Intervention de Alain Fuchs

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 juin 2016 à 10h00
Audition de M. Alain Fuchs président du centre national de la recherche scientifique cnrs

Alain Fuchs, président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

Merci de votre invitation. Les scientifiques sont sous le feu de l'actualité. Vous avez rappelé la tribune dans Le Monde de plusieurs lauréats du prix Nobel, reçus par le Président de la République. Le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche en France a fortement évolué depuis dix ans. Il n'y a pas d'exception culturelle française : la plupart des pays scientifiquement développés ont réfléchi à la façon de réorganiser les universités, les organismes de recherche et les agences de financement. Nos voisins allemands, avec une recherche-innovation efficace, ont créé des Excellence Initiatives - devenues en France les initiatives d'excellence (Idex), dans le cadre du programme d'investissements d'avenir.

En 2006 ont été mis en place les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (Pres), devenus dans la loi de 2013 des communautés d'universités et établissements (Comue). Il y a, bon an mal an, un effort de continuité depuis plusieurs décennies - même si les réformes se sont accélérées depuis dix ans : on veut reconcentrer le système très morcelé des universités, avec les Pres-Comue et les Idex - outils du programme d'investissements d'avenir (PIA) qui rassemblent des établissements sur un site académique afin de donner aux universités de recherche la possibilité d'être bien classées au niveau mondial. Notre système, qui manque de grandes universités visibles à l'échelle internationale, doit opérer des regroupements avec les organismes de recherche, conduisant à des rapprochements entre les universités et les écoles sur des grandes villes académiques. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007 et la loi Fioraso de 2013 y ont contribué. Même si les termes, les sigles et les statuts changent, ce mouvement va dans une même direction. On espère obtenir une différenciation - et non une discrimination - d'une dizaine de grandes universités, aux côtés d'un tissu d'universités de proximité capables de délivrer de très bonnes formations à des niveaux licence et master - mais peut-être pas dans tous les masters. Cette stratégie est transpartisane et consensuelle.

La création des Pres puis des Comue, qui fait travailler ensemble différents établissements, prend du temps. Ainsi, la ville de Lyon propose la création d'un Idex pour la fin de l'année, avec trois universités, dont l'École normale supérieure et l'Institut national des sciences appliquées... Néanmoins, dans certaines villes qui concentrent de nombreux établissements de grande qualité, il est parfois difficile de les regrouper sous une même bannière. En revanche, la fusion d'universités, qui ont un même statut, a été une vraie réussite, notamment à Marseille, Strasbourg, Bordeaux, en Lorraine... Sont apparus de véritables établissements multidisciplinaires. Le mouvement est en cours. Durant ces mouvements, les universités ont dû gérer leur masse salariale. Il a fallu construire des Comue, des Idex et rapprocher les établissements sur un même site. Cela a pris beaucoup de temps, d'énergie et de moyens pour passer ce cap de l'autonomie des universités. L'ANR a pu avancer des fonds mais après la crise de 2008, ceux-ci se sont réduits. Aujourd'hui, elle est dans une situation financière un peu critique.

Le PIA rassemble beaucoup d'argent extrabudgétaire mais ne paie pas le fonctionnement courant ; cela pose problème en cas de crise. Depuis dix ans, les universités et les organismes de recherche ont des budgets contraints, qui ont été maintenus - en dehors de l'apport des PIA. C'est déjà une bonne chose, par rapport à nos voisins. Lorsqu'on coupe dans le budget de la recherche, elle repart difficilement car les enseignants et les jeunes sont partis. Depuis dix ans, ces budgets se maintiennent en euros courants, mais cela signifie qu'ils ont baissé en euros constants, tandis qu'en Allemagne, le budget fédéral de la recherche augmente...

Les communautés scientifiques, conscientes de la crise économique et financière et de la nécessité de réformes importantes, ont fait preuve de bonne volonté. Le CNRS, très proche des universités - qui hébergent la plupart de nos laboratoires - s'est transformé et a accompagné ces réformes. Nos budgets sont contraints. L'événement d'il y a dix jours a mis en lumière certains problèmes : en milieu d'année, il aurait manqué 50 millions d'euros au CNRS - sur un budget de 3,3 milliards d'euros, certes, mais composé à 70 % de la masse salariale. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) aurait été amputé de 64 millions d'euros, l'INRA et l'INRIA de 10 millions d'euros. À partir du moment où les crédits ont été affectés aux laboratoires et que les cotisations aux organisations internationales - Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), télescopes à Hawaï ou au Chili - ont été payées, le fonds de roulement ne dort pas. Une coupure de 50 millions d'euros nous aurait obligés à interrompre certaines opérations, c'est-à-dire à reprendre de l'argent à des laboratoires : vous imaginez les mécontentements. Telle était la situation il y a dix jours.

Des réformes sont en cours, et nous commençons à voir de réels succès, comme à Saclay, projet compliqué mais en bonne voie. La recherche française est fort renommée, avec de belles réussites scientifiques, une nette amélioration des transferts des résultats de la recherche par la création de start up ou l'interface avec l'industrie française. Dans ce contexte, le soutien à la recherche scientifique est très important.

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