Intervention de Manuelle Salathé

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 26 mai 2016 : 1ère réunion
Rapport « femmes et voitures » — Table ronde sur l'accidentalité routière et les différences de comportements entre les hommes et les femmes au volant

Manuelle Salathé, secrétaire générale de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) :

Les résultats que je vous présente sont ceux de l'année 2015. Nous avons consolidé la base de données nationale des accidents début mai et annoncé les premiers chiffres définitifs la semaine dernière. Je vous présente donc les chiffres les plus récents dont nous disposons.

Avant d'entrer dans le détail du sujet, remettons en perspective les enjeux globaux. En 2015, 3 461 personnes ont été tuées sur la route et l'IFSTTAR estime qu'environ 35 000 ont été gravement blessées. Le second chiffre est une estimation, car la base de données des accidents de la route est alimentée par les forces de l'ordre ; or, en cas d'accidents graves avec décès, la priorité étant d'emmener les blessés à l'hôpital, il arrive que les forces de l'ordre n'interviennent pas et ne puissent donc pas enregistrer ces informations.

70 % des blessés graves sont des usagers vulnérables, alors que la moitié des tués sont des automobilistes. Une grande partie des tués et blessés graves circule en deux-roues motorisés. Motocyclistes et cyclomotoristes représentent moins de 2 % du trafic motorisé, mais 22 % de la mortalité routière et 43 % des blessés graves. Ces tués et blessés sont quasiment exclusivement masculins, à hauteur de 90 à 95 %.

En outre, un tué sur cinq l'est dans un accident impliquant un conducteur novice. Le conducteur novice n'est pas forcément le responsable, mais son manque d'expérience peut aussi entraîner une réaction inappropriée face à un événement imprévu, alors qu'un conducteur expérimenté aurait pu dans des circonstances comparables effectuer une manoeuvre pour anticiper un risque et, peut-être, éviter l'accident ou en atténuer la gravité.

De plus, la mortalité routière des conducteurs de poids lourds est relativement faible (56 conducteurs tués en 2015). La cause des accidents dans lesquels sont impliqués des poids lourds n'est pas tant le conducteur lui-même, en général, que la masse importante du poids lourd : lorsque le véhicule est impliqué dans un accident, les conséquences sont souvent externes au camion. Ainsi, pour un conducteur de poids lourd tué, on recense en moyenne huit morts à l'extérieur, alors que la responsabilité des conducteurs de poids lourds n'est pas très fréquemment engagée (30 % contre 50 à 60 % chez les autres usagers).

Chez les 15-29 ans, la route est la première cause d'accident mortel. Ils représentent ainsi 35 % des blessés graves et 31 % des personnes tuées.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. On parle souvent d'un ratio de trois quarts d'hommes pour un quart de femmes en termes de mortalité routière. Ce ratio se retrouve également parmi les blessés graves.

S'il existe à chaque âge son mode de déplacement et son mode de vie, on constate des différences entre les hommes et les femmes, dès la jeunesse, en termes de mortalité sur la route. En outre, malgré la prégnance des femmes dans la population des 75 ans et plus, le ratio présente une mortalité masculine plus importante, alors que la population masculine est moindre à cet âge.

La carte de la mortalité routière rapportée à la population européenne, en 2009, démontre que le ratio de trois quarts d'hommes pour un quart de femmes se retrouve partout en Europe et n'est donc pas spécifique à la France. Les hommes représentent ainsi 76 % de la mortalité routière européenne rapportée au total de la population hommes/femmes. La situation est stable dans le temps et sur le territoire européen, même si, en Grèce, la mortalité masculine est encore plus importante. On observe toutefois une très légère différence au Danemark et à Malte, avec un ratio plus proche d'un tiers de femmes et de deux tiers d'hommes parmi les tués sur les routes. Mais, de façon générale, ce ratio se retrouve aussi au niveau mondial.

En ce qui concerne les victimes, nous nous sommes demandé si ce ratio était le même selon que les tués étaient conducteurs ou passagers. En 2015, en France métropolitaine, il s'avère que les conducteurs masculins représentent 85 % de la mortalité des conducteurs au volant et que les passagers masculins représentent 49 % de la mortalité parmi les passagers.

Chez les piétons, les hommes représentent 62 % des tués. En revanche, les piétons blessés sont répartis de façon assez équilibrée entre les hommes et les femmes. On remarque par ailleurs que les piétons blessés ou tués sont principalement un piéton d'âge moyen fortement alcoolisé, plutôt masculin, et un piéton âgé de plus de 65 ans, majoritairement féminin.

En outre, l'analyse de la mortalité routière par tranches d'âge de quinze ans révèle un certain équilibre entre hommes et femmes chez les 0 à 14 ans et les 75 ans et plus. Le nombre de femmes tuées sur la route varie peu entre les tranches d'âge 15 à 29 ans (216 en 2015), 30 à 44 ans (100), 45 à 60 ans (126) et 60 à 74 ans (146), pour remonter à 222 pour les 75 ans et plus, alors que, chez les hommes, la mortalité passe de 865 hommes tués chez les 15 à 29 ans à 587 chez les 30 à 44 ans, 469 chez les 45 à 59 ans et 332 chez les 60 à 74 ans, pour descendre à 297 sur tranche d'âge des plus de 75 ans.

Chez les conducteurs, le nombre de tués est assez faible chez les femmes et baisse à tous les âges de la vie (106 femmes de 15 à 29 ans, 74 de 30 à 44 ans, 67 de 45 à 59 ans, 62 de 60 à 74 ans, 57 de 75 ans et plus). Les chiffres masculins sont largement supérieurs, même à 75 ans et plus, avec également une décrue au fil de l'âge (669 conducteurs de 15 à 29 ans tués, 590 conducteurs de 30 à 44 ans, 393 de 45 à 59 ans, 268 de 60 à 74 ans et 174 de 75 ans et plus). Notons également une forte augmentation des conducteurs tués dans la tranche d'âge 65-74 ans en 2015, qui s'explique par le « papy-boom ». La population des plus de 65 ans peut être scindée en deux catégories, ceux dans la tranche d'âge 65-74 ans, encore très mobiles et nombreux, alors que les plus de 75 ans sont plutôt concernés par une forte mortalité piétonne.

Le graphique par tranches d'âge de cinq ans démontre que, quel que soit l'âge, la mortalité des hommes rapportée à leur part dans la population française est plus forte sur la route que celle des femmes. Chez les 18 à 24 ans, la France est très au-dessus de la moyenne européenne de cette classe d'âge rapportée à la population, alors que chez les seniors, elle est du même ordre de grandeur en Europe.

S'agissant de la mortalité féminine, les femmes représentent, en 2015, 38 % des piétons tués (176), 16 % des cyclistes tués (24), 7 % des conducteurs de cyclomoteurs tués (10), mais 25 % de leurs passagers tués (3), 3 % des conducteurs de motocycles tués (19), mais 60 % de leurs passagers (21) et 23 % des conducteurs de véhicules de tourisme tués (296), mais 50 % de leurs passagers (243).

En ce qui concerne les hospitalisations, entre 0 et 14 ans, nous avons recensé 1 182 garçons hospitalisés plus de 24 heures pour 652 filles. On observe par ailleurs un pic masculin vers 7-8 ans, qui correspond à une demande d'autonomie arrivant plus tôt chez les garçons, puis à l'entrée au collège (11-12 ans) et enfin à 14 ans, avec l'arrivée du cyclomoteur qui est principalement utilisé par les garçons.

Chez les automobilistes tués de la tranche d'âge 18-24 ans, on recense 378 hommes conducteurs pour 64 femmes conductrices, et 89 hommes passagers pour 58 femmes passagères.

Les femmes sont peut-être moins sûres d'elles, remettent leurs capacités en cause plus tôt que les hommes et sont plus prudentes, préférant être passagères, reportant la conduite sur leur compagnon, qui arrête parfois trop tard la conduite. Enfin, deux âges font beaucoup de covoiturage en dehors de la famille : les 18 à 24 ans et les plus de 75 ans.

En ce qui concerne les auteurs d'accidents mortels :

- 82,5 % des auteurs présumés d'accidents mortels sont des hommes ;

- 92 % des conducteurs alcoolisés impliqués dans ces accidents mortels sont des hommes ;

- 91 % des conducteurs contrôlés positifs aux stupéfiants sont des hommes.

Chez tous les auteurs présumés d'accidents mortels, la vitesse, l'alcool et les stupéfiants sont des causes importantes entre 18 et 44 ans.

Dans la population des hommes auteurs d'accidents mortels, 21 % sont âgés de 18 à 24 ans et 15 % sont âgés de 65 ans et plus. Chez les femmes auteurs d'accidents mortels, 18 % sont âgées de 18 à 24 ans et 25 % de 65 ans et plus. Ce constat impacte les facteurs en cause dans les accidents : la vitesse (excessive ou inadaptée) est en cause dans 34 % des cas chez les hommes et 22 % chez les femmes, l'alcool dans 23 % des cas chez les hommes et 10 % chez les femmes, les stupéfiants dans 10 % des cas chez les hommes et 4 % chez les femmes. En revanche, le non-respect des priorités concerne 12 % des cas chez les hommes et 19 % chez les femmes, notamment les plus de 65 ans, qui démarrent moins vite ou n'ont plus une bonne vision. L'inattention se retrouve également plus chez les femmes (11 % des cas contre 8 % des cas chez les hommes).

S'agissant de la place des femmes dans les infractions routières, celles-ci représentent, en 2015, 32 % des points retirés et 14 % des permis invalidés.

Nous ne pouvons toutefois pas exclure des possibilités de prise en charge de points retirés par les femmes au profit de leurs conjoints ou de leurs fils. D'après les statistiques du permis de conduire et du ministère de la justice, les femmes sont relativement moins présentes que les hommes dans les délits liés à la sécurité routière (9,4 %, contre 10,6 % pour l'ensemble des délits).

Les femmes représentent en outre 4,5 % des conduites sous l'emprise de stupéfiants, 6 % des conduites malgré la suspension du permis de conduire et 10 % des conduites en état alcoolique en 2013 (pour 6 % en 2000). Enfin, leur part est plus forte dans les atteintes corporelles involontaires non aggravées par l'alcool (23 % en cas d'accidents corporels et 18 % en cas d'accidents mortels).

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