mais pourquoi ne pas prévoir une reconnaissance à vie lorsqu'il s'agit d'un handicap définitif ?
La formation des AVS est très inégale. En tant qu'orthophoniste, j'ai rencontré des AVS qui n'avaient que leur bonne volonté à offrir et qui ne pouvaient prendre en charge des enfants en situation de handicap, d'autant que ces handicaps sont divers. Le ministère de l'éducation nationale doit prendre sa part dans ce domaine. Les enfants sont pris en charge par des structures, qu'il s'agisse des Rased, des CMP ou des CMPP à l'extérieur de l'école mais, faute de moyens, elles ne peuvent tout assurer. Pour les orthophonistes, les listes d'attente s'allongent sans fin.
Comment répondre à ces enfants qui ont besoin d'une prise en charge particulière ?
Dès qu'un enfant rencontre un problème à l'école, on répond AVS sans s'occuper de la prise en charge globale, de la formation de la personne et du turn over des AVS qui parfois, désorientées, ne restent pas une année complète.
J'ai interrogé Mme la ministre de la santé car j'ai été étonnée par la circulaire du 22 avril 2016 qui traite de la pratique du packing. Comment condamner cette pratique alors que les professionnels ne sont pas d'accord entre eux ? Le pouvoir politique s'immisce dans ce débat alors qu'aucun bilan n'a été publié. Cette circulaire semble en outre avoir des incidences sur le financement des établissements.
Où en sont la qualification des AVS et la formation des enseignants à l'accueil des enfants handicapés ? Notre commission en a fait la proposition à de nombreuses reprises.
Les méthodes d'accompagnement de l'autisme font l'objet d'un débat très vif entre les soignants : des incertitudes scientifiques demeurent, peut-être pour longtemps encore. Or le ministère aurait tranché, privant de financements les pratiques alternatives. Les pouvoirs publics devraient certes encourager les bonnes pratiques mais aussi préserver la diversité des approches tant que la réponse scientifique n'a pas été apportée.
En défendant la politique de l'État, vous minimisez le rôle des départements, qui ont la compétence de gestion des MDPH et sont les principaux contributeurs de leur budget de fonctionnement. Le taux de compensation des prestations handicap versées par les départements est inférieur à 30 %. Quant aux quinze millions que vous annoncez pour la modernisation des MDPH, mon département en recevra 150 000 euros, soit le tiers de la première tranche du budget de mise en place de la gestion électronique des dossiers (GED)... Pour répondre efficacement, il nous faut des moyens supplémentaires.
Pour bénéficier d'une retraite anticipée à 55 ans, les travailleurs handicapés doivent justifier d'une durée minimale d'assurance vieillesse, d'un taux d'incapacité et d'une reconnaissance en tant que travailleurs handicapés. Or bien souvent, les salariés concernés ne l'ont jamais demandée. La loi de 2014 a abaissé le taux d'incapacité minimal de 80 % à 50 % et supprimé l'exigence de reconnaissance mais le décret d'application maintient ce critère pour les départs antérieurs au 31 décembre 2015. Pour contourner l'écueil, certains départements portent l'affaire en justice où ils font reconnaître le handicap via une expertise, en se prévalant d'une jurisprudence du tribunal de Toulouse qui maintient les droits à la retraite des travailleurs non reconnus avant le 31 décembre 2015. Que compte faire le Gouvernement ?
Il en va de la notion d'inclusion comme du principe de précaution : elle se prête à des dérives. Au nom de ce principe, on a fait déménager un établissement situé en zone périurbaine, mitoyen d'un collège et d'une installation sportive, non loin d'espaces naturels et de commerces, vers un centre-ville guère mieux doté en services mais plus hostile et pollué. Chez certains, l'inclusion devient un dogme.
Il y a des similitudes entre certains types de handicap et la situation de personnes âgées en début de dépendance ; on pourrait imaginer des réponses domotiques analogues dans le cadre de l'attribution de logements sociaux. Une expérimentation d'attribution de quinze logements adaptés après une visite médicale a été menée - une procédure non prévue par les textes. Pourquoi ne pas associer au processus les MDPH, voire les services gérontologiques de CHU ?
Vous souhaitez parler de réponse globale plutôt que de places ; vous avez cependant promis l'année dernière, lors du débat sur le bilan de la loi de 2005, des places supplémentaires. Certains parents, nous le savons, placent leurs enfants en Belgique faute de pouvoir le faire dans des établissements français et parce que la démarche des autorités belges est plus ouverte. Le besoin de places de qualité en France ne peut être éludé, d'autant qu'avec les naissances et les progrès du diagnostic, les besoins sont appelés à augmenter.
Certaines associations se sont inquiétées d'une diminution de 4 % du nombre d'appartements accessibles au public handicapé dans le parc locatif HLM. Confirmez-vous ces difficultés ?
Sans empiéter sur les résultats de la mission confiée à Philippe Mouiller et Claire-Lise Campion, la question des départs en Belgique présente certes un aspect quantitatif - surtout pour les enfants fortement handicapés - mais relève aussi d'une conception différente de la prise en charge : la spécialisation des établissements par handicap y est moins poussée et l'on fait en sorte que les enfants y soient heureux.
On évoque souvent les autistes souffrant du syndrome d'Asperger, qui ont des capacités intellectuelles hors normes ; mais en réalité beaucoup d'autistes nécessitent un accompagnement très lourd et ne peuvent être scolarisés. Êtes-vous en mesure, dans le cadre de l'évaluation du troisième plan autisme, de dresser un bilan qualitatif de la prise en charge ? La question du dépistage précoce n'a pas été résolue.
Une partie des maisons d'accueil spécialisées sont en grande difficulté en raison des grandes disparités dans les prix à la journée ; les compensations au titre des zones de revitalisation rurale (ZRR) ont fortement diminué.
Les mesures du plan Autisme portant sur le diagnostic précoce sont importantes car plus tôt le handicap est détecté, meilleure est la prise en charge. Un autre plan pour la prise en charge des adultes était envisagé : dans certaines maisons d'accueil spécialisées, les autistes, qui n'ont pas toujours été évalués, sont considérés comme des malades mentaux. Une formation du personnel de ces établissements était prévue, or les crédits ne sont pas disponibles. C'est d'autant plus urgent que certaines maisons souffrent d'un déficit de personnel.
30 % des enfants confiés aux conseils départementaux ont un dossier à la MDPH. La pédopsychiatrie manquant de praticiens, votre ministère de tutelle envisage-t-il des moyens supplémentaires pour cette discipline et la formation de spécialistes ?
Avez-vous des éléments chiffrés sur les majeurs maintenus dans les établissements pour enfants, maintien rendu possible par l'amendement Creton ?
Enfin, la généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) remet-elle en cause la liberté d'action des départements, comme le mien, déjà engagés dans cette démarche ?
- Présidence de Mme Colette Giudicelli, vice-présidente -
Les « Dys », ces enfants victimes de dyslexie, de dyscalculie et de dysphasie se traduisant par des troubles de l'apprentissage et une hyperactivité, représenteraient près de 20 % de la population scolaire. On attend toutefois une estimation véritablement scientifique. Une fois le diagnostic établi par le médecin scolaire, les enseignants sont chargés d'élaborer un plan d'accompagnement personnalisé (PAP) avec des spécialistes ; or ils ne sont souvent pas en mesure de le faire, faute de temps et de capacités ; les orthophonistes, qui pourraient intervenir dès les premiers troubles, manquent. Des vies entières peuvent être gâchées par ces phénomènes dont la portée médicale n'est pas considérable. Quelles solutions, quels moyens prévoyez-vous ?
Les parents d'enfants polyhandicapés, généralement non scolarisables, demandent un accompagnement par des professionnels pour développer leur autonomie. Or le nombre de places est insuffisant. Il conviendrait de donner consigne aux ARS de prendre en compte cette dimension dans les services régionaux de santé et d'allouer des moyens spécifiques.
Lors de l'examen de la loi sur la modernisation du système de santé, vous aviez annoncé votre volonté de régler la question de l'accueil des autistes en Belgique, à travers la mise en place d'une réponse rapide reposant sur des crédits supplémentaires et, grâce à une mobilisation des départements, l'allocation de places supplémentaires dans les établissements existants. Un bilan est prématuré mais avez-vous constaté une volonté partagée ?
Depuis huit à dix ans, le regard du corps médical sur les enfants autistes a évolué. Rapporteurs de la loi sur l'adaptation au vieillissement, Gérard Roche et moi-même avons fait inscrire 100 millions d'euros de crédits sur trois ans en faveur du traitement de l'autisme. Je préconise une évolution du modèle traditionnel séparant les établissements d'hébergement des personnes âgées (Ehpa) de l'accueil des enfants au profit de la notion de domicile regroupé : les deux types d'établissements seraient rapprochés et bénéficieraient d'un domicile commun, ce qui faciliterait une mutualisation des équipements et des équipes de prise en charge des enfants autistes au sein de ce nouvel ensemble.
Élue départementale depuis 2008, je connais l'engagement de beaucoup d'entre vous au sein des conseils départementaux et j'y suis sensible. Loin de minimiser le rôle des départements, je travaille en étroite collaboration avec l'ADF.
La prévalence des troubles du spectre autistique chez les enfants n'est pas connue. On l'évalue à 1 % mais les études épidémiologiques sont peu nombreuses et les critères de diagnostic ont évolué. Désormais, des formes d'autisme de gravité très variable sont regroupées. Sur la base du chiffre de 1 %, 150 000 enfants seraient concernés mais beaucoup souffrent de troubles d'une gravité relative. Il faut aussi prendre en compte les personnes non diagnostiquées, en particulier dans les établissements psychiatriques. Le diagnostic, complexe, fait intervenir plusieurs spécialistes : médecins mais aussi orthophoniste, psychomotricien, psychologue.
Le diagnostic précoce, confié aux centres de ressource autisme (CRA), reste une priorité du quatrième plan autisme. Une mission conduite par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a pointé une exécution très inégale sur le territoire et un développement insuffisant du diagnostic décentralisé : il y a parfois un an d'attente dans les CRA, et le domicile peut être très éloigné de la ville-centre. C'est pourquoi l'Igas préconise, pour les diagnostics les plus simples, des équipes de proximité labellisées par les CRA. J'ai engagé une concertation sur l'autisme pour mettre en oeuvre ces mesures. Un décret précisera le mode de fonctionnement et les missions des CRA, qui pour le moment fonctionnent de manière disparate, parfois adossés à un CHU, parfois non.
Il ne m'appartient pas de définir les méthodes à utiliser pour l'accompagnement des troubles du spectre autistique. En revanche, la HAS, après avoir passé en revue la littérature disponible sur le sujet, a formulé en 2012 une série de recommandations étayées. Elle privilégie les méthodes éducatives. Ma mission consiste à faire appliquer ces méthodes dans tous les établissements et services financés par l'argent public. L'immense majorité des professionnels partagent ce point de vue. Il reste à former les agents du secteur sanitaire et médico-social et l'ensemble des professionnels en contact avec des enfants, qu'ils soient enseignants ou personnels de MDPH.
Pour les professions de santé, la formation est délivrée dans le cadre universitaire - collège enseignant pour la formation initiale, développement professionnel continu (DPC) récemment revu et adapté pour la formation continue.
Pour les travailleurs sociaux, un audit que j'ai demandé a fait apparaître que 30 des 226 établissements ayant participé délivrent une formation conforme aux recommandations de 2012. Le chantier est par conséquent d'importance.
Pour les MDPH, la formation incombe aux CRA qui ont déjà formé 30 000 professionnels, tous secteurs confondus. La formation spécifique sur l'autisme est en cours d'élaboration. Pour les enseignants, outre les CRA, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espe) délivrent des modules spécifiques sur le handicap. Je travaille au quotidien avec Najat Vallaud-Belkacem à la mise au point de modules numériques à disposition des enseignants, sur le handicap et l'autisme en particulier. C'est un travail titanesque.
Pour les AVS, nous avons mis en place un nouveau diplôme d'État d'accompagnant d'élève handicapé, délivré au terme de deux ans d'études. Celles qui ont une expérience préalable - ce sont à 99 % des femmes - peuvent faire valoir la VAE. C'est une véritable professionnalisation des AVS, avec à la clé des contrats pérennes et un véritable diplôme. Ceux qui le souhaitent pourront obtenir une certification autisme, en cours de validation.
Les formes que prend la scolarisation d'un enfant handicapé dépendent du diagnostic. L'enfant peut être orienté vers un institut médico-éducatif ; nous avons commencé à transférer les unités d'enseignement vers les écoles afin de mélanger les enfants au sein des établissements - mais non des classes. C'est salutaire pour les parents mais aussi pour les enfants eux-mêmes : ceux qui sont handicapés côtoient ceux qui n'ont pas de handicap et ces derniers s'immunisent contre les préjugés.
La deuxième option consiste à les placer au sein des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis). La troisième est le service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), assuré par des professionnels de santé - psychologue, psychomotricien, orthophoniste. Enfin, l'accompagnement individualisé par AVS se déroule en classe, avec les autres enfants.
En maternelle, 60 unités d'enseignement ont été ouvertes, avec un ratio de un pour un, pour les enfants de trois à six ans qui rejoindront ensuite une classe de CP générique. Objectif : 110 unités en 2017. Nous souhaitons ouvrir des unités d'enseignement du même type à l'école primaire, pour les enfants autistes qui n'ont pas bénéficié de cet enseignement en maternelle.
Pour les étudiants et jeunes adultes, 25 universités ont élaboré un schéma d'accessibilité. Les grandes écoles y travaillent, ainsi que sur l'accessibilité numérique pour les déficients auditifs et visuels. Une mission sur l'insertion professionnelle, dont le périmètre inclut les études supérieures, a été confiée à Josef Schovanec. Les résultats seront intégrés au quatrième plan autisme.
La pratique du packing, qui consiste à envelopper l'enfant dans des draps humides et froids, est très polémique. En 2012, la HAS s'est prononcée contre son utilisation, sauf pour les études cliniques. À l'époque, une seule étude clinique, commencée en 2007, était en cours, dont les résultats devraient être publiés prochainement. Au total, une quarantaine d'enfants étaient concernés. La circulaire que vous évoquez s'adresse exclusivement aux établissements médicaux-sociaux. Ils ne réalisent pas d'études cliniques, celles-ci étant exclusivement menées dans des établissements sanitaires. Elle rappelle simplement que les Cpom signés avec ces établissements excluront le recours à cette pratique. Je partage avec vous, madame Archimbaud, la conviction que les responsables politiques n'ont pas à se prononcer sur les méthodes thérapeutiques. Cependant, la France a été rappelée à l'ordre par le comité des droits de l'enfant de l'ONU, qui a qualifié le packing de maltraitance. La circulaire n'apporte rien de nouveau puisque le packing était déjà écarté hors du cadre des études cliniques réalisées par des établissements sanitaires.
J'avais annoncé, avec Marisol Touraine, un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros pour mettre fin aux départs forcés en Belgique - ce n'est pas une enveloppe destinée à résorber le déficit de places. Le nombre de places pour les enfants est fixé dans le cadre d'une enveloppe fermée pour les établissements belges conventionnés. Seul le nombre de places adultes peut augmenter, dans le cadre d'un cofinancement de l'assurance maladie et des conseils départementaux. Chaque conseil départemental peut choisir de conventionner, ou non, avec les établissements côté belge. La Caisse nationale d'assurance maladie fera parvenir à l'ensemble des caisses primaires une lettre réseau sur la mise en place du dispositif, pour éviter que celles-ci ne bloquent les départs relevant d'un libre choix de la famille. Il y a en Belgique des établissements de qualité mais aussi des entreprises plus commerciales qui n'accueillent que des Français, où la qualité des soins est difficile à évaluer. L'accord franco-wallon ratifié en 2013 prévoit des inspections communes et la possibilité d'un dé-conventionnement en cas de manquement. Le cas s'est déjà produit.
Lorsqu'une demande est adressée à l'assurance maladie, cette dernière contacte la MDPH le plus proche du domicile, pour trouver une solution locale à travers un plan d'accompagnement associant l'ensemble des parties prenantes. Il faut identifier les personnes susceptibles de partir pour proposer des solutions sur mesure : renforcement de personnel dans un établissement, formations complémentaires. Au-delà de l'aspect arithmétique des départs, ceux qui partent sont souvent les cas les plus problématiques. C'est pourquoi les solutions individuelles sont nécessaires mais d'autant plus difficiles à mettre en oeuvre que nous avons l'habitude de raisonner en termes de politique publique.
Sur les 15 millions d'euros mis à disposition dans ce cadre, 10 millions ont été distribués aux ARS. L'ensemble de l'enveloppe n'a pas été dépensé, alors que tous déploraient au début l'insuffisance des fonds... Le dispositif se met en place progressivement.
Je ne conteste pas le besoin de places dans certains territoires, en particulier pour les handicaps les plus lourds et les polyhandicaps. Nous y pourvoirons mais il convient avant tout de mettre en place une réponse accompagnée pour tous et de lutter contre les départs forcés en Belgique.
Autre dispositif mentionné dans la circulaire budgétaire transmise en avril aux ARS : les pôles de compétences. Plus souples, ces plateformes adossées à des établissements ou services médico-sociaux accompagneront les enfants privés de solution financée ou remboursée par la sécurité sociale, en proposant des vacations de professionnels libéraux prises en charge par l'assurance maladie. Les financements sont fléchés dans la circulaire. Nous passerons par les appels à candidatures, plus rapides que les appels à projets. Je vous encourage à en informer les associations car ce dispositif souple peut résoudre nombre de situations.
Je reconnais la lourdeur administrative des appels à projets mais je ne suis pas l'auteur de la loi...
Nous pouvons assouplir. La procédure, déjà longue, peut être allongée par des recours. La distance entre le plan pluriannuel et la mise en oeuvre sur le terrain s'accroît encore davantage quand le dispositif est co-financé par les départements.
J'ai demandé des extensions au sein des services médico-sociaux : jusqu'à 30 % de places supplémentaires peuvent y être ouvertes sans passer par les appels à projets. Pour les Sessad également, cela accélère les choses.
Je n'ignore pas l'inquiétude des associations de parents d'enfants souffrant de troubles Dys, qui craignent que les PAP ne remplacent les projets personnalisés de scolarisation. Mais, alors que le projet personnalisé est demandé par la famille à la MDPH qui n'est pas contrainte d'y accéder, le PAP est proposé en plus par les enseignants ou l'équipe éducative. Il ne s'agit pas d'un remplacement. Les pôles de compétences peuvent eux aussi apporter une aide aux enfants souffrant de troubles Dys.
J'ai demandé à la HAS de formuler des recommandations pour le traitement des adultes souffrant d'autisme, sur le modèle des recommandations de 2012 pour les enfants. C'est un processus assez long. J'ai aussi demandé une mise à jour des recommandations sur le diagnostic, qui datent de 2005.
Nous avons alloué 15 millions d'euros de crédits pour le système d'information des MDPH mais aussi 8 millions pour celles qui entrent dans le dispositif « Une réponse accompagnée pour tous ». En 2014 et 2015, 4 millions d'euros supplémentaires ont été alloués par la CNSA. Le travail de simplification engagé, avec l'allongement de la durée des AAH 1 et 2 et la carte mobilité inclusion, est aussi destiné à réduire le travail administratif des MDPH en faveur des missions d'accompagnement.
Dans deux départements, nous avons conduit l'expérimentation « Impact de dématérialisation des certificats recueillis par les MDPH » pour l'AAH et d'autres allocations. Il reste à connecter ce système avec le nouveau système d'information des MDPH pour éviter les ressaisies des données par l'équipe d'évaluation. Nous travaillons, avec les trois fabricants de progiciels, à un produit susceptible de convenir à tous. Le Président de la République a voulu que ce système d'information soit financé et mis à la disposition des MDPH.
C'est très bien mais très complexe. Le système d'information doit être compatible avec les logiciels des services des départements mais aussi avec ceux de l'État puisque l'AAH est financée par ce dernier. C'est un processus coûteux : dans mon département, j'ai 27 000 dossiers à informatiser... Nous aurons du retard.
C'est l'un des premiers chantiers que j'ai ouverts avec la CNSA. En tant que médecin, j'ai vécu l'informatisation à l'hôpital... C'est un préalable pour que les MDPH remplissent pleinement leur mission, alors que depuis 2006, chacune d'entre elles avait élaboré son propre système d'information.
Concernant le lien entre le handicap et la protection de l'enfance, je travaille en concertation avec Laurence Rossignol ; une fiche commune a été élaborée dans le cadre du plan autisme. Je laisserai le soin à Marisol Touraine de vous répondre sur les moyens de la pédopsychiatrie.
Les départements ont pleine liberté dans la généralisation des Cpom. Je suis respectueuse de l'autonomie des collectivités.
Avant même le plan autisme, j'avais donné consigne aux ARS de donner priorité au polyhandicap.
Enfin, sur le décret relatif à la retraite anticipée, je vous ferai parvenir une réponse détaillée.
Je me félicite que Josef Schovanec, dont j'ai pu constater l'intelligence et l'humour à l'occasion d'un événement à Menton, travaille avec vous. Je vous remercie d'avoir répondu à nos questions.
La réunion est levée à 18 h 35.
Audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion
La réunion est ouverte à 16 h 35.